L’Embuscade Une Tragédie Française Couverte Par Le Secret Défense True Crime Stories

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L’Embuscade Une Tragédie Française Couverte Par Le Secret Défense True Crime Stories

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Personnes
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00:00 [Générique]
00:02 [Bruit de porte qui s'ouvre]
00:04 [Générique]
00:06 [Musique]
00:08 [Musique]
00:36 Chaque guerre a ses batailles.
00:38 Celles glorieuses que la nation aime célébrer et les autres que l'on préfère oublier.
00:43 La bataille racontée dans ce film est de celle que l'on voudrait effacer.
00:48 Une tragédie française couverte par le secret défense.
00:52 Elle s'est déroulée le 18 août 2008 dans une vallée, quelque part en Afghanistan.
00:58 Elle a pris le nom de l'embuscade d'Ousbine.
01:02 [Musique]
01:11 Les soldats français étaient pour la plupart de jeunes parachutistes qui effectuaient leur première mission.
01:15 Ils sont tombés dans un piège tendu par des combattants talibans.
01:19 Dix furent tués en quelques heures.
01:22 [Musique]
01:26 Ces images, tournées quelques jours avant la bataille, racontent leur histoire.
01:31 Celle de l'innocence brisée de jeunes de 20 ans qui rêvaient d'aventure et d'héroïsme.
01:35 C'est ça qu'on veut voir papa, c'est ça qu'on veut voir.
01:38 Ok.
01:40 On dirait que d'Afghanistan.
01:43 25 ans que l'armée française n'avait pas subi de pertes aussi lourdes.
01:49 10 morts et 21 blessés en Afghanistan au cours de combats contre des militants talibans.
01:53 C'est un bilan très lourd.
01:55 Les français engagés dans le cadre des forces de l'OTAN ont péri dans une embuscade
01:58 tendue par les talibans à l'est de Kaboul et qui a duré toute la nuit dernière.
02:02 Ces militaires français participent à la force d'assistance internationale.
02:06 Ils ont été la cible d'une attaque des talibans.
02:08 [Musique]
02:18 L'embuscade d'Ousbine est devenu le symbole de la guerre menée par la France en Afghanistan.
02:23 12 années d'un conflit lointain, meurtriers et incompris, sans vainqueurs ni vaincus.
02:29 Adjudant Sébastien Devese,
02:32 Sergent Damien Buil,
02:34 Sergent Nicolas Grégoire,
02:37 Sergent Rodolphe Penon,
02:39 Caporal Mélan Baouma,
02:42 Caporal Kevin Chassin,
02:45 Caporal Damien Gaillet,
02:48 Caporal Julien Levin,
02:51 Caporal Anthony Rivière,
02:53 Caporal Alexis Tahani,
02:56 J'ai voulu que vos noms soient prononcés dans cette cour,
03:00 où tant de noms prestigieux furent prononcés avant le vôtre.
03:05 [Musique]
03:13 Les survivants d'Ousbine forment une fraternité à part.
03:16 Pour la première fois, certains d'entre eux, ceux qui ont quitté l'armée, acceptent de témoigner.
03:21 Les autres n'ont pas obtenu l'autorisation de l'état-major.
03:24 Leurs mots, leurs archives personnelles et les dessins créés à partir de leurs souvenirs
03:31 nous précipitent au cœur de l'embuscade.
03:33 Jamais j'aurais cru me retrouver dans une journée comme le 18 août,
03:44 le jour où je me suis fait engager, ça c'est sûr.
03:46 Quand on voyait qu'on était seul,
03:53 tu te dis quand est-ce que ça va s'arrêter ?
03:56 L'issue elle est où ?
03:58 C'est la vraie première expérience du feu.
04:06 La première et la dernière.
04:11 Des cauchemars ça arrive, ça arrive encore, le fait d'y penser,
04:15 c'est souvent, très souvent, même encore aujourd'hui.
04:20 De toute façon, c'est partie de notre vie.
04:22 [Musique]
04:40 La plupart des soldats tués et blessés à Ousbine appartenaient au 8e régiment parachutiste d'infanterie de marine,
04:46 un régiment d'élite.
04:47 Un an après s'être engagé, les recrues reçoivent l'ordre de partir pour l'Afghanistan.
04:55 Ils intègrent leur nouvelle famille, la section de combat Carmins II,
05:04 emmenée par l'adjudant Gaëtan Évrard.
05:09 Pour eux, il est plus qu'un chef, presque un deuxième père.
05:12 Oui, c'est une section de jeunes parachutistes.
05:16 Oui, elles étaient bien formées.
05:19 Oui, ils avaient une patate d'enfer et je suis vrai, j'aurais suivi l'adjudant Évrard au bout de la terre.
05:26 Voilà.
05:27 Vous savez, l'histoire de ce pays s'est écrite, malheureusement, avec le sang de beaucoup de gamins de 18, 19, 20 ans,
05:34 et bien au-delà, à des périodes très noires dans notre affaire.
05:38 Le combat de la guerre
05:42 Il y en a certains qui n'aimaient pas trop, je me souviens aussi, bon, ils avaient peur,
05:50 mais ce qui est normal aussi, ce qui est compréhensible, quoi.
05:52 Eux, ils voyaient plus le côté que c'était quand même assez dangereux.
05:56 Et puis d'autres, comme moi, je pense, avaient l'envie d'y aller, quoi.
06:02 De connaître au moins ça, quoi.
06:04 Un soldat peut avoir peur, mais...
06:07 Mais...
06:09 Mais quand... Mais il le garde pour soi, quoi.
06:13 Fin juillet 2008, les parachutistes découvrent l'Afghanistan.
06:33 Un pays en guerre depuis 30 ans.
06:37 Le pays est en guerre.
06:40 Le pays est en guerre.
06:43 Le pays est en guerre.
06:46 Le pays est en guerre.
06:49 Le pays est en guerre.
06:52 Le pays est en guerre.
06:55 Le pays est en guerre.
06:58 Le pays est en guerre.
07:01 Le pays est en guerre.
07:05 Le pays est en guerre.
07:07 Quand on arrive vraiment sur le tarmac de Kaboul,
07:11 déjà rien que par la chaleur,
07:13 on voit qu'on est dans un autre pays,
07:15 même par rapport à tout ce qui est extérieur.
07:17 Et on voit qu'on est dans un pays en guerre,
07:20 qu'on a...
07:21 Tout est sécurisé, on prend déjà nos armes,
07:24 rien que le ton des chefs, ça change.
07:26 Voilà, on est dedans, on est arrivé, on est en plein dedans,
07:30 et voilà, ça a bien changé.
07:33 L'Afghanistan
07:35 Moi, c'est ce que je voulais, quand je me suis engagé,
07:41 c'était ça que je voulais, partir en mission,
07:44 voir du pays,
07:46 et puis l'Afghanistan, quand ça s'est présenté,
07:49 c'était en plus avoir du contact.
07:51 On se sent très fort, on se sent invincible,
07:55 on est prêt, il y a une cohésion.
07:57 Ouais, voilà, on va jouer dans la cour des grands.
08:01 Et puis, je ne sais pas si c'est la bonne manière de le dire,
08:03 mais on va faire un peu comme dans les films.
08:05 Un peu comme dans les films,
08:07 sauf que ça ne se passe pas du tout comme dans les films.
08:09 Le côté choquant, dont moi je me souviendrai en tout cas toujours,
08:12 c'était de rentrer dans Waraoos et de voir tous les drapeaux en berne,
08:15 notamment le drapeau français.
08:17 Quand on a vu le drapeau à Mima,
08:20 on s'est dit, voilà, il y a des morts.
08:25 Le lendemain, on a été au dépôt de munitions
08:28 pour récupérer toutes les caisses de munitions.
08:30 Et le type qui nous a donné les munitions nous a dit,
08:33 "Ce n'est pas en servant, je vous en donne beaucoup,
08:35 parce que vous n'avez pas beaucoup, vous en servir."
08:37 Donc nos chargeurs, on les a graillés,
08:43 on préparait notre chargeur,
08:45 et on a fait un petit déjeuner.
08:47 Et on a fait un petit déjeuner,
08:50 et on a fait un petit déjeuner.
08:53 On a préparé notre chasubre correctement,
08:56 par rapport au matériel qu'on avait,
08:58 les grenades d'un côté, chacun rangeait ses affaires.
09:01 Il y avait beaucoup de moments de silence dans ces moments-là,
09:06 parce que chacun était un peu dans sa bulle.
09:09 Le lendemain, on a été au dépôt de munitions
09:11 pour récupérer toutes les caisses de munitions.
09:13 Et le type qui nous a donné les munitions nous a dit,
09:16 "Ce n'est pas en servant, je vous en donne beaucoup,
09:18 parce que vous n'avez pas beaucoup, vous en servir."
09:20 Et on a fait un petit déjeuner.
09:23 Et on a fait un petit déjeuner.
09:26 Et on a fait un petit déjeuner.
09:29 Et on a fait un petit déjeuner.
09:32 Et on a fait un petit déjeuner.
09:36 Et on a fait un petit déjeuner.
09:38 Et on a fait un petit déjeuner.
09:41 Et on a fait un petit déjeuner.
09:44 Et on a fait un petit déjeuner.
09:47 Et on a fait un petit déjeuner.
09:50 Et on a fait un petit déjeuner.
09:53 Et on a fait un petit déjeuner.
09:56 Et on a fait un petit déjeuner.
09:59 Et on a fait un petit déjeuner.
10:02 Et on a fait un petit déjeuner.
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10:10 Et on a fait un petit déjeuner.
10:13 Et on a fait un petit déjeuner.
10:16 Et on a fait un petit déjeuner.
10:19 Et on a fait un petit déjeuner.
10:22 Et on a fait un petit déjeuner.
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10:31 Et on a fait un petit déjeuner.
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10:42 Et on a fait un petit déjeuner.
10:45 Et on a fait un petit déjeuner.
10:48 Et on a fait un petit déjeuner.
10:51 Et on a fait un petit déjeuner.
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11:58 Et on a fait un petit déjeuner.
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12:09 Et on a fait un petit déjeuner.
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12:18 Et on a fait un petit déjeuner.
12:21 Et on a fait un petit déjeuner.
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12:27 Et on a fait un petit déjeuner.
12:30 Et on a fait un petit déjeuner.
12:32 Et on a fait un petit déjeuner.
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12:41 Et on a fait un petit déjeuner.
12:44 Et on a fait un petit déjeuner.
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13:07 Et on a fait un petit déjeuner.
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13:13 Et on a fait un petit déjeuner.
13:16 Et on a fait un petit déjeuner.
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13:22 Et on a fait un petit déjeuner.
13:25 Et on a fait un petit déjeuner.
13:28 Et on a fait un petit déjeuner.
13:30 Et on a fait un petit déjeuner.
13:33 Et on a fait un petit déjeuner.
13:36 Et on a fait un petit déjeuner.
13:39 Et on a fait un petit déjeuner.
13:42 Et on a fait un petit déjeuner.
13:45 Et on a fait un petit déjeuner.
13:48 Et on a fait un petit déjeuner.
13:51 Et on a fait un petit déjeuner.
13:54 Et on a fait un petit déjeuner.
13:57 Et on a fait un petit déjeuner.
13:59 Et on a fait un petit déjeuner.
14:02 Et on a fait un petit déjeuner.
14:05 Et on a fait un petit déjeuner.
14:08 Et on a fait un petit déjeuner.
14:11 Et on a fait un petit déjeuner.
14:14 Et on a fait un petit déjeuner.
14:17 Et on a fait un petit déjeuner.
14:20 Et on a fait un petit déjeuner.
14:23 Et on a fait un petit déjeuner.
14:26 Et on a fait un petit déjeuner.
14:28 Et on a fait un petit déjeuner.
14:31 Et on a fait un petit déjeuner.
14:34 Et on a fait un petit déjeuner.
14:37 Et on a fait un petit déjeuner.
14:40 Et on a fait un petit déjeuner.
14:43 Et on a fait un petit déjeuner.
14:46 Et on a fait un petit déjeuner.
14:49 Et on a fait un petit déjeuner.
14:52 Et on a fait un petit déjeuner.
14:56 A chaque fois qu'on voyait des collègues qui partaient,
14:58 on leur demandait quand ils revenaient alors.
15:00 T'as eu un accrochage ? T'as pas eu d'accrochage ?
15:02 Et jusque-là, je crois pas me souvenir qu'il y a eu un accrochage particulier.
15:08 Donc voilà, tant qu'il y a pas eu d'accrochage,
15:12 on n'est pas encore vraiment dedans.
15:15 Petit retour de patrouille.
15:23 Petit retour de patrouille, ça peut l'être oui.
15:25 Bon, Chef, un petit mot pour la patrouille ?
15:28 Arrête.
15:30 T'as fait des dégâts, mais c'est pas grave.
15:33 L'essentiel, c'est qu'on est bien.
15:35 Allez, ça passe.
15:37 Quelques jours plus tard,
15:42 les parachutistes se voient confier une première mission à risque.
15:45 Patrouiller dans la vallée d'Ousbine,
15:48 connue pour être le point de passage des talibans,
15:50 infiltré depuis le Pakistan voisin.
15:52 Le caporal-chef de Buil prend tout notre groupe
15:54 pour nous expliquer un peu comment ça a se passé.
15:56 On avait pour mission de reconnaître un col
15:59 et de rester en observation toute la nuit.
16:01 Et puis, ils nous annoncent qu'après les informations,
16:04 il y a une centaine de talibans un peu plus dans le nord.
16:07 Et nous, on va aller là-bas,
16:10 donc ça risque d'accrocher.
16:13 Il risque d'avoir un accrochage avec eux.
16:15 Et puis, on va aller voir.
16:17 Et puis, on va aller voir.
16:19 Et puis, on va aller voir.
16:22 Avant de partir, cette mission,
16:24 les gens ont...
16:26 Il y a eu comme un ressenti, je pense, au fond de la section.
16:30 Tout le monde s'est dit,
16:32 cette mission, elle a quelque chose de particulier.
16:34 Donc, je pense qu'il y a beaucoup de monde
16:36 qui vont appeler leur famille ou leurs copines
16:39 pour leur parler, tout simplement.
16:48 Pour préparer la mission,
16:50 une autre section de parachutistes est envoyée en repérage à Ousbine,
16:53 trois jours auparavant.
16:55 Ils établissent un premier contact avec les habitants de la vallée.
17:01 La première personne qui est venue à notre rencontre,
17:07 c'était un afghan qui parlait couramment l'anglais,
17:10 qui se disait de la police, mais qui est habillé en civil,
17:13 et qui était sans arrêt avec son téléphone portable
17:16 pendant la première prise de contact
17:18 avec mon chef de section et moi-même.
17:20 Il inspire de la traîtrise.
17:27 Parce que c'est le premier afghan
17:29 dont on tombait qui parlait couramment anglais,
17:32 qui était sans arrêt avec son téléphone,
17:34 qui posait énormément de questions.
17:36 J'ai trouvé ça bizarre que ce mec-là
17:38 vienne à notre rencontre, alors que l'habitude,
17:40 c'est plutôt nous qui allions à leur rencontre.
17:42 J'ai dit à mon lieutenant, c'est louche, quand même,
17:45 c'est louche que ce gars-là se comporte comme ça.
17:48 Ensuite, on a parti, on a pu relu cette personne-là,
17:55 et on est rentrés à Lafobbe le soir.
17:57 Cette première mission en zone taliban doit durer 48 heures.
18:09 Comme avant chaque départ,
18:13 la section vérifie son matériel.
18:15 - Il faut que ça bosse, là.
18:20 Nous préparons les vaps pour partir en patrouille.
18:25 Voilà comment un taï fait un travail.
18:27 - Qu'est-ce qui se passe, Bep ?
18:31 - Le vap' est bien préparé, là ?
18:33 - Ouais, c'est bon.
18:35 - Voilà le groupe 21.
18:41 - Ca va ?
18:43 - Ca va, ça va.
18:45 Et voilà Riki, le consanguin.
18:47 Le caporal-chef Bill.
18:51 Voilà, Papan.
18:57 Elias, Brahim Hassoun.
19:00 Elias Nino.
19:04 Sergent.
19:06 Tanné.
19:08 Et le chef Grégoire, mon chef d'équipe.
19:10 On commence à se préparer, on devait partir assez tôt.
19:15 On partait avec des troupes de l'ANA,
19:18 c'est l'Armée Nationale Afghane.
19:20 On partait aussi avec les régiments du Marché du Tchad,
19:25 RMT, et aussi avec des Américains.
19:29 Bon, avec nous, on était prêts,
19:31 il devait être 5h, 6h, je sais plus exactement.
19:33 On était prêts, on attend, quoi.
19:36 Il y a des gens qui sont en retard.
19:38 Là, on commence à ressentir un petit peu que ça va être chaud.
19:41 Et qu'on va devoir être sur nos gardes,
19:45 et faire attention aux uns et aux autres,
19:48 et surtout faire attention à la population extérieure,
19:53 et à l'environnement.
19:55 Voilà notre capitaine qui parle avec un afghan.
20:02 - Comment c'est, Bill ?
20:05 - Alors, vous ressentez quoi, là, 48h de terrain ?
20:08 - Bien, aujourd'hui c'est mon anniversaire.
20:10 - Oh, joyeux anniversaire, gros.
20:12 - Et pour ça, le CO, le CO...
20:15 - Vous faites quel âge ?
20:17 - Vous faites quel âge ? 45 ans ?
20:19 - À 30 ans.
20:21 - Par contre, on retourne à 45 ans.
20:23 - On aura le visage bien marqué.
20:26 - Bon, vas-y, viens voir.
20:30 Bon, explique-nous ce qu'on va faire aujourd'hui.
20:33 Skate bien, skate bien.
20:35 Vous tirez le côté positif.
20:37 Positif.
20:38 Non, mais on pensait...
20:40 - Pour la petite blague, depuis que nous avons dit à l'interprète
20:42 que nous allions, il n'arrête pas de téléphoner.
20:44 - Non.
20:45 - Non, à mon avis, on est en train de se foutre tout dans la merde.
20:48 Sachant qu'en plus, il a dit qu'il y avait des Américains,
20:50 il a l'air d'autant plus content.
20:52 - Oh, génial.
20:53 - Et là, on le prend au sérieux, plus ou moins,
20:55 parce que c'est vrai qu'il disait beaucoup de conneries,
20:59 mais là, c'est vrai qu'il était sérieux,
21:01 et puis voilà, l'interprète, ça se voyait qu'il n'était pas serein.
21:07 Donc il posait beaucoup de questions,
21:10 le temps de la mission, où on allait,
21:12 ce qu'il y avait avec nous, tout ça.
21:14 - Un petit mot pour ta femme,
21:18 vu que tu vas mourir aujourd'hui.
21:20 - Je vais mourir, oui.
21:21 - Mais je m'occuperai d'elle, t'inquiète.
21:23 - "Tiri, j'ai écrit à la lueur des balles tracerées."
21:30 "Le canon qui est à côté de moi,
21:32 m'envoie des douilles brûlantes sur le visage,
21:34 mais la douleur est moins intense
21:36 quand je pense à toi, bébé, et que t'aimes."
21:40 - Alors, on part pour l'embarque, les mecs, allez.
21:44 - On est dehors, pèsez les manches, on a les photos plus tard.
21:46 - On a les photos plus tard.
21:49 (musique douce)
21:53 (musique douce)
21:56 (explosion)
22:21 (musique douce)
22:24 - Je pense que sur les coups d'une heure,
22:31 on était en bas au village de Sperkondal.
22:33 Parce qu'en fait, nous, avec les VAB,
22:35 on pouvait plus avoir accès dans le village.
22:37 Et le col, enfin, le col, vous pouviez qu'en y aller à pied,
22:40 donc la patrouille est descendue,
22:43 et nous, les VAB, on s'est mis en position,
22:46 en appui 360 degrés, quoi, chacun dans une tire.
22:49 (musique douce)
22:52 Là, dans le village, on était pas les bienvenus, quoi.
22:58 Les gens nous disaient de partir.
23:00 Ils étaient pas contents qu'on soit là.
23:02 - Quand on descend des véhicules
23:05 pour entamer la reconnaissance du village et la montée,
23:09 on est environ, je dirais, une petite vingtaine.
23:12 Donc on commence à monter, on monte en file indienne.
23:18 On monte, on monte.
23:20 Il fait quand même très chaud, quoi, avec le pactage.
23:23 - Dans ma cabine, j'ai la radio à 1 m de moi,
23:29 donc j'entends tout ce qui se dit, quoi.
23:31 Le chef de groupe demande si en bas, les VAB nous appuient bien.
23:34 Donc voilà, on répond oui, tout se passe bien.
23:37 Voilà, on a mesure de nous appuyer,
23:39 on voit pas de mouvement s'il est là, quoi.
23:41 - Donc on est en train de monter,
23:45 et à un moment, il y a, bah, Noel,
23:47 qui, d'ailleurs, en fait, comme on dit, il fait caisse.
23:50 Avec la température, plus le pactage,
23:54 il y a un coup de fatigue, un coup de chaleur,
23:57 et donc, voilà, on est obligés de s'arrêter.
24:00 Il y a le cabourge chef VAB qui me demande à moi
24:03 de rester avec eux.
24:05 Donc on reste un petit groupe de 4,
24:07 et les autres continuent leur ascension, quoi.
24:10 À ce moment-là, en fait, il y a le cabourge chef Pénon
24:16 qui réhydrate Noel pour qu'il se sente mieux,
24:18 mais on reste un petit peu pour que...
24:20 Voilà, pour le temps qu'il reprenne ses esprits,
24:22 qu'il reprenne ses forces.
24:24 - Il y a une femme qui crie d'un coup,
24:32 qui se met à crier.
24:34 Et là, bah là, ça tirait dans tous les sens.
24:37 - Je pensais que c'était une intercassion,
24:42 que c'était un petit groupe qui nous attaquait,
24:44 et puis bon, voilà, quoi, que ça allait passer.
24:46 - Et je vois ce roquette qui atterrit 5 mètres derrière moi,
24:49 et puis là, j'ai réfléchi, que c'est...
24:51 Mais hop, enfin, je m'affaisse, quoi.
24:53 Je rentre et là, je fais "ouf".
25:03 Dans 2 secondes, je me pose 3 000 questions.
25:05 Mais OK, qu'est-ce qui m'a pris, qu'est-ce que je dois faire ?
25:08 Mes chargeurs sont là, j'ai mes BAB, tout va bien, quoi.
25:10 Enfin, mes bouchons anti-bruit, tout, bon, c'est bon.
25:13 - L'embuscade a été préparée
25:15 pour qu'il n'y ait aucun survivant côté français.
25:17 Les talibans, 5 fois plus nombreux, tiennent les crêtes.
25:20 Julien est en bas, près du village, dans son blindé.
25:24 Non loin de lui se trouve Jean-Christophe,
25:27 lui aussi dans un véhicule blindé.
25:29 Plus haut dans la montée, exposé au tir des insurgés,
25:32 Grégory avec son groupe de 4 soldats.
25:35 Enfin, Mayol, qui appartient à une section de renfort,
25:39 est toujours à la base de Thora.
25:41 - Il est en train de recharger !
25:44 - On est dans le droit avec ces chargeurs !
25:46 - Il est parti, il est exactement sur la position ennemi.
25:49 Il est exactement sur la position ennemi.
25:51 - L'adjudant, il dit au radio,
25:53 on est pris en contact sur la ligne de crête,
25:55 il y en a partout, il faut arroser la ligne de crête.
25:57 Donc là, toutes les 12 7, arrosez la ligne de crête.
25:59 - OK, canon rechargé !
26:01 - OK, là, toi, tu vas...
26:03 - Il a un véhicule en détirement.
26:05 ...
26:10 ...
26:14 - Moi, j'avais des jumelles avec moi,
26:16 et avec les jumelles, j'essayais de voir
26:18 si je pouvais voir quelque chose, si je pouvais aider,
26:20 mais en fait, au final,
26:22 ils étaient tellement bien préparés
26:24 qu'ils avaient construit des genres de cache
26:28 et juste de commettre leur arme
26:31 et regarder vite fait, quoi.
26:33 Donc nous, en bas, on voyait rien.
26:35 - Donc on reste dans le petit groupe de 4.
26:38 - Et il y a le cap... Enfin, les 2 caporal-chefs,
26:40 ils commencent à tirer en direction des feux.
26:43 Et à un moment, en fait,
26:45 il y a le caporal-chef Pénon qui est blessé,
26:47 qui reçoit une balle.
26:49 ...
26:55 - OK !
26:56 - Et notre caporal-chef, Thévalion Bérat,
26:58 il demande à moi et à Noël d'aller le chercher.
27:00 Donc déjà, ça commence un peu à être
27:02 les premières... d'appréhension.
27:04 On le prend comme on peut,
27:06 on peut pas le prendre par la jambe,
27:08 mais on le dégage assez vite.
27:10 Et lui, il a quand même mal, quoi,
27:12 parce que sa jambe doit frotter sur le sol.
27:14 Donc on le prend, on le tire,
27:16 mais c'est assez dur, hein.
27:18 Enfin, c'est pas aussi facile
27:20 qu'on peut le prétendre, quoi.
27:22 Donc on le met à couvert sur l'arbre.
27:25 On lui fait une piqûre de morphine
27:27 et puis on lui donne les nôtres aussi, quoi.
27:29 Il peut plus marcher, mais il est encore capable
27:31 de résonner et de se piquer lui-même, quoi.
27:33 Et puis après, il y a mon caporal-chef,
27:35 il me dit...
27:37 "Ouais, Martin, va chercher l'arme là-bas, quoi."
27:39 Bon, pfff...
27:41 C'est pas facile, quoi.
27:43 25 minutes après le début de la bataille,
27:56 des renforts quittent en urgence
27:58 la base de Tora.
28:00 Le convoi met une heure pour arriver sur place.
28:02 Une heure pendant laquelle les soldats
28:04 suivent en direct, à la radio,
28:06 les combats livrés par leurs camarades.
28:08 J'entendais tous les comptes rendus de Carmain 2,
28:11 donc j'entendais les tirs, évidemment,
28:13 derrière la radio.
28:15 J'entendais le chef de section qui appelait à l'aide,
28:17 ni plus ni moins.
28:19 J'entendais crier autour de lui,
28:21 j'entendais évidemment tous les coups de feu.
28:23 Lui qui disait que toute sa section
28:25 était éparpillée, qu'il fallait vite
28:27 qu'on arrive parce qu'ici,
28:29 ils étaient en train de se faire
28:31 dessouder.
28:34 Le combat est en train de se faire développer.
28:36 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:38 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:40 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:42 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:44 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:46 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:48 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:50 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:52 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:54 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:56 Les soldats sont en train de se faire développer.
28:58 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:00 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:02 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:04 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:06 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:08 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:10 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:12 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:14 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:16 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:18 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:20 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:22 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:24 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:26 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:28 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:30 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:32 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:34 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:36 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:38 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:40 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:42 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:44 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:46 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:48 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:50 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:52 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:54 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:56 Les soldats sont en train de se faire développer.
29:58 Les soldats sont en train de se faire développer.
30:00 Les soldats sont en train de se faire développer.
30:02 Les soldats sont en train de se faire développer.
30:04 Les soldats sont en train de se faire développer.
30:06 Les soldats sont en train de se faire développer.
30:08 Les soldats sont en train de se faire développer.
30:10 Les soldats sont en train de se faire développer.
30:12 Le judan demande ce qui se passe.
30:14 Pourquoi l'appui mortier n'arrive pas ?
30:16 Maintenant, ça tirait tout le temps.
30:18 On appuyait tant qu'on pouvait.
30:20 Le judan continue à répéter,
30:22 à demander un appui mortier qui ne venait jamais.
30:24 Et là, à mon nez,
30:26 le lieutenant du RIMT dit "silence radio".
30:28 Il s'est tué.
30:30 Il ne venait pas.
30:34 Plus les appuis mortiers tardaient,
30:36 plus ils sont s'imbrigués.
30:38 À mon nez, on ne pouvait plus avoir d'appui.
30:40 C'était trop tard.
30:42 Le commandant d'une unité
30:44 décide de nous faire débarquer.
30:46 Et là, commencent les combats
30:48 avec les talibans
30:50 qui étaient en face de nous
30:52 à plusieurs centaines de mètres.
30:54 Invisibles.
30:56 C'était quand même assez frustrant.
30:58 C'était quand même assez frustrant.
31:00 Je me disais "mais qu'est-ce qu'elle fout l'aviation ?
31:02 Les mortiers ?
31:04 Où est-ce que ça en est ?"
31:06 Au bout d'un moment, je vois qu'un hélicoptère arrive.
31:08 Je vois qu'il a envie de tirer,
31:10 mais le combat est tellement rapproché
31:12 que l'hélicoptère, en fait,
31:14 il vient et il repart.
31:16 Ce métier, il est fait d'intelligence
31:22 un peu rationnelle
31:24 et puis à un moment, il reste l'instinct.
31:26 On y va, on n'y va pas.
31:28 On prend la piste de gauche plutôt que la piste de droite.
31:30 On décolle, on ne décolle pas.
31:32 On se pose à un kilomètre ou on se pose dessus.
31:34 Voilà, donc ça, c'est...
31:36 Il y a une grosse part,
31:38 une grosse part d'intuition,
31:40 une grosse part d'intuition,
31:42 et c'est une des difficultés qui peut être biaisée
31:44 par le fait, justement,
31:46 d'aller au secours de l'autre
31:48 et de reprendre, en fait, des risques encore plus fous.
31:50 Toute la question, c'est
31:52 comment arriver à sortir
31:54 de cet encerclement progressif
31:56 qui risque de nous amener à une hécatombe absolue,
31:58 c'est-à-dire la totalité des détachements
32:00 tués par les talibans.
32:02 (bruits de tirs)
32:04 (musique douce)
32:06 (bruits de tirs)
32:08 (musique douce)
32:10 - La section Carmins 2 est décimée.
32:12 Avec l'aide des renforts,
32:14 l'adjudant Évrard tente de se replier
32:16 pour sauver parmi ses hommes
32:18 ceux qui peuvent encore marcher.
32:20 - Évrard a dit qu'ils ne vont plus tenir longtemps,
32:22 que la section est complètement éparpillée,
32:24 qu'il ne sait plus où sont ses bonhommes,
32:26 que lui, il a des morts là,
32:28 qu'ils essaient de se replier.
32:30 Mais qu'à chaque fois,
32:32 quelqu'un se prend une balle dans le corps.
32:34 Qu'il faut vraiment très, très vite arriver,
32:36 intervenir,
32:38 parce que sinon, ils vont tous se faire tuer.
32:40 (bruits de tirs)
32:42 - À un moment donné,
32:44 je vois notre adjudant qui descend avec notre collègue.
32:46 C'est à ce moment où on se rend un peu plus compte
32:48 de la situation, parce qu'eux,
32:50 ils étaient avec une grande partie du groupe.
32:52 (musique douce)
32:54 (musique douce)
32:56 (musique douce)
32:58 (musique douce)
33:00 Et déjà, quand on va descendre,
33:02 on constate que lui, déjà, est blessé.
33:04 (bruit de tir)
33:06 Et c'est là où il nous apprend qu'on est encerclé, quoi.
33:08 Qu'il y a les talibans partout
33:10 et que...
33:12 qu'il n'y a personne qui peut venir nous chercher, en fait.
33:14 - Personne,
33:16 personne ne pourra se mettre
33:18 à la place de l'adjudant Évrard.
33:20 Voilà.
33:22 Je pense qu'il porte toujours,
33:24 lui, au fond de lui-même,
33:26 cette responsabilité écrasante,
33:28 qui est double, en fait.
33:30 C'est peut-être, se dit-il,
33:32 les jours où...
33:34 où...
33:36 où...
33:38 le positif reprend le dessus.
33:40 J'ai pris la bonne décision
33:42 en permettant de sauver
33:44 et de retirer
33:46 l'essentiel
33:48 de ma section.
33:50 Et puis, finalement,
33:52 est-ce que
33:54 on aurait pas pu
33:56 faire plus ?
33:58 Mais c'est tout le temps comme ça.
34:00 C'est tout le temps comme ça. Il vivra avec ça.
34:02 - Donc, voilà, la seule chose qu'on peut faire,
34:04 c'est attendre.
34:06 Attendre ici, pour l'instant,
34:08 en ripostant,
34:10 en essayant de pas faire baisser les têtes,
34:12 essayer de repousser l'ennemi qu'on ne voit pas forcément.
34:14 Et puis...
34:16 en...
34:18 en espérant
34:20 s'en sortir, quoi.
34:22 C'est ça, surtout.
34:24 - Donc, du coup, à ce moment-là, on se sent un petit peu seul.
34:26 On se dit, on est seul au monde.
34:28 Qu'est-ce qu'on va devenir ?
34:30 On va peut-être pas en sortir vivant, quoi.
34:32 - J'ai eu un réflexe,
34:34 à un moment donné,
34:36 un peu plus tard, quand la nuit commençait à tomber.
34:38 J'ai pris une balle de mon chargeur
34:40 et je l'ai mise dans la poche. Je me suis dit, OK, celle-là,
34:42 elle est pour moi, elle me rend pas, quoi.
34:44 - Hum.
34:46 (bruit de tir)
34:48 (bruit de tir)
34:50 (bruit de tir)
34:52 - J'ai vu un de mes camarades, au loin,
34:54 qui était vraiment tétanisé,
34:56 qui avait, je crois,
34:58 bien posé son casque,
35:00 voilà, qui avait peur,
35:02 qui pouvait plus tirer,
35:04 qui avait, il me semble, bien posé son arme,
35:06 cachée contre le rocher, qui ne pouvait plus rien faire.
35:08 - Mais quand on a vu le A-10 arriver,
35:10 le A-10, c'est un peu notre sauveur, quoi.
35:12 C'est un avion américain,
35:14 mais c'est énorme, quoi.
35:16 Ça fait un bruit monstre
35:18 et puis ça découpe une montagne en deux, quoi.
35:20 (bruit de moteur)
35:22 (bruit de moteur)
35:24 (bruit de moteur)
35:26 (bruit de moteur)
35:28 - C'est grâce aux hélicoptères
35:30 et aux avions, surtout américains,
35:32 qu'on arrive à se dégager.
35:34 Et donc, il y a toute cette période de flottement
35:36 où on sait que ce qui se passe est très grave,
35:38 mais on sait pas
35:40 qu'il va être le résultat final.
35:42 (bruit de moteur)
35:44 (bruit de moteur)
35:46 (bruit de moteur)
35:48 (bruit de moteur)
35:50 (bruit de moteur)
35:52 (bruit de moteur)
35:54 - Les bombardements aériens
35:56 et l'intervention des mortiers en fin d'après-midi
35:58 changent le cours de la bataille.
36:00 L'adjudant Évrard
36:02 et son groupe de survivants
36:04 essayent de redescendre au village.
36:06 Julien et Jean-Christophe,
36:08 restés en bas dans leur blindé,
36:10 décident d'aller à leur rencontre.
36:12 - Les messieurs, il faut les évacuer, quoi.
36:14 Et...
36:16 Et à un moment, on s'est regardés, on s'est dit
36:18 "Putain, mais non, on peut pas rester là, c'est mort,
36:20 on peut pas rester là, attendre que ça se passe, quoi."
36:22 Donc on a dit, "Ecoute, on va rentrer dans le village."
36:24 Donc là, on rentre dans le village et...
36:26 On a pas pu, en fait.
36:30 Parce que ça tirait partout,
36:34 on pouvait pas...
36:36 Quand je me suis dit "tirer dessus", j'avais les pneus crevés,
36:38 j'avais mes vitres, elles étaient toutes...
36:40 tous les deux balles, on pouvait pas avancer, quoi.
36:42 Et il me dit "OK, ben là, faut...
36:44 faut partir, quoi."
36:46 On avait pas le choix, vraiment, c'était impossible
36:48 d'aller plus loin.
36:50 On recule et...
36:56 y avait un trou derrière moi, enfoncé, quoi.
36:58 T'entends, ils me mettaient des coups de Rangers dans le casque,
37:00 "Mais tu peux pas, tu peux pas."
37:02 Ben, je me suis démerdé, il fallait que je sorte...
37:04 Moi, je commençais à tomber, quoi, donc il fallait que je sorte
37:06 de là, quoi.
37:08 Et là, je fais peut-être 50 mètres
37:10 et...
37:12 et là, je rencontre un... un roquette.
37:14 Évidemment, il a pas explosé, en fait,
37:26 il a récouché.
37:28 Ça peut être sur les roquettes, y a une goupille,
37:30 il a enlevé la goupille, en fait.
37:32 Voilà. Donc, ce qui fait que le roquette,
37:34 il a... Excusez-moi.
37:36 [Bruits de bouche]
37:38 Non, ça va aller, c'est bon.
37:44 [Bruit de bouche]
37:48 Et... c'est bon.
37:50 Et donc, le roquette
37:52 ricoche sur le véhicule, quoi, en fait.
37:54 Donc, en fait, il tape le véhicule.
37:56 Bon, ça a fait quand même un effet de souffle à l'intérieur, quoi.
37:58 Et ça...
38:00 Ça a fait que... L'air était tout coincé à l'intérieur,
38:02 il fallait que ça sorte, quoi.
38:04 Donc, étant donné que c'était les trappes fermées, tout ça,
38:06 donc, ben... Moi, j'étais...
38:08 On appelle ça "blasté". Blasté, c'est...
38:10 Ouais, c'est un hémorragie interne, en fait.
38:12 C'est une surpression d'air et...
38:14 Donc, moi, je... Enfin, j'étais plus du tout lucide.
38:16 Mon vape, non, moi, c'est plus...
38:18 Euh... J'étais...
38:20 J'étais KO complet, quoi. J'étais...
38:22 J'étais sourd, j'en avais plus rien.
38:24 Et là, j'ai eu un... Tout le temps, il me dit
38:26 "Bah, il faut qu'on... Enfin, faut qu'on...
38:28 Faut qu'on évacue le vape, quoi.
38:30 Faut pas faire autrement."
38:32 Ça veut dire qu'il y a une balle qui arrive
38:34 juste en face de moi, quoi.
38:36 Je suis choqué, quoi, parce que...
38:43 Ça a été pour moi, quoi.
38:45 J'ai eu le réflexe de toucher la vitre,
38:47 voir... Enfin, je...
38:49 J'étais perdu, quoi. Je me suis dit "Putain, mais...
38:51 Elle arrive là, quoi, là-bas, à 5 de moi,
38:53 mais il y avait la vitre, quoi, en blindé."
38:55 Et tout le temps, il me tire par pied. "Allez, faut partir, faut partir."
39:01 J'avais déjà Judan et Bibi,
39:03 qui étaient déjà blessés.
39:05 Et puis là, on commence à...
39:07 À essayer de rejoindre les Vap', quoi.
39:09 Enfin, le Vap' qui était resté,
39:11 parce que les autres, ils étaient...
39:13 Ils étaient partis un peu plus loin.
39:15 On donne un reçoir à l'ordre de partir,
39:17 mais donc... Mais moi, avec mon pilote,
39:19 en fait, on... On entend qu'il y a des...
39:21 Qu'il y a des camarades
39:23 qui vont bientôt descendre.
39:25 Donc, on décide de garder la position,
39:27 et... Parce qu'on se dit...
39:29 On peut pas les laisser comme ça, on peut pas les laisser tomber, quoi.
39:31 -Pendant qu'il y en a deux qui tirent
39:33 pour faire baisser les têtes,
39:35 il y en a deux qui avancent.
39:37 Et ils se cachent, après, ils tirent, nous, on avance.
39:39 Et en fait, pendant ce temps-là, bah...
39:41 Je sais pas pourquoi on n'a pas été blessés,
39:43 mais en fait, les...
39:45 Les balles, c'était...
39:47 C'était hallucinant, quoi.
39:49 Quand on courait, il y avait des balles partout.
39:51 Je sais pas grâce à quoi on n'a pas été touchés,
39:57 mais bon. Par contre, il y a l'interprète, lui,
39:59 qui a été...
40:01 Qui a été... Bah, qui a été tué pendant cette période.
40:03 -Quand je les vois arriver,
40:05 je les vois, ils sont...
40:07 Ils sont blessés,
40:09 ils sont... Ils ont l'air fatigués.
40:11 Enfin, on...
40:13 Je vois qu'ils ont vécu...
40:15 Ils ont vécu l'enfer, là-haut, quoi.
40:17 Moi, avec mon pilote, on me prend la route.
40:19 On fait peut-être
40:21 un quart d'heure de route.
40:23 Ils nous tirent dessus.
40:25 On voit...
40:27 J'entends des impacts de balles sur le VAB.
40:29 Enfin, c'était dur.
40:31 Et en arrivant
40:33 sur la zone d'extraction,
40:35 les blessés sont sortis.
40:37 J'ai crié qu'il y avait des blessés,
40:39 mais on réalise pas trop tout ce qui nous arrive.
40:41 -Le sergent Andrieux a fait une check-list,
40:53 en fait, avec les gens qui savaient qu'il était tombé.
40:55 Et je vais vers le sergent Andrieux,
40:57 et le sergent Andrieux m'avait ri, en fait.
40:59 Il pensait que...
41:01 Il pensait que j'étais mort, quoi.
41:03 Il me dit "Putain, mais t'es là, t'es content de me voir, quoi ?"
41:05 Et là, je vois...
41:07 Je vois un gros qui arrive, et je me dis
41:09 "Putain, mais qu'est-ce qui s'est passé ?"
41:11 Parce que lui était en haut, moi, j'étais en bas,
41:13 on avait pas vu la même histoire, pas vu la même...
41:15 Pas vu les mêmes choses.
41:17 Et là, il me dit... Ils sont tous morts, il me dit.
41:19 Je suis resté sur le cul, quoi.
41:21 Lui, il était choqué,
41:23 il était choqué complet, quoi.
41:25 Il était... Le regard vide...
41:27 Voilà, quoi.
41:31 -À la nuit tombée,
41:37 le bilan de l'embuscade n'est pas encore connu.
41:39 La section de renfort,
41:41 Carmain 3, reçoit l'ordre
41:43 de reprendre le col pour sauver les blessés
41:45 cachés dans la montagne et récupérer
41:47 les corps des soldats décédés.
41:49 -On ratisse, on ratisse,
41:51 et puis là, on commence à tomber sur les premiers morts.
41:53 Donc là, on voit, bah voilà,
41:55 les trois premiers corps,
41:57 trois premières visions
41:59 de la guerre, des morts.
42:01 Surtout, moi, la vision de Tani,
42:13 elle me rend fait un choc,
42:15 parce que c'était un des seuls
42:17 où je connaissais le plus de Carmain 2.
42:19 Donc...
42:21 Voilà, et en plus ayant suivi
42:23 un peu ces combats l'après-midi,
42:25 le voir là, maintenant,
42:27 face à moi, à 3 cm de moi,
42:29 couché au sol,
42:31 la bouche ouverte,
42:33 les mains crispées,
42:35 et dépouillé de tout son matériel,
42:37 c'était vraiment dur.
42:39 Avec du recul, on se dit
42:41 qu'à leur place, on aurait fait pareil.
42:43 Se battre en tongs,
42:45 le premier soldat que tu tues,
42:47 tu récupères son matériel sur lui,
42:49 on aurait fait la même chose.
42:51 Mais c'est vrai que sur le coup,
42:53 c'est marquant, c'est impressionnant,
42:55 il y a de la rage,
42:57 il y a des esprits de vengeance,
42:59 il y a tout un tas de choses.
43:01 On est un peu perdus.
43:03 Et donc là, on est évacués
43:07 sur le camp en Verraus,
43:09 à l'hôpital.
43:11 Moi, j'étais totalement perdu,
43:13 je n'entendais rien,
43:15 je ne voyais qu'une bouche qui bougeait.
43:17 On arrive à Kaboul,
43:27 on décide de me parler,
43:29 j'étais complètement sourd,
43:31 on me demandait de donner mon arme,
43:33 mais je ne voulais pas la donner.
43:35 C'était mon arme,
43:37 je n'étais pas en mesure de me demander
43:39 de lâcher mon arme.
43:41 On m'a dit que c'était pas possible,
43:43 qu'il fallait que je rende mon arme.
43:45 Ils ont mis 10 minutes à m'expliquer
43:47 qu'il fallait que je lâche mon arme.
43:49 À un moment, je me poste,
43:59 je vois à 50 mètres devant moi
44:01 des silhouettes sur la piste.
44:03 Ça devait être des gens
44:05 des amis.
44:07 Et en fait, ils étaient autour
44:09 du corps d'un mien bulle.
44:11 J'avais discuté le matin même avec lui,
44:17 au moment du petit déjeuner,
44:19 avant qu'on ne partent en patrouille,
44:21 il venait d'avoir sa femme
44:23 au téléphone,
44:25 qui lui annonçait que ça allait être
44:27 un garçon ou une fille,
44:29 et qu'il était super content.
44:31 J'ai décidé, on a discuté 2 minutes,
44:33 il me semble que c'était le jour
44:35 de son anniversaire en plus.
44:37 Et il m'a dit,
44:39 "Voilà, c'est le dernier,
44:41 "celui avec qui j'étais allé à la messe la veille,
44:43 "Julien Lepin,
44:45 "qui était quasiment arrivé
44:47 "sur le col,
44:49 "et voilà, avec une balle dans la tête
44:51 "et une balle dans la jambe,
44:53 "tout seul, rien autour,
44:55 "que du sable, que de la roche autour,
44:57 "pas de végétation,
44:59 "et pareil comme les autres,
45:01 "dépouillé de tout le matériel."
45:05 On a allumé les corps, on a aligné les corps
45:07 qu'on avait trouvés.
45:09 Et là, on a fumé...
45:11 J'ai fumé un demi-paquet de cigarettes
45:13 avec mes camarades autour d'eux.
45:15 Ils étaient vraiment assis...
45:17 J'étais assis contre eux.
45:19 Au bout d'un moment,
45:27 moi, j'ai commencé à avoir des nausées,
45:29 donc je suis parti vomir
45:31 un peu sur le côté,
45:33 à côté de lui.
45:35 Certains d'entre nous
45:37 ont un peu craqué,
45:39 dont il y avait aussi des officiers
45:41 qui se sont mis un petit peu en retrait,
45:43 qui avaient les larmes aux yeux,
45:45 comme beaucoup dans...
45:47 beaucoup dans cette équipe
45:49 qui était là sur le col ce matin-là.
45:51 (musique douce)
45:53 - Le lendemain, le président débarque à Kaboul
46:19 et découvre le prix payé
46:21 par les jeunes parachutistes.
46:23 10 tués et 21 blessés,
46:33 tous la même journée.
46:35 Il faut remonter à la guerre d'Algérie
46:37 pour trouver la trace
46:39 de pareilles pertes humaines au combat.
46:41 - Mon souvenir réel,
46:47 c'est un président de la République
46:49 fâché, ça, c'est clair.
46:51 - Contre qui?
46:53 - Bah, fâché,
46:55 parce que, voilà, c'est un échec.
46:57 Quand on a autant de morts,
46:59 personne peut se satisfaire
47:01 de cette situation.
47:03 Face parfois au silence
47:09 ou aux approximations,
47:11 on avait un chef de l'État
47:13 qui, dans la nature de son caractère,
47:15 était plutôt à dire,
47:17 "Il va falloir que vous me donniez des comptes précis
47:19 "sur comment tout ça s'est passé."
47:21 - On veut bien décider d'opération,
47:23 mais on voudrait que ça se passe sans problème.
47:25 Mais non, ça ne se passe pas comme ça,
47:27 ça ne se passe jamais comme ça,
47:29 ça ne s'est jamais passé comme ça dans l'histoire
47:31 et ça ne se passera jamais comme ça dans l'avenir.
47:33 Il n'y a aucune opération militaire
47:35 qui ne comporte de risque.
47:37 - C'était au mois d'août,
47:39 la France est en vacances,
47:41 il ne se passait rien.
47:43 Et tout d'un coup,
47:45 c'est un coup de tonnerre,
47:47 les Français découvrent qu'ils font la guerre
47:49 à l'autre bout de la planète.
47:51 La guerre française en Afghanistan
48:03 a désormais un visage,
48:05 celui des familles des soldats tombés à Ousbine.
48:07 Mais derrière leur souffrance
48:11 la hiérarchie militaire a-t-elle commis
48:13 des erreurs ou des fautes ?
48:15 L'armée française était-elle prête
48:17 à affronter ce type d'insurrection ?
48:19 La bataille quitte le terrain militaire
48:21 pour devenir un enjeu national.
48:23 L'embuscade devient
48:25 l'affaire d'Ousbine.
48:27 - Le président de la République, dans son discours
48:31 aux Invalides, a fait un très beau discours
48:33 sur les vertus du soldat,
48:35 mais il a eu une phrase qui a été
48:37 "Il faudra trouver les responsabilités,
48:39 là vous rentrez dans le fait divers".
48:41 Et ce n'est pas
48:45 surprenant,
48:49 si vous voulez, que la famille dans ce cas-là
48:51 finisse par se dire
48:53 "C'est pas normal qu'il soit mort, etc."
48:55 Il faut quand même qu'on sache pourquoi.
48:57 - En tant que chef des armées,
48:59 je n'ai pas le droit
49:01 de considérer la mort d'un soldat
49:03 comme une fatalité.
49:05 Je verrai les familles
49:07 dans quelques minutes.
49:09 Je veux qu'elles sachent tout.
49:11 Elles y ont le droit.
49:13 Je veux que tous les enseignements
49:17 soient tirés de ce qui s'est passé.
49:19 - Finalement, on a une armée de métiers,
49:23 maintenant,
49:25 et finalement, il y a un espèce de lien
49:27 qui se fait assez rapidement.
49:29 Métier, travail.
49:31 Accident du travail, accident du travail,
49:33 la faute à qui ?
49:35 Ça touche quasiment tout le spectre
49:37 des métiers de notre société.
49:39 Le problème, c'est que le métier
49:41 de soldat n'est pas un métier comme les autres.
49:43 Ça, c'est sûr.
49:45 - Chantal et Jean-François sont les parents
49:51 de Damien Buil, l'un des soldats morts
49:53 dans la vallée d'Ousbine, le jour de son anniversaire.
49:55 Avec 6 autres familles,
49:59 ils ont décidé d'attaquer en justice
50:01 les officiers supérieurs pour n'en assistant
50:03 à rien.
50:05 Ils les accusent d'avoir mal préparé la mission
50:07 et d'avoir envoyé des soldats mal équipés
50:09 en première ligne.
50:11 Avec Ousbine,
50:13 pour la première fois, l'armée française
50:15 se retrouve sur le banc des accusés.
50:17 Et c'est la justice civile
50:19 qui est saisie de l'enquête.
50:21 - Perdre son fils aujourd'hui au combat,
50:25 dans un conflit
50:27 dans le monde,
50:29 je veux dire, ça paraît complètement désuet,
50:31 mais c'est complètement... Avec les moyens qu'on a,
50:33 avec tous les moyens qu'on a,
50:35 un combat, c'est-à-dire du corps à corps,
50:37 comme il y a 50 ans,
50:39 moi, personnellement, je pensais
50:41 que c'était terminé, que ça n'existait plus.
50:43 S'il était tombé
50:45 parce qu'il avait mis le pied
50:47 sur un iodé, ou dans son vape,
50:49 si un iodé avait... Eh bien, bon,
50:51 ben voilà, on aurait dit c'est le destin, c'est comme ça.
50:53 Vous me direz, là, c'est le destin aussi.
50:55 Mais il a été un peu forcé, quand même, le destin.
50:57 Il a été forcé.
50:59 Et c'est pour ça que,
51:01 nous, avec mon épouse et les autres membres de famille,
51:03 on a cette hargne-là.
51:05 On a ça parce qu'on aurait dit
51:07 que ça n'aurait jamais dû arriver.
51:09 Jamais, jamais, jamais.
51:11 Donc, à la suite de ça,
51:13 les familles, sur les 10,
51:15 il y en a 7 qui ont voulu porter plainte.
51:17 Pas contre l'armée.
51:19 Surtout pas contre l'armée.
51:21 C'était la famille de nos enfants.
51:23 La deuxième famille. C'était leur deuxième famille.
51:25 C'est ce qu'ils nous disaient.
51:27 Quand ces gens qui ont
51:29 organisé cette mission,
51:31 on estime qu'il y a eu
51:33 une faute grave, manquement,
51:35 et que ces gens-là doivent être punis.
51:37 Par le fait qu'ils n'aient pris
51:39 même pas un maximum de...
51:41 un maximum de sécurité,
51:43 sûrement pas, un minimum de sécurité.
51:45 Le problème, il est plus ancien que ça.
51:47 Le problème, il est plus ancien que ça.
51:49 C'est que ce pays,
51:51 notre bon, beau
51:53 et vieux pays,
51:55 a été profondément marqué
51:57 par les grandes hécatombes du siècle dernier.
51:59 La première guerre mondiale,
52:01 la deuxième guerre mondiale,
52:03 les guerres coloniales, etc.
52:05 La deuxième guerre, l'Algérie.
52:07 Et puis,
52:09 finalement, il y a une espèce
52:11 d'aversion claire,
52:13 définitive, pour la guerre
52:15 et les pertes humaines.
52:17 Voilà.
52:19 Ousbine, c'est pour moi
52:21 le moment où je découvre qu'on est dans une société
52:23 qui n'a plus de résilience,
52:25 c'est-à-dire plus de capacité à supporter les coups.
52:27 On est dans des sociétés modernes
52:29 qui tentent d'effacer la mort en permanence.
52:31 Et moi, ce qui m'a beaucoup frappé,
52:33 c'est...
52:35 c'est...
52:37 les mauvais débats,
52:39 comme s'il fallait trouver forcément
52:41 des responsables,
52:43 comme si forcément il y avait des gens à mettre en accusation.
52:45 Alors,
52:47 on a perdu...
52:49 je sais pas combien...
52:51 88 morts au moment où je parle
52:53 de soldats en Afghanistan.
52:55 On en a...
52:57 Dans ce décompte macabre, on en a perdu
52:59 beaucoup moins que d'autres pays.
53:01 12 ans d'Afghanistan,
53:03 c'est 22 minutes
53:05 de la guerre de 1914.
53:07 C'est ça, la réalité des chiffres.
53:11 Je mesure
53:13 tout ce qu'il y a derrière
53:15 comme douleur pour les familles
53:17 pour l'avoir partagée et la partager encore.
53:19 On voit tout ça.
53:21 Mais à un moment, si vous voulez,
53:23 la nation, elle,
53:25 doit se dire, jusqu'où
53:27 suis-je prête
53:29 à accepter
53:31 le risque
53:33 pour défendre
53:35 mes intérêts essentiels ?
53:37 C'est ça, la vraie question.
53:39 (Bruit de chants d'oiseaux)
53:41 (Bruit de chants d'oiseaux)
53:43 (Bruit de chants d'oiseaux)
53:45 (Bruit de chants d'oiseaux)
53:47 (Bruit de chants d'oiseaux)
53:49 (Bruit de chants d'oiseaux)
53:51 (Bruit de chants d'oiseaux)
53:53 Nous avons pas fait inscrire
53:55 "mort pour la France".
53:57 Parce qu'il est pas mort pour la France.
53:59 Je regrette beaucoup.
54:01 Il est mort pour la paix dans le monde.
54:03 C'est tout à fait différent.
54:05 Moi, je me suis heurté avec des gens,
54:07 qui sont morts pour la France.
54:09 Mais non, je regrette.
54:11 Ils sont en Afghanistan,
54:13 ils sont pas morts pour la France.
54:15 Morts pour la France,
54:17 il faudrait que ce soit en France
54:19 ou un territoire français
54:21 autre que la France.
54:23 Mais c'est pas le cas.
54:25 Alors on dit la défense de la patrie,
54:27 mais qu'est-ce qu'ils foutent en Afghanistan ?
54:29 Je crois qu'il va falloir que tout le monde
54:31 comprenne, un jour ou l'autre,
54:33 que la sécurité des Français,
54:35 elle est à 27.
54:37 Non, aujourd'hui, la sécurité des Français,
54:39 elle s'entend au plan planétaire.
54:41 Avec du recul, aujourd'hui,
54:43 le fait que l'armée française évacue l'Afghanistan,
54:45 qu'on tourne la page de l'Afghanistan,
54:47 tu te dis quoi ?
54:49 Tout ça pour ça.
54:51 On serait pas venus, ça aurait été pareil.
54:53 Donc, est-ce que mes potes sont morts
54:55 pour une cause juste ou non ?
54:57 Enfin, non.
54:59 Je pense pas, moi.
55:01 Je pense pas, moi.
55:03 [Silence]
55:05 Toi, je préfère pas y répondre.
55:09 [Silence]
55:11 Pour moi,
55:13 ils sont pas morts pour rien.
55:15 Je sais que c'est la vie de...
55:17 de beaucoup d'autres.
55:19 Je sais que c'est très dur pour les familles.
55:21 Je sais qu'on pourra
55:23 jamais se mettre à leur place.
55:25 C'est sûr.
55:27 Mais...
55:29 Voilà, je me dis qu'ils sont engagés,
55:31 ils sont battus pour la France
55:33 et ils sont morts au champ d'honneur
55:35 comme nos grands-parents sont morts en Algérie,
55:37 en Indochine,
55:39 pendant la Deuxième Guerre mondiale.
55:41 C'est le même principe.
55:43 [Musique]
55:45 L'embuscade d'Ousbine a finalement précipité
55:49 le retrait des forces françaises d'Afghanistan.
55:51 Dans nos campagnes,
55:53 certains monuments aux morts font honneur
55:55 aux soldats tombés ce jour-là.
55:57 Mais quel sens donner à leurs sacrifices ?
55:59 Ces hommes sont-ils morts pour la nation
56:01 ou pour d'autres causes
56:03 trop lointaines ?
56:05 Faute de réponse,
56:11 le souvenir d'Ousbine nourrit un sentiment de colère
56:13 chez les familles, d'injustice chez le généraux
56:15 et d'amertume chez les survivants.
56:17 L'opinion publique, elle, a oublié.
56:21 Pourtant,
56:25 cette bataille annonce sans doute
56:27 le sacrifice des prochaines guerres.
56:29 [Musique]
56:33 [Musique]
56:35 [Musique]
56:37 [Musique]
56:39 (Musique douce)
56:42 ...
56:52 ...
57:02 ...
57:18 ...
57:28 ...
57:40 ...
57:45 ...
57:55 ...

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