Gnou _ prédateur en migration - Chronique de l'Afrique Sauvage _ Pierre Arditi _

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La série a pour décor la réserve nationale de Masaï Mara au Kenya, où trois millions d'animaux sauvages nous offrent le plus beau spectacle du monde.

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Transcription
00:30Avec le soutien de Denix
01:01Les Gnous sont les fantassins de la savane.
01:05Un jour de juillet, on les a vus arriver des plaines de Serengeti, en Tanzanie.
01:09Ils avaient envoyé devant eux des éclaireurs
01:12que rejoignirent bientôt les différentes colonnes de leur peuple innombrable.
01:16Aujourd'hui, les Gnous entrent dans la plaine de Masai Mara.
01:19Bientôt, les différents groupes se rencontreront,
01:22se mêleront les uns aux autres pour former la plus formidable armée en marche qu'on puisse imaginer.
01:26Un million et demi de Gnous, accompagnés de 500 000 zèbres, gazelles ou antilopes.
01:35Ils ont marché en quête de leur Eldorado annuel,
01:38le pays des Masai où l'herbe est si verte et où l'eau ne vient jamais à manquer tout à fait.
01:44Mais pour parvenir au pâturage promis,
01:46il leur faudra vaincre l'ennemi mortel qui les attend patiemment,
01:49chaque année depuis des siècles,
01:51et qu'ils ne déçoivent jamais,
01:53la rivière Mara.
01:56La rivière Mara
02:12Roche des eaux de toute une saison des pluies, la rivière les attend au tournant de ses méandres.
02:16Il leur faudra la traverser en plusieurs lieux, en plusieurs temps.
02:19Et la rivière, comme chaque fois, se rebellera, prête à les avaler.
02:22L'affrontement fera des morts.
02:24Mais nous n'en sommes pas là.
02:26Pour l'instant, ils se retrouvent au point de ralliement que l'instinct leur a désigné.
02:30Ils se rassemblent et réorganisent leurs troupes en un front cohérent.
02:33On se compte, on se reconnaît, on se laisse passer.
02:36Bientôt, à la faveur du nombre, on se sentira plus fort, à tort ou à raison.
02:40Jusque là, on a emprunté plusieurs itinéraires distincts.
02:43Désormais, on suivra ensemble une route unique,
02:45celle de la plus grande migration du monde.
03:25Jumbe, le gnou, est le chef d'un clan.
03:27Il aspire à étendre son influence au reste du troupeau.
03:31Il se sait capable de diriger les siens vers la terre promise.
03:34Il en connaît la route et les dangers.
03:42Tout au long du grand voyage, Jumbe devra veiller sur les adultes et sur les jeunes.
03:46C'est l'un des grands mystères du peuple gnou.
03:49Tous les bébés naissent en même temps, deux ou trois mois avant la migration,
03:52de sorte que chacun soit en âge d'y participer.
03:5590% d'entre eux viennent au monde en moins de trois semaines.
03:59Pour cela, les femelles sont synchronisées sur le plan hormonal.
04:02De plus, le principe des naissances simultanées
04:04permet de mieux organiser la protection des petits face aux prédateurs.
04:09Les quelques bébés nés en dehors de la période de pointe
04:12survivent rarement malgré la vigilance de l'étalon qui dirige leur clan.
04:17Jumbe, le gnou, estime que la pause a assez duré.
04:20Il décide de remettre ses troupes en mouvement.
04:22Il lui faut mater le mâle qui prétend rivaliser avec lui
04:25et aiguillonner la mère et son bébé qui s'attarderaient volontiers.
04:29De temps à autre, Jumbe devra accepter de perdre un peu de temps
04:32chaque fois qu'un jeune célibataire désira se mesurer à lui.
04:36L'affaire sera vite réglée.
04:38On se combat à genoux, on s'effleure à peine
04:41et le mâle dominant, vite reconnu d'ici,
04:43dépose sur le sol quelques traces de ses sécrétions pré-orbitales.
04:55Et la longue marche reprend,
04:57entrecoupée de courtes pauses où l'on regagne quelques forces.
05:00Elle est si abondante, cette herbe, que le déluge a gorgé d'eau.
05:03Du fond de l'horizon, d'autres colonnes, d'autres gnous, d'autres zèbres
05:06viennent opérer leurs jambes sur le sol.
05:09C'est le dernier point de ralliement avant la rivière.
05:16Bientôt, ouque porte le regard, la plaine devient brune, rousse, fauve.
05:20Les gnous sont assez nombreux pour défier l'immensité.
05:23Le bruit est assourdissant.
05:25L'odeur des corps et celle des excréments alourdissent l'air brûlant.
05:30On croirait pouvoir toucher tant de fatigue et d'angoisse,
05:33car l'ennemi est là, tout près, qui attend.
05:36Si le vacarme n'était pas si grand, on entendrait la rivière clapoter.
05:39Si la puanteur ne tuait pas les autres odeurs, on sentirait sa vase.
05:49La rivière s'éloigne de la plaine,
05:51et la plaine s'éloigne de la rivière,
05:53et la rivière s'éloigne de la plaine.
05:57Le peuple gnous s'immobilise.
05:59L'heure de la première traversée approche.
06:06Quelques animaux prennent l'initiative.
06:08Ils s'avancent et désignent à leurs congénères le chemin qui mène à la berge.
06:12D'autres les suivent.
06:14D'autres les suivent.
06:16D'autres les suivent.
06:18D'autres les suivent.
06:20D'autres les suivent.
06:22D'autres les suivent.
06:24D'autres les suivent.
06:26Puis d'autres encore.
06:37À cet endroit, la rivière n'est pas très encaissée.
06:39Le courant, pour l'instant, n'a rien de redoutable.
06:42Premier contact avec l'eau.
06:44La rivière se laisse apprivoiser.
06:46Elle a l'éternité devant elle.
06:48Elle peut bien laisser un peu de temps à ses victimes.
06:50Elle les tuera plus tard.
06:54...
07:19Quand passe la migration, mieux vaut pouvoir se réfugier en altitude.
07:23Il était une fois deux frères guépards que l'on nommait les mâles de Talek.
07:27La guerre, ils avaient kidnappé et fait prisonnière Douma, la guéparde,
07:31jusqu'à ce que celle-ci parvienne à s'enfuir.
07:34Les mâles de Talek étaient des conquérants.
07:36Une femelle, un arbre, un territoire.
07:39Tout était bon à posséder.
07:41Ils scellaient leur propriété en y déposant des excréments
07:44ou marquaient leur bien d'une empreinte olfactive
07:47qui voulait dire... danger.
07:53...
08:15Cette année en juillet, comme les autres années,
08:17les guépards de Talek contemplèrent la multitude en marche.
08:20Inutile de se presser.
08:22Pour ceux qui se nourrissent de la vie des autres,
08:24le temps de l'abondance est revenu.
08:26Dans le sillage de la migration se glisseront les guépards et les lions,
08:30les hyènes et les panthères.
08:33...
08:51La rivière Mara abrite un groupe de reptiles parents des dinosaures.
08:55Elle est leur royaume en même temps que leur terrain de chasse
08:58et leur garde-manger.
09:01Le crocodile d'une île surpasse par la taille tous les autres reptiles.
09:05De ses cousins jurassiques, il a gardé une peau cornée
09:08posée sur des plaques osseuses, une puissance redoutable
09:11et un encéphale réduit à sa plus simple expression.
09:15Voici Muadji.
09:17Comme les autres crocodiles, il aime à se prélasser au soleil
09:20sur les berges brûlantes.
09:22Il vit sur une anse de la rivière Mara
09:24où s'est formée autour de lui une communauté de mâles d'âge comparable.
09:42Muadji est le mâle dominant du groupe
09:44et l'un de ses congénères, qui ne voulut pas l'admettre,
09:47laissa un jour un morceau de sa mâchoire.
09:59Quand la chaleur devient trop forte,
10:01les crocodiles gardent la gueule ouverte.
10:03L'évaporation rafraîchit alors les muqueuses
10:05et régule la température corporelle.
10:09Et lorsque ce mécanisme ne suffit pas,
10:11il suffit de mâcher dans le vide
10:13pour mettre en œuvre un système de ventilation additionnel.
10:24Les crocodiles n'ont pas assisté au 1er rendez-vous des gnous
10:27avec la rivière Mara.
10:29L'heureur viendra.
10:31Pour l'instant, Jumbe le gnous reprend son office avec obstination.
10:35Activer les marcheurs de la savane, les exciter
10:37et les pousser dans la bonne direction
10:39quand le sabot s'alourdit,
10:41quand la paresse voudrait gagner du terrain.
10:45Et la marche devient course.
10:47N'oubliez pas, la route est là, qu'ont suivi vos ancêtres
10:50et que vous devez suivre à votre tour jusqu'à l'absurde,
10:53parce que telle est la loi et que tel est l'instinct.
11:05Musique d'ambiance
11:35Musique d'ambiance
12:06Cette fois-ci, la rivière se révèle telle qu'elle est.
12:08Forte, puissante, provocatrice.
12:11Les têtes qui s'inclinent vers ces flots s'interrogent.
12:13Est-ce bien raisonnable ?
12:15Mais la raison n'a pas lieu d'être.
12:17Ici, il n'y a de place que pour la peur,
12:19ce poison ennemi de l'instinct et pour l'énergie aveugle
12:22que met Jumbe le gnous à la combattre.
12:35Musique d'ambiance
13:06Pour la deuxième fois, l'obstacle a été forcé.
13:09Quelques centaines d'animaux se sont noyés pendant la traversée.
13:12Ils sont morts avec discrétion,
13:14comme pour ne perturber ni la course de leurs frères,
13:17ni, à 200 m de là, le sommeil des hippopotames.
13:20Les gnous s'enfonceront plus loin, vers les prairies vertes,
13:23ignorant qu'avant de les atteindre,
13:25ils trouveront devant leurs sabots le dernier méandre de la rivière.
13:28Et les hippopotames, placides, reprendront possession
13:31des eaux qu'ils ne partagent normalement,
13:34avec aucun autre namifère.
13:37Musique douce
14:02Un charnier s'est formé au creux d'un méandre.
14:05La boue des vautours se précipite.
14:08Le premier grand festin de la migration est servi.
14:11Il y en aura pour chacun, à profusion,
14:14jusqu'à l'écartement.
14:26Le coup des vautours déplumés leur permet d'introduire
14:29leur bec au plus profond des entrailles.
14:31Chez les vautours, même en cas d'abondance,
14:33chaque carcasse sera nettoyée jusqu'à l'os.
14:43Un hippopotame mâle tente de faire fuir les braillards
14:46qui gâtent son repos, mais sa gueule béante,
14:48arme de dissuasion très efficace chez ses propres congénères,
14:51n'impressionne guère les charognards.
15:03Pendant ce temps, le banquet continue,
15:05théâtre de rivalité dans lequel certains laisseront quelques plumes.
15:24Un bébé hippopotame d'à peine un an
15:26n'a pas encore le cuir dur des adultes.
15:28La moindre piqûre d'insecte dans l'oreille
15:30ou au creux de la narine peut le rendre fou.
15:32Il sait localiser le danger,
15:34mais comment se débarrasser d'un si petit adversaire ?
15:37Le bébé hippopotame a plutôt été élevé par sa mère
15:39dans la crainte des mâles adultes
15:41qui peuvent le déchirer d'un coup de dent.
15:43Il ignore encore presque tout des tiques
15:45et autres insectes buveurs de sang
15:47que la cohorte des gnous a laissé sur son passage.
16:03Une seule solution ?
16:05L'immersion totale.
16:17Sur la rivière, les carcasses de gnous font office de radeaux.
16:20Les moutours s'y embarquent l'un après l'autre au gré du courant,
16:23mais les rois des airs perdent de leur majesté
16:25quand il s'agit d'avoir le pied marin.
16:33Un vautour navigateur.
16:35Bébé hippopotame n'a jamais vu cela.
16:37Le spectacle mérite qu'on le voie de plus près.
16:42Il s'y embarque.
16:44Il s'y embarque.
16:46Il s'y embarque.
16:48Il s'y embarque.
16:50Il s'y embarque.
16:52Il s'y embarque.
16:54Il s'y embarque.
16:56Il s'y embarque.
16:58Il s'y embarque.
17:00Il s'y embarque.
17:04Un hippopotame adulte a été plus rapide,
17:06et c'est lui qui s'approche en premier.
17:11Ses intentions ne sont pas pacifiques.
17:14Trop de volatiles encombrent son territoire.
17:16D'un coup de gueule, il débarque le charognard
17:18qui se trouve jeté à l'eau à quelques mètres de là.
17:25L'oiseau doit remonter le courant.
17:27En général, ses ailes lui servent à voler,
17:29mais puisque l'occasion s'en présente, il les utilisera pour nager.
17:34Frustré de n'avoir pu s'approcher du vautour,
17:36le bébé hippopotame s'intéresse à l'embarcation,
17:39d'où il l'a vu se faire éjecter.
17:41Une nouvelle déception là-dessus.
17:43L'objet délavé par les flots n'a plus d'odeur
17:45ni aucune forme de consistance qui inclinerait au jeu.
17:53Pendant ce temps, le vautour naufragé revient à bon port
17:55où, comme d'autres victimes, il déploiera ses ailes au soleil.
17:58Jusqu'à leur séchage intégral.
18:15Même pour un hippopotame adulte,
18:17un cadavre de gnous reste un objet de curiosité.
18:20La décomposition, si rapide à pareille température,
18:23le gonfle d'air comme un ballon.
18:25Aussi longtemps que le jeu l'amusera,
18:27l'hippopotame pourra le plonger dans l'eau
18:29et s'émerveiller de le voir toujours remonter.
18:56Jumbe, le gnous, a conduit son troupeau vers des affleurements de sels.
19:00Des générations de gnous, mais aussi d'éléphants, de zèbres ou d'antilopes,
19:04ont façonné ces rochers.
19:06D'année en année, des millions de langues se sont posées sur la pierre
19:09pour y lécher les sels minéraux dont le corps a besoin.
19:14Les gnous sont devenus un peu comme des animaux.
19:16Ils sont devenus un peu comme des animaux.
19:18Ils sont devenus un peu comme des animaux.
19:20Ils sont devenus un peu comme des animaux.
19:22Pendant la migration, le territoire de Jumbe, le gnous, se déplace avec lui,
19:26comme un tapis volant dont il faudrait sans cesse baliser les limites.
19:29Pendant la migration, le territoire de Jumbe, le gnous, se déplace avec lui,
19:33comme un tapis volant dont il faudrait sans cesse baliser les limites.
19:36C'est pourquoi un arbre, dès qu'une peau le permet,
19:38C'est pourquoi un arbre, dès qu'une peau le permet,
19:40est appelé à recevoir des sécrétions muscaies des deux glandes,
19:42situées à la commissure de ce gnome.
19:44.
19:46.
19:48.
19:50de glande située à la commissure de l'oeil.
19:55La grande migration est une cohorte constituée de plusieurs convois.
19:58En tête viennent les gnous, les zèbres, les autres herbivores.
20:02Sur les côtés, derrière le peloton, arrivent les lions, les guépards.
20:06En dernière position, les nettoyeurs de la savane,
20:08hyènes, marabouts, vautours et chacals.
20:11Après leur passage, les seuls signes des carnages seront quelques os
20:16et un peu de cuir.
21:20Pour les autres animaux, avec la nuit ne vient pas forcément le temps du repos.
21:24La savane brise de mille cris et la mort ôte plus encore que le jour.
21:28Ce soir, elle s'incarnera peut-être en une famille de hyènes joueuses,
21:33en un renard ou en un lion solitaire.
21:51Jumbe et le gnous répriment les transgressions
21:52qui peuvent survenir à la faveur du relâchement nocturne.
21:55Les jeunes mâles, pendant le grand voyage,
21:57aussi bien que lors des pauses, doivent demeurer en lisière du troupeau
22:01et n'ont aucun droit d'approcher les harems des mâles adultes.
22:10Le jour de la fin de l'année,
22:11les jeunes mâles deviennent les plus vulnérables de l'époque.
22:14Ils ne peuvent plus s'occuper d'eux-mêmes,
22:15ils ne peuvent plus s'occuper d'eux-mêmes,
22:18sans cesse.
22:19Jumbe maintient la cohésion du troupeau,
22:21remet de l'ordre quand la discipline vient à manquer.
22:25Plusieurs heures avant le lever du jour, quand l'air est encore frais,
22:28ils donnent le signal du départ.
22:30C'est demain que les gnous affronteront les épreuves les plus dures de leur voyage,
22:34demain surtout,
22:36qu'il leur faudra survivre,
22:39s'ils le peuvent.
22:47Grrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr
23:17Le lion voit glisser sur l'herbe l'autotion discret que l'on pourrait confondre avec le chacal.
23:23Il cherche les insectes, les fruits, les œufs ou les souris qui constituent l'essentiel de son alimentation.
23:29La nuit, en somme, la savane ne retient pas son souffle. Elle vibre et respire. Elle exhale l'odeur de la vie et celle de la mort.
23:59Le soleil s'est levé. Taï, femelle vautour de l'espèce oricou, survole la plaine où s'attardent quelques centaines de gnous, exténués.
24:28A coup sûr, tous n'auront pas la force de repartir. Certains se sont blessés en traversant la rivière. Le jeune vautour qui attend sa mère au nid sera gavé, autant qu'il le voudra.
24:48Les blessures les plus fréquentes qu'occasionnent la traversée de la rivière Marat sont des fractures. En particulier, les derniers animaux qui passent s'enfoncent dans les fondrières qu'ont creusé leurs prédécesseurs dans la vase. Ils tombent et se brisent les jambes. Ils doivent alors renoncer à poursuivre leur course. Il ne leur reste qu'à attendre les prédateurs qui voyagent dans leur foulée.
25:19Une foule de lions, guépards, panthères dépend de la grande migration pendant cette période de l'année. Chaque prédateur scrute la masse des voyageurs pour y détecter l'animal affaibli ou blessé, ou encore celui que trop de fatigue jettera bientôt sur les flancs.
25:38Les zèbres et les gnous n'ignorent pas qu'ils sont suivis, épis en permanence. Eux aussi se tournent vers l'arrière pour y distinguer le visage de la mort.
26:09Une lionne part en chasse. Elle se nomme Kigori. Le corps tendu, plaqué au sol pour plus de discrétion, elle s'élance, sans se soucier de ses congénères.
26:30Kigori la lionne observe les proies qui passent devant elle, si proches, si vulnérables. Elle s'approche encore. Les gnous sortent des hautes zèbres les uns après les autres.
26:52Kigori, seul à s'abuser par ce défilé. Le gnous suivant, celui qui n'est pas encore arrivé, celui qui transpercera dans un instant le rideau doré, sera son préféré.
27:12Elle l'attend. Elle l'attend trop. Tous les gnous sont passés. Elle les a tous manqués.
27:27Dans la grande confusion du troupeau en marche, Kigori se fait assister par une congénère. Elle abandonne l'idée de choisir. Le premier animal venu fera l'affaire. Le voici.
27:57Il y a longtemps qu'Unegaya et les girafes de son clan se sont éloignées de la route empruntée par la grande migration. Mais elles peuvent encore, de là où elles se trouvent, contempler cette course à la mort qui les inquiète et met leur nerfs à vif.
28:17A peine son gnous tué, Kigori l'a abandonné pour se repaître avec ses sœurs d'une carcasse de zèbres. L'animal, celui dont la patte était cassée, vient d'être tué sans gloire par une vieille lionne à peine valide.
28:47Tout le clan se rassemble pour se nourrir. Les temps de pénurie ne sont pas éloignés au point qu'on les ait déjà oubliés. Voici deux mois à peine, la faim faisait son œuvre, affaiblissant les corps et tarissant le lait dans la mamelle. Aujourd'hui tout cela paraît si ancien, si obsolète.
29:09Les lionceaux feront ainsi l'apprentissage des saisons. Dans la savane il y a celle de la douleur et celle de l'insouciance. Kigori est la sœur de Simba la lionne, morte depuis trois semaines. Avec d'autres femelles du groupe, Kigori a pris soin des enfants de Simba qui se sont joints à ses propres lionceaux. Et la vie a repris normalement, comme si à l'image de la course effrénée des gnous, rien ne devait jamais s'arrêter.
29:39Les rituels sociaux, les cérémonies des caresses et des coups de langue, les marques d'affection et de fraternité sont restées inchangées. Bientôt Simba la lionne, si courageuse face à la douleur et à la mort, sera tout à fait oubliée. Dans la savane, les lions morts ne se transforment pas en légende.
30:09Non loin de là, la carcasse du gnous tué par Kigori est restée en surveillance. En fait, l'animal n'est pas mort, mais en état de choc. Cette forme d'évanouissement fait partie des inventions que la vie a mise à la disposition des proies.
30:35Elle permet de se faire passer pour mort et, dès qu'une occasion se présente, de s'enfuir à toutes jambes.
30:44Il y a trois heures, un zèbre est mort. Les lionnes l'ont entamé, mais le moment du lion est venu. Et aujourd'hui, le lion déjeunera seul.
31:05En contrebas, près de la rivière règne ce calme dont on dit qu'il précède les drames. Par centaines de milliers, les gnous boivent et se rafraîchissent. Et l'on pourrait presque croire que la rivière est désormais leur alliée.
32:35Pour deux millions d'herbivores, cet instant était un avant-goût du bonheur. C'en est déjà fini, il faut repartir.
33:05Le but à atteindre est proche, à portée de sabot. Il ne leur reste plus à franchir qu'une seule épreuve. Dans quelques heures, ce sera la fin de l'histoire. Pour près de cent mille d'entre eux, la mort, et pour les autres, la terre promise.
33:36L'heure est venue, et la rivière attend le sacrifice qui lui est promis. Déjà, des éclaireurs ont laissé la trace de leur passage.
33:50L'attention monte dans le troupeau. Des étalons se battent, les femelles rassemblent les petits. Tout s'agite.
34:20Une femelle va montrer le passage. Elle traversera en premier, puis viendront les autres, à la grâce du fleuve.
34:50Le fleuve s'éloigne de la rivière.
35:05Le fleuve s'éloigne de la rivière.
35:15À leur tour, Muadji, le crocodile et ses compagnons se mettent en place. Aucune grande migration ne s'est jamais faite sans leur participation.
35:22La traversée se fait dans la douleur. L'eau emporte tout sur son passage, le pied se tord sur les rochers. Ce jeune gnou se noiera s'il ne parvient pas à reprendre ses forces et rétablir son équilibre.
35:34Le courant est trop fort. À cet instant, l'instinct ne donne pas de recette pour vaincre la mort. Il tétanise seulement chaque muscle, chaque nerf, dans une volonté éperdue de survivre à tout prix.
35:49Le gnou, en difficulté, parvient à rejoindre le groupe à troupes.
36:18Ses forces ne résisteront plus longtemps au courant qui lui fouette les flancs et peut-être à la mâchoire d'un crocodile en immersion.
36:29Ça et là, une carcasse lui laisse entrevoir le destin des gnous, trop faible que la rivière assassine. Alors, dans un sursaut, il poursuit son effort, resynchronise ses membres pour aller juste un peu plus loin.
36:51Enfin, c'est fait. La berge qu'on laisse plus se présente, plus ferme, sous le sabot tremblant.
37:08Plus loin, par derrière, la traversée continue. Les gnous et les zèbres se bousculent, s'entassent les uns sur les autres. Le courant les pousse vers l'aval, là où les turbulences sont plus fortes encore.
37:20Cette année, Muadji et ses frères crocodiles n'auront pas à tuer. La rivière le fera pour eux. Il ne leur reste qu'à se mettre en place et à attendre.
37:50Les crocodiles se contentent chaque année de 50 repas en moyenne. Pour eux, la grande migration est l'occasion de se gaver en prévision des dizaines à venir.
38:17Chaque saison, ils guettent cet instant où le sol se met à trembler sous le pas des migrateurs. La migration passée, ils reviendront à un régime plus frugal, en espérant qu'en octobre, la terre tremblera de nouveau quand les herbivores auront pris le chemin du retour.
38:47La plupart de ces animaux ont déjà accompli le grand voyage plusieurs fois dans leur vie. Ils en savent les dangers, ils en connaissent les risques. Mais ils demeurent fidèles au rendez-vous immémorial que leur fixe leur instinct.
39:17D'autres, plus jeunes, découvrent pour la première fois que la rivière peut vous faire tomber. Et tomber encore. Jusqu'à vous faire abandonner l'idée même de survivre.
40:18Quand celui qui croyait mourir s'est enfin affalé, vivant sur les rochers de la berge, il tombe son regard vers l'arrière et ne voit partout que des frères qui luttent à leur tour.
40:31Il y a ceux qui réussissent et ceux qui renoncent. La rivière a vaincu le jeune gnou qui ne veut plus se battre et rebrouche chemin. Il se retrouvera isolé sur la berge que son peuple a quittée, livré aux prédateurs qui l'attendent pour leur prochain repas.
41:01De l'autre côté, celui qui a su réussir se redresse et rejoint les adultes. Il a gagné à la fois sa bataille, sa dignité et sa place sur les pâturages de Maasai Mara. D'autres le rejoindront, arrière-garde pressé après tant d'épreuves de toucher au but.
41:31Lorsqu'ils traversent la rivière, les gnous ne se soucient jamais de savoir si la configuration de la berge opposée leur permettra de remonter sans encombre vers la terre ferme. C'est là la principale cause de mortalité de la Grande Migration.
42:01Muadji et ses compagnons s'avancent vers les carcasses qui les attendent. En quelques heures, ils vont les démembrer, les réduire en quartiers prêts à être avalés. Car le crocodile ne se sert de ses dents que pour tuer ou pour détailler la viande.
42:32Nul ne sait vraiment depuis combien de temps les gnous entreprennent leurs grands voyages. Cependant, des fossiles retrouvés sur le site d'Olduvai prouvent que leurs ancêtres migraient déjà de ces Rengeti à Maasai Mara voici plus d'un million d'années.
42:58De cette Grande Migration, on ignore également les causes réelles. Le Maasai Mara ne manque jamais d'eau, mais d'autres contrées mieux accessibles se trouvent dans le même cas.
43:07Dans l'esprit d'un crocodile, une pierre qui affleure à la surface de l'eau avec des couleurs de chair ombrées doit être un vrai régal.
43:38Muadji, lui, met le croc sur un amoncellement de viscères qui lui donneront du fil à retordre.
43:53De celui qui voudrait dévorer une pierre ou celui qui voudrait avaler des intestins gonflés d'air, lequel trouvera dans son butin le plus de satisfaction ?
44:07Le crocodile est un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'est pas un animal, mais un animal qui n'
44:37n'est pas un animal.
45:07Finalement, c'est la pierre qui fera l'unanimité
45:10en recueillant les suffrages des deux participants.
45:23Le soleil se couche sur une migration qui s'achève.
45:27En octobre, ils reviendront, les gnous et les zèbres,
45:31avec leur cortège de carnations.
45:33Irrésistiblement attirés, cette fois par les plaines du sud.
45:38La rivière les attendra encore, prête, une fois de plus,
45:43à leur offrir le plus grandiose récuyème de toute l'Afrique.
46:03Le soleil se couche sur une migration qui s'achève.
46:06En octobre, ils reviendront, les gnous et les zèbres,
46:10avec leurs cortèges de carnations.
46:12Irrésistiblement attirés, cette fois par les plaines du sud.
46:16La rivière les attendra encore, prête, une fois de plus,
46:20à leur offrir le plus grandiose récuyème de toute l'Afrique.
47:04La création d'Amara.org
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