• il y a 2 ans
Interview confession de personnalités politiques et médiatiques sur des sujets environnementaux

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00:00 [Musique]
00:19 Bonjour Virginie.
00:25 Bonjour Edouard.
00:26 Vous allez bien ?
00:27 Très bien, merci de m'accueillir.
00:28 Avec plaisir.
00:30 Allez-y, s'il vous en prie.
00:31 Installez-vous.
00:32 Virginie Kallmell, c'est une figure influente des médias, de la politique et des affaires.
00:36 Ancienne directrice générale de Cannes+ et du groupe de production Indemol.
00:40 Elle a également occupé le poste de première adjointe d'Alain Juppé, le maire de Bordeaux.
00:44 Passionnée par l'emploi des jeunes, elle fonda Futurae, une école dédiée aux industries créatives,
00:49 des formations éco-responsables axées sur l'image, le web, la créativité et l'entrepreneuriat.
00:55 Bienvenue dans le Déclic.
00:56 Vous Virginie, quel a été votre Déclic en matière d'écologie ?
01:00 Je crois qu'un peu comme tout le monde, on est rattrapé par la réalité.
01:06 Moi j'ai deux enfants et je peux vous dire qu'aujourd'hui, dans le monde dans lequel on est,
01:10 les enfants sont très sensibilisés, peut-être plus que ne l'étaient ma génération ou les générations qui m'ont précédées.
01:16 Et je pense que ce sont les premiers à nous rappeler l'urgence climatique,
01:22 à la fois dans les gestes du quotidien et dans les engagements qui peuvent être les nôtres.
01:27 Par ailleurs, comme vous le savez, moi je me suis engagée en politique aux côtés d'Alain Juppé à Bordeaux
01:32 comme première adjointe au maire.
01:33 Et du coup, en m'engageant en politique, j'ai peut-être pris encore plus la dimension aussi de cette question environnementale,
01:41 étant donné que pour moi, elle n'est évidemment ni de droite ni de gauche,
01:45 qu'elle concerne tout le monde, qu'elle est transversale et qu'elle est essentielle
01:49 parce que nous devons absolument intégrer cette question pour l'avenir du monde et de la planète sur laquelle on vit.
01:57 Mais si on prend un moment, un instant, est-ce que vous avez un déclic, quelque chose qui vous a marqué ?
02:02 Un endroit, un moment où vous vous êtes dit "là, il faut vraiment faire quelque chose".
02:07 Moi je suis une amoureuse de la montagne et notamment de la montagne l'été.
02:11 Et j'ai la chance d'avoir une très très belle vue sur le Mont Blanc.
02:16 Et c'est vrai que quand vous voyez les comparaisons, les photos du glacier, par exemple, des bossons,
02:22 il y a quelques dix ou quinzaines d'années et aujourd'hui, vous voyez le recul totalement visible à l'œil nu des glaciers.
02:31 Donc c'est un exemple très concret et qui forcément nous interroge.
02:35 Puis par ailleurs, il y a une étude qui est sortie qui explique que probablement la vie dans l'univers, dans la galaxie,
02:44 ne serait que sur la Terre. Et je pense que ce type d'études, d'analyses, d'approfondissements aujourd'hui,
02:50 avec tout ce que la science recouvre, c'est une prise de conscience collective
02:55 que nous devons encore plus faire attention à notre planète.
02:58 Et je pense que c'est un deuxième élément de déclic très important pour l'avenir.
03:03 Est-ce que vous vous souvenez de votre premier geste écolo ?
03:07 Ça dépend ce qu'on appelle un geste écolo. Faire le tri des déchets, par exemple, c'est un geste écolo.
03:12 Prendre des douches plutôt que des bains, ça c'est un geste écolo que j'ai depuis très longtemps
03:16 parce que je pense que ce n'était pas dicté que par l'écologie.
03:19 C'était aussi dicté par le côté pratique et rapide. Mais ça, ça fait partie des gestes écolo.
03:26 Couper le robinet et ne pas laisser couler très très longtemps.
03:31 Et à contrario, est-ce que vous avez un péché en matière d'écologie ?
03:34 Moi, j'étais notamment élue à Bordeaux au moment où la LGV à 2h de Paris n'était pas encore en service.
03:42 Donc je prenais plutôt l'avion.
03:44 Et aujourd'hui, c'est vrai que sur une ligne ferroviaire à 2h de Paris, je prends essentiellement le train.
03:50 Est-ce que vous avez un sentiment d'inachevé ?
03:52 Globalement, vous savez, quand vous êtes élue locale, moi, ça a été mon cas.
03:55 J'ai fait de la politique pendant 6 ans comme première adjointe aux maires de Bordeaux
03:59 et comme conseillère régionale et présidente du groupe d'opposition à la région Nouvelle-Aquitaine.
04:05 Il y a énormément de sujets. C'est d'ailleurs l'intérêt de la politique.
04:08 C'est que c'est foisonnant de sujets.
04:11 Et dès lors, vous ne pouvez jamais considérer que vous avez fait le tour
04:14 ou que vous êtes allé au bout d'une action.
04:16 Quand on parle de sujets écologiques, a fortiori, étant donné que ça va révolutionner notre quotidien aujourd'hui,
04:24 mais également, il faut beaucoup de vision parce que c'est une projection sur les prochaines années.
04:29 Est-ce que vous avez quelque chose dont vous êtes particulièrement fière ?
04:33 Une réussite, une innovation, un projet, quelque chose qui vous a marqué ?
04:37 Ce qui me marque, c'est d'être au contact des étudiants dans cette école post-bac
04:42 où on a des bachelors en 3 ans, des masters en 5 ans,
04:45 qui sont plutôt tournés vers les industries créatives,
04:48 en jeux vidéo, en animation 3D, en technique audiovisuelle web,
04:52 en marketing digital, en web design, en communication digitale.
04:56 C'est de voir qu'alors que ce sont, c'est vraiment leur appétence, ce que je viens de citer là,
05:01 quand on leur demande de faire un projet d'école,
05:05 eh bien, ils ont choisi des thèmes RSE,
05:09 et notamment l'année dernière, la protection du lynx ou la protection des littoraux.
05:14 Vous sentez justement qu'il y a une réelle demande chez ces jeunes, d'abord, de traiter de ces sujets ?
05:19 Ça me semble une évidence aujourd'hui.
05:23 Alors nous, dans ce qu'on voulait faire chez Futurae, cette école un peu innovante,
05:27 c'était justement aussi de transmettre ce que moi j'appelle la culture générale du 21e siècle.
05:32 Cette culture générale du 21e siècle, pour moi, elle passe par le développement durable,
05:36 ça passe par la cybersécurité, par la RGPD.
05:39 Vous savez qu'on y reviendra tout à l'heure.
05:41 Exactement, tous ces sujets sont majeurs,
05:44 mais bien sûr qu'aujourd'hui, on ne peut pas passer outre ces sujets.
05:48 Ils sont très importants pour les jeunes.
05:50 D'abord, eux-mêmes en ont la conscience,
05:52 mais nous, dans notre devoir de formation des jeunes,
05:55 il faut absolument transmettre ces notions de responsabilité sociétale, environnementale,
06:03 parce que pour moi, on ne peut pas aujourd'hui aborder le marché de l'emploi,
06:08 ce qui va être le cas de mes étudiants dès qu'ils vont sortir de l'école.
06:12 Ils vont être en contact direct avec le monde de l'entreprise,
06:15 et ils doivent nécessairement intégrer ces notions
06:18 qui vont être fondamentales dans le quotidien, dans la vie privée,
06:22 et également, évidemment, dans l'environnement professionnel,
06:26 étant donné qu'aujourd'hui, les entreprises sont de plus en plus sensibilisées à ces questions.
06:31 Moi, par ailleurs, en parallèle, je suis administratrice de plusieurs sociétés cotées,
06:35 dont Free, Ipsos, pour lesquelles je suis justement en charge du comité RSE ou ESG, comme disent les Anglais.
06:43 Alors justement, vous avez eu une carrière très riche, que ce soit dans les médias,
06:48 que ce soit en politique, aujourd'hui à la tête d'une école.
06:52 Est-ce que la politique s'est concrètement finie ?
06:55 Oh, il ne faut jamais dire jamais.
06:58 Pour le coup, moi, je n'ai jamais eu de plan de carrière.
07:00 C'est pour ça que peut-être que j'ai fait des choses formidables,
07:03 bien au-delà de ce que moi, j'aurais pu imaginer les jeunes.
07:06 Je pense qu'il faut avoir l'humilité de reconnaître qu'il se passe plein de choses
07:10 dans nos vies qui nous dépassent et qu'on n'a pas imaginé.
07:13 Moi, je n'avais pas imaginé faire de la politique à cet âge-là.
07:16 Je pensais en faire un jour dans le cadre d'un engagement citoyen personnel,
07:20 plutôt quand mes enfants seraient grands.
07:22 Il se trouve qu'Alain Juppé m'a appelé à un moment donné où je n'étais absolument pas prête à faire de la politique,
07:28 puisque j'étais en train de faire un LBO dans les médias avec un fonds de pension anglo-saxon.
07:33 Et puis, je me suis dit, c'est Bordeaux, c'est la ville où je suis née,
07:36 c'est là où mon père est enterré, là où ma soeur vit depuis toujours.
07:40 Si je dis non à Alain Juppé, je le regretterais.
07:43 Donc, j'ai dit oui. Mais vous voyez, ça n'a pas été une décision très réfléchie ni très préméditée.
07:48 Ça s'est fait un peu comme ça, par la proposition qui m'était faite
07:53 et l'envie de ne pas avoir de regrets.
07:55 Voilà, c'est sans doute ce qui a guidé un grand nombre de mes choix.
07:58 Et est-ce qu'être une femme aujourd'hui de droite politique,
08:02 c'est plus compliqué d'après vous que d'être à gauche ?
08:06 Quel regard vous portez sur ça aujourd'hui ?
08:08 Alors moi, je ne fais plus de politique politicienne du tout.
08:11 En revanche, quand je crée Futurae, quand je crée une école,
08:14 j'ai aussi l'impression de m'intéresser à la chose publique et politique
08:17 au sens de la cité et au sens de l'avenir des jeunes.
08:20 Après, pour revenir à votre question sur le fait d'être une femme politique,
08:24 déjà, être une femme en politique, c'est plus compliqué que dans le monde de l'entreprise.
08:29 Moi, je n'ai pas eu le sentiment de souffrir beaucoup
08:32 d'être une femme dans toute ma carrière.
08:35 J'ai eu la chance, en tout cas, de peut-être moins que d'autres,
08:38 rencontrer ce qu'on appelle le plafond de verre
08:40 et d'avoir des responsabilités qui m'ont été confiées très jeune.
08:44 Et donc, le problème était plus d'être jeune que d'être femme,
08:47 en l'occurrence, dans mon parcours professionnel.
08:50 En revanche, en politique, on sent qu'être femme, c'est plus complexe.
08:53 Pourquoi ? Parce que d'abord, c'est un milieu qui est quand même assez machiste.
08:56 C'est aussi un milieu où, finalement, il y a assez peu de femmes.
09:00 Du coup, vous êtes plus visible et du coup, on s'attache peut-être plus à votre image,
09:06 à des perceptions qu'au fond.
09:08 Et ça, c'est très, très frustrant quand vous êtes femme,
09:11 d'avoir l'impression qu'on retient moins ce que vous dites,
09:13 mais plus si la couleur de, je ne sais pas quoi, de votre rouge à lèvres allait avec votre tenue.
09:21 Donc ça, c'est une grosse frustration qu'ont beaucoup de femmes, notamment politiques.
09:25 Et puis, par ailleurs, c'est un milieu assez, on va dire, viril au sens de la violence.
09:31 Il y a une violence forte qui s'exerce et du coup, les femmes ne sont pas ménagées.
09:36 Est-ce que l'écologie, d'après vous, c'est le terrain de la gauche ?
09:40 Malheureusement, on va dire que politiquement, sur l'échiquier politique,
09:45 effectivement, les écologistes au sens politique sont plutôt des gens de gauche.
09:51 Mais ça, c'est quelque chose qui me navrassait,
09:53 parce que justement, pour moi, l'écologie, ce n'est ni de gauche ni de droite.
09:57 C'est vraiment, par essence, un des sujets les plus transversaux qui soit.
10:01 C'est un peu comme si on disait le digital aujourd'hui.
10:04 Est-ce que c'est de gauche ou de droite ?
10:05 Ou est-ce que c'est une industrie à part entière ?
10:07 Pour moi, ça a inondé l'ensemble de la société et ça concerne tous les acteurs.
10:12 Et aujourd'hui, même quand vous êtes agriculteur, vous devez maîtriser les outils digitaux.
10:16 Bien sûr, les outils digitaux.
10:17 L'écologie, c'est pareil pour moi.
10:19 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, l'écologie, elle est partout, elle est dans tout.
10:22 Et ça ne pourra fonctionner, et ça ne réussira d'ailleurs,
10:25 que si ça devient le sujet de chacun.
10:29 Est-ce que ce n'est pas plus difficile à porter ?
10:32 Quand justement, on est de droite, et d'essayer d'imposer une idéologie écologiste,
10:36 d'imposer des idées, est-ce que ce n'est pas plus difficile quand on est de droite que de gauche ?
10:40 Non, je pense que la différence, c'est qu'on est peut-être moins dans l'idéologie et dans le sectarisme,
10:46 et peut-être plus dans une volonté de faire cohabiter la notion d'écologie
10:52 avec aussi la notion de performance économique,
10:55 et d'essayer de trouver les solutions pour que l'un ne devienne pas l'ennemi de l'autre.
11:00 Après, il y a des changements à opérer, et clairement, il va bien falloir évoluer,
11:05 et ne pas considérer que tout a été fait et qu'il n'y a plus rien à faire.
11:09 Mais c'est vrai que moi, je ne suis pas partisane d'une écologie punitive.
11:14 Je pense qu'il faut au contraire utiliser les forces économiques de notre pays,
11:19 et tout principalement les entrepreneurs, les gens qui vraiment s'attachent à l'innovation,
11:25 pour développer ce qui va permettre de résoudre des problèmes de demain.
11:30 Et je crois beaucoup qu'aujourd'hui, malheureusement, l'État n'a pas le monopole des actions,
11:37 et ne peut pas non plus, comment dirais-je, influencer la vie de chacun.
11:43 Donc il est important que le diagnostic soit fait par chaque individu,
11:47 et que les mesures correctrices ou les innovations puissent venir de partout,
11:52 du monde associatif, du monde entrepreneurial, et pas uniquement du monde politique en termes d'idées.
11:58 Mais moi, je suis plus attachée à l'action, aux résultats, aux faits,
12:01 et ça, ça vient de partout, et notamment des acteurs privés
12:05 qui investissent beaucoup dans l'innovation et les nouvelles technologies.
12:09 D'où vous est venue l'idée de créer Futur.ai ?
12:11 Alors mon engagement politique local m'a permis de prendre conscience peut-être davantage encore
12:16 du chômage des jeunes, qui est un fléau.
12:19 Plus de 23% des jeunes sont au chômage, 100 000 emplois non pourvus dans notre pays.
12:25 C'est ça qui m'a fait prendre confiance de l'urgence à vraiment avoir des formations
12:32 qui soient extrêmement professionnalisantes.
12:34 Je voyais trop d'entreprises qui peinaient à recruter un certain nombre de jeunes,
12:38 former justement à ces besoins, notamment dans le domaine de l'image et du digital au sens large.
12:46 Et du coup, je me suis dit qu'est-ce que je peux dans cette troisième vie,
12:49 après avoir dirigé des grands groupes, après m'être engagée en politique,
12:52 qu'est-ce que je peux faire pour être utile et pour que ce soit cohérent, en fait,
12:57 à mi-chemin entre le business et l'intérêt général, l'éducation, et quelque chose de passionnant.
13:03 Moi, je crois beaucoup à la transmission.
13:05 Et je pense que je pouvais aussi aider tout un tas de jeunes à non seulement avoir la bonne formation,
13:13 mais aussi avoir les bons réseaux, puisque j'ai plus d'une trentaine de CEOs,
13:17 de patrons d'entreprises qui interviennent chez Futurae, du patron de Google, Microsoft, YouTube,
13:23 en passant par Ubisoft, en passant par Xavier Niel, les patrons de Free, etc.
13:28 Donc l'objectif, c'est aussi, et je y crois beaucoup, moi, une école de l'égalité des chances
13:32 et la volonté que les jeunes puissent aussi avoir un accès plus facile à des formations très professionnalisantes
13:41 et à des dirigeants très inspirants.
13:43 Pour vous, il n'y avait pas de formation dans ce secteur ?
13:46 Il y en a qui existent, il n'y en a pas beaucoup.
13:49 Nous, on est sur un modèle qui est plus anglo-saxon que français,
13:51 c'est-à-dire qu'on est très focalisé sur la certification de compétences,
13:55 on est un peu moins attaché aux performances passées,
13:58 on est plus regardant sur les potentiels d'avenir, le potentiel créatif, notamment de nos étudiants.
14:05 Donc on est un peu moins attaché aux résultats académiques.
14:08 Le système français est très, très lié à vos performances passées.
14:14 Et nous, on pense qu'il y a d'abord beaucoup de talent dans chacun, mais qu'il faut aller le déceler.
14:20 Et notamment, je pense qu'en France, on ne décèle pas assez les talents créatifs,
14:24 on ne les valorise pas assez, alors qu'une fois encore, pour moi, le monde de demain, il sera au créatif.
14:29 On a besoin, et on le sent bien en matière d'écologie, mais pas que.
14:32 Dans tous les domaines, on a besoin d'inventer des nouveaux modèles,
14:35 on a besoin de se projeter vers un monde qui n'existe pas, qui n'est pas en tout cas l'ancien monde.
14:41 Donc il y a besoin de créativité, il y a besoin de penser "out of the box", comme disent les Anglais.
14:46 Et je trouve que ces qualités-là ne sont souvent pas assez reconnues dans le cursus académique tel qu'il existe en France.
14:53 D'où la volonté de créer une nouvelle école.
14:56 Comment la transition écologique influence le regard que vous portez dans la formation et dans cette école ?
15:02 Très clairement, même si ce n'est pas le cœur de l'enseignement,
15:07 c'est déjà en ayant rendu obligatoire ce qu'on appelle des "smart modules" dans ce domaine-là,
15:13 c'est-à-dire qu'il y a une formation ou une acculturation à tous ces sujets de responsabilité sociétale et environnementale.
15:22 C'est très important.
15:23 Donc un accent très fort sur la RSE ?
15:25 Absolument, avec des modules dédiés.
15:27 On a la chance d'avoir par exemple Marie-Claire Daveux, qui est la patronne chez Kering de tous ces sujets-là,
15:33 qui intervient dans l'école et d'autres personnalités qui viennent comme ça délivrer un savoir dans ces domaines
15:40 pour justement sensibiliser nos étudiants à cela.
15:43 On a aussi ces projets transverses, projets d'école dont je vous parlais tout à l'heure, où ils ont fait des choix.
15:49 C'est les étudiants eux-mêmes qui ont voulu traiter de la défense du lynx ou de la protection des littoraux.
15:55 Justement, en parlant des étudiants, quels sont les défis aujourd'hui qu'ils rencontrent ?
15:59 Qu'est-ce que vous entendez dans votre école ?
16:01 Quels sont les défis, les opportunités pour eux liés à cette transition énergétique dans les métiers de demain ?
16:07 Globalement, ça créera des nouveaux métiers et cette école a été aussi faite parce qu'on est conscient.
16:14 Ce n'est pas moi qui le dis, c'est des études faites par le Bureau du travail américain par exemple,
16:18 et que 85% des métiers de 2030 n'existent pas encore.
16:22 Donc, il faut avoir aussi cette humilité de se dire qu'au fond, on forme à des métiers existants,
16:28 mais on veut surtout avoir des étudiants qui soient en capacité d'apprendre à apprendre
16:34 et surtout de faire évoluer, d'utiliser des compétences pour demain se préparer à des métiers qui n'existent pas encore.
16:41 Et typiquement dans ces domaines, il y a énormément de métiers qui vont voir le jour
16:47 et que ni vous ni moi ne connaissons aujourd'hui.
16:50 Et c'est ce qui est assez passionnant d'ailleurs, c'est que justement, il va y avoir plein de choses nouvelles qui vont exister.
16:56 Nous, l'important, c'est de former nos étudiants à des compétences qui seront des compétences nécessaires
17:02 pour appréhender ces nouveaux métiers qui n'existent pas encore.
17:05 Est-ce que vous avez quelques idées sur ces nouveaux métiers qui n'existent pas ?
17:09 Est-ce qu'il y a des tendances ? Est-ce qu'il y a des choses que vous pouvez nous dire sur justement aujourd'hui les jeunes ?
17:14 Quels seront leurs métiers en 2030 ?
17:16 Typiquement, et c'est pour ça que j'ai créé Futur.ai, c'est en partant du principe que le monde de demain sera créatif,
17:21 que le monde de demain aura besoin d'images, de data, et que Futur.ai est vraiment au carrefour de ces notions.
17:30 Donc on est résolument tourné vers les industries créatives, on est très puissant sur le monde de l'image
17:36 par tout ce qui est animation 3D ou jeux vidéo, les techniques audiovisuelles web,
17:41 tout ça, ça nous semble capital pour des métiers qui n'existent pas encore.
17:45 Là, on embrasse pas l'étendue, le champ des possibles est très large.
17:51 D'abord, il y a des métiers qui existent aujourd'hui et qu'on aimerait pas voir disparaître faute de transmission,
17:57 et notamment les métiers manuels qui sont des beaux métiers,
18:00 mais qui malheureusement parfois peinent à être transmis à des nouvelles générations.
18:05 Mais nous, on n'a pas l'ambition d'embrasser tous les nouveaux métiers,
18:08 on s'est limité à un champ qui est celui des industries créatives.
18:12 Et je vous assure que dans ce champ-là, il y a une multitude de...
18:16 Il y a beaucoup à faire.
18:17 Absolument, à la fois dans la narration ou dans le design, ou dans le storytelling,
18:21 ou dans l'invention de personnages, tout ça a beaucoup, beaucoup de résonance.
18:27 Et le jeu vidéo lui-même devient quasiment un média en tant que tel, on le voit les jeunes aujourd'hui.
18:33 Quand ils jouent à Fortnite, en fait, ils sont au-delà d'un jeu, ils sont dans un univers qui est carrément un média.
18:40 Qu'est-ce que vous pensez de la déclaration de Jean-Marc Jancovici
18:43 pour limiter à quatre vols par vie, quelque part, et par utilisateur ?
18:49 Alors moi, je ne fais pas partie des personnes qui pensent qu'il faut tomber dans l'outrance pour convaincre.
18:56 Je pense que c'est le contraire.
18:58 Je pense qu'à vouloir trop démontrer, malheureusement, on a la démonstration inverse.
19:03 Et c'était tellement poussé, expliqué, qu'on va pouvoir voyager que quatre fois dans une vie.
19:09 Mécaniquement, c'est prendre le risque qu'un propos qui est plutôt... c'est un homme intelligent.
19:16 Et donc, c'est prendre le risque d'être soit caricaturé, soit totalement dénaturé, voire totalement incompris.
19:24 Et donc, je trouve que c'est de la communication qui, en tout cas, moi, ce n'est pas la mienne.
19:29 Ce n'est pas ma façon de faire.
19:30 Je la trouve trop excessive.
19:32 Et comme disait Talleyrand, tout ce qui est excessif est insignifiant.
19:36 Et je crains qu'à être trop dans l'outrance, eh bien, il rate son objectif.
19:41 C'est peut-être aussi difficile à mettre en place quand on pousse notamment des étudiants à faire des stages à l'étranger.
19:46 On voit bien que cette nouvelle génération a envie de parcourir le monde, d'échanger, d'aller voir d'autres cultures.
19:53 Est-ce que ce n'est quelque part pas un paradoxe entre ce qu'il est préconisé de faire et ce que concrètement on arrivera à faire ?
20:00 Alors moi, déjà, ce que je n'aime pas trop, c'est les discours trop culpabilisants, mais notamment pour les jeunes générations.
20:05 On a déjà vécu ça pendant le Covid.
20:07 Alors on a culpabilisé les jeunes qui, potentiellement, allaient tuer leurs grands-parents, leurs arrières-grands-parents.
20:13 J'ai trouvé ce discours assez dérangeant.
20:15 De la même manière, c'est quand même très culpabilisant d'aller expliquer que finalement, des générations entières ont buisé dans les ressources qui étaient celles de la planète,
20:25 pour maintenant dire aux jeunes, alors vous, quatre voyages dans toute une vie.
20:29 Je trouve que c'est effectivement d'abord assez antinomique, avec la chance qui est la nôtre, de voir un progrès technologique.
20:38 Moi, je vois ma génération, en une vie, on aura quand même connu du fax au téléphone portable, en passant par, vous vous rendez compte, des multitudes,
20:48 et notamment l'Internet qui n'existait pas, moi, quand j'étais jeune.
20:52 Donc, on a un espace de temps qui est quand même assez réduit, c'est-à-dire moins d'une vie, une demi-vie, vous avez déjà un bouleversement technologique incroyable.
21:03 Et donc, nos enfants vont connaître ce bouleversement, cette accélération toujours de la technologie.
21:09 Et je trouve que c'est culpabilisant de vouloir réduire à ce point-là, notamment, les voyages et l'ouverture au monde.
21:17 Comment on peut aider, justement, les jeunes étudiants aujourd'hui à trouver un équilibre entre croissance, entre préservation du patrimoine,
21:24 sans rentrer dans une idéologie ? Qu'est-ce que vous leur préconisez aujourd'hui ?
21:28 Là encore, c'est un peu ce que je vous disais tout à l'heure.
21:31 Moi, si je devais résumer, je dirais qu'il faut que chacun fasse un peu son analyse de conscience de « est-ce que c'est vraiment essentiel ou pas ? »
21:40 ou « est-ce qu'il y a une autre possibilité ou pas ? ».
21:43 Mais de là à dire « restez chez vous, bougez plus et ne voyagez plus », je trouve que c'est une caricature.
21:50 En plus, un peu ridicule, c'est qu'on a une tendance à s'autoflageler, alors qu'on sait que les plus grands pollueurs ne sont pas les Français.
21:57 Donc là encore, que nous, nous prenions notre part dans ce travail et dans cette façon de comprendre le monde de demain, c'est très bien.
22:06 De là à vouloir être plus vertueux que vertueux, voire caricatural en laissant des très gros pollueurs continuer sur la planète, moi ça me dérange.
22:15 Et surtout, ça ne peut pas se faire au détriment de l'avenir de nos jeunes.
22:19 Je ne crois pas qu'on va mobiliser notre jeunesse si on leur explique qu'ils vont rester chez eux sans bouger et sans être connectés au monde.
22:28 La jeunesse aujourd'hui, elle est née avec un téléphone greffé à l'oreille.
22:33 Donc globalement, on ne va pas demain et là aussi, pardon, mais si on parle d'empreintes carbone,
22:38 les millions de data qui sont échangées et les appareils de grande connexion, ils sont aussi émetteurs.
22:46 Et donc c'est un problème aussi au regard de l'émission de carbone.
22:50 Donc c'est un équilibre et comme toujours, il me semble que justement, il faut rester dans l'équilibre et pas dans la démesure, soit dans un sens, soit dans l'autre.
22:59 Sans doute qu'à un moment donné, il y a eu des excès. Pourquoi ? Parce qu'on avait peut-être tout simplement oublié que les ressources,
23:05 elles étaient limitées, que la planète, on n'en avait qu'une.
23:08 Et il y a peut-être une génération qui finalement était assez peu mobilisée à ces sujets.
23:14 Aujourd'hui, on a la chance d'avoir une jeune génération qui se sent totalement mobilisée.
23:19 Tant mieux. Et je pense que c'est d'eux que viendront les bonnes pratiques.
23:24 Il ne faut pas leur couper les ailes et leur expliquer qu'à cause de ça et parce qu'ils vont être les plus vertueux des vertueux,
23:30 ils vont se couper du monde, couper de la vie, couper du voyage, couper de la découverte.
23:35 De mon point de vue, ça n'a pas de sens.
23:37 Comment vous arrivez chez Futuray justement à intégrer cette transition énergétique, cette neutralité carbone ?
23:43 Est-ce que vous avez mis en place une charte ? Est-ce qu'il y a des actions particulières, des infrastructures BBC ?
23:49 Comment vous avez justement, vous, pris cette transition énergétique au sein de l'école ?
23:54 On l'a pris modestement, mais comme c'était un campus qui a été créé de rien il y a trois ans à Boulogne-Billancourt,
24:00 on a choisi clairement de faire un campus vert.
24:03 D'abord entouré de verdure, donc c'est au sens premier du terme, ensuite avec une énergie verte.
24:11 Ensuite, en ayant absolument banni le plastique par exemple, en ayant voulu dans nos petits gestes quotidiens,
24:21 mettre en place des choses qui sont un peu plus vertueuses.
24:25 Pour autant, là encore, il ne faut jamais se prétendre plus vertueux qu'on est.
24:30 On est aussi une école du digital qui du coup utilise de la bande passante, beaucoup de data, de l'image.
24:39 Donc forcément, on n'est pas sur du zéro carbone.
24:43 Merci Virginie Colmetz d'avoir participé au Réplique.
24:46 Merci.
24:47 [Musique]

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