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Interview confession de personnalités politiques et médiatiques sur des sujets environnementaux

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00:00 [Musique]
00:25 [Bruit de porte]
00:29 Ah bonjour Kevin !
00:31 Bienvenue !
00:33 À 33 ans, Kevin Goldberg, diplômé de Sciences Po, spécialiste en politique européenne,
00:37 a pris les rênes de l'ONG Solidarité Internationale,
00:40 un parcours auprès de parlementaires et d'élus locaux à Bruxelles puis à Paris,
00:44 et c'est finalement son engagement pour la planète qui l'oriente sur le terrain associatif.
00:48 Sous sa direction, Solidarité Internationale, avec son engagement écologique prononcé
00:53 et son leadership innovant, est devenu une référence humanitaire.
00:57 Bienvenue dans le Déclic !
00:59 Kevin Goldberg, c'est quoi votre déclic écologique ?
01:02 À quel moment on se dit "là c'est un moment important, il faut que les choses changent" ?
01:09 Mon propre déclic écologique, je dirais qu'il date d'il y a longtemps,
01:12 ça fait très longtemps que la question de l'habitabilité de notre planète,
01:17 de la soutenabilité de notre mode de vie me préoccupe.
01:20 Je pense que d'avoir vu, notamment dans toute une série de pays,
01:24 y compris les pays les plus pauvres, l'impact que peut avoir notre mode de vie
01:29 en termes de pollution, de déforestation, c'est des choses qui marquent.
01:33 J'ai eu la chance, y compris en fin de lycée, de commencer à voyager autour de cette planète
01:39 et donc de voir cette pollution et cet impact, ça m'a profondément marqué.
01:43 Vous vouliez faire quoi, enfin ?
01:45 Ça vous fait rire, mais à un moment j'ai songé être journaliste,
01:48 et puis je me suis dit que finalement...
01:50 Engagé !
01:51 Engagé, pour un bon point.
01:53 Et puis en fait, je me suis dit que finalement, le fait d'être plutôt du côté des acteurs,
01:57 et des acteurs de terrain qui peuvent un petit peu changer les choses,
02:00 me semblait être un horizon qui allait me passionner, et ça se confirme.
02:04 Et du coup, votre premier geste écologique ?
02:07 Je pense que mon premier geste, ça a été au moment où j'ai pu avoir ma propre vie,
02:11 mon autonomie, de concrètement réfléchir à la durée de ma douche,
02:16 le tri pour les poubelles, mais aussi les allers-retours en train
02:20 et les aventures, etc. Des choses très concrètes de la vie du quotidien.
02:23 Est-ce que vous avez un péché aujourd'hui écologiste ?
02:25 Parce que c'est difficile de se dire que...
02:27 On peut être zéro carbone, c'est vraiment difficile,
02:29 donc il y a bien un péché où là vous dites "il faut que je fasse attention", non ?
02:32 Alors je suis loin d'être irréprochable et exemplaire.
02:36 Des péchés, je pense que j'en ai plusieurs.
02:39 D'abord, j'ai un travail qui m'amène à prendre régulièrement l'avion.
02:42 En parlant de moi d'ailleurs.
02:44 Ensuite, il se trouve que je ne suis pas 100% végétarien.
02:47 Je peux limiter ma consommation de viande, mais je continue à en manger.
02:50 Et puis, je dirais qu'il y a toute une série de choses
02:53 où je suis quand même dans une société de consommation,
02:55 il m'arrive d'acheter des choses, parfois neuves.
02:57 Et donc oui, évidemment, j'ai un impact écologique, c'est normal,
02:59 c'est le propre de tout un chacun.
03:01 En tout cas, on y fait attention.
03:03 Si vous deviez être aujourd'hui le père de quelque chose,
03:05 peut-être d'une loi, peut-être d'une association,
03:07 là où vous êtes à la tête aujourd'hui de Solidarité Internationale,
03:11 peut-être un événement, ça aurait pu être quoi ?
03:15 - Une question difficile. - Qui existe déjà.
03:19 - Qui existe déjà.
03:21 Moi, j'aimerais bien qu'à un moment, il y ait cette prise de conscience
03:24 qui se transforme en quelque chose un peu concret,
03:27 en termes de capacité pour notre façon d'agir et de consommer,
03:31 etc., au quotidien.
03:33 - C'est l'éducation peut-être ?
03:35 - J'irais même un peu plus loin.
03:37 Pour moi, il y a un sujet à un moment de quelles règles
03:39 on se fixe collectivement autour de cette planète.
03:41 Et donc, si je devais choisir, je pense que ce serait
03:43 participer à cette élaboration d'une COP qui, à un moment,
03:47 prend des décisions fortes, prend en compte les questions
03:49 et d'inégalité et d'écologie d'un point de vue planétaire.
03:53 - Une grande réalisation que vous auriez aimée,
03:58 ou en tout cas, que vous avez déjà mise en place ?
04:00 - Je ne sais pas si j'ai eu des grandes réalisations.
04:02 Ce qu'on a, c'est plutôt des petites étapes.
04:04 On essaie de faire mieux que ce qu'on faisait par le passé.
04:06 Une des réalisations que je peux aujourd'hui prendre un petit peu en compte,
04:10 c'est le fait d'avoir de plus en plus poussé pour que le sujet
04:13 environnement et écologie soit dans la dimension de l'action humanitaire.
04:17 Quand vous prenez les acteurs humanitaires,
04:19 aujourd'hui, le gros de notre focus, c'est quoi ?
04:21 C'est des situations de conflits, de guerres,
04:23 c'est des situations où on va sauver des vies.
04:25 Le sujet environnemental, là-dedans, il a longtemps été assez loin,
04:28 un petit peu éloigné, dans une logique de "il y a des ONG environnementales,
04:31 c'est pas nous".
04:32 Et en fait, aujourd'hui, ce dont on se rend compte,
04:34 c'est que c'est au cœur de notre action.
04:36 - Solidarité internationale, aujourd'hui, vous êtes le jeune
04:39 directeur général.
04:41 L'enjeu principal, peut-être, c'est finalement l'eau ?
04:45 - Alors, chez Solidarité internationale, qui a effectivement plus de 40 ans
04:49 d'existence, depuis longtemps, l'enjeu principal, c'est sauver,
04:52 changer des vies de celles et ceux qui sont face à des crises majeures,
04:55 des conflits, des catastrophes naturelles.
04:57 La question de l'eau, c'est un des gros savoir-faire qu'on peut avoir
05:00 aujourd'hui, axé à l'eau, mais aussi à l'hygiène et à l'assainissement.
05:03 Donc, c'est lutter contre les maladies hydriques,
05:05 ce qui, parce qu'on consomme de l'eau qui n'est pas potable,
05:08 va amener à des maladies et parfois des décès.
05:10 - Avec des chiffres édifiants, que je lis sur votre site,
05:13 361 000 enfants meurent chaque année de problèmes liés
05:16 aux problèmes de l'eau, ce qui est énorme.
05:18 - Et c'est tout à fait résorbable, et donc c'est un scandale.
05:21 Et c'est vraiment ce qu'on essaie, nous, de changer sur le terrain.
05:24 Globalement, quand vous avez des gens qui meurent de dysenterie,
05:26 de choléra, ce sont des morts évitables.
05:28 - Quand vous dites que c'est résorbable, c'est quoi les solutions ?
05:31 Parce qu'aujourd'hui, même en France, on voit la sécheresse,
05:34 on pensait que c'était une denrée inépuisable.
05:37 Aujourd'hui, on se rend compte que ce n'est pas le cas.
05:39 C'est quoi ? Qu'est-ce qu'on peut changer ?
05:41 - J'aurais deux réponses. En gros, il y a une réponse d'urgence.
05:44 On a des gens qui, du jour au lendemain, vont devoir quitter leur village,
05:47 se déplacer, prendre les quelques affaires qu'ils peuvent avoir
05:50 pour essayer de s'installer ailleurs. Et ailleurs, souvent, il n'y a rien.
05:53 Et donc là, c'est nous qui devons, en tant qu'acteurs humanitaires
05:56 et communautés humanitaires, être en capacité d'aller amener de l'eau propre,
05:59 mais aussi des capacités d'alimentation, des abris, etc.
06:03 Et puis, il y a la réponse un peu long terme de gestion de la ressource qu'est l'eau,
06:07 à laquelle, effectivement, il faut prendre en compte l'ensemble de ses usages
06:09 et se demander comment est-ce qu'on l'utilise et où est-ce qu'on met nos priorités.
06:12 Et pour moi, ce qui me semble être une priorité essentielle,
06:15 c'est que tout un chacun ait accès à un minimum d'eau potable
06:19 sans avoir à faire 3 km pour aller la chercher.
06:22 - J'ai vu aussi que les femmes africaines, parfois, mettaient 6 heures par jour
06:27 pour aller chercher de l'eau.
06:29 Donc, c'est effectivement l'accès à l'eau qui est déjà compliqué.
06:32 À l'Élysée, dernièrement, on parlait de transporter de l'eau potable vers les pays africains.
06:40 Est-ce que c'est pas une... ou de l'échanger contre des hydrocarbures,
06:43 mais est-ce que c'est pas une hérésie, quelque part ?
06:45 - Alors, je pense pas que le modèle soit, effectivement,
06:47 de faire du transport de l'eau tout autour de la planète.
06:50 Ça paraît, effectivement, être un peu une aberration.
06:52 Le sujet, c'est quoi ? C'est d'abord d'arriver à s'adapter aux usages.
06:56 Donc, on n'a pas besoin du même volume d'eau partout et en fonction de ce qu'on fait.
06:59 On n'a pas non plus besoin du même volume d'eau en fonction, par exemple,
07:02 du type d'agriculture que l'on développe.
07:04 Ensuite, c'est d'avoir les investissements nécessaires dans les pays en question
07:08 pour qu'on puisse aller capter cette eau, qui souvent est quand même présente,
07:11 la traiter et ensuite faire surtout qu'une fois qu'elle est polluée,
07:14 elle puisse réintégrer le circuit de l'eau potable
07:16 parce qu'on aura eu la capacité à la traiter, à la dépolluer.
07:19 Et ça, ça prend concrètement de l'argent.
07:22 Et donc, on va assez vite parler, malheureusement, des questions d'investissement
07:26 et de la capacité à faire changer le mode de vie et la capacité d'accéder à cette eau
07:31 pour des personnes qui, aujourd'hui, vivent dans des contextes très, très fragiles.
07:34 On parle de pays qui sont en guerre,
07:36 on parle de pays qui sont déjà face à toute une série de difficultés
07:39 et c'est dans ces contextes-là qu'il faut qu'on arrive à changer les choses.
07:42 Mais changer les choses, c'est censé... Vous parliez d'agriculture,
07:45 c'est effectivement réfléchir à une agriculture plus bas carbone,
07:49 c'est-à-dire en matière de l'eau, plus responsable,
07:51 de se dire qu'on peut traiter ou en tout cas,
07:54 on peut créer des agricultures qui nécessitent moins d'eau.
07:57 Est-ce que ça, c'est possible ? Est-ce qu'on a les expertises pour faire ça ?
08:00 Est-ce qu'on peut aller justement dans ces pays, leur partager ces expertises ?
08:04 Déjà, concrètement, on est dans des pays où il y a une très grande partie de la population
08:08 qui est agricultrice et qui est plutôt sur une agriculture vivière ou de proximité.
08:12 Vivérienne.
08:13 Concrètement, les solutions sont déjà là
08:16 parce que le mode de production agricole, souvent, il est relativement durable.
08:19 C'est plutôt l'imposition d'un modèle très productiviste et très exportateur
08:23 qu'on questionne aujourd'hui parce que ce modèle-là, malheureusement,
08:26 il revient à enlever toute capacité pour l'environnement à être soutenable dans la durée.
08:31 Vu les changements climatiques, il va falloir aussi changer de modèle sur place ?
08:35 Déjà, je voudrais faire un petit pas de recul là-dessus.
08:39 Pourquoi est-ce qu'il y a des sécheresses ?
08:40 Alors, il y a d'une part des sécheresses qu'il y a toujours eu.
08:42 Quand on parle de personnes qui vivent dans la zone sahélienne,
08:45 évidemment qu'ils ont une habitude et un mode de vie
08:48 qui correspond à un climat qui n'est pas le même que celui des climats tempérés.
08:51 Mais par contre, la fréquence des événements tels que des grandes inondations
08:57 parce qu'il y a beaucoup d'eau qui tombe, ou au contraire, des années et des années de sécheresses
09:00 sans qu'il y ait un moment de pluie qui tombe, cette fréquence-là, elle change.
09:04 Et elle change à cause de quoi ? À cause du changement climatique.
09:06 Les personnes qui vivent, notamment en Afrique subsaharienne,
09:10 dans cette zone sahélienne dont je parle, concrètement,
09:13 ils y sont pour rien au changement climatique.
09:15 Et c'est bien une question à un moment de justice.
09:17 Ces personnes-là n'ont absolument pas contribué à l'élévation de la température mondiale
09:24 et à l'émission des gaz à effet de serre qui génèrent tout ça.
09:27 Donc il y a une question de comment est-ce qu'on fait finalement
09:29 pour réparer un petit peu ce qui a été cassé dans la machine globale de la planète.
09:33 Une fois qu'on a dit ça, effectivement, ils vont faire face de plus en plus à des situations difficiles.
09:38 Et on sait que dans les prochaines années, ces sécheresses, elles vont se répéter.
09:41 Ça va être de plus en plus des événements forts.
09:43 Il va y avoir des chaleurs extrêmes.
09:45 Et donc il faut adapter.
09:47 Cette adaptation de la façon dont on produit la nourriture,
09:51 adaptation de la façon dont on va gérer les phénomènes météorologiques,
09:54 donc avoir des berges capables de retenir l'eau quand on a un risque d'inondation,
09:59 adaptation aussi des habitats, parce que concrètement,
10:04 qui dit plus de chaleur dit nécessité pour les gens de s'abriter.
10:07 Et tout ça demande effectivement d'agir sur le terrain, par des projets concrets,
10:11 d'être en appui à ces populations et à l'ensemble des acteurs qui essayent déjà de faire
10:16 et qui sont déjà présents, qui font partie de leur communauté.
10:18 Est-ce que ça veut dire que l'Occident doit payer, est censé être un peu responsable de ce qui se passe ?
10:23 Les entreprises aussi doivent s'engager ?
10:25 Je pense qu'on a besoin d'absolument tout le monde.
10:27 On a évidemment besoin de l'expertise des entreprises.
10:30 On a évidemment besoin aussi de fonds.
10:32 Et ces fonds, ils sont en partie étatiques, en partie privés.
10:36 Et il faut globalement que tout le monde se dise que c'est une obligation morale.
10:40 L'engagement de la France est suffisant sur ces sujets-là ?
10:43 Alors la France, dans son aide publique au développement, puisque c'est ce dont il s'agit,
10:48 elle a plutôt tendance à faire de plus en plus d'efforts.
10:51 Et donc je dirais que la trajectoire, elle est bonne.
10:53 Quand on regarde de là où on vient, on était clairement au recul par rapport aux autres pays riches.
10:58 Et petit à petit, on rattrape cette cible, qui est une cible mondiale,
11:02 qu'on s'est donné de 0,7% du PIB pour l'aide publique au développement.
11:06 Pour le moment, on est à 0,55%.
11:08 Là où on a des petites craintes en tant qu'acteur de la solidarité internationale,
11:14 c'est finalement, est-ce qu'on va s'arrêter à se pallier des 0,55% ?
11:17 Ou est-ce qu'on va réussir à pousser jusqu'à ce 0,7% dans un contexte
11:20 où les finances publiques, évidemment, font beaucoup de débat ?
11:23 Qui sont vos bénévoles aujourd'hui ? Quelle tranche d'âge y sont-ils ?
11:28 Chez Solidarité Internationale, on a d'abord et avant tout des professionnels.
11:32 On est 2600 salariés dans l'organisation, dont une très large majorité sont des salariés
11:37 qui travaillent dans leur propre pays. Des collègues maliens, birmans, etc.
11:42 Ensuite, on a effectivement un petit nombre de bénévoles qui gravitent autour de l'organisation
11:47 et qui donnent un petit peu de leur temps pour nous soutenir et pour sensibiliser,
11:51 notamment au combat qu'on défend.
11:53 Ces bénévoles, on va les retrouver en région comme en Ile-de-France.
11:57 C'est à peu près tous les profils. On est plutôt sur des profils assez jeunes,
12:01 notamment parce qu'on a beaucoup de moments de sensibilisation qu'on fait en festival,
12:06 dans des logiques où on va installer par exemple des barres à eau.
12:09 Et dans ces barres à eau, concrètement, on va permettre aux festivaliers de venir chercher de l'eau
12:12 et en même temps de découvrir notre combat pour l'accès de tous et toutes à l'eau.
12:17 Il y a une grande campagne qui va sortir bientôt.
12:20 Cette pédagogie, il faut sans cesse, sans cesse, sans cesse la remettre au devant de la scène,
12:27 sans cesse expliquer ce qui se passe. On a l'impression qu'on dit ça depuis des années.
12:31 Alors ça progresse dans le bon sens, mais ça semble tellement lent.
12:35 Que la prise de conscience, elle est là. Après, c'est quelle réactivité on a par rapport à cette urgence.
12:40 La campagne qu'on a voulu lancer cette année, elle vise aussi à un petit peu mettre en avant la question
12:47 de où ça se passe finalement ce changement climatique et quand est-ce que ça se passe.
12:50 Notre constat, c'est quoi ? On en parle de plus en plus.
12:53 Aujourd'hui, je dirais que les Français sont clairement au courant du fait que le changement climatique,
12:58 c'est un phénomène qui est en train d'arriver.
13:01 Chez nous déjà.
13:02 Chez nous, ils en ressentent les premiers effets, y compris parfois dans leur vie quotidienne.
13:06 Et nous, notre message est un peu un message d'alarme, si je peux dire.
13:09 C'est de dire, regardez, ce que vous avez chez vous, ça se passe aussi à l'autre bout de la planète.
13:13 En pire.
13:14 Et avec des conséquences largement pires, parce que les personnes chez qui ça se passe ne sont pas en capacité de faire face.
13:20 Parce que nous, aujourd'hui, de dire, OK, on va couper l'eau pour ne pas remplir la piscine cet été,
13:24 parce qu'il y a un problème de sécheresse, ça ne met pas en danger notre vie.
13:27 Demain, une famille qui arrive à concrètement survivre grâce à sa petite production agricole
13:34 et qui n'arrive plus à rien faire pousser dans son champ parce qu'il n'y a plus eu d'eau depuis quatre saisons.
13:38 On est dans une autre dimension.
13:39 Voilà.
13:40 Oui, forcément.
13:41 Est-ce que cette injonction punitive, alarmiste que certains écolos ont, c'est ça qui fonctionne finalement ?
13:49 C'est ça qu'il faut faire ?
13:50 Je ne pense pas qu'il y ait une notion de punition.
13:52 Il y a une notion de faire face à la réalité du monde telle qu'elle est décrite par les scientifiques
13:55 qu'on connaît depuis 50 ans.
13:58 Comment est-ce qu'on fait ?
13:59 Je disais, on a besoin de tout le monde.
14:01 Qui dit tout le monde, effectivement, ça renvoie aux petits gestes du quotidien.
14:05 C'est ce qu'on a tous en tête.
14:06 Et puis après, il y a des grands changements.
14:08 Et les grands changements, c'est quoi ?
14:09 C'est effectivement des moyens financiers pour faire cette transition de façon juste dans les pays en développant.
14:15 Mais c'est aussi, à un moment, décider d'arrêter un certain nombre de pratiques qu'on a,
14:19 et notamment les pratiques qui ne font qu'aggraver le problème,
14:22 c'est-à-dire notre dépendance aux énergies fossiles et à tout ce qui émet des gaz à effet de serre.
14:27 On ne peut pas être zéro carbone.
14:28 Comment on fait ?
14:29 Est-ce que vous calculez vous-même votre propre empreinte écologique ?
14:33 D'abord, nous, on a décidé de façon très claire qu'on ne changeait pas notre mandat premier qui était de sauver des vies.
14:38 Donc si pour aller sauver des vies, il faut prendre l'avion, on prendra l'avion.
14:41 C'est bien de l'assumer.
14:43 Tout à fait.
14:44 Et on est très clair avec ça.
14:45 Tout en faisant notre métier, comment est-ce qu'on fait pour diminuer autant que faire se peut
14:50 l'impact environnemental qu'on peut avoir ?
14:52 Et donc là, on va rentrer un peu dans le détail.
14:54 Je vous donne un exemple.
14:55 On installe des pompes pour concrètement faire venir l'eau dans toute une série d'endroits.
15:00 Ces pompes, aujourd'hui, la plupart du temps, fonctionnent avec un générateur.
15:03 Ce générateur, il dépend de quoi ?
15:05 De diesel pour tourner.
15:08 Si on peut à un moment mettre des énergies renouvelables,
15:10 concrètement, on aura diminué le gaz à effet de serre généré par nos activités.
15:15 On va travailler aussi sur nos approvisionnements.
15:17 Si on arrive à aller faire que les toiles de tente qu'on va mettre en place pour des gens
15:22 qui ont besoin d'avoir un abri suite à un déplacement forcé
15:25 ne viennent pas en bateau de l'autre bout de la planète et souvent d'Asie,
15:29 et donc ont eu tout ce transport qui lui-même génère un impact environnemental,
15:35 mais qu'on arrive à faire qu'on achète en local, là encore, on baisse notre impact environnemental.
15:39 Donc c'est toute une série de petites choses qui vont changer la façon dont on va voir nos activités,
15:44 la façon dont on procède, mais ce n'est pas un changement radical.
15:46 Et surtout, on n'a pas du tout la prétention d'être à zéro carbone.
15:50 Ça n'existe pas, à zéro carbone, on ne fait rien, on n'est même pas vivant.
15:53 Oui, mais est-ce que ce n'est pas dommage d'utiliser ce terme systématiquement,
15:59 comme le fait le gouvernement, en disant on fera maximum d'être zéro carbone.
16:03 Les constructeurs nous disent en 2035 on sera zéro carbone.
16:06 Pourquoi mentir sur ces sujets-là ?
16:08 Et je comprends que certaines personnes ne comprennent pas de leur côté de dire
16:12 vous nous demandez et vous promettez des choses que vous ne pourrez de toute façon absolument pas faire.
16:17 D'abord, pour moi, on parle plus de neutralité carbone que de zéro carbone.
16:20 Et bien sûr, les termes sont parfois un peu flous, mais globalement, ce n'est pas la même chose.
16:25 Parce que qui dit neutralité dit compensation et réduction.
16:29 Et concrètement, nous, aujourd'hui, on travaille beaucoup sur la partie réduction.
16:33 Mais on a besoin de tout, on a besoin de la compensation, on a besoin de la réduction,
16:37 on a besoin de, peut-être, un peu de captation, autre sujet de débat.
16:42 Mais globalement, tout ça doit être agrégé.
16:45 Et au final, effectivement, on n'a pas le choix.
16:47 Il faut bien qu'on ait une baisse drastique des émissions de gaz à effet de serre de l'ensemble de nos activités.
16:51 Sinon, on va vers des lendemains de plus en plus difficiles, avec des crises,
16:55 où à un moment, on se posera la question de l'habitabilité de notre planète.
16:58 Beaucoup de startups comme Fanto Divivo ont créé, forcément,
17:02 enfin, eux, ils ont créé un objet pour rendre l'eau potable.
17:06 Aujourd'hui, qu'ils diffusent un petit peu partout dans le monde.
17:09 Est-ce que, finalement, cet écosystème est nécessaire sur ces sujets-là ?
17:13 Alors, c'est intéressant que vous me parlez du monde des startups,
17:16 parce que souvent, dans le monde des ONG, on est un peu dans notre bulle,
17:19 au sens où il n'y a pas tant de monde qui s'intéresse à la question de la population,
17:23 en République démocratique du Congo, face au conflit, ou à la situation des gens qui vivent à Haïti.
17:28 Et donc, nous, c'est justement quelque chose qu'on essaie de beaucoup faire,
17:31 de rendre visible ces situations, et puis aussi de dire aux entrepreneurs, entrepreneuses,
17:35 vous avez peut-être des solutions, et on peut peut-être les tester ensemble,
17:38 de voir comment est-ce que, sur le terrain, ce que vous avez créé, est-ce que ça marche ou pas.
17:43 Ça veut dire qu'il y a un écosystème qui peut se mettre en place ?
17:46 Il n'est pas complètement évident, parce qu'on n'est pas dans une logique habituelle
17:50 de levée de fonds et de transformation du marché.
17:54 On reste souvent un acteur mineur pour ces groupes qui ont des visées d'expansion fortes et rapides.
18:00 Mais pour autant, ça peut les intéresser, parce que je pense que la responsabilité sociétale
18:04 des entreprises, ce n'est pas juste un concept et un slogan qu'à utiliser.
18:08 On a de plus en plus de dirigeants et de dirigeantes qui sont vraiment convaincus
18:11 de la capacité, à travers leur activité marchande, d'avoir aussi un impact social et environnemental.
18:17 Et donc, nous, on s'inscrit dans cette logique, et on leur dit, venez voir, on vous emmène,
18:21 et puis si votre solution, elle fonctionne, on la déploiera sur différents terrains.
18:24 Puis, on ne fera pas ça que chez nous, chez Solidarité Internationale.
18:26 On va le faire avec d'autres, on va vous ouvrir des portes, et vous verrez, ensemble, on aura un impact.
18:30 Parce que là, on sent qu'il y a une vague de générations qui se disent, on vaut du sens
18:34 dans notre façon de travailler, et c'est peut-être là, l'objet, finalement, d'une fondation
18:39 telle que la vôtre, en tout cas d'une organisation telle que la vôtre, de faire des appels à projet,
18:42 de dire, voilà, mettons en place des choses concrètes qui vous permettent, vous,
18:47 de gagner de l'argent, de travailler, mais aussi de changer le monde.
18:50 Alors, pour nous, l'engagement, il a plutôt, en premier impact, le fait qu'on va avoir
18:55 plus de gens qui vont s'intéresser à nos métiers, et on est très heureux,
18:58 y compris des gens qui ont des profils qui sont très éloignés de ceux des
19:02 "vadrouilleurs humanitaires", si je puis le nommer comme ça.
19:04 En gros, ceux qui sont dans le monde de la finance, dans le monde, effectivement, des start-up
19:08 ou du développement informatique, ceux encore qui travaillent sur des questions juridiques,
19:12 tous ces gens-là, on en a besoin pour faire tourner une organisation comme la nôtre.
19:15 Et donc, on va essayer d'élargir notre spectre de recrutement, et on va leur dire,
19:19 écoutez, si vous voulez vraiment, ok, on va vous accompagner, vous avez la possibilité, demain,
19:23 d'être des acteurs auprès des populations les plus vulnérables de la planète,
19:27 et de les aider à s'en sortir face à des crises majeures.
19:30 C'est quoi les expertises chez vous, par exemple ? Quel type de métier ?
19:33 C'est-à-dire, pour ceux qui nous écoutent, de dire, finalement, ils ont besoin de qui,
19:37 et de quels bras, mais surtout, de quelles expertises ?
19:40 On va avoir des expertises qui sont très techniques.
19:43 On parlait tout à l'heure des sujets de l'eau, évidemment, on a des ingénieurs
19:46 qui sont spécialistes sur les sujets de l'eau, de l'assainissement.
19:48 On a aussi des personnes qui savent très bien manier les questions de micro-finances
19:52 ou de sécurité alimentaire. On parlait tout à l'heure aussi d'adaptation
19:56 de l'agriculture à des contextes changeants du fait du changement climatique.
20:00 Tout ça, c'est de l'expertise assez technique.
20:02 Et puis, on a ce qu'on a l'habitude d'appeler toutes les fonctions support,
20:06 mais il n'y a rien de péjoratif là-dedans. C'est au contraire des gens dont on a
20:09 absolument besoin pour gérer l'organisation.
20:11 Moi, par exemple, en un exemple que je connais bien,
20:14 je n'ai pas d'expertise technique, je ne suis pas ingénieur de formation.
20:17 Par contre, je peux amener à l'organisation un travail autour de sa stratégie,
20:20 de son positionnement, de la façon dont on va développer nos capacités,
20:24 et être en mesure de répondre à ce nombre croissant de personnes
20:27 qui ont besoin d'assistance humanitaire.
20:29 Et vous, c'est quoi votre parcours, finalement ?
20:31 Ça fait longtemps que je suis sur des sujets d'intérêt général.
20:33 J'ai toujours eu envie de me dire que ce temps du travail,
20:37 qui prend quand même une part considérable de nos vies,
20:39 j'allais essayer de l'appliquer à des sujets qui dépassent mon intérêt personnel.
20:43 Et donc, à un moment, je me suis tourné vers les sujets plus politiques.
20:46 J'ai travaillé auprès des lieux locaux, c'est une association qui rassemble des maires.
20:50 Ensuite, j'ai eu la possibilité d'évoluer dans ce qu'on appelle l'économie sociale et solidaire,
20:55 dans des structures qui gèrent des établissements médico-sociaux,
21:01 vont être dans l'accompagnement des personnes les plus fragiles,
21:04 avec petit à petit une entrée de plus en plus sur les sujets internationaux.
21:07 Et puis, je me suis spécialisé sur ce vaste monde qu'est l'action internationale,
21:12 avec des problématiques assez diverses, mais toujours avec l'idée que notre générosité,
21:17 notre solidarité, elle n'a pas forcément besoin de s'arrêter à des frontières nationales.
21:21 Elle peut aussi prendre en compte la question de la vie et de la situation
21:26 que vivent aujourd'hui nos contemporains tout autour de la planète.
21:30 J'imagine qu'en travaillant avec les élus locaux, forcément,
21:34 il y a une notion de terrain qui est hyper importante.
21:36 Est-ce qu'il y a des sujets analogues entre ce que vous vivez aujourd'hui
21:40 au travers de solidarité internationale et ce qui se passe en France,
21:44 parfois dans des communes où certains ont un problème de pouvoir d'achat,
21:48 un problème alimentaire aussi, un problème de sécheresse ?
21:51 On fait un peu le pont parfois, notamment parce qu'on s'est mis à travailler
21:55 sur aussi le sujet de la France, avec un axe assez précis qui est,
21:58 pour les personnes qui vivent en bidonville, ou dans des squats,
22:01 ou dans des endroits en tout cas qui sont de l'habitat informel,
22:05 est-ce que ces personnes-là ont accès à l'eau ?
22:07 Partant du fait que parfois elles y restent longtemps, malheureusement,
22:10 qu'il n'y a pas toujours des solutions de relogement qui leur sont accessibles,
22:13 pour nous il faut que ces personnes-là puissent avoir un endroit douché,
22:18 évidemment un robinet pour avoir de l'eau potable,
22:21 et puis un système d'assainissement, que tout ça se fasse avec un minimum
22:25 de droits fondamentaux pour nous.
22:27 Et donc là, ça nous amène à être très en lien avec les questions de collectivité,
22:31 des échanges avec les élus, mais aussi avec les services de l'État,
22:34 pour essayer d'améliorer concrètement cet accès à l'eau.
22:37 Est-ce qu'il ne faut pas remettre un petit peu d'humain et un petit peu de contexte
22:41 de tous ces gens aujourd'hui, de l'importance en tout cas d'un maire
22:44 aujourd'hui dans une commune ?
22:46 C'est un sujet qui est un petit peu plus loin aujourd'hui de ma pratique professionnelle
22:49 et de ce dont je m'occupe principalement, mais je dirais qu'à titre personnel,
22:52 je suis assez convaincu du fait que la place de l'élu, elle est centrale
22:56 pour essayer d'une part de rendre tangible le vécu de nos concitoyens.
23:01 Donc à un moment, cet élu de terrain, c'est quand même lui ou elle
23:05 qui est capable de dire comment ça se passe au quotidien,
23:08 les questions de précarité, d'inflation, etc.
23:11 Et à un moment, je pense qu'il faut qu'on arrive aussi à se rendre compte
23:14 du fait que ce ne sont pas des situations qui sont très simples,
23:16 parce qu'il y a parfois un regard sur le politique qui est un petit peu caricatural.
23:20 Je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup de femmes et hommes politiques
23:23 qui essaient de faire du mieux qu'ils peuvent pour leurs concitoyens.
23:26 Et donc moi, j'ai beaucoup de respect pour les gens qui s'engagent.
23:29 C'est un engagement énorme qui prend un temps phénoménal,
23:32 qui, concrètement, il n'y a pas grand-chose à y gagner,
23:34 si ce n'est l'estime d'avoir essayé de faire progresser un petit peu
23:37 la population de sa ville ou de son village.
23:40 Et donc, je dirais que c'est un lien essentiel qu'il faut qu'on arrive à maintenir.
23:44 Et puis, par ailleurs, nous, on intervient dans les endroits
23:47 où le politique, il s'est effondré.
23:49 Quand vous avez une situation de guerre, comme au Soudan aujourd'hui,
23:52 l'élu ou le représentant communautaire ou la personne
23:55 qui pouvait faire sens et agréger tout le monde,
23:58 il ou elle n'a plus de pouvoir.
24:00 Et c'est bien à cause de ça qu'on nous appelle.
24:02 C'est parce qu'il n'y a plus cette capacité de répondre
24:04 aux besoins vitaux et essentiels de la population.
24:06 Donc, en titre de comparaison, je peux vous dire concrètement,
24:09 on est très contents aujourd'hui d'avoir un système dans un pays
24:12 qui est relativement riche, qui a quand même une forme de stabilité
24:15 et qui permet d'assurer le minimum pour ses concitoyens.
24:18 Est-ce que vous êtes optimiste pour l'avenir ?
24:21 Est-ce que vous regardez l'avenir avec un coin de ciel bleu quand même ?
24:25 Ce n'est pas simple pour moi de répondre à ça parce que, en fait,
24:28 mon naturel est très optimiste et je suis très heureux de voir
24:31 qu'on arrive à faire bouger parfois des montagnes.
24:33 Et en même temps, quand on regarde ce sujet qui est le changement climatique,
24:36 les impacts environnementaux, j'ai quand même le sentiment
24:39 qu'on est lent, comme on disait tout à l'heure,
24:41 et que les changements sont considérables et qu'il faut absolument accélérer.
24:45 Il faut qu'on arrive à faire que, par exemple,
24:48 la question des émissions de gaz à effet de serre liées aux énergies fossiles,
24:52 on ne peut pas attendre. Il faut agir vraiment là tout de suite
24:55 pour changer nos modes de fonctionnement.
24:58 Votre temps n'est pas le même que le temps d'application, en fait.
25:01 C'est ça le problème. C'est que la temporalité est totalement différente.
25:04 Quand on voit, là, vous parlez des énergies fossiles,
25:08 quand on prend le prisme de l'automobile, on se rend compte que,
25:12 finalement, ce qu'on nous impose est très compliqué à mettre en place.
25:16 Parce qu'il faut toujours le prendre avec un spectre, pour moi,
25:19 de comment est-ce qu'on fait pour que ce soit une transition juste ?
25:22 Comment est-ce qu'on fait pour ne pas laisser de côté
25:24 toutes celles et ceux qui n'ont pas les ressources économiques
25:26 qui leur permettraient demain d'acheter des voitures électriques plus chères, etc.
25:30 Si je le regarde de côté plus global et international,
25:34 la question de la justice de cette transition, elle se pose énormément.
25:37 Encore une fois, je disais, il y a des gens qui, aujourd'hui,
25:39 subissent dès à présent des impacts majeurs.
25:41 Comment est-ce qu'on fait pour les aider à s'adapter ?
25:44 Donc, à faire qu'ils aient les moyens de faire face à ces changements.
25:47 Et aussi, comment est-ce qu'on fait pour leur redonner un peu de perspective d'avenir,
25:50 pour les sortir de situations d'extrême pauvreté
25:52 ou de situations de crise dans laquelle ils vivent malheureusement depuis des années.
25:55 Merci beaucoup, Kevin Goldberg, d'avoir été avec nous.
25:58 Merci pour votre accueil.
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