Interview confession de personnalités politiques et médiatiques sur des sujets environnementaux
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00:00 [Musique]
00:19 [Sonnerie de porte]
00:20 [Toc toc toc]
00:22 [Sonnerie de porte]
00:24 - Bonjour Claude. - Bonjour Edouard.
00:26 - Ça va bien ? - Vous allez bien ? Et vous ?
00:27 - Très bien. - Ouais ?
00:28 - Merci d'être venu. - Merci d'être venu.
00:30 Claude Bartholone, ancien président de l'Assemblée nationale,
00:32 est l'une de ces figures politiques qui incarnent la passion
00:35 de la démocratie et de l'égalité des droits.
00:37 D'origine prolétaire, comme il est, mal rappelé,
00:40 il a gravi l'échelle sociale avec à la clé
00:42 une carrière exceptionnelle au sein du Parti Socialiste.
00:45 Ancien ministre délégué à la Ville, l'exclusion sociale,
00:49 le logement et la politique de la Ville restent encore aujourd'hui
00:52 au cœur de son engagement. Bienvenue dans le Déclic.
00:56 Quel a été votre déclic en matière d'écologie ?
01:00 Deux très différents.
01:01 Un que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître,
01:05 c'est les manifestations qui avaient eu lieu
01:08 au moment de la construction de la centrale de Bugey,
01:11 où j'avais beaucoup de copains qui allaient manifester.
01:14 Et moi à l'époque plutôt scientifique,
01:17 je me disais "mais pourquoi conteste-t-il une telle énergie ?"
01:21 Et donc j'ai commencé plutôt d'une manière pédagogique
01:25 à travailler le sujet au moment de la construction de Bugey.
01:28 La deuxième, elle n'a rien à voir avec l'environnement,
01:30 mais plutôt avec la politique.
01:33 Nous sommes en 92 et Bérégovoy est Premier ministre,
01:38 Laurent Fabius est Premier secrétaire du Parti Socialiste
01:42 et nous essayons de monter dans l'urgence
01:45 un accord avec les Verts pour les élections législatives de 93.
01:50 Et je découvre le monde des Verts en allant à Saint-Nazaire
01:55 pour leur université d'été,
01:58 pour voir si nous pouvons leur proposer
02:00 une entrée immédiate au gouvernement.
02:02 Wester était intéressé à l'époque.
02:04 Et un accord électoral pour les élections législatives
02:08 avec des circonscriptions qui leur étaient réservées.
02:11 Qu'est-ce que vous rêviez, Claude, de devenir quand vous étiez jeune ?
02:15 C'est mon père qui avait réfléchi pour moi à ce que je pouvais faire
02:19 au moment de la troisième, il avait dit, après tout,
02:23 il sera mécanicien.
02:24 Et j'allais rentrer à la RATP pour être clair,
02:28 et c'est ma prof de français à l'époque, Madame Toulieu,
02:31 qui avait convoqué mes parents en disant,
02:32 non, vous savez, nous on pense qu'il a quelques talents,
02:36 et donc il faudrait lui faire continuer ses études,
02:40 et c'est grâce à elle, d'une certaine manière,
02:42 que je suis là aujourd'hui.
02:43 Et quelles études vous avez faites ?
02:45 Alors, au début, j'ai voulu m'intéresser à la médecine,
02:51 et j'ai découvert très vite que j'avais du mal avec le contact avec les malades,
02:55 et donc j'ai fait un cursus physique-chimie plutôt scientifique,
03:00 je suis rentré dans une société pharmaceutique
03:05 comme responsable des forces de vente,
03:10 et puis j'ai rencontré Mitterrand,
03:13 et un jour, pour être clair, je vais vite,
03:16 il m'a dit, écoutez, jeune homme,
03:18 si un jour vous êtes candidat à une élection,
03:20 j'aimerais vous faire un meeting.
03:22 Et pour faire un meeting avec Mitterrand,
03:24 j'ai été candidat en 79 à des élections cantonales
03:28 que tout le monde disait ingagnables, et j'ai gagné.
03:30 Et après, mar bout de ficelle, on m'a dit,
03:33 tu as gagné les départementales,
03:35 il faut aller aux élections législatives.
03:37 Est-ce que ce choix politique a été influencé par vos parents,
03:41 ou est-ce qu'il y a eu une forme d'influence, ou pas du tout ?
03:45 Non, c'est un cheminement personnel.
03:47 Mes parents ne faisaient pas de politique,
03:49 c'est ce que je vous disais, vraiment, c'était un milieu…
03:52 Mon père travaillait au HAL la nuit,
03:55 et ma mère, d'abord, s'est occupée de nous,
03:59 on était deux frères et une sœur, on a trois enfants,
04:03 et puis après, c'est un cheminement personnel,
04:06 petit à petit, je me rendais compte de ce que représentait
04:10 l'entrée au lycée, le nombre de gamins
04:13 qui, eux, étaient dirigés directement vers la vie active.
04:16 Je me suis rendu compte de ce que je vous disais tout à l'heure,
04:19 de ce que pouvait représenter, et c'est encore le cas,
04:22 la reproduction des élites,
04:24 et c'est petit à petit comme ça que j'ai fait mon chemin,
04:28 que j'ai fait mon logiciel politique.
04:32 Est-ce que vous vous souvenez de votre tout premier geste écolo ?
04:36 Mon premier geste…
04:38 L'eutrie…
04:40 Non, non, mon premier geste écolo, c'est grâce à mes enfants,
04:43 qui m'ont dit "C'est plus possible, tu te laves les dents
04:46 en laissant couler l'eau, donc il faut arrêter".
04:49 Il faut fermer le robinon.
04:50 Voilà.
04:51 Et à contrario, est-ce que vous avez un petit péché en écologie ?
04:54 J'ai encore quelques difficultés sur l'eutrie, je dois le reconnaître,
04:58 mais j'ai une épouse qui est ingénieure sur les questions environnementales,
05:03 qui sait me rappeler la bonne règle et au bon comportement.
05:08 Est-ce que vous avez un sentiment d'inachevé ?
05:12 Un sentiment d'inachevé ? Oui, mais pas personnellement.
05:16 Vous voyez, ma grande inquiétude…
05:18 Je suis d'ailleurs très préoccupé sur les questions environnementales,
05:22 peut-être par la raison essentielle qui m'a fait rentrer en politique,
05:26 la question sociale.
05:28 Je vois les dégâts sociaux qui pourraient être ceux d'une révolution environnementale
05:34 non maîtrisée, c'est certainement la force qui me fait le plus avancer dans ce sujet.
05:39 Qui vous préoccupe.
05:40 Oui.
05:41 Et si vous deviez être le père d'une loi, d'une invention, ce serait laquelle ?
05:46 La première des choses à faire, c'est ce que je viens de vous indiquer,
05:50 c'est un dispositif qui pourra permettre d'accompagner les plus humbles.
05:56 On ne se rend pas compte, tout le monde a tendance à imaginer
06:00 que la transition énergétique va être un chemin parcouru ou recouvert de roses.
06:05 Il va y avoir beaucoup d'épines.
06:07 Et les plus humbles vont notamment sur la question énergétique,
06:11 si nous n'y prenons pas garde, payer une facture extrêmement élevée.
06:15 Vous savez, il y a un chiffre qu'il faut avoir en tête,
06:17 sur les 20% de nos compatriotes les moins favorisés,
06:22 la facture énergétique après impôt représente 15% de leur revenu.
06:27 Ce qui est énorme.
06:28 Pour les 20%, les plus favorisés, c'est 6%.
06:31 Et donc, comme nous allons assister d'une manière inéluctable
06:35 à l'augmentation de la facture énergétique,
06:37 si nous n'avons pas un accompagnement de ces personnes,
06:41 ce sera une nouvelle fois une casse.
06:43 On a vu ce que pouvait donner la prise de conscience au moment des Gilets jaunes,
06:47 ça pourrait être pire.
06:48 Et puis, il y a un sujet qui me préoccupe beaucoup,
06:51 l'on voit bien ce que va être la destruction de capital
06:55 qui peut être attendue avec la transition énergétique.
06:59 Il y a un certain nombre d'entreprises qui fermeront avant que le capital soit amorti.
07:03 Des emplois qui seront supprimés, regardez ce que ça risque de représenter,
07:07 notamment dans l'industrie automobile.
07:10 Ce n'est pas le nombre de personnes qui sont nécessaires,
07:12 pour fabriquer une voiture électrique, un moteur électrique,
07:15 et un moteur thermique ou diesel.
07:18 Et c'est certainement la force qui est la mienne
07:23 lorsque je réfléchis à cette question, à cette révolution environnementale.
07:29 Si nous n'y prenons pas garde,
07:31 elle peut être terrible pour les plus humbles
07:34 et porteuse de destruction et d'opposition.
07:38 En parlant de révolution, Claude,
07:40 justement vous avez été pendant 5 ans président de l'Assemblée Nationale.
07:44 Est-ce qu'à vous entendre, vous avez eu envie de tout révolutionner ?
07:48 Révolutionner ? Non, moi je suis un social-démocrate.
07:52 Et surtout, quand on voit les enjeux qui sont contenus
07:56 dans la révolution énergétique,
07:59 la révolution qui nous attend en termes de comportement,
08:03 en termes même de modèle,
08:05 moi je pense que le capitalisme peut y rester
08:08 si on n'est pas attentif à ce que doivent être les nouveaux modes de production
08:12 et les nouveaux modes de distribution.
08:14 Vous pensez qu'on n'en fait pas assez aujourd'hui ?
08:16 On n'en fait pas assez ?
08:18 C'est-à-dire qu'on n'en fait pas assez dans la transparence.
08:22 C'est-à-dire que si on ne met pas vraiment ce débat
08:25 et si l'on n'essaye pas de rassembler nos compatriotes,
08:29 à la fois français, européens et même internationaux,
08:32 sur cette question, il n'y aura que des blocages.
08:35 Si d'un seul coup, pour un certain nombre de nos compatriotes,
08:39 nous faisons l'impression que ce qui serait porteur de messages
08:43 dans cette révolution environnementale,
08:46 ce ne serait que plus souffrance,
08:48 pour reprendre l'expression de Chirac,
08:50 ils préfèreront faire brûler la maison
08:52 plutôt que d'éteindre l'incendie.
08:54 Mais Claude, on voit que c'est déjà difficile,
08:57 ne serait-ce que de rassembler la gauche.
08:59 Comment on peut rassembler tous les français ?
09:02 Oui, c'est un sujet.
09:04 C'est une réflexion que j'avais au cœur
09:06 au moment où j'ai commis avec le grand historien Michel Vinoque
09:11 un document sur la réforme des institutions.
09:14 Parce que je pense que nos institutions
09:16 qui sont issues de la réflexion du général de Gaulle,
09:19 qui s'expliquait au lendemain de la guerre
09:21 et de la guerre d'Algérie en particulier,
09:23 où deux blocs s'affrontaient,
09:25 aujourd'hui, un moment où les partis politiques
09:28 ont perdu beaucoup de leur force
09:30 parce que les idéologies se sont tassées,
09:33 l'économie a donné l'impression de prendre le pouvoir sur tout.
09:38 Si l'on n'a pas une modification
09:40 qui permet de s'orienter vers la proportionnelle
09:43 pour permettre à des gens d'origine différente,
09:46 électoralement et politiquement,
09:48 de trouver les chemins d'un compromis,
09:51 eh bien il y aura des blocages
09:53 qui seront néfastes pour la démocratie.
09:55 Vous savez, moi je suis persuadé
09:57 que cette flambée de populisme
09:59 que nous connaissons dans le pays,
10:01 c'est un mouvement de colère
10:03 parce que les gens ne voient pas de sortie,
10:06 ne voient pas de solution,
10:08 ne voient pas de chemin
10:10 pour s'orienter vers l'avenir.
10:12 Et si on veut casser cette spirale infernale,
10:16 il faut permettre que l'ensemble des forces
10:19 et des idées puissent se confronter
10:22 pour arriver à un compromis.
10:24 Qu'est-ce que vous pensez, Claude,
10:26 des mouvements radicaux,
10:28 "soulevons la terre",
10:30 des écologistes très radicaux,
10:32 très durs dans leurs propos ?
10:34 Non, moi je pense que c'est un élément de blocage.
10:36 Parce que d'un seul coup,
10:38 notamment dans une société
10:40 qui est traumatisée par la violence,
10:42 c'est vrai que les médias,
10:44 le numérique accentuent
10:46 le moindre problème de violence.
10:48 Regardez le débat qui d'un seul coup
10:50 s'est installé hier,
10:52 après les images infernales
10:54 qui ont été celles d'un fait divers à Bordeaux.
10:56 Je pense qu'aujourd'hui,
10:58 tout ce qui relève de la violence
11:00 et de la confrontation brutale
11:02 bloque cette confrontation apaisée
11:04 que j'appelle de mes voeux.
11:06 Vous voyez, la confrontation,
11:08 quelquefois en France,
11:10 on a l'impression que c'est un gros mot.
11:12 Alors que l'Allemagne la pratique
11:14 avec beaucoup d'intelligence
11:16 et de plaisir par certains côtés.
11:18 Après une élection,
11:20 on met l'ensemble de ceux
11:22 qui ont proposé des choses autour de la table
11:24 et on a besoin de solutions durables
11:26 dans le cadre de cette révolution environnementale
11:28 si l'on n'arrive pas
11:30 à rassembler d'une manière
11:32 la plus large possible
11:34 les Français comme les Européens
11:36 pour pouvoir exister dans le concert mondial
11:38 où ça ne va pas se faire
11:40 simplement avec des discours diplomatiques
11:42 et des oppositions entre les uns et les autres.
11:44 En parlant de discours diplomatiques,
11:46 à contrario, Sandrine Rousseau
11:48 dit justement que
11:50 les débats et les idées doivent se pousser
11:52 avec violence pour être entendus.
11:54 Eh bien, j'y crois pas.
11:56 Et ce n'est pas la première fois
11:58 où je suis en désaccord avec elle.
12:00 Mais je ne crois pas, je pense qu'aujourd'hui,
12:02 compte tenu des incertitudes et des risques
12:04 qu'il y a devant la transition énergétique
12:06 et devant le pari environnemental,
12:08 si l'on n'a pas
12:10 un lieu de débat
12:12 qui permette aux Français d'être éclairés
12:14 et d'être rassurés,
12:16 c'est ce que je vous disais tout à l'heure,
12:18 20% de la population la plus humble,
12:20 j'ai l'impression que cette vision
12:22 qu'on lui présente ne peut être
12:24 que porteuse de difficultés
12:26 aussi bien financières
12:28 qu'humaines, ils s'y opposent.
12:30 Pour partir sur un sujet
12:32 que vous connaissez bien, Claude,
12:34 le logement. Aujourd'hui,
12:36 quel est votre avis ?
12:38 Est-ce qu'on en fait assez ?
12:40 Qu'est-ce que vous pensez des assises du logement qui a eu lieu ?
12:42 Alors, on n'est vraiment pas dans la bonne direction.
12:44 D'abord, parce qu'il y a
12:46 des blocages macroéconomiques.
12:48 À Bercy, ils ont l'impression
12:50 que le logement coûte trop cher
12:52 au budget de l'État, alors que c'est
12:54 un bien commun. Le logement, tout le monde
12:56 en a besoin à un moment donné dans son existence.
12:58 C'est aussi bien le jeune
13:00 garçon ou fille qui veut décohabiter
13:02 et partir
13:04 de la cellule familiale,
13:06 c'est celui qui est humble
13:08 qui va chercher un logement social dans un premier temps
13:10 qui est indispensable
13:12 pour pouvoir s'entretenir,
13:14 aller à une rencontre
13:16 pour une embauche éventuelle.
13:18 C'est indispensable
13:20 pour que les gamins aient un lieu
13:22 pour apprendre. On en vient à cette question
13:24 de l'environnement. J'ai quelques maires
13:26 aujourd'hui, quand je les rencontre,
13:28 qui me disent "ah non, je ne peux pas densifier
13:30 ou sinon je vais avoir une partie de la population
13:32 qui va s'y opposer". Et de l'autre côté,
13:34 j'ai des maires ruraux qui me disent
13:36 "non, je ne peux pas
13:38 étaler parce qu'on va mordre
13:40 sur des territoires agricoles
13:42 et donc on ne peut pas construire".
13:44 Et c'est quoi la solution alors ?
13:46 Pour ma part, je suis pour la densification intelligente.
13:48 La ville intense.
13:50 Parce que la ville qui s'étale, c'est une ville qui coûte cher.
13:52 Quand vous étalez,
13:54 il faut penser au transport, il faut penser au réseau.
13:56 Et puis regardez,
13:58 dans le cadre de cette question
14:00 environnementale et de son coût,
14:02 je vois tous ceux qui
14:04 à un moment donné ont voulu fuir
14:06 le cœur de métropole
14:08 pour des bonnes ou des mauvaises raisons.
14:10 Les mauvaises raisons, c'est quand ils n'avaient plus les moyens
14:12 ni d'acheter ni de louer.
14:14 Les bonnes raisons, c'était pour dire "tiens, on va se prendre
14:16 un coin de verdure pour avoir un jardin".
14:18 Eh bien, regardez ce que ça représente
14:20 comme facture
14:22 pour ceux qui ont besoin de la voiture
14:24 pour pouvoir prétendre au lieu d'éducation,
14:26 au lieu culturel, au lieu de transport
14:28 ou au lieu de travail.
14:30 Donc, cette réflexion sur la ville,
14:32 elle ne pourra pas être menée
14:34 simplement par la main
14:36 invisible du marché.
14:38 Mais vous pensez par exemple qu'on peut rajouter des étages
14:40 des immeubles, qu'est-ce qu'on peut faire ?
14:42 Tout doit être envisagé.
14:44 Mais aujourd'hui, il faut casser cette idée
14:46 qu'on ne peut ni
14:48 densifier, ni étaler.
14:50 Moi, je suis pour la densification parce que
14:52 c'est vrai qu'on ne peut pas
14:54 trop mordre sur les terres rurales
14:56 et ça a un coût.
14:58 Ça a un coût en termes d'énergie
15:00 et ça a un coût en termes
15:02 de revenus des ménages.
15:04 Donc, il faut avoir une approche intelligente
15:06 mais pas jouer l'autruche.
15:08 Aujourd'hui, entre Bercy
15:10 qui dit "ça coûte trop cher",
15:12 entre les maires qui subissent une pression pour dire
15:14 "il ne faut plus construire",
15:16 entre le monde agricole
15:18 qui dit "ne mordez pas sur les terres agricoles",
15:20 moi, je veux bien qu'on reconstruise
15:22 des appartements
15:24 en sous-sol mais est-ce que c'est l'espérance de vie
15:26 qui doit être le nôtre collectivement ?
15:28 Il y a aujourd'hui 7 millions
15:30 de passoires thermiques, donc énormément
15:32 de jeunes de ma génération qui vont acheter
15:34 une première maison.
15:36 Comment on lutte contre ça ?
15:38 Qu'est-ce qu'on peut faire ?
15:40 Est-ce que là aussi on a été assez loin dans l'accompagnement,
15:42 dans la pédagogie ?
15:44 Ça revient à une question que nous avons
15:46 commencé légèrement à aborder,
15:48 c'est le coût de la transition.
15:50 Ceux qui imaginent que ça se fera
15:52 d'une manière
15:54 à l'économie se trompent.
15:56 Il y aura un coût.
15:58 Il y aura un coût avec dans un premier temps
16:00 des recettes en moins.
16:02 Mais qui va porter ce coût ?
16:04 C'est là où il va falloir trouver
16:06 la bonne différence entre ce qui peut être porté
16:08 par le secteur privé,
16:10 qui trouverait dans cet investissement
16:12 une rentabilité acceptable,
16:14 et des dépenses
16:16 qui ne pourront être portées que par l'État.
16:18 Et pour être désagréable,
16:20 et pour parler d'un sujet qui
16:22 est souvent pas abordé
16:24 pour des raisons électorales,
16:26 il y aura une augmentation de la fiscalité.
16:28 Et comme je vous le dis
16:30 qu'il faudra être attentif, notamment aux plus modestes
16:32 et aux salariés,
16:34 il faudra de nouveau installer
16:36 un impôt sur le capital.
16:38 C'est indispensable si l'on veut
16:40 que l'État puisse se substituer
16:42 aux entreprises privées et aux citoyens
16:44 sur des dépenses qui ne pourraient pas
16:46 connaître un amortissement
16:48 au niveau économique.
16:50 Pour vous, Claude, c'est clair,
16:52 la transition énergétique, et plus particulièrement
16:54 la rénovation énergétique, c'est à l'État
16:56 à le supporter, à le prendre en charge.
16:58 Sur un certain nombre de sujets, oui.
17:00 Mais il faut se rendre compte
17:02 de la personne à qui vous vous adressez.
17:04 Vous voyez, moi, quelques fois,
17:06 j'entends les discours qui sont ceux
17:08 qui sont adressés
17:10 aux maisons individuelles,
17:12 qui sont des passoires thermiques.
17:14 Quand d'un seul coup, vous demandez
17:16 à des gens de 80 ou 90 ans
17:18 de faire un investissement
17:20 avec un retour sur investissement
17:22 sur 20 ans,
17:24 comment voulez-vous qu'ils puissent l'envisager ?
17:26 Aussi bien pour une chaudière
17:28 que pour des travaux plus lourds.
17:30 Donc il y a un certain nombre
17:32 de ces sujets. Si l'on ne prend
17:34 pas en compte les revenus
17:36 des personnes qui sont concernées,
17:38 et si l'on ne prend pas
17:40 en compte le fait que pour un certain nombre
17:42 de ces travaux,
17:44 ils ne pourront pas être effectués
17:46 par le privé,
17:48 il faudra que l'État se substitue
17:50 et donc trouver des ressources.
17:52 On a le sentiment aussi qu'il y a une crise
17:54 au niveau des élus, parce qu'il y a beaucoup de maires
17:56 qui ont tendance à être essoufflés,
17:58 qui bassent les bras, qui jettent l'éponge.
18:00 Ça c'est vraiment un sujet très large.
18:02 Malheureusement,
18:04 je le constate, y compris
18:06 en voyant ce que sont devenus
18:08 bon nombre de mes collaborateurs
18:10 que j'ai eus, aussi bien en tant que ministre
18:12 que président de l'Assemblée,
18:14 en tant que président du Conseil Général,
18:16 je vois beaucoup de ces jeunes de talent
18:18 qui ne veulent plus entendre parler de responsabilité politique.
18:20 Parce qu'ils considèrent
18:22 aujourd'hui qu'avec
18:24 les différentes
18:26 réglementations
18:28 qui ont été mises en place,
18:30 par rapport au temps demandé, ils n'ont ni
18:32 une rémunération, ni des conditions de vie
18:34 qui leur permettent
18:36 de vivre une vie familiale et individuelle
18:38 à côté de leur responsabilité
18:40 de qualité. – Mais est-ce que c'est quoi ?
18:42 C'est la fonction qui, d'après vous,
18:44 s'abaisse ? C'est les citoyens
18:46 qui en demandent toujours plus ? Pourquoi on arrive
18:48 aujourd'hui à cette situation ? – C'est un cocktail.
18:50 D'abord, vous voyez,
18:52 je vis avec mon temps,
18:54 mais je vois bien ce qu'a pu être
18:56 la différence lorsque j'ai été élu
18:58 les premières années. Maintenant,
19:00 aujourd'hui, avec ce numérique
19:02 où chacun se croit maître
19:04 dans sa prairie et
19:06 qui est porteur d'une
19:08 violence incroyable,
19:10 c'est vrai que ce n'est pas toujours évident
19:12 d'accepter des responsabilités,
19:14 vous dire que vous êtes,
19:16 vous devez vous y coller toute la semaine,
19:18 et surtout le week-end, et avoir
19:20 des menaces.
19:22 – Justement, dans la société d'aujourd'hui,
19:24 Claude, est-ce que vous, vous le referiez ?
19:26 Si c'était à refaire ? Est-ce qu'aujourd'hui, vous vous engagez ?
19:28 – Moi, j'ai toujours été un combattant.
19:30 D'abord, j'ai
19:32 vraiment pris beaucoup de plaisir
19:34 à porter des réformes,
19:36 à porter des
19:38 idées, parce que la première des choses,
19:40 c'est ça, vous voyez,
19:42 parce que je vois bien
19:44 ce que sont les enjeux
19:46 de la société.
19:48 Si j'avais 20 ans de moins, j'y retournerais,
19:50 vous voyez, mais je sais que c'est difficile.
19:52 Et j'entends les élus qui
19:54 aujourd'hui ont des responsabilités,
19:56 j'entends par certains côtés
19:58 leur souffrance. Et puis après,
20:00 c'est ce que je vous disais tout à l'heure,
20:02 si jamais il devait y avoir
20:04 encore
20:06 longtemps dans cette société,
20:08 cette violence que l'on ressent, y compris
20:10 à l'Assemblée nationale, c'est pas normal,
20:12 c'est pas ma conception de la démocratie.
20:14 Moi, vous savez, avec votre accent,
20:16 vous allez comprendre ce que je veux dire.
20:18 Moi, j'étais pour la politique rugby.
20:20 Il y a la première mi-temps,
20:22 il y a la deuxième mi-temps,
20:24 il y a même la mêlée où on peut s'en mettre quelques-unes
20:26 si on ne s'est pas rattrapé par l'arbitre,
20:28 mais il y a la troisième mi-temps,
20:30 où on est capable de parler ensemble.
20:32 Aujourd'hui, on a le sentiment
20:34 justement que la démocratie, elle est un petit peu
20:36 en berne, notamment à l'Assemblée,
20:38 où plus personne ne se parle.
20:40 Je dois vous dire que lorsque je regarde
20:42 les travaux et les comportements
20:44 de l'Assemblée aujourd'hui, je zappe.
20:46 Parce que j'ai trop mal
20:48 lorsque je vois
20:50 ces images et que je pense
20:52 au rôle que je souhaiterais
20:54 voir jouer pour l'Assemblée.
20:56 S'il n'y a pas un lieu de débat
20:58 qui permette à toutes les idées
21:00 de se faire entendre,
21:02 mais s'il n'y a pas un lieu
21:04 qui permet d'élaborer un compromis,
21:06 la société connaîtra
21:08 encore des moments de grande violence.
21:10 Est-ce que peut-être aussi, Claude,
21:12 on peut se dire,
21:14 pour venir sur le sujet de Bernard Cazeneuve,
21:16 on en a un petit peu parlé tout à l'heure
21:18 avec la Convention,
21:20 est-ce que c'est un espoir justement
21:22 de retrouver peut-être quelque chose de plus apaisé,
21:24 une gauche qui va réussir à s'entendre,
21:26 à discuter ? Comment vous percevez-vous ?
21:28 Alors, Jade Franck,
21:30 au cours des deux dernières élections présidentielles,
21:34 finalement, le président Macron
21:36 m'a aidé. Je voyais bien qu'il y avait
21:38 une panne au sein de la gauche.
21:40 Je ne me voyais pas voter
21:42 ni pour l'extrême-droite
21:44 et pas pour Mélenchon, compte tenu
21:46 du discours, qui n'a pas toujours été
21:48 celui-là de sa part.
21:50 Moi, ça a été mon collègue au gouvernement.
21:52 Ça a été un copain, ça a été un vrai
21:54 social-démocrate. Et le voir aujourd'hui
21:56 sur ce bilan...
21:58 Est-ce qu'il n'est pas dans l'outrance aujourd'hui ?
22:00 Je n'ai pas compris la manière dont il s'est passé
22:02 et je ne vois pas quelle est la sortie de cela.
22:04 Et pour moi, il n'était pas question, encore moins,
22:06 bien entendu. Je ne fais pas la comparaison
22:08 entre les deux,
22:10 de risquer
22:12 l'élection d'un président ou d'une présidente
22:14 d'extrême-droite.
22:16 Donc, j'ai utilisé
22:18 le vote Macron. Mais aujourd'hui,
22:20 je vois bien que nous sommes
22:22 dans une situation où
22:24 les choses ne sont pas claires.
22:26 À la fois, il y a
22:28 ces multiples candidats.
22:30 Alors, nous sommes encore loin.
22:32 On est à quatre ans.
22:34 Mais les choses ne sont pas claires. Et du coup,
22:36 je comprends parfaitement qu'il puisse y avoir
22:38 des gens qui aillent dans de nombreuses réunions
22:40 pour essayer de commencer à se faire une idée.
22:42 Et c'est ce que j'ai ressenti
22:44 à la réunion qui a rassemblé beaucoup de monde
22:46 autour de Bernard Cazeneuve
22:48 à Créteil.
22:50 Je voyais des gens qui étaient
22:52 dans le doute depuis deux quinquennats,
22:54 qui avaient très mal supporté,
22:56 pour bon nombre d'entre eux,
22:58 l'échec de François Hollande et de la gauche
23:00 au moment des élections
23:02 législatives et présidentielles,
23:04 et qui sont à la recherche
23:06 de quelque chose.
23:08 Mais d'après vous, Claude, est-ce qu'il est câblé ?
23:10 Est-ce qu'il est dimensionné pour tenir,
23:12 pour subir toute cette violence ?
23:14 Vous savez, il faut trois choses
23:16 pour affronter la période
23:18 dans laquelle on vient, pour tout parti politique.
23:20 Il faut
23:22 une idéologie, un projet.
23:24 Il faut une stratégie
23:26 de rassemblement, parce que
23:28 la France ne pourra pas
23:30 affronter les étapes
23:32 qui nous attendent au niveau français,
23:34 international, européen, sans une majorité.
23:36 Solide, et il faut
23:38 une incarnation. Bon, l'incarnation,
23:40 Cazeneuve l'a.
23:42 On l'a vu en tant que Premier ministre,
23:44 en tant que ministre de l'Intérieur,
23:46 dans des moments très difficiles, il l'a.
23:48 Mais pour le reste,
23:50 on voit bien que la stratégie,
23:52 elle doit encore,
23:54 il le sait lui-même, être définie,
23:56 et l'idéologie,
23:58 elle doit aussi être
24:00 affinée pour permettre
24:02 de tenir compte à la fois de
24:04 ce que sera l'héritage des
24:06 dix ans du président Macron, et ce que
24:08 doit être le discours
24:10 d'une gauche rassemblée,
24:12 sociale-démocrate,
24:14 qui est pour le compromis, avec une capacité
24:16 de rassembler autour.
24:18 Je vous le dis,
24:20 notamment sur cette question environnementale
24:22 qui vous passionne,
24:24 pour des raisons personnelles,
24:26 pour des raisons professionnelles,
24:28 on ne pourra pas gouverner la France
24:30 simplement avec 50%,
24:32 même si c'est une majorité.
24:34 Si l'on veut passer, si l'on veut faire
24:36 passer cette révolution
24:38 dans les modes de vie,
24:40 dans les modes de production,
24:42 dans les relations
24:44 entre les uns et les autres, s'il n'y a pas
24:46 une volonté de rassemblement dans le pays.
24:48 Merci Claude Barthelone.
24:50 Merci.
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