• l’année dernière
Alors que la crise sanitaire a révélé de profonds dysfonctionnements au sein des urgences, cet été 2023 s'annonce également chargé pour les soignants, désemparés devant cette aggravation. Pour en parler, Dominique Savary, chef des urgences du CHU d'Angers et l'un des responsables de Samu-France.
Regardez L'invité de RTL du 02 août 2023 avec Antoine Cavaillé-Roux.

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00:02 RTL Matin
00:06 7h43 c'est devenu une mauvaise ritournelle de l'été tous les ans.
00:12 Les services d'urgence ferment par dizaines. 70 services touchés en ce moment selon le syndicat des intérimaires
00:18 hospitaliers. Leur accès est donc régulé. La nuit pour certains, 24 heures sur 24 pour d'autres.
00:25 Cherbourg, Laval, Vittel, Manosque, Maubeuge, la liste est longue. On en parle ce matin avec Dominique Savary, chef des urgences du CHU
00:33 d'Angers, membre du conseil d'administration du syndicat SAMU Urgences de France.
00:37 Dominique Savary, comment ça se passe cet été dans votre hôpital à Angers ?
00:42 Alors à Angers ça se passe pas trop mal
00:46 même si c'est compliqué pour les équipes parce qu'on manque de personnel mais
00:52 on arrive à tenir le cap sans forcément réguler
00:57 l'accès aux urgences.
00:59 A l'échelle nationale, est-ce que cet été 2023, est-ce que vous diriez qu'il est pire que l'été 2022 ?
01:06 Alors sur le plan national, on a plein de retours de collègues qui nous disent que c'est plus dur que l'année d'avant
01:15 avec un certain nombre de professionnels qui ont quitté le navire
01:20 et beaucoup plus en tous les cas de retours de services qui sont fermés partiellement ou totalement.
01:25 Et pour quelles raisons c'est plus dur cette année, cet été ?
01:28 Et bien parce que
01:30 des praticiens sont partis,
01:32 un certain nombre de
01:35 missions, en particulier des intérimaires, vous les citiez tout à l'heure,
01:40 ont compliqué les choses et les intérimaires ne sont pas tous revenus pour nous aider à faire fonctionner les services.
01:46 Ça c'est à cause de la loi RIST qui encadre les rémunérations des intérimaires ?
01:51 Tout à fait, et puis je dirais
01:54 l'attractivité des carrières hospitalières et la pénibilité de nos services,
01:59 c'est pas amélioré dans l'année, alors que c'était une grande attente depuis les trois ans qu'on a vécu du Covid.
02:06 Vous diriez que là, le personnel hospitalier, les médecins, les infirmiers,
02:12 c'est un personnel qui a
02:15 à bout de souffle, qui est dégoûté par les pratiques ?
02:19 Alors tout à fait, vous citez les médecins, les infirmiers bien sûr, mais il n'y a pas que eux.
02:25 En ce moment par exemple, on assiste à une grève des assistants de régulation médicale,
02:29 c'est le personnel qui répond au téléphone au centre 15 et dans les services d'accès aux soins,
02:35 et donc tout voilà, l'ensemble des personnels d'urgence
02:39 vit cette tension.
02:42 Ces difficultés au sein des services d'urgence, c'est aussi à cause de l'été,
02:46 qui serait une période plus chargée, on pense notamment aux hôpitaux dans les zones touristiques ?
02:52 Alors vous avez raison, il y a un surcroît de travail et de tension
02:57 sur ces hôpitaux qui sont dans les zones saisonnières,
03:00 on pense aux bords de mer ou aux zones de montagne,
03:04 mais c'est aussi parce que c'est le moment où
03:09 les équipes médicales et paramédicales ont aussi besoin de prendre des vacances, et donc
03:14 avec ces départs, il y a moins de personnes sur le pont pour
03:18 faire fonctionner la maison.
03:20 Et on a du mal à recruter des intérimaires, puisqu'il y a eu cette loi qui encadre leur rémunération.
03:25 Exactement.
03:26 L'an dernier,
03:28 Dominique Savary, il y a eu les mesures flash, les fameuses mesures flash de François Braun, ministre de la santé de l'époque,
03:35 dont cette fameuse régulation de l'obligation d'appeler le 15 avant de se rendre aux urgences.
03:40 La mesure a donc été reconduite cet été, est-ce que c'est tenable sur le long terme ?
03:45 Alors cette mesure nous a aidé l'été dernier et nous aide encore cette année.
03:51 C'est même un peu généralisé, donc ça c'est plutôt bien,
03:55 et à Samurgence de France, on pense que c'est la solution, mais
03:59 cette solution est pérenne, à condition qu'on renforce ses personnels
04:05 à la régulation médicale, ses assistants de régulation dont je parlais il y a quelques instants.
04:09 Et puis il faut sur le territoire une généralisation des services d'accès aux soins, des SASS, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui.
04:15 Si je prends mon hôpital, un centre hospitalier universitaire,
04:18 le service d'accès aux soins n'est pas encore en place, parce que ça prend du temps, parce qu'il faut mobiliser
04:25 les praticiens libéraux, qui pourtant essayent de nous aider, mais eux aussi sont en tension pour arriver à faire fonctionner
04:32 et la régulation, mais aussi des solutions d'infection pour les patients qui viennent nous voir.
04:37 Et pourquoi c'est une bonne solution ? Parce que quand on se met à la place des gens,
04:41 quand on voit que les urgences vont être fermées de telle heure à telle heure, ou alors
04:44 carrément toute la journée, on se dit c'est pas une bonne solution, on a envie de pouvoir
04:49 se rendre aux urgences, on a envie de pouvoir être soigné le plus rapidement possible.
04:54 Alors vous avez raison,
04:56 et je me permets de rappeler, le bon réflexe en journée c'est d'appeler son médecin traitant, et puis le deuxième réflexe, s'il n'est pas là
05:02 ou si c'est un week-end ou une nuit, il faut appeler le 15, parce que quand on est un patient,
05:06 on a toujours l'impression que ce qu'on a c'est grave, mais pas forcément, et donc un praticien, lui va pouvoir juger professionnellement
05:14 de la pertinence des symptômes que vous avez, s'il faut effectivement aller aux urgences.
05:19 Et donc ça évitera, on l'a vécu pendant le Covid, que des patients qui ont des infarctus, qui sont des maladies très graves,
05:26 ou des accidents vasculaires cérébraux, des AVC,
05:28 ne viennent pas aux urgences parce qu'on leur a dit "attention il y a le Covid", et aujourd'hui on leur dit "attention les services du genre sont fermés",
05:34 alors qu'ils ont une maladie grave. Et puis d'autres ont des pathologies qui sont un petit peu plus bénignes, ils peuvent attendre,
05:39 et donc c'est cette population là, qui représente entre 15 et 30%, ça dépend des services, mais qui viennent à l'urgence, mais finalement qui pourraient
05:47 déplacer et venir un petit peu plus tard, ou organiser les choses dans les 48 heures.
05:52 Et donc l'idée c'est vraiment d'accueillir aux urgences les patients qu'on a besoin immédiatement, et qui ont une vraie urgence.
05:58 Lundi, le nouveau ministre de la Santé Aurélien Rousseau était en visite à Sarla, il a reconnu ne pas se satisfaire de la situation,
06:05 sans pour autant annoncer de nouvelles mesures, je le cite "il faut encaisser le coup", et ensuite petit à petit on remonte.
06:14 Comment vous Dominique Savary, vous interprétez ces propos ?
06:18 Alors je trouve ça plutôt bien qu'il se soit déplacé, et qu'il se rende compte des difficultés dans lesquelles on est.
06:25 Maintenant encaisser le coup, le coup il est quand même prolongé depuis trois ans, et donc
06:31 effectivement on a tous envie de dire, et notre syndicat en particulier, qu'il faut agir
06:36 sur le long terme, penser à l'attractivité, et puis organiser les choses,
06:40 et mettre en place un certain nombre des mesures qui ont été proposées par François Braun dans les mesures flash,
06:46 et puis retravailler avec nous sur l'attractivité des carrières hospitalières, tout à fait.
06:53 Vous lui faites confiance à Aurélien Rousseau, nouveau ministre de la Santé ?
06:57 Alors d'emblée on lui fait confiance,
07:00 d'abord parce que c'est quelqu'un qui a eu une expérience hospitalière, et qui connaît le monde hospitalier,
07:07 et donc on s'est proposé de
07:10 le rencontrer, et de travailler avec lui, mais bien sûr que oui,
07:14 les urgentistes, les généralistes, et je pense les professions
07:20 médicales en général, ont plutôt tendance à faire confiance, et à voir sur le papier ce qui va se passer bien sûr.
07:26 Pour parler des solutions, est-ce que selon vous Dominique Savary, est-ce qu'il faut plus de coordination, de passerelle entre
07:33 l'hôpital et la médecine de ville ? Vous l'avez un petit peu abordé, je prends l'exemple
07:38 d'Ucel, c'est en Corrèze, on y était ce matin dans le journal de 7 heures, où des généralistes
07:44 acceptent de faire des remplacements aux urgences cet été, est-ce que c'est un début de solution ?
07:50 Alors c'est certainement une solution pour les patients que je venais de décrire, c'est à dire qu'ils ne sont pas très graves.
07:55 Après on a des patients qui sont des patients urgents, et là il faut que ce soit des urgentistes qui les prennent en charge,
08:01 et donc oui, que j'ai des passerelles, et qu'on puisse travailler avec ces généralistes, c'est très bien.
08:06 Les généralistes ne peuvent pas remplacer des urgentistes ?
08:08 Alors il y a certains généralistes qui
08:11 ont des compétences en médecine d'urgence, et qui ont travaillé, et dans mon service j'ai des généralistes qui travaillent, et qui sont
08:18 des urgentistes pour moi. Donc non, non, oui, c'est tout à fait possible.
08:22 Après, chacun son métier,
08:24 mais de les avoir à la porte des urgences, ça permet,
08:28 quand un patient n'est pas si grave que ça, de le proposer à notre collègue,
08:32 pour qu'il ait quand même une réponse. Parce que souvent dans nos villes, la problématique c'est que les gens,
08:37 en dehors des urgences, il n'y a pas de lumière, et donc ils n'ont pas de réponse. Et donc nous on est là pour apporter une
08:43 réponse à tous les gens qui se présentent.
08:47 Les obliger, les contraindre, ces médecins libéraux à assurer des gardes à l'hôpital, est-ce que là encore c'est une solution ?
08:53 Ou est-ce qu'elle est trop radicale ?
08:55 Je pense qu'elle est beaucoup trop radicale.
08:57 On sait très bien, surtout en France, que la contrainte ça ne fonctionne pas.
09:02 Non, il faut travailler, et qu'on se mette ensemble autour de la table, auprès de notre ministre, pour avancer sur des solutions qui soient pérennes,
09:08 durables.
09:10 On parle d'attractivité, pénibilité, voilà, c'est là dessus qu'il faut travailler. Et puis on va y arriver.
09:16 On va y arriver, on garde espoir. Merci beaucoup Dominique Savary.
09:20 Je vous en prie.
09:22 [SILENCE]

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