Samedi 3 juin 2023: Interview de M. Alain JUND
Vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg
en charge du Plan Mobilité
Vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg
en charge du Plan Mobilité
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00:00 Bonjour Alain, content de te retrouver pour cette interview sur les politiques de mobilité
00:09 donc à Strasbourg. Je vais laisser la parole à Georges qui va t'interviewer. En gros sur trois
00:16 aspects, le premier aspect est lié au constat que vous avez fait en 2020 quand la nouvelle
00:26 gouvernance de Strasbourg, la majorité verte, est arrivée. Et puis donc du coup à partir de ce
00:32 constat donc les objectifs et les priorités que vous nous aviez donné, ça c'est le premier temps
00:37 en quelque sorte. Le deuxième temps ce serait, puisqu'on est à mi-mandat en quelque sorte,
00:44 voilà après trois ans, quel constat, quelle réussite, quel problème. Et puis le troisième
00:50 temps ça pourrait être comment toi tu vois les choses aujourd'hui, les difficultés. Et puis en
00:56 particulier, il faut mettre l'accent sur la démocratie participative, quelle pédagogie,
01:03 quel métier. Le débat public autour des mobilités. Oui, voilà je laisse Georges
01:10 continuer donc l'interview. Voilà donc on peut commencer par le premier point. Merci M. Alain
01:17 Younes de votre présence. On est très content de vous avoir parce qu'on fait la publicité de
01:26 Strasbourg-Villeverde à LVM et puis on voulait vraiment avoir cette capacité de présenter ce
01:33 que faisait Strasbourg. Voilà donc j'aimerais bien que vous vous rappeliez vos fonctions
01:41 dans la métropole et à Strasbourg. Et puis après on va démarrer véritablement l'échange sur les
01:51 points de la mobilité. D'accord, donc je suis vice-président de l'agglomération en charge
01:57 des mobilités, des déplacements et aussi de la politique cyclable. Et je suis aussi par ailleurs,
02:02 à ce titre-là, dans un certain nombre de structures nationales. Il y a le club des
02:07 villes cyclables, il y a aussi le Gard qui réunit l'ensemble des collectivités qui ont en charge
02:16 la mobilité et je m'occupe encore par ailleurs de l'habitat participatif à la ville de Strasbourg.
02:23 Et je suis encore très actif dans le réseau national des collectivités pour l'habitat
02:28 participatif. Merci beaucoup. Alors il y a trois ans, il y a eu un grand chamboulement avec l'arrivée
02:40 des Verts à Strasbourg, à la surprise un peu générale, il faut bien le dire, et on en a
02:47 attendu beaucoup. Alors vous, vous êtes arrivé sur un terrain qui n'était pas forcément tout à
02:55 fait défavorable puisque ça fait des années que les municipalités travaillent à la ville de
03:02 Strasbourg, mais là les choses s'accélèrent, les choses s'accélèrent et on sait qu'il va
03:08 falloir aller plus vite. Donc j'aimerais bien que vous nous parliez de ce point de départ quand
03:14 vous êtes arrivé et puis ensuite que vous nous parliez des priorités que vous avez tracées pour
03:21 la zone, on va dire la métropole et la ville. D'accord, donc c'est vrai que Strasbourg en
03:28 question de mobilité, on n'a pas à rougir de ce qui s'est fait depuis 20-25 ans, que ce soit sur
03:34 la question des transports, du tram, etc. Mais je crois qu'on était arrivé à un moment où il
03:39 fallait à la fois changer de braquet et peut-être aussi changer de focale pour plusieurs raisons.
03:47 La première c'est que Strasbourg est depuis très longtemps préoccupé par les enjeux de qualité de
03:53 l'air et donc de santé publique et on sait qu'entre qualité de l'air et mobilité il y a
04:00 un lien direct et donc il nous fallait sortir, en tout cas relever ce défi-là. Deuxième élément
04:07 important c'est qu'on est quand même en accélération face au défi climatique et quand
04:12 on sait que les mobilités c'est entre 30 et 40 % des émissions de gaz à effet de serre,
04:17 je dirais qu'il fallait là aussi changer de braquet. Le troisième élément, il faut qu'on continue à
04:24 garantir le droit à la mobilité pour toutes et tous parce que je dirais qu'on est dans une
04:30 période où on se rend compte que de plus en plus c'est ceux qui sont les plus fragiles qui font
04:35 les plus le frais, y compris des évolutions climatiques et donc il y avait, c'est le quatrième
04:42 enjeu, un enjeu, on l'appelle un peu comme ça, l'enjeu du pouvoir d'achat, c'est-à-dire comment
04:48 permettre à tout un chacun de se déplacer au moment où le prix de l'essence est à 2 euros
04:54 et ne va plus baisser, quoi qu'on veuille faire, quoi qu'on veuille dire. Donc c'est autour de ces
05:00 quatre défis qu'on a engagé, alors on appelle ça la révolution des mobilités parce que je pense
05:06 que la politique des petits pas ne suffit plus et on a fait des mobilités, la priorité politique
05:14 et budgétaire, j'insiste beaucoup sur ça, de ce mandat en investissant le temps du mandat 500
05:24 millions d'euros, ce qui est le triple de ce qui a été investi dans les mandats précédents, donc
05:32 c'est à la fois un financement, en tout cas un budget qui est devenu de loin le premier budget
05:39 de l'euro métropole, avec aussi un changement de focale, c'est-à-dire qu'aujourd'hui la mobilité,
05:46 mais je dirais je ne vous apprends rien, c'est pas seulement un enjeu des centres-villes et des
05:54 centres des agglomérations, mais c'est des enjeux qui dépassent totalement les centres des
06:01 agglomérations. Aujourd'hui, je vais juste citer un chiffre, quand 16% des Strasbourgeois se déplacent
06:09 à vélo, c'est la part modale à Strasbourg, elle est de 10 à 11% sur l'euro métropole et elle est
06:15 beaucoup moins sur le département et inversement sur la place de la voiture ou la place des
06:23 transports en commun et donc il fallait absolument qu'on change de focale et surtout qu'on change de
06:29 braquer en termes politiques et surtout budgétaires. Alors qu'est-ce qu'on a, donc là on est à l'été
06:38 2023, donc on est à mi-mandat, à quelques semaines près, qu'est-ce qu'on a voulu faire avancer et
06:46 qu'est-ce qu'on a d'ores et déjà fait avancer ? Quand je parlais avant de changement de focale,
06:51 peut-être un des éléments, je sais pas si c'est fondateur, mais en tout cas qui est en train de
06:57 transformer les mobilités, c'est le réseau express métropolitain, c'est-à-dire on a la chance sur
07:04 l'agglomération d'avoir 13 gares, on a la chance d'avoir sur les 30 ou 40 kilomètres autour une
07:10 quarantaine de gares et donc on a, avec la région Grand Est, avant la région Alsace, maintenant la
07:18 région Grand Est, engagé le réseau express métropolitain. Je dis ça avec la région parce
07:24 que c'est la région qui a compétence globalement sur les mobilités en dehors de l'agglomération
07:30 et que nous on est écolo, la région est républicain et on a très rapidement, à partir de 2020,
07:37 réussi à dépasser ces frontières politiques avec un petit p, pour se dire qu'il faut absolument
07:49 surmonter ces enjeux-là et arriver à ce réseau express métropolitain entre la région et l'euro
07:58 métropole. Je dis ça parce que je sais que sur la région Aura avec Bocquier c'est un peu différent
08:08 et ce qu'on est en train de faire en Alsace, il n'est pas possible de le faire à Lyon. J'ai vu
08:13 un certain nombre de mes collègues de Lyon, dont Bruno Bernard qui est président de l'agglomération
08:18 de Lyon la semaine dernière et donc l'objectif que nous avions fin décembre dernier c'était 800
08:27 trains supplémentaires par semaine en gare d'Ostrasbourg venant de tout le bassin de vie de
08:33 l'agglomération. Entre la SNCF qui n'a pas été au rendez-vous et puis il y a quand même un climat
08:40 social qui a été difficile, le démarrage a été plus que très difficile et aujourd'hui nous en
08:47 sommes à peu près à 600 trains par semaine et nous devrions d'ici l'automne arriver à ces 800
08:55 trains. Et je pense que ce qui est extrêmement intéressant c'est qu'on change de focale,
09:00 on retrouve le ferroviaire dans le tissu urbain, le ferroviaire du quotidien avait quand même perdu
09:06 une partie de sa place avec le tout est gêné et surtout, je ne sais pas si je dois dire de
09:13 l'intelligence politique, mais en tout cas, j'ai presque envie de dire une complicité politique,
09:20 d'abord avec Jean Rottner, l'ancien président de la région, pour mettre ça en place. Donc ça
09:27 c'est vraiment le premier élément qui peut-être est le plus structurant. Deuxième élément à
09:33 mi-mandat, on s'était engagé à faire trois nouvelles lignes de tram, donc une vers l'ouest,
09:41 une vers le nord et une vers les institutions européennes depuis la gare. Celle vers l'ouest,
09:47 ça se passera demain, on aura un avis favorable de la commission d'enquête qui nous permet de
09:56 lancer les travaux cet été. Donc dès cet été, les travaux pour une première ligne de tram vers
10:00 l'ouest vont s'engager et nous sommes actuellement en concertation réglementaire sur les deux autres
10:08 lignes. On y reviendra après dans les questions débats publics, démocratie locale, mobilité,
10:13 parce que les choses sont compliquées. Donc ça c'est le deuxième point, trois nouvelles lignes
10:20 de tram, ça fait partie de cet investissement. Troisième élément qui va aussi se passer en 2023,
10:27 c'est de nouvelles lignes de cars et de bus, parce que le tram certes fait du transport massif,
10:35 mais si on veut irriguer tout le territoire, c'est les bus et les cars interurbains qui sont
10:42 importants, avec notamment une nouvelle ligne de bus à haut niveau de service, qui va notamment,
10:48 parce que ce n'est pas le cas aujourd'hui, desservir de la gare à l'hôpital. Donc troisième élément.
10:53 Quatrième élément, on est en train d'investir 100 millions d'euros sur le réseau cyclable,
10:59 ce qui ne veut pas dire qu'il n'y avait pas grand chose, mais 100 millions parce qu'on sait qu'il
11:05 y a des discontinuités, je sais qu'il y a des problèmes de sécurité, je sais qu'il y a des
11:09 problèmes de franchissement de voies de chemin de fer ou de voies d'eau, et il y a aussi, avec
11:16 l'arrivée du vélo à assistance électrique, un développement important du vélo, notamment des
11:22 personnes qui viennent de l'extérieur du centre-ville et de l'agglomération. C'est vraiment
11:28 l'irruption du vélo à assistance électrique qui change un peu la donne sur l'agglomération. On a
11:35 vraiment cette perspective de portée à 20 ou 25 % de la part du vélo dans les déplacements.
11:41 Et puis le troisième élément, le dernier élément qui me semble intéressant, c'est aussi de travailler
11:48 dans la dentelle. Il y a ce qui est structurant, le train, le fer, le tram, et puis ce qui se fait
11:55 dans la dentelle. Deux exemples, l'autopartage, il y a maintenant depuis une vingtaine d'années,
12:00 c'était Auto Autrement et maintenant Cities qui se développent, parce qu'une voiture en autopartage,
12:06 c'est 8 à 9 voitures individuelles, donc c'est à la fois intéressant pour l'espace public,
12:11 mais également pour les économies, le pouvoir d'achat, mais aussi le transport à la demande.
12:18 Parce que ce qui me semble important dans l'immobilité, c'est qu'on arrive à embarquer
12:27 tout un territoire, c'est-à-dire aujourd'hui à Strasbourg, au centre-ville, j'ai envie de dire
12:32 on peut se déplacer en bus, en tram, à pied, à vélo, comme vous voulez. Mais c'est plus on s'éloigne
12:39 du centre-ville, plus il faut trouver des modalités de déplacement qui soient beaucoup plus fins,
12:47 et c'est pour ça qu'on a mis sur toutes les communes de leur métropole le transport à la
12:54 demande. Dernier élément, nous ne sommes pas favorables à la gratuité des transports en commun,
13:01 parce que je dirais on est partisans de la tarification solidaire, c'est-à-dire c'est
13:09 comme l'impôt direct, on est plutôt pour l'impôt direct que pour la TVA, parce que c'est quand même
13:13 ce qu'il y a de plus juste. Néanmoins, nous avons mis en place la gratuité pour les moins de 18 ans,
13:19 parce qu'on pense que c'est à la fois en termes d'autonomie, de liberté, d'apprentissage des modes
13:29 de déplacement, quelque chose de tout à fait intéressant. Il y a aujourd'hui sur l'agglomération
13:36 70 000 jeunes de moins de 18 ans qui ont leur badgeo, donc leur ticket gratuit. Voilà quelques
13:44 éléments à la fois des objectifs que nous avions, des moyens financiers que nous mettons et puis,
13:50 je ne sais pas si c'est un bilan à mi-mandat, mais en tout cas c'est les étapes dans lesquelles
13:58 nous sommes aujourd'hui. Une question pour parler du démarrage de projet, est-ce que les trains sont
14:05 remplis ? Est-ce qu'il y a du monde dans les trains ? Je pense que, je pense que en augmentant,
14:14 c'est vrai que les six premiers mois ont été un peu chaotiques, je crois qu'il ne faut pas se le
14:20 cacher, mais il y avait une espèce d'attente de la part des usagers parce qu'en même temps,
14:26 il y avait la crise énergétique et la crise ukrainienne qui vont ensemble et donc il y avait
14:33 une explosion du coût de l'essence. Il y avait cette annonce de cadencement du train, parce qu'on
14:39 a la chance d'avoir 13, 12, je prends la gare de Kehl qui est en Allemagne, on ne parle pas d'annexion,
14:46 mais la gare de Kehl fait partie de cette agglomération et donc aujourd'hui les trains
14:53 sont pleins. C'est à dire qu'aujourd'hui, il y avait deux questions, trois questions qui se
14:59 posaient sur le sol ferroviaire, c'était la question du cadencement, quand vous avez un train toutes les
15:04 heures et demie, on n'y va pas facilement, quand il y en a toutes les 20 minutes, on sait qu'il y en a
15:10 toutes les 20 minutes, donc ça c'est le premier élément. Deuxième, c'est l'amplitude horaire,
15:14 quand les derniers trains partent à 19h30, il y a à la fois toute une série de personnes qui se
15:21 disent "certes le matin il y a un train, mais le soir je ne peux pas rentrer chez moi après le
15:26 boulot, après la fac, après avoir été au cinéma ou autre", donc on a augmenté cette amplitude
15:33 horaire et donc ce qui fait qu'aujourd'hui les trains sont extrêmement utilisés, beaucoup plus
15:42 que ce qu'on pensait initialement, même s'il faut redonner confiance aux usagers parce que le fait
15:49 du début chaotique ça a rendu quand même un peu les choses difficiles. C'est pareil sur le tram,
15:55 le Covid a été pour tous les transporteurs publics des années difficiles parce que les gens
16:02 ne voulaient plus prendre les transports collectifs pour des questions de promiscuité,
16:06 de voisinage etc. On est de nouveau aujourd'hui à 98% en termes de fréquentation par rapport à la
16:14 période avant Covid. D'accord, merci beaucoup. Alors vous avez raison de citer le grand nombre
16:23 de solutions à mettre en oeuvre pour la mobilité, vous avez parlé aussi des bus haute qualité de
16:32 service, c'est quoi les hautes qualités de service ? Je dirais, c'est un nom un peu barbare,
16:38 c'est les BHLS, les bus à haut niveau de service, mais je pense qu'il faut absolument débaptiser ça,
16:43 en fait c'est des bus qui ont la même possibilité qu'un tram, c'est à dire ils sont prioritaires,
16:49 ils ont des voies dédiées et donc ils ont un horaire identique et non seulement ils sont
16:58 très performants, mais en plus là aussi ce qui va circuler c'est 5h du matin à 1 minute 30,
17:06 il y en a un certain nombre d'autres lignes qu'on est en train de mettre en place parce que de plus
17:11 en plus, si on veut que les transports collectifs soient entre guillemets compétitifs ou donnant
17:17 vie constituent une véritable alternative, il faut vraiment qu'il y ait du cadencement et de
17:24 l'amplitude horaire et c'est aussi pour ça que la question de la gratuité pour nous est une
17:33 mauvaise réponse à une bonne question. Reprendre les formules célèbres et donc nous sommes partisans,
17:40 nous appliquons la tarification solidaire parce que c'est d'ailleurs aujourd'hui si on voulait
17:47 faire la gratuité totale il nous faudrait trouver 50 à 60 millions par an ce qui est impossible
17:53 autour des impôts locaux, sachant aussi que les impôts locaux c'est ce qu'il y a de plus injuste,
17:59 c'est à dire c'est pas les impôts les plus juste, donc c'est vraiment autour de ça qu'on
18:07 travaille c'est à dire d'améliorer le service cadencement et amplitude. Merci, alors j'ai vu
18:15 aussi récemment qu'il y avait un travail sur des parkings qui étaient proposés et qui étaient
18:23 aussi expliqués comme une solution face à l'augmentation de la tarification du parking
18:30 résidentiel qui a été très forte. Est-ce que vous pouvez nous en dire un mot et comment ça
18:34 rentre dans votre politique de mobilité ? Alors c'est vrai que le stationnement fait partie de
18:40 la politique de mobilité, le stationnement c'est aussi à la fois trouver des modalités qui soient
18:49 plus justes, c'est pour ça qu'on a là aussi mis en place une tarification qui va de 15 à 45 euros
18:56 pour un abonnement mensuel en fonction des revenus. La question du stationnement c'est
19:02 aussi la question de l'occupation de l'espace public parce qu'on sait que dans nos villes,
19:07 quelles qu'elles soient, je dirais une voiture passe 95% de son temps stationnée à un endroit
19:16 et donc il semble pour nous plus intéressant de ranger les voitures y compris dans des silos à
19:23 voiture que d'occuper de manière importante l'espace public et donc c'est à la fois de
19:32 diminuer l'usage de la voiture par les politiques de mobilité alternative à la, je ne dis pas contre
19:43 la voiture individuelle mais alternative à la voiture individuelle, le stationnement en fait
19:48 partie notamment la possibilité, il y a autour de Strasbourg une dizaine de parking relais,
19:56 quand vous avez votre voiture, vous arrivez dans ce parking relais, vous avez un ticket à 4 euros 20,
20:01 et cette personne peut pendant toute journée utiliser les transports collectifs plutôt que
20:07 d'avoir une focalisation sur l'espace public du centre-ville. Nous préférons dans les villes
20:13 avoir plus de place pour les piétons, plus de place pour les vélos, plus de place aussi pour
20:19 la végétation parce que les questions de chaleur urbaine deviennent de plus en plus préoccupants.
20:27 Très bien, merci beaucoup. Alors on imagine cet ensemble complexe, je pense que ça a intéressé
20:39 et que vous avez fait participer les Strasbourgeois et comment on s'est accueilli par les
20:45 Strasbourgeois ? Est-ce que vous avez déjà des retours ? Alors je pense qu'il y a un certain
20:51 nombre de retours mais dans tout changement c'est compliqué. Je m'explique, on a aujourd'hui sur
21:00 le tram les mêmes débats qu'il y a 30 ans. Exactement c'est du copier-coller, c'est à dire
21:06 vu mon âge, j'étais à Strasbourg quand il y a eu les premières lignes de tram, je n'ai jamais vu,
21:14 et sauf que là ces derniers mois, mais par rapport au début des années 90, des débats publics
21:20 aussi agités, aussi crispés, aussi fracturés. Vraiment, je pense que c'est notamment sur la
21:30 question du tram, parce qu'on fait quand même quelques petites révolutions dans ce domaine-là,
21:35 pour ceux qui connaissent Strasbourg, l'avenue des Bauges, on ne pourra plus transiter en voiture
21:41 par l'avenue des Bauges, à Schildikeim, sur une des branches du tram vers le nord, il y aura la
21:47 piétonnisation d'une partie d'une rue de Schildikeim, et sur la gare, non seulement on va ouvrir la
21:57 gare vers l'arrière, c'est un serpent de mer qui a 30 ans maintenant, mais il y a aussi des
22:02 réorganisations qui se font, et donc le débat public, quand je dis qu'il est compliqué, il est
22:11 compliqué parce qu'entre les enjeux locaux de chez moi, juste devant chez moi, comment je
22:17 vais faire, c'est compliqué, comment trois ans de chantier, le fait que je ne pourrais plus tout à
22:24 fait venir avec ma voiture devant chez moi, il y a les enjeux, bon après il y a les débats politiques,
22:29 mais ça c'est, j'ai envie de dire, c'est normal, et donc on est sur une espèce de paradoxe en
22:36 permanence, c'est-à-dire que tout le monde dit qu'il y a l'effet climatique, beaucoup disent
22:41 qu'il y a les enjeux de santé publique et de qualité de l'air, et puis après disent oui,
22:46 mais ça va être difficile de changer les habitudes, et donc on est dans cette tension permanente,
22:52 quand je dis qui est compliquée, parce que notamment sur le tram, on a eu x réunions publiques ces
23:01 trois derniers mois, et je me souviens d'une des réunions publiques au palais des fêtes,
23:06 650 personnes dans la salle et 300 dehors, les débats ont été, quand je dis violent,
23:11 très très très très très agité, c'était je dirais la difficulté de trouver la convergence
23:22 entre comment je vais changer mes habitudes et donc comment je vais aller faire les 300,
23:29 amener mes enfants en voiture à l'école, là on a quand même dit qu'il y avait ça,
23:33 et puis de se dire comment on bouscule pour relever le défi climatique, et quand je dis
23:43 c'est tout à fait paradoxal pour avoir vécu à la fois la première ligne de tram, mais aussi
23:49 avoir m'étant occupé de la piétonnisation du quai des bâteliers à Strasbourg, c'est en face du
23:57 palais des rangs, en face de la cathédrale, c'est un endroit qui est plutôt pas mal,
24:02 mais où il y a cinq ans passaient 14 000 voitures par jour, et donc ça a été là aussi un débat
24:10 extrêmement difficile, et des pétitions, ça a grimpé au rideau de partout, et puis on a dit
24:19 voilà, il y a la démocratie, la vox populi, le débat public, aussi la focale sur laquelle on
24:28 entend le débat public, parce que quand le débat public est complètement uniquement focalisé sur
24:35 le demand chez soi, c'est compliqué à articuler le global et le local, et quand c'était fait,
24:45 tout le monde a dit, enfin beaucoup ont dit, mais pourquoi vous n'avez pas fait ça avant ? C'est à
24:51 dire que quand on bouscule et quand on utilise les mobilités comme levier de transformation de la
24:58 ville, et donc c'est pas seulement de se dire on tire un tram et puis tout continue comme avant,
25:03 le tram a cette faculté, c'est qu'il transforme l'espace urbain, c'est qu'il transforme la ville,
25:12 et surtout il permet après de s'organiser autrement et de se déplacer autrement, et c'est bien pour ça
25:20 que dans la panoplie des mobilités dont je parlais avant, il faut que chacune et chacun y trouve aussi
25:28 son compte, c'est pas de se dire on fait table rase, débrouillez-vous etc. Et donc voilà, c'est
25:37 vraiment sur ce sujet là, est-ce que c'est le rapport à la voiture, est-ce que c'est le rapport
25:44 aux habitudes, je dirais pas séculaires, mais en tout cas depuis 20 ou 30 ans, et donc la difficulté
25:53 qu'on a, moi j'entends tout à fait les crispations et les interrogations qu'il peut y avoir, mais
25:58 c'est vraiment comment on transforme, en fait on est aujourd'hui, sans vouloir faire de mauvaises
26:08 comparaisons, c'est pareil sur les enjeux climatiques, c'est-à-dire plus on se rapproche
26:13 de la difficulté, plus les mesures qu'on va devoir prendre vont être, je dis pas brutales,
26:19 mais en tout cas radicales, et c'est aussi ça qui me fait peur, parce que plus ces mesures,
26:27 je parle au niveau national ou international, vont être radicales, plus les chocs vont être
26:33 compliqués, et plus encore si on ne le prépare pas, les familles, les ménages, les personnes,
26:40 peu importe, qui sont déjà en difficulté vont elles se sentir encore plus en précarité et en
26:47 difficulté. Donc il faut à la fois avoir du courage politique et il faut avoir le courage d'affronter
26:55 entre guillemets le débat politique, mais de ne pas répondre à la vox populi du moment.
27:04 Alors c'est pour ça que je dis que la cadrature du cercle est compliquée sur des enjeux où on
27:15 transforme la ville, on la prépare à l'avenir, on pense, et puis ça fait bouger les habitudes.
27:23 Aujourd'hui plus personne à Strasbourg n'imaginerait la ville sans le tram tel qu'il a été conçu dans
27:33 les années 90, et à l'époque les débats ont été d'une assez belle brutalité.
27:38 Très bien, merci M. Younes. On est content parce qu'on a l'impression qu'on a bien choisi notre
27:47 thème sur la mobilité, que c'est quelque chose qui est vraiment susceptible d'intéresser les
27:56 citoyens et aussi c'est intéressant de voir la panoplie de solutions qu'on doit mettre en œuvre
28:03 pour répondre à une variété de besoins. On n'a pas parlé des handicapés, on n'a pas parlé des
28:10 personnes âgées, il y a vraiment beaucoup de compréhension, d'exigence, d'engagement à mettre
28:19 dans ce sujet. Moi je vous invite à Strasbourg pour une de vos prochaines réunions régionales
28:25 et on pourra à la fois en rediscuter et puis y compris de se balader un peu sur le secteur
28:32 parce que moi je suis toujours surpris parce que nous on n'est pas satisfait de ce qui se fait,
28:38 ça ne va pas assez vite, etc. Et quand on reçoit des délégations d'autres villes,
28:44 ils sont souvent un peu estomaqués par ce qui se fait et donc on est aussi nous dans nos propres
28:50 paradoxes en disant qu'on n'est pas content de ce qui se fait mais quelque part quand on voit des
28:56 élus ou des associations d'autres villes qui viennent, on est un peu rassuré de ce qu'on
29:02 fait et de l'accélération de ce qu'on met en œuvre. D'accord, très bien. Merci beaucoup
29:09 pour cet entretien, nous sommes très contents de pouvoir le présenter à Lyon et on va vous
29:16 envoyer cet enregistrement comme ça vous pourrez le conserver. Merci à vous.
29:22 [SILENCE]