7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Émeutiers: une justice pour l'exemple ?

  • l’année dernière
Après plusieurs nuits d'émeutes consécutives à la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans tué par le tir d'un policier lors d'un contrôle routier à Nanterre le 27 juin dernier les premières audiences en comparution immédiate ont eu lieu pour les personnes interpellées. Le dernier bilan du ministère de l'Intérieur à ce jour fait état de plus de 3200 interpellations partout en France. Les prévenus sont pour la majorité jeunes, une partie sont mineurs et n'avaient pas de casier judiciaire avant leur interpellation. Les premières condamnations font état de peine de prison ferme qui ont été prononcées à l'encontre de personnes qui n'avaient pas de casier judiciaire. Dans la nuit de lundi à mardi, 72 personnes ont été interpellées dans le cadre de violences urbaines. 

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Transcript
00:00 Il est 8h20, pratiquement, retour sur le plateau de première édition.
00:02 Le 7 minutes pour comprendre comment les émultiés sont jugées.
00:07 On en parle avec Aurélien Martini, vice-procureur en charge de la section des mineurs au tribunal de Melun.
00:17 Vous êtes également membre de l'USM.
00:20 On est aussi avec Rudi Mana, secrétaire départemental Bouche du Rhône du syndicat Alliance Police.
00:24 Merci à tous les deux d'être avec nous.
00:26 Mélanie Bertrand continue de nous accompagner.
00:28 On est avec Alexis Pluyet au tribunal de Marseille.
00:31 Alexis Pluyet de BFM Marseille-Provence.
00:34 Alexis, vous avez assisté hier aux premières comparutions immédiates des meutiers de Marseille.
00:39 31 comparutions, 31 audiences au total.
00:42 Est-ce que vous pouvez nous dire quel était le profil des prévenus jugés hier ?
00:46 Quelles ont été leurs condamnations ?
00:48 Et dans quelle ambiance se sont déroulées ces audiences ?
00:53 Le profil des prévenus, ce sont des gens qui sont jeunes pour l'essentiel, primo-délinquants.
00:59 C'est-à-dire que dans l'ensemble, ils n'avaient pas de casier judiciaire.
01:03 Les peines, elles sont lourdes.
01:05 Il y a de la prison ferme dans l'ensemble.
01:07 Alors, il y a ceux qui ont participé à des pillages, notamment celui du monoprix de la Canbière.
01:14 Un homme de 25 ans, notamment, qui a été condamné à un an de prison ferme.
01:18 Certains aussi qui racontaient qu'ils ont ramassé les vêtements qui ont été volés par d'autres,
01:23 donc du recel de vols, et eux ont été condamnés à de la prison avec sursis.
01:28 Et puis enfin, d'autres que nous avons vus qui avaient jeté des projectiles sur la police.
01:33 Un jeune homme de 19 ans, notamment, plutôt inséré, qui vivait chez sa mère et lui,
01:38 qui a été condamné à deux mois de prison ferme.
01:41 Je sais, Rudy Madin, que vous, les policiers, vous regardez évidemment avec beaucoup,
01:44 beaucoup d'attention ces premiers procès et les jugements qui en découlent.
01:49 Quel est votre commentaire ce matin ?
01:53 Vous avez raison, tous les policiers de France regardent avec attention
01:57 tous les jugements qui vont être prononcés à l'égard de ces émeutiers,
02:01 parce que nous, pendant quatre jours, on a vécu l'enfer.
02:04 On a vécu le chaos, on a vécu l'insurrection,
02:07 et il est important pour notre pays qu'il y ait un signe fort qui soit donné par la justice.
02:11 Les condamnations Rudy Madin sont exemplaires, selon vous ?
02:15 Quand j'entends les condamnations marseillaises,
02:18 en tout cas sur le tribunal marseillais dont parlait Alexis Puyet,
02:21 on est plutôt satisfait, puisqu'on a vu des personnes qui n'étaient pas connues,
02:26 qui ont pris de la prison ferme.
02:28 C'est extrêmement rare, pour ne pas dire que ça n'arrive jamais,
02:31 sur ce genre de fait, bien évidemment, pour des faits plus graves, bien sûr que oui,
02:34 mais sur ce genre de fait, ça arrive assez peu souvent.
02:37 Il était important quand même de marquer le coup,
02:41 de faire comprendre que ce n'est plus possible de vivre ça dans notre pays,
02:45 et seules des sanctions pénales de cette envergure pouvaient le préciser.
02:50 Aurélien Martini, on le voit, des premières peines de prison ferme
02:55 pour des gamins de 18, 22 ans, primo d'élinquant.
03:00 Est-ce que ces peines vous ont étonné ?
03:04 Est-ce que des consignes de fermeté ont été passées entre magistrats ?
03:08 Alors, ces peines, elles n'étonnent pas, et elles n'ont pas lieu qu'à Marseille,
03:12 puisque nous, on a des remontées à l'Union syndicale des magistrats
03:14 de tout le terrain et de tous les tribunaux de France,
03:17 où on a effectivement des gens qui sont écroués
03:19 après les audiences de comparution immédiate,
03:21 alors qu'ils n'ont aucun antécédent judiciaire.
03:23 Des gens qui participent à ces violences urbaines,
03:26 à ces violences contre les policiers,
03:27 qui sont écroués partout en France alors qu'ils n'ont aucun antécédent.
03:31 Donc, elles ne surprennent pas.
03:32 Est-ce qu'il y a eu des messages de sévérité ?
03:34 Il y a eu une circulaire du garde des Sceaux qui, effectivement, appelle à la sévérité.
03:38 Elle n'est ni surprenante ni choquante, cette circulaire,
03:40 parce qu'à chaque fois qu'il y a des faits de cette nature,
03:43 on a une circulaire du garde des Sceaux qui appelle les parquets à la sévérité.
03:47 Mais c'est une chose d'appeler les parquets à la sévérité,
03:49 par le biais de procédures rapides, de comparution immédiate,
03:51 de déferments, de réquisitions fermes.
03:54 C'en est une autre, que ça se traduise par des décisions.
03:57 Et aujourd'hui, c'est le cas.
03:58 On a des tribunaux correctionnels qui sanctionnent à la hauteur des faits,
04:02 mais qui sanctionnent, oui, effectivement, fermement.
04:05 Est-ce que ces condamnations pour vous auront une double vertu,
04:09 à la fois dissuasive et éducative, d'après votre expérience ?
04:14 Alors, on peut l'espérer, la peine, elle a une vertu dissuasive.
04:18 On dit une dissuasion générale, une dissuasion spéciale.
04:21 Dissuasion spéciale, ça s'adresse à celui qui est condamné,
04:23 en lui disant, voilà, si vous faites ça, vous allez être condamné,
04:26 et fermement, donc vous n'y revenez plus.
04:27 Et un effet de dissuasion générale, à l'endroit de tous les autres,
04:31 la justice, elle doit être entendue au-delà des murs des tribunaux,
04:35 pour dire à tous les autres, bien, voilà la sanction qui est prévue,
04:40 et qu'elle sera ferme.
04:42 Donc oui, on peut espérer qu'il y ait un effet dissuasif.
04:45 Un effet éducatif, on parle là de jeunes, mais de jeunes majeurs.
04:48 Puisqu'on parle de comparution médiate, donc on parle de gens qui ont 18 ans.
04:51 Donc c'est vrai que le volet éducatif s'agissant des majeurs,
04:54 il est moins développé que s'agissant des mineurs.
04:57 Alors justement.
04:58 Les mineurs, alors les mineurs, ça va prendre un peu plus de temps,
05:01 parce que la justice des mineurs ne s'applique pas comme pour les adultes,
05:03 évidemment, Mélanie.
05:04 Oui, exactement. Il n'y a pas de comparution immédiate pour les mineurs.
05:07 C'est réservé aux majeurs.
05:08 Un mineur peut être placé en garde à vue à partir de 13 ans,
05:11 mais la justice des mineurs, elle prend plus de temps.
05:13 Il y a déjà une première audience dans un délai de 3 mois sur la culpabilité,
05:16 et ensuite, dans un second temps, dans un délai de 6 à 9 mois maximum
05:20 sur la sanction prononcée.
05:22 Là, on est dans une situation évidemment hors norme.
05:25 Le garde des Sceaux a demandé, est-ce qu'on accélère les procédures ?
05:27 Je ne sais pas si on a le temps de vous donner un petit focus
05:29 sur une juridiction en particulier.
05:31 Si on prend Créteil, par exemple, ce week-end, en 3 jours,
05:34 samedi, dimanche, lundi, il y a eu un peu plus de 70 personnes
05:37 qui ont été déférées, dont 39 mineurs.
05:39 C'est d'ailleurs un peu plus que ceux, que les majeurs qui ont été déférés.
05:42 Pour vous donner un exemple, 5 ont déjà été présentés à un juge hier.
05:46 Il y a eu des réquisitions de contrôle judiciaire,
05:48 des mesures d'éloignement, de couvre-feu, d'interdiction de contact.
05:52 13 ont été placées sous contrôle judiciaire
05:54 dans l'attente de la fameuse deuxième audience.
05:56 10 ont fait l'objet d'une mesure d'interdiction de paraître,
05:59 d'éloignement et d'interdiction de contact avec les autres jeunes du quartier.
06:03 Et 11 ont été laissés sans poursuites.
06:06 Justement Aurélien Martini, il y a donc un délai important pour les mineurs
06:10 entre la première comparution et après la sanction.
06:13 Est-ce que ce n'est pas un sujet, ça ?
06:15 Est-ce que, enfin, pour que la punition soit efficace,
06:19 il faut qu'elle soit prononcée assez vite.
06:20 Là, il va y avoir un délai extrêmement important.
06:23 Est-ce que ça ne laisse pas libre cours à d'autres agissements potentiels ?
06:29 Alors, d'abord, il faut noter que les réponses, elles ont été rapides
06:32 et que dans tous les tribunaux de France,
06:34 on a doublé, voire triplé les effectifs de permanence
06:37 dans les parquets et au siège.
06:38 Pour pouvoir mettre l'institution judiciaire au niveau...
06:41 Il y a la grève des greffiers quand même.
06:43 Alors, j'allais le dire, il y a la grève des greffiers,
06:45 mais les greffiers ont aussi travaillé ce week-end
06:47 pour permettre cette réponse rapide.
06:50 Ce que vous évoquez, effectivement, les délais pour juger les mineurs,
06:53 ils sont plus longs et ils ont été d'ailleurs raccourcis
06:56 par le Code de justice pénale des mineurs.
06:58 Mais vous avez raison, il y a une césure dans le procès pénal des mineurs,
07:01 c'est-à-dire qu'on fait une déclaration sur la culpabilité
07:03 puis ensuite on tranche la peine et on laisse, entre-temps,
07:05 des mesures probatoires se dérouler.
07:08 Vous avez des exceptions.
07:09 L'exception, c'est l'audience unique où on rejoint culpabilité et peine,
07:13 on prend la décision sur les deux en même temps.
07:14 Mais ça obéit à certaines conditions, une condition de peine encourue,
07:18 une condition de connaissance de l'auteur de l'infraction.
07:21 Mais disons simplement que, même sans juger au fond,
07:24 on peut prendre des mesures provisoires.
07:26 C'est-à-dire que la justice, elle n'est pas désarmée.
07:27 Le contrôle judiciaire, vous en avez parlé
07:30 et parfaitement résumé dans votre focus,
07:32 le contrôle judiciaire, ça peut être un couvre-feu,
07:34 ça veut dire l'obligation pour le mineur de rester à son domicile
07:37 entre 21h et 6h, ça veut dire que s'il est vu par les policiers dehors,
07:41 simplement vu, non pas interpellé, vu et mis sur procès verbal,
07:45 on peut révoquer le contrôle judiciaire.
07:47 Donc on a là un outil qui peut être intéressant
07:49 pour faire en sorte que les mineurs restent à leur domicile.
07:51 - Rudy Mana, il y a eu 72 interpellations cette nuit,
07:54 il y a eu une nette décrue.
07:56 Est-ce que vous mettez cette accalmie sur le compte
07:59 de ces premières comparutions
08:01 et de ces peines de prison ferme qui ont été prononcées ?
08:04 - Non, peut-être ça a joué un tout petit peu,
08:06 mais je pense qu'aujourd'hui, déjà, là où il y avait des pillages,
08:10 je crois que tous les magasins ont été pillés,
08:13 donc en fait, il n'y a plus grand-chose à voler,
08:14 ça, c'est la première chose.
08:15 La deuxième chose, effectivement, c'est de marquer le coup
08:18 en prononçant des sanctions fermes pour les premiers émeutiers
08:23 qui avaient été interpellés jeudi ou vendredi,
08:26 c'est extrêmement important dans le message que l'on fait passer.
08:29 Et j'ai envie de vous dire pour terminer
08:30 qu'on aimerait que la justice fonctionne toujours de cette manière,
08:34 parce que quand la justice fonctionne toujours de cette manière,
08:36 je crois qu'il y a un vrai message qui est lancé à tous ces délinquants,
08:39 à tous ces émeutiers,
08:41 bien sûr qu'il faut leur donner des moyens supplémentaires,
08:43 parce que là, je pense qu'ils ont rappelé beaucoup de monde
08:45 ce week-end pour travailler, etc.
08:47 Mais si la justice fonctionnait comme ça toute l'année,
08:50 je vous assure que déjà, on résoudrait pas mal de problèmes.

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