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La nouvelle secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, est l'invitée du grand entretien de 8h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-vendredi-23-juin-2023-5264409

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00:00 Bonjour Marie-Lise Léon, bienvenue sur France Inter, vous êtes la nouvelle secrétaire
00:04 générale du syndicat CFDT, premier syndicat de France, vous avez été élue mercredi à
00:09 l'unanimité par le bureau national de votre syndicat et vous succédez à Laurent Berger
00:14 qui était en poste depuis 11 ans.
00:16 Les auditeurs de France Inter commencent à vous connaître, ils vous ont déjà entendu
00:19 mais c'est ce matin votre première interview depuis votre élection.
00:23 J'attends donc les questions des auditeurs et des auditrices de France Inter pour vous
00:27 démaintenant au standard 01 45 24 7000 ou via l'application France Inter.
00:33 Marie-Lise Léon, vous avez été intronisée je le disais mercredi, c'était au Zénith
00:38 à Paris en grande pompe, Laurent Berger il a été acclamé par les militants, Standing
00:44 Ovation, certains d'entre eux avaient même des pancartes à son nom, ça n'est pas trop
00:49 lourd comme succession ?
00:51 Non pas du tout, non, ça veut dire que c'est une organisation qui est en pleine forme,
00:55 la CFDT je pense est très cohérente aujourd'hui, elle a fait preuve de beaucoup de cohésion
01:01 interne aussi et je me sens portée vraiment par une organisation qui est en pleine forme
01:07 et qui est très bien ancrée dans la réalité de ce qu'elle travaille aujourd'hui, donc
01:13 je pense que c'est une force.
01:14 Même si Laurent Berger a pris beaucoup de place ?
01:16 Oui il a pris beaucoup de place parce que c'était un secrétaire général charismatique
01:23 qui a su nous emporter, qui a toujours été extrêmement attaché à ce qu'on parle de
01:31 la vraie vie des personnes et de leur situation.
01:35 Mais je pense que c'est aussi tout à son honneur d'être en phase avec son éthique
01:42 personnelle et qu'il avait dit qu'il passerait la main et il l'a fait et je pense que les
01:47 conditions sont idéales.
01:48 Au moment de passer la main, Laurent Berger dit qu'il n'y aura pas de changement de
01:51 ligne mais un changement de style.
01:53 Ça veut dire quoi et quel est votre style ?
01:55 Alors ça je ne sais pas encore complètement le définir.
01:58 La continuité c'est sûr, moi je souhaite avoir toujours en ligne de mire une CFDT qui
02:06 peut s'engager, qui fait de la négociation vraiment le cœur de son syndicalisme, un
02:10 syndicalisme de transformation sociale.
02:13 C'est-à-dire quand je dis que la CFDT elle est bien dans son époque, c'est de dire
02:16 qu'on est en capacité de comprendre les évolutions du monde et donc aujourd'hui
02:22 il y a un enjeu autour du travail.
02:23 Je pense qu'il faut qu'aujourd'hui on puisse parler de la transformation écologique
02:28 et puis bien entendu répondre aux questions et aux attentes des travailleurs et des travailleuses
02:33 comme les enjeux de pouvoir d'achat qui sont aujourd'hui au cœur de leurs préoccupations.
02:38 On va parler des enjeux et de vos propositions dans quelques minutes.
02:41 Un mot d'abord de votre parcours original.
02:43 Vous n'êtes pas vous-même issue d'une famille de syndicalistes, plus jeune, vous
02:47 n'étiez pas une habituée des manifs.
02:50 Vous expliquez avoir manifesté pour la première fois à l'âge de 25 ans, 1er avril, 21 avril
02:56 2002, pour dénoncer la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle.
03:00 Ça veut dire que votre engagement est avant tout politique, avant d'être syndicale ?
03:03 Non, j'étais toujours très… Non, moi je suis vraiment le pur produit du syndicalisme.
03:08 Voilà, j'ai pas eu d'autres engagements que le syndicalisme.
03:11 C'est vraiment l'engagement qui m'a le plus parlé, qui était le plus en adéquation
03:18 avec ce que je vivais au travail.
03:20 Et j'ai toujours bien entendu été extrêmement attentive à ce qui pouvait être l'actualité,
03:29 à l'actualité politique.
03:31 Mais les grandes grèves de 1995 par exemple, vous ne manifestez pas.
03:35 Peut-être que vous êtes au lycée à l'époque ?
03:37 Non, voilà, je sortais tout juste du baccalauréat.
03:39 Donc voilà, non, non, c'était vraiment le… Et mon engagement, il est né au travail
03:44 avec des situations qui m'ont révoltée, où les salariés n'étaient pas considérés,
03:51 ils n'étaient pas respectés.
03:53 Et puis ça s'est concrétisé lorsque j'ai été confrontée à des drames humains, d'accidents
04:00 de travail terribles, de décès, et la nécessité d'avoir une parole sur la façon dont était
04:09 vraiment vécu le travail au quotidien.
04:12 Vous faites référence à la catastrophe d'Azedef, peut-être l'explosion de l'usine
04:15 à Toulouse en 2001 qui fait 31 morts.
04:18 Vous travailliez à l'époque dans un cabinet de conseil sur les risques industriels et
04:22 environnementaux.
04:23 Pourquoi ce dossier a été un révélateur pour vous ?
04:25 C'est un révélateur parce que j'ai, par la suite, à partir de 2003, beaucoup
04:31 suivi la question de la place des représentants du personnel en cas de situation… Enfin
04:36 voilà, comment on peut prévenir les situations de risque industriel majeur et quelle peut
04:40 être la place du travail dans ces questions-là.
04:43 Et j'ai très vite voulu m'engager avec l'idée qu'on ne peut pas prévenir ces
04:51 risques si on ne parle pas du travail réel.
04:53 C'est-à-dire qu'on peut avoir des dossiers extrêmement bien faits, extrêmement bien
04:58 étayés, mais qui peuvent parler du travail théorique.
05:02 Et quand on regarde la situation réelle, on se rend compte que tout ce qui est prévu
05:07 pour la sécurité ne sera pas forcément efficace et que la question humaine, la place
05:13 des hommes et des femmes dans ces usines, elle est fondamentale et elle doit être beaucoup
05:17 mieux prise en compte.
05:18 Vous avez rapidement travaillé dans la formation, la gestion de crise notamment.
05:23 Est-ce que vous connaissez de l'intérieur le fonctionnement d'une entreprise ?
05:25 Oui, j'y ai travaillé moi-même et dans le cadre du bureau d'études où j'étais.
05:32 Et puis après, j'ai travaillé chez des clients qui me faisaient parcourir les usines,
05:40 les ateliers, les services pour pouvoir justement regarder quelles étaient ces réalités de
05:44 travail.
05:45 Donc j'ai une bonne connaissance de l'entreprise.
05:46 Votre arrivée à la tête de la CFDT Marie-Lise Léon s'inscrit dans un contexte particulier,
05:52 celui de la mobilisation contre la réforme des retraites.
05:54 14 journées d'action et au final un projet qui a été adopté.
06:00 Pierre de Grenom nous dit "Quelle leçon tirez-vous de l'échec des dernières mobilisations
06:06 sous Laurent Berger ?"
06:07 Alors l'échec c'est qu'on n'a pas réussi à faire reculer le gouvernement sur ce report
06:13 de l'âge légal de 62 à 64.
06:15 Ce n'est pas pour autant qu'on est en accord avec ce fait.
06:20 Aujourd'hui on va continuer de contester ce report de l'âge parce qu'il est profondément
06:24 injuste et qu'il va impacter de façon très très forte les personnes qui peuvent aujourd'hui
06:31 être le plus exposées aux conditions de travail dégradées par exemple, les femmes
06:35 notamment.
06:36 Donc ça c'est un fait.
06:37 On n'a pas réussi à faire reculer le gouvernement.
06:40 Pourquoi ? Qu'est-ce que vous avez manqué ?
06:41 Parce qu'on a un gouvernement qui n'a pas souhaité écouter le monde du travail.
06:46 Malgré des mobilisations extrêmement massives et qui étaient partout sur le territoire,
06:53 le gouvernement est resté sourd et ça a créé beaucoup de ressentiments et beaucoup
06:59 de colère.
07:00 Et en même temps, on a nous fait une enquête Cantar dont on a présenté quelques résultats.
07:05 Les répondants à cette enquête nous disent "mais on a confiance dans les syndicats,
07:12 vous avez supporté notre parole, vous avez supporté notre mécontentement et on compte
07:17 sur vous pour la suite, notamment sur les enjeux de conditions de travail de pénibilité".
07:22 Donc si d'autres réformes arrivent et qu'elles vous semblent inacceptables, vous reproduirez
07:26 la même méthode de contestation ?
07:28 Chaque situation nécessite d'avoir une réponse adaptée.
07:33 Donc on verra.
07:34 La manif ne peut pas être la réponse à tout.
07:37 L'idée c'est de pouvoir vraiment poser les enjeux du travail, des conditions de travail,
07:42 du pouvoir d'achat, de s'adresser aussi au patronat, qu'on n'a pas beaucoup entendu
07:47 notamment sur la question des retraites, mais qui est en première ligne sur les enjeux
07:52 de pouvoir d'achat.
07:53 Et puis dans le cadre de la suite des discussions avec le gouvernement, il y a quand même un
07:58 sujet autour de la méthode.
07:59 Qu'est-ce qu'ils sont prêts à changer ? Pour l'instant on n'a pas eu de réponse.
08:02 Ça fonctionne encore les journées de grève ?
08:03 Ça fonctionne encore.
08:06 On a eu des résultats d'une mobilisation menée par des militants CFDT avec FO et Sud
08:14 chez Orano à La Hague.
08:15 Ils ont fait quatre week-ends de grève et ils ont obtenu 5% d'augmentation.
08:19 Donc je pense que oui, c'est assez payant lorsque c'est adapté.
08:22 La relation entre Emmanuel Macron et Laurent Berger s'est dégradée au fil des mois.
08:28 On constatait, tous les observateurs, l'une de vos missions serait de renouer avec le
08:33 président de la République.
08:34 Ou pas ?
08:35 Ce n'est pas une mission.
08:36 Je pense qu'après avoir des relations normales entre la représentante du premier
08:42 syndicat de France et le président de la République, ça me semble être quelque chose
08:45 de…
08:46 Ça veut dire qu'elles ne sont pas normales aujourd'hui ?
08:48 Ça veut dire qu'il va falloir les nouer.
08:50 Laurent Berger n'est plus secrétaire général de la CFDT.
08:53 C'est une nouvelle page qui s'ouvre.
08:55 Mon intention est d'avoir des relations les plus normales possibles, si c'est possible.
09:01 On verra comment ça se passe.
09:03 Sur le fond, le COR, le Conseil d'orientation des retraites, a publié cette semaine un
09:07 rapport plutôt inquiétant.
09:09 Il dit même qu'avec la réforme du système des retraites, il ne devrait pas renouer avec
09:13 l'équilibre financier en 2030.
09:15 Est-ce que ça ne donne pas raison au fond au gouvernement ?
09:18 On ne pouvait pas se permettre de maintenir l'âge légal de départ à la retraite à
09:22 62 ans.
09:23 On a tout entendu sur cette réforme.
09:26 Moi, ce que je pense de ce rapport du COR, c'est qu'il dit vraiment aussi…
09:30 Enfin, ce qu'il nous dit, c'est que cette réforme n'était pas la bonne.
09:33 Cette réforme est injuste et en plus, elle ne règle pas la question du financement.
09:36 Alors qu'on nous avait dit, il faut faire une réforme, on est au bord de la faillite.
09:40 Voilà.
09:41 Mais imaginons une autre réforme.
09:44 C'est ça que j'ai envie de dire.
09:45 Imaginons une réforme qui aurait pu être beaucoup plus globale, avec des vraies mesures
09:51 de justice sociale.
09:52 On n'en serait pas là.
09:53 Moi, j'ai entendu des députés à Renaissance m'expliquer qu'avec cette réforme qui
09:57 a été menée, on n'aurait plus besoin de réforme avant 2050.
10:00 Voilà.
10:01 Donc on est sur une réforme qui est profondément injuste, qui en plus ne répond pas aux objectifs
10:07 qui étaient censés être atteints.
10:09 Donc c'est vraiment une toute autre réforme qu'il aurait fallu faire.
10:12 La vérité, c'est qu'il va falloir trouver encore plus d'argent pour équilibrer le
10:15 système des retraites, nous dit le COR.
10:16 Là, ça ne suffira pas.
10:17 Là, ça ne suffira pas.
10:19 Alors là, je ne sais pas si le gouvernement a l'intention de relancer le sujet des retraites.
10:24 Mais nous, de toute façon, on avait fait un projet de financement, un bouquet de propositions
10:30 avec par exemple des mesures beaucoup plus importantes sur l'emploi des seniors.
10:36 Voilà.
10:37 Donc il y a des mesures qui peuvent aussi permettre d'augmenter les recettes du régime.
10:41 Autre impact de la réforme selon le COR, les pensions de retraite vont augmenter.
10:45 Je le cite, les dépenses de retraite augmentent plus à long terme qu'avant réforme.
10:50 La diminution du nombre de retraités est compensée par la hausse de la pension moyenne.
10:55 C'est une bonne nouvelle ça ?
10:56 Heureusement, puisque les gens vont travailler plus longtemps.
10:58 C'est quand même un minimum.
10:59 Je pense qu'au moins là-dessus, ça me paraît logique.
11:03 Il n'y a pas eu de compromis sur cette réforme des retraites.
11:06 Pourtant, il y a une gestion qui fonctionne entre vous et le patronat.
11:08 C'est celle des caisses de retraite complémentaires.
11:10 Des salariés et des cadres agirent ARCO 68 milliards d'euros de réserve.
11:15 Pourquoi là, ça fonctionne ?
11:16 Ça fonctionne parce qu'on est pleinement en responsabilité.
11:20 C'est-à-dire ?
11:21 C'est nous qui sommes à la fois gestionnaires et qui définissons les règles.
11:25 C'est exactement notre vision du paritarisme.
11:28 C'est exactement notre ligne de conduite.
11:32 Nous sommes nous tout à fait d'accord pour gérer.
11:35 Mais l'objectif, ce n'est pas de gérer quand on est syndicaliste.
11:38 C'est qu'est-ce qu'on crée comme droit ?
11:39 Comment on peut définir des règles qui répondent aux attentes des travailleurs et des travailleuses ?
11:44 C'est ce qu'on fait sur Agir Carco.
11:45 Mais ça veut dire qu'un compromis est possible en France, par exemple, autour de questions
11:50 comme les retraites.
11:51 Ça marche pour les caisses de retraite complémentaires ?
11:54 Absolument.
11:55 Ce qu'on ne comprend pas, c'est pourquoi ça ne marche pas pour l'ensemble du système ?
11:56 Parce que dans le cadre du régime général, l'État est aussi présent et c'est lui
12:02 qui est principalement aux manettes et qui peut avoir, comme on l'a eu sur les retraites,
12:09 tendance à vouloir décider tout seul, à l'inverse de ce qu'on peut nous avoir comme
12:13 message d'alerte et quand on décide tout seul, on voit ce que ça donne.
12:17 La mobilisation contre la réforme des retraites a été portée en intersyndical.
12:22 Marie-Lise Léon, vous avez expliqué mercredi.
12:25 La question est de se dire aujourd'hui comment on porte et comment on fait vivre une intersyndicale
12:30 de contestation à une intersyndicale de proposition.
12:34 Le risque pour la CFDT, c'est de devenir un syndicat qui dit non en permanence ?
12:38 Non, pas du tout.
12:39 Je pense qu'on n'est pas du tout sur cette ligne-là, ni sur ce risque-là, puisque c'est
12:47 en intersyndical que nous avons décidé de définir un certain nombre de thèmes, je
12:52 pense notamment à la question de transition écologique, d'égalité hommes-femmes et
12:57 de voir ce qu'on peut porter en commun.
12:59 Est-ce qu'il y a des propositions qui peuvent correspondre à l'ensemble des huit organisations
13:04 syndicales qui sont réunies dans cette intersyndicale ?
13:07 Donc le défi c'est aujourd'hui de se dire, il y a une liste de thèmes, est-ce qu'on
13:12 est en capacité d'avoir ces propositions ?
13:14 Sachant qu'on est nous extrêmement clairs.
13:16 Il y a des propositions en commun sur la réforme des retraites par exemple, la CGT
13:21 propose le départ à 60 ans.
13:22 Oui, ça fait partie des sujets sur lesquels nous ne sommes pas d'accord.
13:25 Et on se l'est dit.
13:26 C'est quand même un sujet majeur.
13:27 Oui, mais on a été contre les 64 ans ensemble et on a pu mener la bagarre pendant ces quelques
13:35 mois.
13:36 Sans projet alternatif commun.
13:37 Sans forcément un projet alternatif commun, on en avait nous sur le financement.
13:41 Mais je dirais qu'il faut s'enlever de l'idée que parce qu'on est en intersyndicale,
13:46 on est devenus tous et toutes une seule organisation syndicale.
13:50 Je pense qu'on a besoin de cette pluralité syndicale.
13:53 Et l'idée de cette intersyndicale, c'est de s'unir quand on a des objectifs communs
13:58 et des propositions communes.
13:59 Est-ce que vous diriez aujourd'hui que la page de la bataille des retraites est tournée
14:03 et qu'il faut aller vers d'autres sujets ?
14:06 Par exemple, le salaire, par exemple, le pouvoir d'achat.
14:08 Il faut aller vers d'autres sujets, mais il ne faut pas perdre de vue qu'au 1er septembre,
14:11 la réforme, elle va s'appliquer et qu'il y a beaucoup de travailleurs et de travailleuses
14:15 qui ont des questions qui vont être impactées.
14:17 Donc, nous, notre travail de syndicalistes, c'est de répondre à leurs questions, de
14:21 porter les problématiques qui peuvent apparaître au fur et à mesure.
14:25 Donc ça, le sujet retraite, il va demeurer.
14:27 Et puis, il y a l'enjeu, comme vous dites, effectivement, il y a le sujet du travail
14:30 et du pouvoir d'achat qui étaient déjà les sujets dont on souhaitait parler en septembre
14:36 dernier.
14:37 Question de Jean-Marc qui nous appelle du département de l'Oise.
14:40 Bonjour Jean-Marc.
14:41 Oui, bonjour France Inter et bonjour Marie-Lise.
14:43 J'ai eu la chance d'être à votre invitation avant-hier aux Zéniths et j'ai entendu vos
14:50 discours respectifs à Laurent Berger et vous.
14:53 Donc vous êtes militant CFDT Jean-Marc ?
14:55 Je travaille dans les douanes.
14:56 Ce qui n'est pas incompatible.
14:59 Oui, tout à fait, j'ai travaillé dans les douanes, j'étais permanent et maintenant,
15:02 je travaille à Roissy.
15:03 Et en fait, je voulais juste intervenir sur le bien-être au travail et la condition féminine
15:09 pour avoir assisté une collègue qui est devenue une amie dans du harcèlement avec
15:13 un dossier qui n'est pas résolu au bout de dix ans, qui est allé en cours de cassation.
15:17 Je crois que malheureusement, et chez toutes les catégories dans l'administration, y
15:22 compris les cadres sup, on a beaucoup de harcèlement envers les femmes, pas seulement d'ailleurs,
15:26 mais malheureusement plus envers les femmes.
15:28 Et les défis sont très hauts.
15:30 Et voilà, je voulais demander à Marie-Lise Léon comment on peut trouver de nouveaux
15:33 outils face à des dinosaures qui ne veulent pas changer leur compréhension de la douleur
15:41 des personnes harcelées.
15:42 Merci à vous Jean-Marc pour cette question.
15:45 Marie-Lise Léon vous répond.
15:46 Merci, merci de cette question.
15:50 Les nouveaux outils, je pense qu'on a, nous, on porte depuis un certain nombre d'années
15:54 le besoin de s'exprimer sur le travail, le besoin aussi d'en faire un sujet de négociation.
15:59 On parle de négocier l'orga du travail et c'est rentrer vraiment au cœur du réacteur
16:04 de ce qu'elle travaille, la façon dont fonctionnent les collectifs, la façon dont
16:07 sont mis en place, peuvent être mises en place des équipes de travail.
16:12 Et je pense que l'un des meilleurs moyens de prévenir ces situations dramatiques de
16:18 harcèlement, c'est de pouvoir faire en sorte que les collectifs de travail puissent
16:25 vraiment fonctionner et que les choses puissent être dites.
16:30 Je pense que la première avancée, c'est de pouvoir permettre l'expression des victimes.
16:37 Et donc, voilà, nous c'est ce sur quoi on bagarre beaucoup.
16:41 Pouvoir parler du travail, pouvoir parler de son travail entre collègues, c'est effectivement
16:46 extrêmement important.
16:47 Et puis après, il y a d'autres axes comme le fait de pouvoir sensibiliser, former l'encadrement,
16:56 qu'ils puissent être pleinement en responsabilité et attentifs à ces situations individuelles
17:03 ou collectives.
17:04 La question de la relation des Français au travail, les dirigeants et les salariés de
17:08 dix entreprises, dont la RATP, le Crédit Mutuel, Dassault, Renault et d'autres, qui
17:13 regroupent au total un million de salariés, ont planché sur cette question.
17:16 Il y a un rapport de 60 pages.
17:18 Il en ressort que 43% des actifs envisagent de quitter leur emploi, faute de sens.
17:24 Le salaire, la reconnaissance sociale ne suffisent plus.
17:28 C'est une question majeure aujourd'hui, auxquelles doivent répondre toutes les entreprises ?
17:32 Absolument.
17:33 Nous, on avait identifié cette bascule, notamment après le Covid, et cette accélération ou
17:41 en tout cas cet appétit de plus en plus fort des travailleurs de se dire "pourquoi je
17:47 bosse ? À quoi ça sert ?"
17:48 Je pense que la période Covid et les confinements ont beaucoup requestionné les équilibres
17:54 de vie entre eux, le temps que je passe au travail, le temps que je peux consacrer pour
17:58 moi-même ou pour ma famille.
17:59 Ça veut dire que les Français veulent moins travailler aujourd'hui ?
18:00 Non, les Français, ils veulent y trouver plus leur compte.
18:03 Ils ont passé moins d'heures au travail ?
18:04 Ils veulent plus leur compte.
18:05 Je pense que ça ne se quantifie pas forcément.
18:07 Je pense que c'est aussi une question de qualité du travail.
18:09 On avait fait une enquête il y a quelques années maintenant sur le travail, qui disait
18:16 que les répondants majoritairement étaient attachés à leur travail, mais ils ne voulaient
18:21 pas le faire dans n'importe quelle condition.
18:22 Est-ce que ça concerne tous les types de salariés ou bien uniquement ceux chez qui
18:27 les salaires sont les plus hauts ?
18:29 La proportion est particulièrement marquée chez les managers, notamment.
18:32 Quand on a un petit salaire, est-ce que la question du sens du travail vient en premier ?
18:36 Pas forcément, mais ça veut dire que je pense qu'il y a quand même, quel que soit
18:42 son niveau de rémunération, c'est quelque chose auquel tous les travailleurs et travailleuses
18:49 doivent pouvoir se poser la question du "comment je m'épanouis dans mon travail".
18:54 Ça, c'est, nous, en tout cas, c'est notre vision du travail.
18:58 On le voit comme une richesse, comme une possibilité d'épanouissement personnel, et certainement
19:04 pas comme une valeur où un droit l'apparaît.
19:07 La CGT propose et milite pour le passage à la semaine de 4 jours avec 32 heures payées
19:13 35.
19:14 C'est une réflexion également en ce moment en Allemagne.
19:17 Geoffroy Roudbézieux, le patron du Medef, lui, exclut une baisse du temps de travail
19:22 et il dit "attention au burn-out".
19:23 Quelle est votre position sur ce sujet ?
19:25 Nous, notre position, c'est que je pense que la question de la semaine n'est plus
19:28 du tout la bonne échelle.
19:30 On regarde les transformations qu'on est en train de vivre au travail.
19:33 Le temps de travail ne doit plus être appréhendé à l'aune uniquement de la semaine, mais
19:38 tout au long de la vie.
19:39 Et nous, on a des réflexions sur la question des semaines de 4 jours.
19:44 Oui, il faut l'organiser.
19:45 Oui, mais quand les employeurs nous disent "on ne comprend pas, les jeunes ne veulent
19:50 plus venir travailler, les salariés peuvent faire des choix de vie, ils partent pendant
19:56 6 mois, 1 an".
19:57 Ça, c'est des vraies aspirations.
19:59 Des personnes veulent se reconvertir, par exemple, changer de métier.
20:03 Ça veut dire qu'il faut penser le temps au travail sur toute sa vie.
20:07 Et c'est pour ça que nous, on défend l'idée d'un compte-épargne-temps universel et
20:13 de pouvoir mettre des jours de côté tout au long de sa vie et de pouvoir choisir les
20:18 moments où on veut faire des pauses ou mener des projets pros ou professionnels ou individuels.
20:24 Et donc, 4 jours par semaine, 32 heures payées 35, vous soutenez la CGT dans cette proposition ?
20:31 La semaine de 4 jours, c'est un slogan qui regroupe une multitude de situations.
20:36 Je pense qu'il n'y a pas deux entreprises qui ont mis en place la semaine de 4 jours
20:40 selon les mêmes modalités.
20:42 Moi, je suis convaincue que si c'est une aspiration auquel les travailleurs veulent
20:48 que les organisations négocient, il faut que ça puisse être négocié entreprise
20:52 par entreprise.
20:53 J'ai vu beaucoup de salariés et de militants ces dernières semaines.
21:00 J'ai autant de pour que de contre sur la question de la semaine de 4 jours.
21:05 J'ai même des salariés qui m'ont dit "moi, je revendique le droit à pouvoir prendre
21:10 mon temps au travail.
21:11 Donc, la semaine de 4 jours, ça ne me va pas.
21:13 Il faut faire du sur-mesure.
21:14 Là, on est dans de la dentelle.
21:15 C'est entreprise par entreprise qu'il faut que ça puisse être discuté.
21:18 Question des auditeurs et auditrices de France Inter, 0145 24 7000, c'est Jean Placide
21:24 qui nous appelle de Grenoble.
21:25 Bonjour.
21:26 Oui, bonjour.
21:27 Alors, beaucoup de Français ont reproché à la loi sur les réformes de retraite le
21:34 manque de dialogue social avec les organisations syndicales avant l'adoption de cette loi.
21:42 Donc, aujourd'hui, on a une nouveauté, c'est que deux grandes formations syndicales ont
21:49 vu arriver à leur tête deux dames, très dynamiques.
21:53 Alors, je demande à Mme Marilys Léon la question suivante.
21:57 Est-ce que sur la forme, votre arrivée, marque le début d'une modernisation du monde syndical
22:06 et sur le fond, que cela ait la naissance d'un syndicalisme réformiste, dédié à
22:17 l'ordre social et en même temps avant-gardiste en termes de proposition ?
22:22 Merci à vous Jean Placide pour cette question.
22:24 Une CFDT plus réformiste avec vous, Marilys Léon ?
22:28 Pas forcément.
22:29 Je vous ai dit, la CFDT, elle n'appartenait pas à Laurent Berger.
22:35 Elle ne m'appartient pas plus aujourd'hui.
22:37 La CFDT, c'est un collectif.
22:39 On prend des décisions collectives, on débat.
22:41 Une fois qu'on a pris une décision, tout le monde s'y tient.
22:44 Et donc, que la CFDT reste profondément attachée à la transformation sociale, à la négociation,
22:53 à la construction de compromis, ça c'est notre ADN.
22:56 Donc, ce n'est certainement pas moi qui veux en plus avoir la possibilité de le changer.
23:02 Mais ça, ce n'est pas du tout à l'ordre du jour.
23:05 La question maintenant du style est d'avoir deux femmes effectivement à la tête des
23:10 organisations syndicales.
23:11 Pour la CFDT, je pense que c'est le signe qu'aujourd'hui j'ai été sollicité parce
23:21 que j'ai des compétences, parce qu'on est une organisation où 51% des adhérents
23:29 sont des adhérentes et que les femmes peuvent accéder à des responsabilités et qu'elles
23:34 sont à leur juste place.
23:36 La question de la transition écologique, Marie-Lise Léon, et de la mise en place d'un
23:41 prélèvement exceptionnel et temporaire sur le patrimoine des plus riches.
23:45 Par exemple, un ISF-Vert, préconisation du rapport Pisani-Mafouz rendu à la MIME.
23:50 Vous êtes favorable à ce type de mesures ?
23:52 On y est favorable parce que c'est un moyen d'avoir des marges de manœuvre pour véritablement
23:59 pouvoir accélérer la transformation écologique.
24:02 On n'est plus tellement à l'heure de la transition.
24:04 Là, il faut arriver à une transformation véritablement de notre modèle économique,
24:08 productif, du travail aussi.
24:10 Et donc, il y a urgence.
24:12 Ce rapport nous dit qu'il faut qu'on fasse en 10 ans ce qu'on n'a pas réussi à faire
24:15 en 30 ans.
24:16 C'est une véritable urgence et il faut des moyens.
24:18 Et cette proposition nous convient tout à fait.
24:21 Elle a été écartée jusqu'ici par le gouvernement.
24:24 Ça ne vous a pas échappé ?
24:25 Ça ne m'a pas échappé parce que, contrairement à la CFDT, certains peuvent avoir des véritables
24:30 dogmes.
24:31 On ne touche pas à la fiscalité.
24:32 Je pense que c'est une impasse.
24:33 Merci à vous Marie-Lise Léon, nouvelle secrétaire générale du syndicat CFDT, invitée de
24:39 France Inter ce matin.
24:40 Excellente journée à vous.

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