Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.Le 4 juin 2017, Cécile Lenoir perd une jambe lorsqu’elle est percutée de plein fouet par une voiture près de Nemours. Un acte délibéré, selon elle, qui a bouleversé sa vie à seulement 20 ans. Victime de la jalousie de l’ex-petite amie d’un collègue, elle mène aujourd’hui le combat afin d’obtenir justice. Pour Yahoo, elle a accepté de revenir sur les événements et raconte avec courage le calvaire qu’elle traverse toujours.Pour rappel, le gouvernement cherche des solutions pour désengorger le stock d'affaires criminelles en attente de jugement. Depuis 2019, les cours criminelles départementales récupèrent une partie des affaires jugées aux assises. Une réforme expérimentale controversée car elle met de côté le jury populaire, mais pourrait permettre une réduction des délais de jugement.
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00:00 Il y a 6 ans en arrière, on a essayé de me tuer en me roulant dessus avec une voiture.
00:05 J'allais travailler avec un collègue en moto,
00:10 et en fait son ex-petite amie nous attendait derrière chez moi avec une voiture.
00:15 Et quand on est passé en moto, elle a essayé de nous percuter.
00:19 On a fait une course-poursuite, donc 700 mètres plus loin, on s'est garé à un stop.
00:24 Je suis descendue de la moto parce que lui, il voulait discuter avec elle.
00:28 Et de là, en fait, elle ne s'est pas arrêtée.
00:31 Elle nous a foncé dessus et elle m'a percutée, donc j'étais bloquée entre la barrière et la voiture.
00:36 Donc de là, lui a voulu la faire sortir du véhicule.
00:40 Ça a été "laisse-la crever, c'est tout ce que tu mérites".
00:43 De là, il a retiré la voiture, je suis tombée en arrière, et j'ai vu l'état de mes jambes.
00:47 J'en avais une qui était coupée, nette sur la route, et l'autre était en angle droit.
00:52 J'ai eu la chance d'avoir une infirmière en civil et un pompier en civil qui nous suivaient derrière,
00:57 et qui en fait ont fait les premiers secours.
00:59 La voiture, je ne l'ai pas vue arriver, et en fait j'ai entendu la voiture arriver.
01:03 J'ai juste eu le temps de me retourner, et j'ai juste eu le temps de fermer les yeux.
01:06 J'ai eu aucun réflexe.
01:07 Pourtant, elle n'arrivait pas si vite que ça.
01:09 Dans les rapports, ils disent qu'elle n'arrivait qu'à 46 km/h.
01:13 Mais en fait, ça va très vite.
01:15 On dirait que dans les films, on a le temps de sauter, on a le temps de tout ça,
01:18 mais en fait, dans la vraie vie, non, pas du tout.
01:20 Le premier instinct que notre corps a, c'est de se tétaniser et de fermer les yeux.
01:25 Quand j'ai découvert à mon corps qu'en fait, il me manquait une jambe,
01:28 que j'ai vu la jambe qui était tendue par terre, coupée,
01:31 je me suis dit "mais j'ai plus de jambe, j'ai plus de vie, je suis morte,
01:34 ça y est, je vais mourir, je vais réellement mourir".
01:36 On se dit "mais comment on va marcher ? J'ai pas envie de finir mes jours dans un fauteuil,
01:40 je suis quelqu'un de très indépendante, j'ai pas envie".
01:43 Il y a plein de choses qui défilent dans notre tête où on se demande "mais comment on va vivre ?"
01:46 Au moment de l'impact, je n'ai ressenti aucune douleur physique, du moins,
01:51 parce qu'au final, avec l'adrénaline, tout ça, on ne sent rien.
01:54 Mais par contre, les douleurs plus psychologiques, où on voit vraiment notre vie défiler,
01:59 où on se dit "ça y est, je vais mourir, c'est le moment,
02:02 je ne peux même pas dire au revoir à mes proches que j'aime",
02:06 ce moment-là, il est horrible.
02:08 Et la douleur physique, on la ressent au moment où le stress commence à redescendre,
02:14 que notre corps commence à réagir face au fait qu'on a eu un accident
02:18 et au fait qu'on est plus stressé, on essaye d'être de plus en plus calme.
02:24 Et au final, là, on ressent toutes les douleurs.
02:26 Et les douleurs, je sais que ça a été atroce,
02:29 parce qu'on m'avait beaucoup parlé des douleurs fantômes,
02:33 et je n'y croyais pas à l'époque.
02:35 Je me disais toujours que ce n'est pas possible de ressentir des douleurs où il n'y a plus rien.
02:41 Et bien si, au final, les douleurs fantômes, c'est le cerveau qui n'arrive pas à s'imméler,
02:47 il ne voit pas la partie du corps,
02:49 et du coup, il crée des douleurs parce qu'il ne trouve pas ça normal.
02:53 Donc en fait, je sais qu'en douleurs fantômes,
02:56 j'avais des gros coups de jus qui descendaient jusque dans le pied.
03:00 Je sentais aussi mon pied se faire écarteler alors que je n'avais plus de jambes.
03:05 Les raisons de ce geste de cette femme, je dirais que c'est la jalousie.
03:08 Son ex-copain l'avait quitté la veille au soir.
03:10 Je pense qu'elle s'était dit qu'il l'avait quitté pour moi,
03:13 et donc pour elle, c'était "elle voulait me tuer".
03:16 Elle voulait me prendre la vie parce qu'elle pensait que je lui avais pris son couple.
03:22 Alors que c'était un collègue, je le connaissais depuis trois jours,
03:25 et on avait juste les mêmes horaires, et en fait, on allait travailler ensemble.
03:29 Ce qui s'est passé après, c'est que quand je suis arrivée à l'hôpital,
03:32 lui était très présent.
03:33 Il venait me voir tous les jours, il me soutenait énormément,
03:36 donc on s'est mis en couple à ce moment-là ensemble.
03:38 Alors qu'en fait, il était là juste parce qu'en fait, il n'avait ni permis, ni assurance.
03:43 Il avait peur que je porte plainte contre lui.
03:44 Pendant qu'il était avec moi à l'hôpital, il s'était remis avec elle.
03:47 Il venait l'après-midi me voir à l'hôpital, et le soir, il vivait avec elle.
03:52 Ce que je ressens aujourd'hui, c'est de la haine envers elle.
03:56 De la haine parce que c'est injuste, parce que moi, j'avais rien demandé,
04:00 j'allais juste travailler, j'avais ma vie normale, j'avais que 20 ans.
04:03 Et au final, elle m'a gâchée la vie.
04:05 Elle m'a retiré une partie de mon corps, et j'ai de la haine contre elle aujourd'hui
04:10 à cause de l'injustice, à cause du fait que ça fait six ans,
04:13 et que ça n'a toujours pas été jugé, que j'ai l'impression que c'est moi la coupable,
04:18 que ce n'est pas elle, que c'est une simple victime.
04:21 Et par rapport à lui, j'ai aussi de la haine parce qu'en fait,
04:24 il a joué avec mes sentiments, alors que j'étais déjà très faible.
04:28 Elle, ce qu'elle a dit à la police, c'est qu'elle s'était trompée de pédale,
04:32 qu'elle avait glissé.
04:34 C'est impossible qu'elle ait glissé parce qu'en fait, on était en pleine canicule,
04:37 il n'y avait pas de traces d'huile, il n'y avait pas d'eau sur la route, il n'y avait rien.
04:41 En fait, elle essaie juste de se dédouaner.
04:43 Elle a essayé de me tuer.
04:44 Si on n'a pas fait exprès, on ne poursuit pas quelqu'un pour l'écraser 700 mètres plus loin.
04:49 Ça fait six ans qu'aujourd'hui, en fait, elle m'a percutée, qu'elle m'a retiré ma jambe.
04:54 Et en fait, au niveau de la justice, en fait, ça s'est passé que...
04:58 Le premier jugement, j'avais une avocate qui n'était pas la même qu'aujourd'hui,
05:02 qui ne voulait pas que ça parte aux assises,
05:05 qui voulait qu'on laisse ça en accident de la route.
05:07 Vu que mon avocate ne voulait pas que ça parte du coup comme tentative d'homicide,
05:12 j'ai décidé de la renvoyer.
05:14 Après, on a eu un deuxième procès en correctionnel où j'avais mon avocate actuelle
05:18 qui, elle a juste dit "il y a ça, ça, ça".
05:21 Et de là, en fait, le juge a dit "bon, ça part aux assises".
05:24 Mais maintenant, il faut attendre une date d'assise.
05:26 Ça veut dire que, en fait, je pense que je n'aurais pas de date avant au minimum deux ans.
05:32 Que fait la justice quand, en fait, on nous percute volontairement
05:37 et que, en fait, la justice ne fait pas son travail ?
05:40 Aujourd'hui, ce que je sais, c'est qu'elle vit très bien.
05:43 Elle a un copain, elle a un enfant qui a maintenant cinq ans.
05:47 Elle ne s'inquiète pas, en fait, de ma vie.
05:49 Elle ne s'inquiète pas de la situation.
05:52 Elle ne s'inquiète même pas de partir en prison.
05:54 C'est même pas, non.
05:55 Elle profite de la vie.
05:56 Pour elle, en fait, tous les moments qu'elle passe,
05:59 c'est des moments qu'elle passera toute sa vie avec son enfant et son fiancé.
06:02 Alors que moi, pendant ce temps-là, en fait, je passe d'hôpitau en hôpitau,
06:08 de psy en psy, je suis obligée de refaire tout le temps mes prothèses
06:13 parce que je n'arrive pas à me stabiliser par rapport à mon poids.
06:16 Je vais sortir rarement que en présence de ma meilleure amie.
06:19 Sinon, quand je suis toute seule dans mon appartement, je ne sors pas.
06:22 Là, on a les beaux jours, je ne sors pas non plus
06:24 parce que c'est trop compliqué de marcher avec une prothèse quand il fait très chaud.
06:28 Donc, en fait, je reste enfermée.
06:29 Il y a plein d'émotions, en fait, qui me passent par la tête.
06:32 Triste, désespérée, désemparée.
06:36 Je me dis, en fait, que je n'aurai jamais justice.
06:37 Je me dis qu'en fait, je n'arriverai jamais à remonter réellement la pente.
06:40 À chaque fois que j'essaye de remonter la pente,
06:42 j'ai quelque chose qui arrive qui me dit "ben non, tu ne peux pas".
06:45 Quand j'ai des nouvelles aussi de mon avocate qui me dit "bon, ben, ça n'avance toujours pas,
06:51 on n'a toujours pas de date, on n'a toujours pas ci, on n'a toujours pas ça".
06:54 En fait, il y a des jours où j'ai reçu des lettres qui...
06:59 Je me suis effondrée.
07:00 Je me suis effondrée sur le sol en pleurant.
07:02 J'ai appelé ma meilleure amie qui est venue en urgence,
07:04 qui m'a retrouvée étendue dans la cuisine en pleurant.
07:08 Parce que, en fait, c'est très compliqué.
07:10 C'est de se dire qu'en fait, on essaye de passer au-dessus, mais on n'y arrive pas.
07:14 Ce qui m'aide, c'est les personnes qui sont proches de moi,
07:18 comme ma meilleure amie qui reste présente,
07:19 qui ne me lâche pas, même dans mes crises les plus folles où j'essaye de me faire du mal.
07:25 Et en fait, ce qui me manque, c'est de pouvoir être normale,
07:31 de pouvoir marcher, de pouvoir faire toutes les activités que les jeunes font.
07:36 Ma jeunesse, je ne l'ai pas eue.
07:38 Même si c'est anodin, je ne suis jamais allée en boîte,
07:40 je n'ai jamais fait de bullying, je n'ai jamais fait d'accrobranche.
07:42 Je n'ai jamais fait tout ça.
07:43 J'ai passé les trois quarts de mes 20 à 26 ans dans les hôpitaux et les centres de rééducation.
07:50 L'amour, c'est très compliqué.
07:51 Ça fait trois ans que je suis seule.
07:52 Je n'arrive pas à m'en mettre avec quelqu'un.
07:54 Si on ne peut pas s'accepter, on ne peut pas laisser quelqu'un d'autre vous accepter.
07:58 Je ne veux pas qu'on voie mon moignon, je ne veux pas qu'on le touche.
08:02 Le problème, c'est que les hommes ont causé la jalousie.
08:07 Je ne veux absolument pas quelqu'un de jaloux.
08:08 Donc, c'est compliqué de tomber sur quelqu'un qui n'est absolument pas jaloux.
08:12 Moi, la jalousie, pour moi, c'est devenu un tul, l'amour.
08:15 Clairement, c'est ça qui m'a enlevé la vie.
08:18 Donc, je ne veux pas quelqu'un dans ma vie qui soit jaloux.
08:22 Ce qu'il faudrait pour que je sorte la tête de dos, c'est la justice.
08:25 Parce que plusieurs fois, j'aurais pu laisser ça en accident de la route
08:29 et de me dire "j'encaisse juste l'argent et puis je fais ma vie".
08:32 Mais je ne voulais pas.
08:34 Je savais très bien que je ne sortirais jamais la tête de l'eau
08:37 si en fait, je n'aurais pas justice.
08:40 Si la personne qui m'a fait ça ne payait pas ce qu'elle faisait.
08:43 Après, même si c'est qu'un an.
08:45 Mais qu'elle fasse de la prison, qu'elle ressorte, qu'elle profite de la vie
08:49 et qu'elle comprenne les actes qu'elle a fait.
08:51 Parce que je me dis que si elle ne part pas en prison,
08:54 elle va se dire "oh bah c'est facile,
08:56 la prochaine fois que j'ai un problème avec quelqu'un d'autre,
08:58 je le percute en voiture et hop, j'aurai rien".
09:02 Une vie idéale pour moi à l'heure actuelle,
09:05 ce serait du coup qu'elle paye ce qu'elle a payé,
09:08 qu'on puisse me dédommager pour que je puisse passer mon permis,
09:12 avoir une voiture le jour où je serai prête,
09:15 parce que j'ai peur des voitures.
09:16 Et que je puisse avoir une maison à moi qui soit adaptée,
09:20 que je puisse me déplacer, que je puisse profiter
09:22 et aider aussi les autres personnes.
09:24 Je vois au centre, j'essaie d'aider,
09:26 j'essaie de leur montrer qu'on peut réussir à marcher,
09:30 que même si c'est compliqué, qu'on peut, on peut rester debout.
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