7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Comment la France peut-elle lutter contre le "surtourisme"?

  • l’année dernière
Le "surtourisme" est une saturation des sites touristiques en raison du nombre croissant de touristes. Le gouvernement a annoncé un plan contre le "surtourisme" pour ces vacances d'été en 2023.

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Transcription
00:00 - Avec nous pour en parler, Aude Vives, bonjour, vice-présidente Tourisme Pyrénées-Orientales, on va parler du Canigou avec vous,
00:05 Dominique Ziché, adjoint à la mairie de Bréa, et puis Dominique Marcel d'Allianz France Tourisme, qui réunit tous les grands noms du secteur
00:12 et qui propose des pistes de régulation. Un chiffre d'abord qui pose les choses. 80% des touristes en France sont concentrés sur seulement 20% du territoire.
00:22 C'est quoi le surtourisme, Dominique Marcel ?
00:24 - Le surtourisme, c'est quand la surfréquentation entraîne, en effet, une dégradation très forte de l'expérience de visite, un sentiment de dépossession,
00:34 de malaise des habitants, des populations locales, et donc partant une dégradation de l'attractivité économique du tourisme avec le risque de généraliser,
00:46 car ce sont quand même des phénomènes qui se produisent dans des lieux très précis, peu nombreux, et pour des durées aussi, il ne faut pas généraliser.
00:54 Et donc il y a le risque de généralisation, et la généralisation, ça peut entraîner une mauvaise image du tourisme en France, et des thèses,
01:03 ça alimente des thèses sur le thème "le tourisme, plus de tourisme, pas de tourisme", jeter le bébé avec l'eau du bain, ce qui serait absolument ridicule,
01:09 et ce qui n'est pas, évidemment, pas souhaitable.
01:12 – Le gouvernement a donc lancé un plan qui reprend d'ailleurs certaines de vos propositions pour réguler ces flux touristiques.
01:17 Vous, vous dites que c'est un peu tard, pourquoi ?
01:20 – Non, parce que ce qu'on dit, c'est que la prise de conscience sur le tourisme, des dangers du tourisme, a été un peu tardive par l'ensemble des partenaires,
01:28 d'ailleurs, des pouvoirs publics, mais aussi un certain nombre d'acteurs, et c'est justement pour ça que nos entreprises,
01:33 qui travaillent depuis déjà un certain temps, ont souhaité lancer des propositions pour qu'il y ait un débat sur cette question,
01:42 parce qu'il est temps maintenant de le faire, on est resté peut-être un tout petit peu dans le déni sur ces questions,
01:47 et je pense qu'il faut regarder la réalité en face, et s'y attaquer, alors on ne peut pas s'y attaquer par des mesures comme ça,
01:53 une liste, un catalogue de mesures, c'est une approche avec un élément très important, qui est la participation de l'ensemble des acteurs,
02:01 et il faut que cette stratégie se fasse au plus près des territoires.
02:04 – Alors justement, regardez la réalité, avec deux exemples concrets, Brea d'abord, Côte d'Armor, 400 habitants à l'année sur Brea,
02:10 6000 visiteurs par jour en été, Dominique Sichet, vous avez donc décidé à la mairie de réguler le flux de touristes à partir de cet été, c'était plus possible ?
02:19 – Ben non, c'est ce que vient d'expliquer votre invité, ce qui n'était plus possible, c'était des jours de surfréquentation,
02:27 6000 personnes par jour, ce n'est pas la moyenne, c'est des grosses journées, et donc l'arrêté que le maire a signé très récemment,
02:34 c'est pour éviter ces piques, ces journées de piques de fréquentation, et essayer d'étaler la venue des touristes sur l'île.
02:41 – Alors justement, comment allez-vous procéder ?
02:44 – Et ben on a donc signé un arrêté qui va limiter à 4700 personnes du 14 juillet au 25 août, de 8h30 à 14h30,
02:56 puisque quand il y en a qui repartent en fin de matinée ou en début d'après-midi, d'autres peuvent revenir, et que du lundi au vendredi,
03:03 parce que contrairement à ce qu'on pense, c'est le samedi et le dimanche qu'il y a le moins de monde sur l'île,
03:09 parce que le samedi les gens arrivent dans leur gîte, s'installent, et donc finalement tout le monde pense qu'il y aura plein de monde le week-end,
03:15 et ben non, c'est là où les gens peuvent venir, donc on a décidé de réguler que du lundi au vendredi.
03:19 – Donc vous instaurez une jauge, quitte à renoncer à une partie de la manne financière de ces touristes ?
03:25 – Alors oui et non, parce que ce qu'on espère, c'est que cette régulation, les jours où éventuellement ce sera complet, on ne peut plus venir,
03:34 on espère que ces personnes vont venir la veille ou le lendemain, en plus ce sera plus appréciable pour eux,
03:40 et au final l'économie sera la même, on pense avoir à peu près la même quantité de personnes sur l'année,
03:46 mais ce qu'on veut éviter c'est les pics, les jours vraiment où ce n'est pas tenable.
03:51 – Pardon mais vous arrêtez de faire rentrer les touristes à partir d'une certaine jauge,
03:55 ou alors il faut s'inscrire par exemple la veille pour visiter Breille ?
03:59 – C'est tout récent, ça a été signé la semaine dernière, donc ça doit se mettre en place,
04:03 mais dans l'idéal on pense qu'effectivement un système de réservation permettrait aux gens de se rendre compte que c'est complet,
04:09 et du coup de réserver la veille ou le lendemain, c'est ce qui nous semble le plus facile.
04:12 – Comme les calanques de Sujiton à Marseille ou les calanques de Cassis depuis l'année dernière.
04:16 – Oui ça a été reconduit d'ailleurs pour les cinq prochaines années.
04:18 – Et on va revenir sur le cas d'école, le mont Canigou dans les Pyrénées-Orientales, Haute-Vivesse.
04:21 Vous c'était une autre forme de nuisance, c'était les jeeps qui montaient à l'assaut du Canigou,
04:26 et vous avez réussi à développer un autre tourisme, vous avez fait comment ?
04:31 – Alors c'était effectivement le tourisme motorisé qui posait un souci,
04:35 et c'est les collectivités territoriales, les élus locaux et les habitants qui se sont saisis du sujet,
04:40 pour justement avoir une gestion durable de la fréquentation du Canigou qui était concentré sur le pic.
04:46 Le Canigou c'est la montagne sacrée des Catalans, et il y avait une volonté de monter,
04:52 de gravir ce pic avec cet objectif ultime.
04:55 Alors on a souhaité ici dans les Pyrénées-Orientales, réorienter et changer de focale
05:01 pour être plus sur le massif en tant que tel, le balcon, le piémont et le massif,
05:06 pour diffuser sur l'ensemble du territoire l'intégralité de nos visiteurs,
05:11 pour justement que l'ensemble de notre patrimoine, qui soit naturel, qui soit culturel et extrêmement riche,
05:17 puisse bénéficier de ce flux de visiteurs.
05:21 Et donc la voiture a été descendue de plus de 1000 mètres,
05:24 et ces 35 km de pistes qui ont été rendues au slow tourisme,
05:29 avec la randonnée, le vélo à assistance électrique, le vélo tout court d'ailleurs,
05:33 les ânes, enfin tout type d'accessibilité non motorisée sauf ayant droit.
05:38 - Dominique Marcel, en fait là on est face à deux cas concrets et deux solutions aussi,
05:42 c'est-à-dire faire du tourisme autrement, en régulant des flux de tourisme,
05:46 en les emmenant ailleurs en fait, et puis les jauges.
05:51 - Exactement, alors il faut mieux répartir les touristes dans l'espace et dans le temps.
05:55 Dans l'espace, c'est bien ce qui vient d'être décrit,
05:58 ce qui veut dire aussi mettre parfois l'accent sur des pépites qu'on ne connaît pas,
06:02 des nouveaux parcours, créer de nouveaux sites.
06:05 - Mais on dit 20%, 80% des touristes dans 20% des territoires,
06:08 ça veut dire qu'il y a des régions où personne n'y va ?
06:10 - Mais bien sûr, et puis même dans ces 20%, c'est très inégalement réparti,
06:13 donc il faut développer de nouveaux lieux, de nouveaux parcours,
06:16 et alors dans le temps, il y a la jauge qui est un peu le cas extrême,
06:20 mais il y a les réservations, les pré-réservations, les visites chronodattées,
06:24 les files d'attente virtuelles, vous savez qu'on peut éviter de faire la queue,
06:28 et on gagne beaucoup de temps, et puis il y a tous les outils digitaux,
06:32 je viens de citer évidemment, ce sont des outils digitaux, des applications,
06:35 qui permettent aujourd'hui d'orienter la fréquentation,
06:39 qui déterminent bien l'affluence, les tendances, les prévisions,
06:42 qui permettent d'optimiser les flux, et on peut aussi ne pas faire de promotion,
06:47 pour certaines périodes, il y a des sites qui aujourd'hui ne font plus de promotion,
06:50 quand j'ai par exemple Côte d'Annemarc, la fameuse petite sirène,
06:52 on ne fait plus de promotion, c'est-à-dire que c'est tellement connu
06:54 que ce n'est pas la peine d'en rajouter, mais il y a des villages en Espagne,
06:57 en Corse, etc., et puis il y a tout ce qu'on appelle le marketing dissuasif,
07:01 dans le langage un peu professionnel, et puis il y a toutes les stratégies locales
07:05 à mettre en place, c'est-à-dire qu'il faut se fixer des objectifs,
07:07 il faut regarder quelle est la capacité de charge, les capacités d'hébergement,
07:10 la capacité d'accueil, les infrastructures de transport, le ressenti des habitants.
07:14 - Vous voyez qu'il y avait des réservations qui commençaient à augmenter
07:16 dans le nord de la France, parce que ça va être une destination fraîcheur
07:19 par rapport à la canicule, et on se demandait justement si le Pas-de-Calais,
07:23 les plages du Pas-de-Calais avaient les moyens d'offrir...
07:26 - Oui, parce qu'on découvre que le nord et les plages du Pas-de-Calais
07:28 sont en fait de très belles régions, et qui ont une image parfois
07:30 de très belles régions, il faut s'y préparer, et nous ce que nous préconisons
07:33 c'est que justement il y ait des stratégies locales, encore une fois,
07:36 au plus près des territoires, avec des politiques d'investissement
07:39 et surtout des débats entre tous les acteurs. C'est absolument fondamental,
07:43 parce que les populations locales, il faut qu'elles soient complètement embarquées.
07:46 - Tiens, on va aller retourner faire un petit tour du côté de l'île de Bréa,
07:50 et du côté du Canigou. Est-ce que vous voulez bien tous les deux
07:52 nous montrer le paysage derrière vous, parce que comme ça on fait du tourisme
07:56 mais virtuel c'est bien aussi !
07:58 - La carte postale de Bréa, voilà il n'y a pas trop de monde là.
08:01 - Ah oui ! - Et le Canigou, la montagne sacrée du Canigou.
08:04 - On a de la chance d'avoir une belle France quand même aussi.
08:07 - Oui, c'est un très gros atout parce qu'on a beaucoup de sites,
08:09 donc on pourra mieux répartir les touristes dans nos villages.
08:13 - On espère. Merci à tous les trois d'avoir été avec nous ce matin.

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