7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Marche contre l'antisémitisme: que peut ou doit changer la mobilisation?

  • l’année dernière
Plus de 182.000 personnes se sont mobilisées dans toute la France ce dimanche pour manifester contre la recrudescence des actes antisémites depuis le 7 octobre et l'attaque du Hamas sur Israël. Il s'agit de la plus grande manifestation contre l'antisémitisme depuis 1990. 

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00:00 au lendemain de ces marches qui ont donc rassemblé
00:02 plus de 182 000 personnes à travers toute la France,
00:05 dont 100 000 à Paris, 105 000.
00:08 Merci d'être avec nous, Elie Korshia,
00:09 d'autant que dans un peu plus d'une heure,
00:11 maintenant, vous serez à l'Élysée,
00:12 parce que le président de la République
00:14 reçoit ce matin les représentants de tous les cultes.
00:17 Hier, à l'issue de cette marche,
00:19 le président du Sénat, Gérard Larcher,
00:20 a appelé à une démarche après la marche.
00:24 Quelle peut être cette démarche ?
00:26 -Une démarche psychologique, d'abord,
00:28 parce que c'est un signal très fort qui a été donné hier
00:31 au pays tout entier, je dirais même à l'international.
00:34 C'était pas gagné d'avance,
00:36 notamment avec les polémiques politiciennes des derniers jours,
00:40 une marche qui s'est décidée le mardi pour le dimanche,
00:42 et effectivement, qu'on ait eu ce mouvement massif,
00:45 je pense que c'est important,
00:46 pas seulement pour les Français juifs,
00:48 mais pour le pays tout entier,
00:49 parce que les valeurs républicaines ont été portées hier.
00:52 Le climat, on y était hier, on a vu ce climat extraordinaire,
00:56 serein, calme, digne, ces drapeaux français,
01:00 aucun problème durant toute la marche,
01:04 et effectivement, je pense que ce qui peut derrière découler de ça,
01:07 le déni, on n'y est plus,
01:08 on a eu un déni de l'antisémitisme il y a une vingtaine d'années,
01:11 on appelait ça des affrontements intercommunautaires,
01:15 et on ne voulait pas dire les mots.
01:17 Et là, effectivement,
01:18 on voit qu'il y a une vraie prise de conscience,
01:20 beaucoup d'interpellations sur les actes antisémites.
01:23 Après, on a un problème aujourd'hui, je pense,
01:24 si on regarde aujourd'hui là où on doit vraiment avancer dans notre pays,
01:27 c'est sur la judiciarisation, et on en parlera peut-être.
01:30 Il faut aussi que les actes donnent lieu,
01:32 non pas seulement à des interpellations,
01:34 mais à des condamnations qui soient à la hauteur aussi
01:37 de l'enjeu qui est en train de se poser dans notre pays.
01:39 -Puisque vous abordez le problème tout de suite, on va le regarder.
01:42 Est-ce qu'il y a eu des condamnations ?
01:43 Parce qu'on parle de 1240 actes recensés depuis le 7 octobre,
01:47 de 539 interpellations et des condamnations ?
01:50 -Alors, il y a des comparutions immédiates qui ont eu lieu
01:53 lorsque les auteurs sont identifiés
01:55 et que la justice fait le choix d'une comparution immédiate.
01:59 Il peut y avoir des condamnations,
02:01 et les peines encourues peuvent être lourdes.
02:04 Certains, sur certains actes, par exemple des violences
02:07 ou même des insultes à caractère antisémite,
02:10 peuvent encourir jusqu'à plusieurs années de prison.
02:13 Ce qu'il faut savoir, c'est qu'en un mois,
02:16 il y a presque trois fois plus de signalements,
02:19 je précise "signalements" parce que les signalements
02:22 ne recouvrent pas la réalité entière des actes antisémites.
02:25 Il y a presque trois fois plus de signalements d'actes antisémites
02:28 en un mois par rapport à l'an dernier sur toute l'année.
02:33 Ça vous donne la mesure de cette hausse spectaculaire.
02:35 -Mais peut-être pas assez de condamnations
02:37 et pas assez de sévérité ?
02:38 -Oui, bien sûr.
02:39 Pour reprendre ce qui vient d'être dit, c'est même beaucoup plus.
02:42 On dépasse deux ans quasiment avec le nombre d'actes.
02:46 Donc, c'est vertigineux, l'augmentation.
02:48 Alors, derrière, il faut une volonté politique.
02:51 Je pense que le ministre de la Justice, le garde des Sceaux,
02:53 a eu des propos très forts au cours des dernières semaines
02:56 et des derniers mois, notamment sur la lutte contre l'antisémitisme
03:00 qu'il doit y avoir dans notre pays.
03:01 Après, il faut que ça puisse découler des condamnations elles-mêmes.
03:05 Vous savez, quand il y a eu les émeutes,
03:07 il y a eu des condamnations fortes.
03:10 Les juges en France, que ce soit dans les comparutions immédiates ou non,
03:13 ont eu des décisions qui ont été très fortes.
03:16 Soit l'antisémitisme est une cause nationale
03:18 et on ne peut plus accepter qu'il y ait autant d'actes antisémites
03:21 qui frappent notre pays et notamment les Français juifs qui subissent ces actes,
03:26 et donc on aura des condamnations plus fortes.
03:28 Soit on reste dans cette situation actuelle,
03:30 mais aujourd'hui, on voit bien qu'au niveau de l'interpellation,
03:33 il y a eu des gros progrès.
03:35 Au niveau des condamnations judiciaires, on n'y est pas.
03:38 -Laurent Neumann, vous étiez dans "La Marche" hier.
03:39 Beaucoup se sont émus de l'absence du président de la République.
03:41 Ce matin, Emmanuel Macron invite tous les représentants des cultes à l'Élysée
03:46 à 9h30.
03:47 Comment l'interprétez-vous ? Vous pouvez leur dire quoi ?
03:49 -Je pense que ça fait partie aussi de ce que Gérard Larcher appelait hier,
03:53 après "La Marche", "la démarche".
03:55 On a beaucoup parlé du succès en nombre, la dignité de cette marche.
04:00 On n'a pas parlé de ce qui n'a peut-être pas ou moins bien fonctionné.
04:04 D'abord, assez peu de jeunes dans cette manifestation.
04:08 Or, on sait que l'antisémitisme, son principal ferment,
04:11 c'est l'ignorance et l'inculture.
04:14 Donc peut-être que dans cette fameuse démarche,
04:16 il y a un travail à faire du côté de l'éducation nationale.
04:19 On verra si des initiatives sont prêtes.
04:21 Deuxième chose, il n'y avait pas de représentants du culte musulman.
04:26 Et disons-le, dans la manifestation,
04:27 assez peu de représentants, même de la communauté arabo-musulmane.
04:31 Le fait que le président de la République accueille ce matin,
04:35 et je crois que l'invitation a été lancée pendant même la manifestation hier,
04:39 la manifestation n'était pas terminée, que l'invitation a été lancée,
04:43 c'est peut-être aussi pour envoyer un message à l'ensemble des cultes.
04:47 Il y avait des imams hier qui avaient prévu d'être présents dans la manifestation.
04:50 Et disons-le, quelques minutes, quelques heures avant le début de la manifestation,
04:54 leur présence a été annulée.
04:56 Pourquoi ? On en saura peut-être plus, il faut enquêter.
04:59 Mais pourquoi avait-il dit qu'il serait là et qu'au final, il n'était pas là ?
05:02 Ça a frappé tout le monde hier,
05:04 parce que hier, ce n'était pas les Juifs qui étaient dans la rue,
05:06 c'était les citoyens juifs et non-juifs
05:08 pour combattre autour de deux slogans,
05:11 deux slogans seulement pour la République, contre l'antisémitisme.
05:14 Et le fait qu'un culte ne soit pas représenté, c'est sans doute un problème.
05:18 - Vous déplorez cette absence à l'Icorchia ?
05:20 - Évidemment, je ne peux pas faire autre chose que la déplorer,
05:23 parce que nous aurions aimé être tous unis hier après-midi,
05:27 y compris au niveau des cultes dans notre pays.
05:30 Nous étions effectivement avec des catholiques, des protestants, des bouddhistes,
05:35 évidemment beaucoup de personnes non-croyantes, athées ou agnostiques.
05:39 C'était important qu'on soit tous dans la rue.
05:41 Et hier, effectivement, il y avait cette absence,
05:42 cette absence qui était là et qui était l'absence des représentants du culte musulman.
05:47 Et effectivement, c'est dommage.
05:48 Alors après, nous verrons tout à l'heure, je serai avec le Grand Amin de France tout à l'heure,
05:52 nous serons tous les deux pour représenter le judaïsme français à cette réunion à l'Élysée,
05:57 en présence aussi du ministre de l'Intérieur, qui est aussi ministre des cultes.
06:00 Nous verrons ce qui va être dit lors de cette réunion,
06:04 quelles seront peut-être des actions, des démarches pour reprendre
06:07 ce qui a été dit sur l'éducation, sur la prévention.
06:10 On sait aussi que c'est une pierre angulaire de la lutte contre l'antisémitisme.
06:14 Donc j'espère qu'il y aura une prise de conscience.
06:17 Mais effectivement, l'absence hier de nos amis de la communauté musulmane
06:21 était quelque chose qui, malheureusement, manquait cruellement.
06:24 - Parce que pour mieux lutter, Alexandra, contre les actes antisémites,
06:27 il faut aussi essayer de savoir qui sont ceux qui sont à l'origine de ces actes.
06:32 Est-ce que ce sont des gens qui agissent par antisémitisme,
06:36 vous allez dire de conviction, ou par bêtise pure ?
06:40 - Alors, on peut s'appuyer sur ce qu'a dit Laurent Nunes sur notre antenne,
06:45 le préfet de police de Paris, il y a huit jours.
06:47 On lui a posé la question "quel est le profil ?".
06:49 Depuis un mois, est-ce qu'il y a un profil type des auteurs d'actes antisémites ?
06:54 Sa réponse est de dire que les profils sont très différents.
06:57 Il a cité par exemple des jeunes mineurs qui, je cite,
07:02 "tiennent des propos très graves", des jeunes gamins insouciants
07:05 pour reprendre les mots du préfet, et par exemple, il a évoqué
07:09 ceux qui avaient entonné des chants antisémites sur la ligne 3 du métro.
07:14 Il y a aussi, dit-il, des personnes isolées qui commettent des actes de leur côté.
07:20 Il y a enfin aussi des personnes, depuis un mois,
07:22 c'est bien depuis un mois, des personnes qui sont, dit-il,
07:26 très ancrées dans la défense de la cause palestinienne
07:29 et qui peuvent commettre des actes d'intensité variable,
07:33 de bousaille, de tags, d'insultes, voire de violences physiques.
07:36 Et qui vont dans la lignée de ce que vous appeliez il y a quelques jours,
07:39 la désinhibition de l'acte antisémite.
07:43 Exactement, parce qu'on avait déjà ces actes qui étaient importants dans notre pays,
07:47 mais on voit bien que depuis un mois, il y a une désinhibition,
07:51 il y a une libération de cette parole, malheureusement, antisémite,
07:54 notamment sur les réseaux sociaux.
07:56 Et effectivement, ça inquiète beaucoup,
07:59 parce que ça crée un climat, effectivement, très nauséabond,
08:02 et ça peut entraîner donc certains, ensuite, à passer à l'acte,
08:05 que ce soit dans des insultes, des menaces.
08:08 Un chiffre important qu'il faut rappeler,
08:10 c'est que deux tiers des actes et des signalements antisémites
08:13 concernent des atteintes aux personnes.
08:15 On est sur des insultes, on est sur des menaces,
08:17 et un quart de ces actes sont commis dans la sphère privée.
08:21 Donc vraiment dans un entourage immédiat auprès des personnes,
08:23 c'est dire aussi le climat anxiogène que ça génère
08:26 vis-à-vis des personnes et de leur famille.
08:27 Est-ce que Jean-Luc Mélenchon peut être complice
08:31 de cette désignition évoquée par Elie Korchia ?
08:33 En tout cas, il y a, c'est le moins qu'on puisse dire,
08:36 une confusion à gauche, ou plus précisément,
08:39 d'ailleurs, il faut être précis, une partie de la gauche,
08:41 les tweets, les prises de position de Jean-Luc Mélenchon,
08:45 qui, dès le départ, a essentialisé cette manifestation.
08:48 En gros, pour lui, aller manifester,
08:50 c'était être soutien des massacres commis par les Israéliens à Gaza.
08:54 Or, hier, et là, pour le coup,
08:57 ne parlons pas du nombre de gens qui étaient dans la rue,
08:59 parlons des slogans.
09:00 Vous n'avez pas vu de drapeau israélien,
09:02 contrairement aux manifestations sur la paix
09:04 où il y a des drapeaux palestiniens.
09:06 Vous n'avez pas vu de slogan qui ramènerait le contexte international
09:09 dans la manifestation nationale d'hier.
09:12 Donc, pour le coup, c'était bel et bien une manifestation citoyenne.
09:16 Et oui, les prises de position de Jean-Luc Mélenchon
09:19 et de quelques-uns de ses lieutenants,
09:21 pour le moins, ont causé la confusion, oui.

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