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Art et designTranscription
00:00 Bonjour et nous voilà repartis pour une rentrée littéraire 2023.
00:07 Notre équipe va vous présenter cette rentrée littéraire Plon 2023.
00:12 Catherine Desimons avait écrit il y a fort longtemps que la rentrée
00:17 littéraire, pardon, que la rentrée littéraire était une invention
00:21 française.
00:22 C'est une merveilleuse invention française avec son cortège culturel
00:28 comme chaque année et cette année, les éditions Plon ont décidé
00:31 de mettre à l'honneur l'humain sur cette rentrée que vous allez
00:35 découvrir.
00:36 L'humain dans sa complexité, avec ses démons, ses folies, ses
00:40 sensibilités, ses fragilités.
00:42 Et comme l'écrivait aussi notre ami Jules Romain, c'est que être
00:48 être un homme, c'est bien.
00:50 J'ajouterais être une femme, mais être humain, c'est encore
00:54 mieux.
00:55 Et comprendre à travers ces six romans l'intérêt de cette citation.
00:59 Je vous souhaite un voyage au cœur de l'humain fascinant, passionnant,
01:03 haletant et je laisse la parole.
01:06 Le premier, c'est Laurent.
01:07 A Lorraine, pardon, pardon.
01:10 Bonjour à toutes et à tous.
01:12 Je suis absolument ravie d'inaugurer cette matinée en vous
01:16 parlant de ce beau roman Big Girl.
01:18 Alors, je sais qu'aujourd'hui, vous allez entendre parler de
01:21 livres formidables, merveilleux, extraordinaires, incroyables.
01:25 De mon côté, je voudrais juste vous parler d'un coup de cœur qui
01:28 est celui que j'ai eu en tant que lectrice et en tant qu'éditrice
01:30 quand j'ai découvert l'histoire de cette petite fille noire, Malaya,
01:34 qui grandit dans le Harlem des années 90 avec ses huit ans et ses
01:38 76 kilos.
01:39 Alors, quand le livre s'ouvre, on la découvre dans une scène
01:43 cruelle et drôle, une réunion Wet Witchers où sa mère, héritière
01:47 des vingt régimes de soupes allégées, l'a traînée de force.
01:51 On la découvre aussi humiliée dans des parties de chat avec les
01:55 camarades de son école pour riches blancs de l'Upper East Side
01:58 ou encore aux mains d'un abominable médecin au sourire
02:03 carnassier qui tente de lui vendre une opération de réduction
02:06 d'estomac.
02:07 Vous l'aurez compris, Big Girl, c'est un roman sur le body
02:10 shaming.
02:11 C'est un roman sur la grossophobie, sur les injonctions de beauté
02:14 qui pèsent sur le corps des femmes.
02:15 Alors, ce sont des thèmes qui sont finalement peu présents en
02:18 littérature alors qu'ils sont dans tous les discours actuels.
02:21 Il se trouve que Malaya, en plus d'être noire et obèse, est aussi
02:26 amoureuse de sa meilleure amie et s'éveille dans le roman à la
02:29 sensibilité des amours lesbiennes.
02:31 Et là, vous vous dites oui quand même et vous aurez raison parce
02:34 que Big Girl est un beau cocktail de thématiques explosives.
02:38 C'est un livre dans l'air du temps.
02:39 Mais alors attention, c'est un livre extrêmement riche et subtil
02:43 tout en délicatesse qui est beaucoup plus que les quelques
02:46 thèmes auxquels je le résume aujourd'hui.
02:49 C'est déjà un univers littéraire très marqué.
02:52 C'est une très belle déclaration d'amour à Harlem.
02:55 On est plongé dans ce quartier avec ses odeurs, avec ses saveurs,
03:00 avec ses notes de hip-hop.
03:02 On découvre sa "Junk food" et c'est un quartier qui est en cours
03:06 de gentrification, c'est-à-dire que les populations noires
03:09 découvrent peu à peu que les adresses emblématiques disparaissent
03:14 à la faveur de l'arrivée des populations blanches.
03:17 C'est aussi un "coming of age" novel comme on les aime,
03:20 un roman d'émancipation à travers les thèmes de la perte et du deuil.
03:23 Toute la question étant de savoir comment est-ce qu'on trouve sa place
03:27 dans le monde et dans la société quand on est une petite fille noire,
03:30 obèse et amoureuse de sa meilleure amie.
03:32 Et à cet égard, Big Girl est un livre vraiment lumineux,
03:35 un roman d'émancipation qui est peuplé de personnages formidables.
03:39 On a ce père inoubliable d'une grande tendresse, cette grand-mère,
03:42 ma mère, pleine de proverbes qui nous fait rire.
03:46 On a le coeur serré, on est scandalisé, on est en colère,
03:49 on est attendri.
03:50 La dernière fois que j'ai trouvé un livre aussi attachant,
03:53 personnellement, c'était Betty.
03:55 Alors je vous ai dit tout à l'heure que c'était mon grand coup de coeur.
03:58 Je ne veux pas me vanter, mais c'est aussi le coup de coeur
04:00 du New York Times.
04:01 Le livre a été finaliste du Center for Fiction Prize et du Lambda
04:06 Literary Prize aux côtés de Leila Motli, que vous devez bien connaître.
04:10 Il a l'avantage d'être porté par une autrice charismatique,
04:14 héritière de bell hooks et qui a cette force de s'être inspirée
04:18 de sa propre histoire.
04:19 C'est une très belle traduction qui a été relue par un nom qui vous sera
04:23 sans doute familier, Mabula Soumaoro, spécialiste des diasporas
04:27 africaines-américaines et des littératures africaines et américaines.
04:33 C'est un livre qui coche modestement toutes les cases.
04:37 Alors, on enchaîne avec Nejma et les coquelicots.
04:49 Nejma est une femme en colère, en colère notamment parce qu'elle
04:54 vit depuis la publication de "L'Amende" que nous avions publiée
04:57 avec Olivier Urban et Lorraine il y a 20 ans sous le coup d'une fatwa.
05:00 Elle est donc sous le coup d'une menace de mort permanente qui fait
05:04 que sa vie est extrêmement compliquée et ce qui explique aussi le fait
05:08 que j'ai mis six ans avec elle à peaufiner ce roman puisque c'est
05:13 l'histoire dans l'histoire.
05:14 Nous ne pouvons pas nous téléphoner via nos téléphones, il faut passer
05:17 par un intermédiaire sur place.
05:18 On ne peut pas s'écrire puisque ces mails sont surveillés.
05:20 Donc voilà, ce roman a maturé longtemps pour arriver à ce résultat
05:24 dont on est très fier.
05:25 La colère de Nejma, elle l'a transmis à Sarah qui est l'héroïne
05:31 de Coquelicot et donc Coquelicot est le pseudonyme puisque cette femme
05:37 qui a été plus ou moins mariée de force par vivre en Tunisie,
05:41 elle est algérienne et mariage sans trop d'amour, sans trop d'intérêt
05:47 entre les deux, ils sont un peu indifférents l'un à l'autre et puis
05:49 un jour le mari disparaît.
05:50 Elle ne sait pas trop ce qu'il faisait, il était tout le temps sur son
05:52 ordinateur, il disparaît.
05:53 Et elle, elle se dit bon, je suis dans une ville que je n'aime pas,
05:56 j'étais mariée avec un mec que je n'aime pas, je ne vais pas chercher
05:58 à le retrouver.
05:59 Je vais goûter à la liberté, ce système m'écrase, m'oppresse,
06:04 je vais vivre.
06:05 Et pour ça, elle crée ce pseudonyme de Coquelicot sur Internet où
06:09 elle va se prostituer virtuellement.
06:11 Donc il y a autant de Coquelicot différents qu'il y a de pétales
06:14 à la fleur, c'est-à-dire qu'elle prend les habits, des fantasmes
06:18 de tous les hommes qui lui demandent de les assouvir.
06:19 Et puis, logiquement, entre guillemets, elle passe ensuite
06:23 à une prostitution physique en louant un appartement à Tunis et
06:29 en rencontrant des hommes de tous horizons, de tous âges,
06:32 des Français, des Marocains, des Algériens, des Tunisiens.
06:36 Et ce roman dont l'écriture est très fiévreuse, très énervée,
06:40 mais aussi très poétique, retrouve dans ce coeur qui est un peu
06:44 des mille et une nuits inversées, où c'est elle qui, au gré de
06:48 ses rendez-vous, confesse ses hommes au-delà de pages très crues
06:53 de sexualité qui avaient fait l'énorme succès de l'amende
06:55 il y a 20 ans.
06:57 C'est aussi pour les hommes une sorte d'alcôve où ils se confient
07:00 à elle sur leur mal-être, sur tous les problèmes que traverse
07:04 le Maghreb, que ce soit l'analphabétisme, l'illettrisme,
07:08 la pauvreté, la corruption, le trafic de drogue, les migrations,
07:13 les rapports avec la France, avec l'Europe en général.
07:15 Et à travers les voix de ces hommes qui, pour certains,
07:19 par exemple, sont homosexuels, et le cachent parce qu'elle n'est
07:22 pas tolérée, elle est même de plus en plus condamnée, voire dans
07:24 certains pays du Maghreb et du Machré, condamnée à la peine
07:26 de mort, il y a la voix de Sarah qui se superpose sur le statut
07:32 des femmes.
07:33 Typiquement, la Tunisie de Bourguiba, au moment de
07:35 l'indépendance en 1956, avait donné certaines libertés aux femmes
07:39 du Maghreb, qui était le statut le plus avancé.
07:41 Et puis, depuis les trintants arabes, depuis l'émergence des
07:44 frères musulmans et d'un islamisme très radical, le statut des femmes
07:47 ne va qu'en régressant.
07:48 Donc il y a sa voix, à elle, qui est la voix de sa génération,
07:52 une génération en colère, en colère aussi de ce que l'Europe,
07:55 la France ont fait de leurs parents, qui sont venus à un moment
07:58 quand on en avait besoin dans notre pays, qui se retrouvent
08:01 tanquées dans des banlieues, isolées, sans aide, d'une jeunesse
08:05 en mal de repère, de points fixes, d'ancrage, qui traînent dans
08:11 du trafic, qui du coup en donnent une mauvaise image.
08:13 Donc Sarah parle de tout ça, brasse tout ça dans cette écriture
08:18 très énervée, mais très touchante, parce que c'est un cri du coeur
08:22 de cette femme qui aime son pays, qui aime sa religion aussi,
08:27 puisque Nejma, comme son héroïne, son musulmane et pratiquante,
08:30 mais qui condamne toutes ses dérives.
08:32 Et évidemment, parmi tous les clients, elle va tomber amoureuse
08:36 du plus bad boy des bad boys, qui va l'emmener dans un trafic
08:41 très loin, très loin géographiquement, parce qu'elle va aller jusqu'au Chili,
08:44 mais aussi très loin dans la transgression et dans la liberté.
08:47 Je ne vous dévoilerai pas la fin du roman, mais il y a une lueur
08:51 de l'espoir, parce que tant qu'il y a l'envie de la liberté,
08:54 la rébellion, l'espoir est toujours permis.
08:57 Et c'est ce que Nejma, via Sarah, porte jusqu'aux dernières lignes
09:01 de ce roman.
09:02 Bonjour, c'est toujours un plaisir de venir vous voir, vous parler
09:17 de nos rencontres, de nos découvertes.
09:19 Et en l'espèce, avec Frédéric Viguier, "La vérité n'aura pas lieu",
09:24 c'est une vraie découverte pour nous.
09:29 "La vérité n'aura pas lieu", ça sonne un peu comme une prophétie.
09:32 C'est comme si l'auteur nous disait par avance ce qui ne va pas
09:36 se passer dans ce livre.
09:38 "La vérité n'aura pas lieu", c'est en fait une recherche sur ce
09:46 que nous faisons tous, chacun à notre niveau de la vérité.
09:49 Et finalement, est-ce que la vérité, quand elle quitte notre bouche,
09:54 peut-être n'est-elle déjà plus la vérité ?
09:57 Un romancier, un peu dans la difficulté, qui a publié quelques
10:04 romans, est contacté par une femme qui lui dit "j'ai lu votre dernier
10:08 livre, il faut que je vous rencontre, j'ai une histoire à vous
10:11 raconter et je pense que vous pourriez m'aider".
10:13 Il la rencontre, il n'a pas grand chose d'autre à faire.
10:16 Puis il se dit aussi que cette rencontre pourrait peut-être lui
10:19 être profitable parce qu'il a besoin d'argent.
10:21 Il rencontre cette femme et cette femme lui dit "mon fils a été
10:26 accusé d'une agression sexuelle sur mineurs injustement, il a été
10:30 auditionné tout un après-midi par la police, il est rentré chez lui
10:33 et s'est suicidé.
10:34 Il n'a laissé aucune lettre, aucun mot, rien, aucune information
10:38 et je voudrais que vous m'aidiez à écrire un livre pour rétablir
10:43 la mémoire de mon fils".
10:46 Il saute sur l'occasion, c'est ammunéré, tant mieux.
10:48 Elle lui donne les papiers en sa possession, les procès-verbaux
10:52 etc.
10:53 et elle lui dit "voilà tous les papiers que j'ai en ma possession
10:57 et je vais vous raconter ce qui s'est passé".
10:58 Et très rapidement, il va se mettre à chercher, à enquêter et être
11:04 troublé tout de suite par les vides de cette histoire.
11:08 L'histoire, elle existe, il y a des plaintes mais c'est lui,
11:12 c'est les vides qui l'intéressent, c'est ce qui manque en fait.
11:15 C'est ce qui manque pour que la vérité ait lieu.
11:16 À partir de là, il va s'intéresser à tous les protagonistes de
11:21 cette histoire.
11:22 Sylvain, l'homme qui s'est suicidé, sa femme et sa fille.
11:26 Et lui va faire son chemin au milieu de tout ça, aller au travers
11:30 de leurs paroles, de ce qu'ils ont dit, de ce qu'ils ont exprimé
11:33 à la recherche de la vérité.
11:35 Et vous aussi, quand vous lirez ce livre, parce que je vous
11:40 recommande vraiment de le lire, il est porté par une langue
11:43 puissante, par un sens du timing et du suspense assez incroyable,
11:47 par une intensité des sentiments et des passions qui sont notables.
11:52 Arrivé au bout de cet ouvrage, de ce roman, vous aussi, vous
11:57 aurez votre vérité, je pense.
11:58 Mais sera-t-elle la vérité ?
12:00 Je ne sais pas.
12:02 En tout cas, c'est un roman habité auquel nous croyons beaucoup.
12:06 Frédéric Viguier, il a déjà publié deux romans chez Albin
12:09 Michel auparavant, qui ont été remarqués.
12:12 Par la critique, par les lecteurs, puisqu'ils se sont bien vendus.
12:16 C'est important de le dire.
12:17 Et surtout, j'insiste, pardon de me répéter, mais je voudrais
12:22 que vous compreniez que je ne dis pas ça, ce n'est pas une formule
12:26 de style.
12:27 C'est un roman habité, écrit, une histoire forte et qui,
12:32 j'espère, vous transportera et vous amènera à réfléchir sur
12:36 l'importance qu'il y a à réfléchir quand nous cherchons la vérité
12:40 et quand nous pensons la dire.
12:42 Merci de votre attention.
12:43 Bonjour à toutes et tous.
12:55 Alors, je suis ravie de vous présenter ce premier roman,
12:58 l'autre part de Morgane Haas.
13:00 Alors, Morgane est une jeune professeure de français en Normandie.
13:05 Je l'ai rencontrée au détour d'Instagram, parce que les réseaux
13:09 sociaux ont aussi leurs bons aspects.
13:12 Et à force de lire ses posts, je me suis dit il y a quelque
13:17 chose, c'est pas possible.
13:18 Il doit y avoir un texte écrit et il faut que j'échange avec elle
13:22 plus précisément ce qu'on a fait.
13:24 On s'est ensuite rencontrés et effectivement, il y avait un texte
13:28 écrit qui est celui que je vous présente aujourd'hui,
13:31 l'autre part.
13:32 Alors, l'autre part est au départ une nouvelle que Morgane a commencé
13:35 à écrire au décès de sa grand-mère, car elle s'est aperçue
13:39 que souvent, après la perte d'un être cher, il y a aussi le côté
13:43 un peu pragmatique de faire le tri des affaires, comment gérer
13:47 la maison, qu'est-ce qu'on y retrouve ?
13:48 Et elle s'est dit mais tous les objets de cette maison de mon aïeul
13:54 renvoient à un passé de cette personne que je ne connais pas.
13:57 Et elle a commencé à interroger les silences, les blancs,
14:01 tout ce qu'on ne sait pas des personnes qu'on a beaucoup aimées.
14:04 Souvent, nos grands-parents, on a une image d'eux déjà un peu
14:07 âgées et il y a tout un pan de leur vie d'adolescent,
14:11 de jeune adulte qu'on ne connaît pas.
14:12 Et ce roman s'ouvre sur le décès de la grand-mère de Lina,
14:18 jeune trentenaire, et au décès de cette grand-mère,
14:22 de fait, la famille s'occupe également des effets présents
14:26 dans la maison familiale.
14:28 Et Lina tombe sur un carnet bien bien enfoui que personne n'avait
14:34 jusqu'alors trouvé et au coeur de ce carnet, une photo noir et blanc
14:39 avec deux personnes, une femme, un homme, et écrit au dos
14:42 "Manel et Tahir, Tangier, 1953".
14:45 Manel étant le prénom de la grand-mère.
14:48 Et là, elle interroge un peu sa famille.
14:53 Personne n'a eu vent de quoi que ce soit de cette expérience
14:56 marocaine de la grand-mère.
14:58 Elle commence à interroger ce silence.
15:02 Pourquoi sa grand-mère a passé complètement sous silence
15:05 cette période de sa vie ?
15:07 Elle comprend aussi qu'elle n'y est restée qu'un an,
15:10 qu'elle est rentrée très vite, qu'elle s'est mariée très vite
15:12 à son retour et a ensuite fait sa vie avec un certain Georges
15:16 qu'elle avait déjà connu avant de partir.
15:19 Ils s'étaient connus jeunes adolescents et ils ont fait
15:22 finalement leur vie ensemble.
15:23 Et donc Lina ne reste pas sur cette histoire connue.
15:27 Elle veut percer les mystères et se rend, quelques 70 ans après
15:31 le tournailleul, à Tangier, sur les traces de sa grand-mère.
15:34 Au sein du carnet qu'elle avait trouvé, elle trouve des noms
15:39 propres, des noms de lieux qu'elle va essayer de retrouver.
15:42 Alors bien sûr, les lieux ont changé ou ont disparu,
15:45 mais elle parcourt les rues et elle va retrouver quelques
15:49 descendants des personnes nommées dans ce carnet.
15:52 Donc elle va tirer les fils, peu à peu, de cette histoire
15:55 avec eux.
15:56 Elle parcourt les rues aussi en repensant au vieux Marzouk.
16:00 Il est un personnage du carnet de sa grand-mère qui était un
16:03 conteur des rues des années 50 à Tangier.
16:07 Et ce roman est l'occasion à la fois de découvrir une ville,
16:11 Tangier, sous protectorat.
16:13 À l'époque, le pays était sous protectorat français.
16:15 Et on a à la fois cette découverte, si vous voulez,
16:21 personnelle de la ville à travers les rencontres que Lina fait
16:25 au fur et à mesure.
16:27 Elle va aussi rencontrer des descendantes de femmes qui,
16:31 à l'époque, se réunissaient dans les arrières cuisines,
16:34 dans les arrières cours, commençant quelques mouvements
16:37 qu'on appellerait aujourd'hui le féminisme,
16:39 qui à l'époque ne s'appelait pas comme ça, certes,
16:41 mais qui revendiquaient leurs droits,
16:43 revendiquaient une vraie liberté et se battaient pour
16:46 l'indépendance du pays à l'époque.
16:48 Et Lina, peu à peu, découvre tout un passé inconnu
16:54 et qui l'enchante parce qu'elle se découvre elle-même,
16:58 peu à peu, également.
17:00 Un petit point important du roman, également,
17:03 est une découverte des lettres du fameux Tahir,
17:07 lettres qui étaient interceptées au domicile conjugal
17:10 à leur arrivée.
17:11 Vous imaginez bien pourquoi.
17:13 Et je ne vous dévoile pas la fin du roman non plus,
17:15 parce qu'il faut aller jusqu'au bout pour comprendre
17:18 toute la richesse et la poésie de ce texte,
17:23 dans lequel Lina va comprendre un peu,
17:29 au fur et à mesure, qu'elle n'est pas tout à fait
17:30 celle qu'elle croyait être.
17:32 Je vous conseille vraiment la lecture de ce texte
17:33 qui m'a, moi, éblouie par sa poésie.
17:36 Son écriture maîtrisée pour un premier roman,
17:39 c'est assez incroyable.
17:42 Et la grande force aussi de ce texte
17:45 est que sur lui souffle un vrai vent de liberté.
17:49 (Applaudissements)
17:51 -Etes-vous prêts à tenter une expérience ?
18:08 Etes-vous prêts à briser la routine de votre quotidien ?
18:12 Non, je plaisante.
18:13 Je sais que votre quotidien est très animé,
18:14 qu'il s'y passe plein de choses.
18:16 Mais êtes-vous prêts à tenter une expérience
18:21 dans laquelle on vous dirait
18:23 que la folie vous mènera à la raison ?
18:26 C'est ce que va faire Léo, le héros de ce roman,
18:29 de ce premier roman signé Maurice Barthélémy,
18:32 dont le visage ici affiché doit vous dire quelque chose.
18:36 Il a fait partie de la fameuse troupe des Robins des bois,
18:38 il a été metteur en scène, il écrit pour le cinéma,
18:40 il produit des films.
18:42 Et là, il nous a donné son premier roman
18:46 de court roman dans lequel le héros Léo
18:50 est à un moment de sa vie difficile, compliqué.
18:54 Il est un peu las de tout ce qui s'y passe
18:56 dans sa vie professionnelle, dans sa vie privée.
18:59 Et un beau jour, il décide de couper son téléphone
19:03 et d'aller au cinéma, tout simplement, un après-midi.
19:07 Il choisit un film qui, bon, lui plaît,
19:10 il paye son ticket, il rentre, il s'installe dans la salle.
19:12 Il est étonné, il n'y a pas grand monde.
19:15 Il s'assied, il est seul.
19:17 Quelques temps plus tard, arrive une femme
19:18 qui s'installe quelques rangs plus loin derrière lui.
19:20 Bon.
19:22 Il se dit que le film démarre, n'a pas un grand succès.
19:26 Le noir se fait, enfin.
19:29 L'écran s'éclaire.
19:32 Mais c'est pas le film qui commence.
19:33 Sur l'écran s'affichent quelques mots.
19:35 "Ca va, Léo ?" point d'interrogation.
19:38 Et là, l'histoire commence vraiment.
19:42 Léo, d'abord, intrigué qu'un écran de cinéma
19:45 puisse connaître son prénom et lui demander si ça va.
19:49 Léo, lui, va accepter l'expérience,
19:52 convaincu à la fois par les questions assistantes de l'écran
19:55 et par la femme qui, tout d'un coup,
19:56 se mêle à cette conversation, ce dialogue,
20:00 en lui disant "Mais Léo, tu veux pas répondre ?
20:03 "Tu veux pas essayer de commencer à dialoguer ?"
20:09 Et c'est ainsi que nous allons rentrer dans un univers
20:12 où la sagesse disparaît,
20:15 où on est prié d'aller au bout de ses passions,
20:18 au bout de ses envies, au bout de ses folies,
20:21 mais aussi au bout de ses non-dits,
20:24 au bout de tout ce qu'on s'est interdit de faire depuis toujours
20:28 et surtout ce qu'on s'est interdit de dire.
20:32 On est prié d'aller au bout de ses émotions,
20:34 on est prié d'aller au bout de ses pensées,
20:36 au bout de son amour, au bout de sa sensibilité.
20:41 Et ça, Léo va l'apprendre, presque à ses dépens,
20:46 mais il va l'apprendre et il verra pas de film,
20:50 sinon le film de sa vie,
20:52 et il sortira de cette salle de cinéma transformée à jamais.
20:56 En tout cas, il sortira de cette salle de cinéma
20:59 en ayant accepté l'expérience, en l'ayant menée à terme
21:03 et en ayant un nouveau point de départ pour une vie,
21:06 on l'espère pour lui, plus belle.
21:08 C'est un roman court et c'est important
21:10 parce que c'est une gageur
21:13 de donner autant de choses dans si peu de pages,
21:18 de faire vivre et d'incarner un héros
21:20 qui dialogue avec un écran de cinéma,
21:22 avouez que c'est une situation quand même peu habituelle,
21:25 et qu'il faut bien toute la sensibilité,
21:28 l'hypersensibilité,
21:29 et on en a déjà parlé de Maurice Barthélémy,
21:32 pour nous amener à croire que tout ce que vit Léo est vrai
21:37 et à partager avec lui cette envie
21:40 de ressortir un jour d'une salle obscure,
21:43 non pas différente, mais transformée.
21:47 J'espère que vous passerez un bon moment de lecture en sa compagnie.
21:50 -Bonjour. Je vais vous présenter un autre premier roman.
22:02 "Atlantique" de Marie Lassire.
22:04 L'histoire est assez simple.
22:05 Quand Phil lui propose de passer leur premier été ensemble
22:08 dans sa maison de vacances, Anne saute sur l'occasion
22:10 parce qu'Anne imagine aussitôt vacances au soleil,
22:13 liberté, bonheur, océan,
22:16 sauf que manque de peau,
22:17 elle se retrouve devant un grand chalet
22:19 d'une tristesse insondable, enfoncée dans la végétation.
22:22 Pour elle, c'est un truc de fait divers.
22:24 Qui plus est, la maison est fermée depuis 30 ans.
22:27 Anne va rester pourtant, elle va rester dans cette maison,
22:29 elle va rester avec Phil trois étés pass,
22:32 trois étés dans cette maison.
22:34 Anne est journaliste et écrivain, elle est très parisienne,
22:37 elle a cette tendance assez fréquente
22:39 à surinvestir ses vacances d'été,
22:42 et elle voudrait en profiter pour écrire son 2e roman,
22:45 sauf que dans un tel cadre, c'est la panne sèche.
22:48 Et elle se rend assez vite compte que c'est tout son couple
22:50 qui s'étiole dans cette maison
22:52 parce que cette maison est figée dans le passé d'une famille,
22:56 une famille qui n'est pas celle d'Anne.
22:58 Et évidemment, Anne ne verrait aucun inconvénient
23:00 à se débarrasser de tout l'intérieur de cette maison,
23:03 de tout ce passé extrêmement encombrant.
23:05 Sauf que pour Phil, c'est impossible.
23:07 Tout doit rester exactement tel que dans son enfance,
23:11 y compris la vaisselle ébréchée, l'évier qui fuit
23:14 ou le tabouret qui naque...
23:16 Enfin, les chaises qui n'ont que trois pieds.
23:19 Donc, les étés pass.
23:24 Le 3e été, Anne est dans un état un petit peu particulier.
23:28 Elle en est arrivé la nuit de virer la déchetterie,
23:30 et puis elle rencontre son voisin.
23:32 Son voisin n'est pas n'importe qui.
23:34 Son voisin est un écrivain talentueux, reconnu,
23:39 qui vient d'ouvrir dans le même village au bout de la rue
23:41 une bouquinerie.
23:42 Et cet homme, évidemment, va bouleverser son monde.
23:46 Aux yeux d'Anne, Nicolas, donc, cet écrivain,
23:48 mène une vie d'écrivain absolument idéale.
23:52 Mais la vie d'écrivain idéal sans les tourments,
23:56 sans le pathos, sans les tracas du quotidien
23:59 et sans l'exaspération que peut susciter un buffet moche.
24:02 Nicolas, donc, écrit 20 livres,
24:04 et il est toujours invité à la grande librairie.
24:07 Nicolas l'accueille à bras ouverts dans sa très jolie maison,
24:10 digne d'un magazine déco.
24:12 Eric a la bonne attitude, le bon réseau.
24:15 Eric... Pardon, Nicolas.
24:17 Nicolas a même le corps ferme.
24:19 Nicolas, en gros, choisit sa vie au lieu de la subir.
24:23 Comme il n'y a bien sûr pas de place pour deux écrivains
24:26 dans ce tout petit village,
24:27 tous les problèmes d'Anne disparaissent au second plan,
24:31 et elle se demande comment se positionner
24:33 face à ce Nicolas idéal,
24:35 quelle attitude avoir face à cet homme à qui tout semble réussir
24:38 et qui, là-bas, a plein de couture sur tous les plans.
24:41 Alors, évidemment, au fil du temps,
24:42 Anne va se rendre compte que les choses sont plus complexes,
24:44 que la vie de Nicolas n'est pas si idéale,
24:47 et elle va être amenée à se poser un certain nombre de questions existentielles.
24:51 Construit-on un couple sur des détails ?
24:54 Comment sait-on qu'on est enfin avec le bon partenaire ?
24:58 Comment mesure-t-on la possibilité d'un certain bonheur ?
25:01 Est-ce que ça ne serait pas tout simplement
25:04 rouler vers l'océan ensemble, fenêtre ouverte ?
25:09 C'est un 1er roman qui nous a séduits
25:12 parce qu'il est juste, il est lucide et il est plein d'humour.
25:17 Il évoque avec beaucoup de finesse
25:19 notre relation aux autres et aux choses
25:22 en explorant d'une part le fantasme de l'exode rural,
25:25 qui est un thème éminemment contemporain,
25:28 mais également la difficulté que l'on peut avoir à se positionner,
25:33 soit dans un couple, dans une famille,
25:35 dans une maison, dans un village.
25:38 Également le fait que, même si on sait qu'on doit pas en être dupe,
25:41 il nous arrive d'être prisonniers de l'image que l'on se fait des autres,
25:45 comme on peut être prisonnier de dictates un peu ridicules
25:49 que l'on s'impose, par exemple.
25:51 Cette tendance que l'on peut avoir à surinvestir nos vacances d'été,
25:55 qui, évidemment, se révèle jamais la parenthèse totalement enchantée
25:59 qu'on voudrait qu'elle soit.
26:02 "Atlantique", c'est aussi une réflexion plutôt acide
26:07 autour de la création, de l'écriture,
26:11 de la posture de l'écrivain et de la jalousie.
26:15 À quel point peut devenir encombrante
26:18 la mort de quelqu'un qu'on a critiqué,
26:20 pas parce qu'on le détestait,
26:21 non, simplement parce qu'on n'avait pas la même vision des choses.
26:25 Enfin, "Atlantique" est un roman
26:28 qui est bâti autour d'un personnage de femme
26:30 qui est très fort, parce que c'est une femme
26:33 qui est bourrée de défauts, qui est pleine de dissatisfaction,
26:36 mais c'est aussi une femme qui est pleine d'autodérision et d'espoir.
26:40 C'est une femme qui se bat.
26:42 Marie Lassire est journaliste d'Eco.
26:44 Elle vit à Paris,
26:46 mais elle passe toutes ses vacances à Montalivet,
26:49 sur la côte du Médoc,
26:51 et dans un village où habite un certain héricoltaire.
26:55 (Applaudissements)
26:56 (...)