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La reconquête du nucléaire en France passe aussi par les jeunes entreprises. Deux d’entre elles viennent d’être sélectionnées par l’Etat pour bénéficier de financements par le plan « France 2030 ». Ces jeunes-pousses entendent bien révolutionner la production de ce type d’énergie.
NAAREA est une des entreprises. Son président directeur général, Jean-Luc Alexandre, était l’invité éco de franceinfo mardi 13 juin 2023.

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00:00 Bonsoir à tous, la reconquête du nucléaire en France passe aussi et peut-être maintenant surtout par les jeunes entreprises.
00:08 Deux d'entre elles viennent d'être sélectionnées pour profiter des subsides du plan France 2030
00:14 et ces jeunes pouces, comme l'on dit, et bien entendent bien révolutionner la production de ce type d'énergie.
00:21 Bonsoir Jean-Luc Alexandre.
00:23 Bonsoir Emmanuel Cuny.
00:24 Vous êtes fondateur, président, directeur général d'une société qui s'appelle donc NAREA, société créée en 2020
00:32 et spécialisée justement dans la fabrication de petits réacteurs.
00:37 On va entrer dans le détail parce que ce n'est pas forcément le terme approprié, petits réacteurs nucléaires.
00:41 Alors là, on n'est pas dans les grands ensembles, on n'est pas dans Oreno, ce n'est pas l'industrie lourde.
00:46 Pourquoi ces petites entreprises aujourd'hui ?
00:48 Déjà si on prend une photo de votre entreprise, quelle est-elle ?
00:50 NAREA, c'est une entreprise française qui compte aujourd'hui 140 salariés, qui en aura bientôt 200 à la fin de l'année
00:57 et qui en fait développe des micro-générateurs nucléaires de quatrième génération
01:02 qui permettent de faire de l'électricité et de la chaleur quasiment bas carbone,
01:07 en brûlant des déchets nucléaires, ce qui permet en plus d'être véritablement dans un nucléaire durable.
01:11 Pourquoi des petits réacteurs, entre guillemets, parce que les gros ça ne fonctionne pas ?
01:17 L'EPR c'est un échec, on se replie vers les petits modules ?
01:19 Pas du tout, c'est bien l'inverse, c'est que bien entendu qu'il faut des EPR
01:23 et notre système français est très résilient grâce justement à notre armada de réacteurs.
01:27 En revanche, aujourd'hui, si l'on regarde l'explosion de la demande en électricité qui va y avoir sur les 30 prochaines années
01:32 et ces besoins de décarbonation et cette difficulté que nous avons eue sur les approvisionnements énergétiques,
01:39 il faut pouvoir décarboner au plus proche des entreprises.
01:42 Car qu'est-ce qui carbone aujourd'hui, qu'est-ce qui produit du dioxyde de carbone ?
01:45 Ce sont les procédés industriels.
01:47 Nous avons préféré développer une taille de réacteur qui permet d'aller directement auprès des entreprises
01:53 qui en ont besoin pour décarboner rapidement.
01:55 Le deuxième avantage que ça provoque, c'est que vous vous affranchissez du réseau de transport d'électricité.
02:00 Quand vous produisez à des centaines de kilomètres, vous êtes obligés de passer par des lignes électriques
02:04 et notre réseau français, il a beau être très bon, il est en fait pratiquement saturé
02:08 et en tout cas, il ne fera pas face aujourd'hui dans l'état actuel aux augmentations qu'il y aura dans les années futures.
02:12 C'est le principe du circuit court, finalement. C'est un peu comme dans la distribution alimentaire.
02:17 Mais pourquoi la France pousse vraiment ces petits modules sur le plan durable ?
02:22 C'est vraiment innovant, nouvelle génération, on est à la quatrième génération.
02:28 C'est la quatrième génération qui a été poussée par la France il y a de nombreuses années avec Phénix et Superphénix.
02:32 La grande aventure à l'époque.
02:34 Absolument, mais nous étions les précurseurs.
02:36 Il y a deux pays aujourd'hui qui maîtrisent très bien cette technologie
02:38 qui va permettre de brûler des déchets nucléaires, c'est la France et la Russie.
02:41 On va mettre la Russie de côté.
02:43 Aujourd'hui, nous sommes, nous Français, nous avons cette technologie.
02:45 Nous sommes capables de la marier avec des technologies type sel fondu,
02:50 qui est la quatrième génération que nous utilisons,
02:52 pour pouvoir enfin faire des tout petits réacteurs au plus proche du consommateur final, qui va être l'industriel.
02:58 Alors brûler les déchets nucléaires, vous allez les chercher où ? Sur le terrain ?
03:02 On les prend tout simplement en sortie des centrales nucléaires actuelles, lorsqu'elles sont usagées.
03:07 C'est-à-dire lorsque ces combustibles ont passé quelques années dans les réacteurs, on les ressort.
03:11 On va en sortir la fraction de ces déchets de très longue vie, que l'on appelle de très longue vie à haute activité,
03:16 plutonium, actine mineure, etc., qui durent jusqu'à 100 000 ans.
03:19 Et ce sont ceux-là que l'on va pouvoir brûler dans nos réacteurs pour les désintégrer.
03:23 Et quand ça brûle, ça n'émet plus rien du tout ?
03:24 Ça n'émet plus de déchets de longue vie, c'est-à-dire que vous avez des produits de fission
03:27 qui vont avoir des durées de vie gérable à vie d'homme, c'est-à-dire jusqu'à 250 ans.
03:31 Alors, Jean-Luc Alexandre, président directeur général de NAREA,
03:35 une entreprise spécialisée dans l'industrie nucléaire, je disais, lauréat du plan France 2030,
03:42 vous allez recevoir des subsides de l'Etat, 25 millions d'euros. C'est une première étape ?
03:46 Alors, France 2030, c'est un label très important pour nous,
03:49 parce que ça permet de valider la stratégie que nous avons mise en place,
03:52 valider la technologie et valider les choix stratégiques.
03:55 Le deuxième aspect, c'est que ça va venir en appui de tous les financements privés
03:59 que nous avons réussi à relever depuis le début, qui financent en fait notre activité.
04:03 C'est 10 millions pour nous, dans le cadre de France 2030,
04:06 et c'est très important, c'est un signal fort envoyé aux investisseurs privés de dire,
04:09 ben voilà, l'Etat est à bord avec nous, et cette solution va compter dans ce mix énergétique du futur.
04:14 Vous disiez tout à l'heure pourquoi faire du petit aussi ?
04:17 Et bien c'est le mix énergétique qui va permettre de répondre à cette demande.
04:20 Le petit réacteur, c'est un élément supplémentaire qui va permettre d'aller au bout du bout
04:24 et qui va compléter avec sa pilotabilité, parce que ça veut dire qu'en gros il réagit à la seconde,
04:28 il va pouvoir être un complément parfait des énergies renouvelables.
04:31 Qui investit aujourd'hui concrètement dans les entreprises comme les vôtres ?
04:35 Bon là il y a de l'argent public qui arrive, les investisseurs, qui sont-ils ?
04:38 Qui a votre tour de table ?
04:40 Ce sont des grandes familles d'entrepreneurs français.
04:43 Pas de grands groupes ?
04:44 Pas de grands groupes industriels aujourd'hui, ce sont les vraies familles directement
04:48 qui ont créé les groupes que nous avons aujourd'hui et qui sont à nos côtés sur le temps long.
04:52 Jean-Luc Alexandre, est-ce qu'on peut jouer uniquement français dans les technologies que vous développez aujourd'hui ?
04:57 On sait que la Chine est déjà bien en avance, les Etats-Unis n'en parlons pas, l'Inde va bientôt arriver.
05:03 Est-ce que la France peut faire cavalier seule dans votre industrie ?
05:06 Eh bien je vous dirais que justement parce que la France est un des deux pays qui maîtrise les neutrons rapides
05:10 qui permettent de brûler des chaises nucléaires, nous pouvons faire la différence.
05:13 Nous avons tout ce qu'il faut chez nous.
05:15 Nous maîtrisons les petits réacteurs, nous maîtrisons les sels fondus, nous maîtrisons les neutrons rapides
05:19 et nous sommes capables d'intégrer tout ça en vendant de l'usage.
05:22 Nos amis américains, en vendant de l'usage, on va vendre de l'électricité et de la chaleur.
05:26 Au lieu de vendre purement de la technologie, qui permettrait finalement de dévoiler une partie de la techno,
05:31 vous allez vendre l'usage. Et ça c'est nouveau aussi.
05:33 La France sait très bien faire ça, dans le domaine de l'eau par exemple, etc.
05:36 On a bien développé ces modèles.
05:38 Donc aujourd'hui, nos amis américains, nos amis chinois, développent des solutions concurrentes
05:43 mais qui n'ont pas toutes les caractéristiques que nous avons.
05:46 Un dernier avantage, dans cette période estivale et une partie de la France est en stress hydrique,
05:50 nous n'avons pas besoin d'eau dans nos réacteurs.
05:52 Nos réacteurs s'affranchissent de l'eau, c'est juste refroidi.
05:55 - Des défauts finalement dans votre stratégie.
05:57 - À la convection naturelle, il y a beaucoup d'avantages, et c'est ce qu'on a cherché.
05:59 - Ah, quelques défauts quand même ?
06:00 - Il y a toujours beaucoup d'avantages. On les cherche encore.
06:03 - Concrètement, comment faire plus et mieux au niveau européen ?
06:07 On parlait de la Chine, des Etats-Unis, on doit jouer main dans la main au niveau européen ?
06:13 - Je pense qu'il va falloir surtout jouer main dans la main au niveau de la législation.
06:17 Il faut créer un écosystème législatif qui permette d'installer ces micro-réacteurs
06:21 dans des sites qui n'étaient pas des sites traditionnellement nucléaires, comme des grandes centrales.
06:25 Nous aujourd'hui, nous avons vocation à pouvoir alimenter des îlots industriels.
06:29 Et il va falloir faire évoluer cette législation.
06:31 Attention, il y a certains pays qui ont déjà très bien vu ça, comme l'Angleterre,
06:34 et qui commencent à légiférer pour autoriser cette installation de nucléaire civil durable.
06:39 J'insiste sur ce mot, il est important.
06:41 Car aujourd'hui, ça permet de se dire qu'on a géré notre problématique de déchets de vie longue.
06:46 - Je ne vous ai pas posé la question du matériel, vos infrastructures.
06:49 Vous allez chercher des partenaires étrangers pour la fabrication du matériel ?
06:53 - Aujourd'hui, 100% français, et on compte bien le rester, y compris sur le partenariat industriel.
06:57 Nous avons ce qu'il faut chez nous.
06:59 Nous aurons peut-être quelques partenariats au sein de l'Europe, avec notamment des universités,
07:03 sur le plan académique, pour faire partager le savoir-faire.
07:06 Mais au niveau industriel, on veut véritablement, dans le cadre de la souveraineté énergétique,
07:10 il faut garantir un footprint industriel qui soit français.
07:13 Qui donnera la souveraineté énergétique et la souveraineté... - Une empreinte.
07:16 - Et voilà, l'empreinte industrielle, pardon.
07:18 - Merci beaucoup Jean-Luc Alexandre, président directeur général de NAREA,
07:23 donc fabricant de petits réacteurs, petits modules nucléaires français,
07:28 strictement français, donc qui vient de recevoir les subsides du plan France 2030.
07:34 Jean-Luc Alexandre, invité de l'écho de France Info ce soir.

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