• il y a 2 ans
Interview confession de personnalités politiques et médiatiques sur des sujets environnementaux

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00:00 *Générique*
00:24 *Sonnerie de téléphone*
00:29 - Bonjour Carole ! - Bonjour !
00:30 - Vous allez bien ? - Bien et vous ?
00:31 - Carole Grandjean est une ministre très loin des codes classiques de personnalité politique.
00:35 Après une carrière à succès dans de grands groupes en tant que directrice des ressources humaines,
00:39 cette femme de terrain décide de mettre cette expérience au service de la France
00:43 en s'engageant en politique d'abord en tant que députée de Meurthe et Moselle,
00:47 doublée d'une formation continue à l'ENA,
00:49 puis comme ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnelle.
00:53 Son grand projet, la réforme de l'apprentissage qu'elle entend revaloriser
00:57 pour mieux préparer au métier de demain.
00:59 Et si on parlait écologie autrement, bienvenue dans le Déclic.
01:02 - Qu'est-ce que ça a été votre Déclic, Carole Grandjean ?
01:05 - Bah écoutez, en fait, je pense très tôt,
01:07 puisque mon père était pendant plus de 10 ans directeur de parcs nationaux,
01:12 celui des Écrins, puis celui du Mercantour.
01:15 Donc très jeune, en fait, on a, avec mes frères,
01:19 passé nos week-ends dans les parcs nationaux,
01:21 et donc avec toutes les consignes, bien sûr,
01:24 et j'ai envie de dire légitimes, de préservation de la nature,
01:27 et puis d'enjeux aussi de conservation de tous ces espaces naturels en France,
01:32 mais partout dans le monde.
01:34 - Vous êtes ministre aujourd'hui.
01:36 - Oui, c'est ça.
01:37 - Est-ce que vous vous définiriez comme une femme politique ?
01:40 - Femme politique, probablement que je le suis devenue,
01:44 tout simplement par le fait de porter des mandats,
01:46 déjà en 2017 comme députée, puisque j'ai été élue en 2017 députée de Meurthe et Moselle,
01:52 et puis ensuite renouvelée sur ce mandat de députée en 2022.
01:58 Le président de la République et la Première ministre m'ont proposé
02:02 de devenir ministre en charge de l'enseignement et de la formation professionnelle,
02:06 et donc ce parcours-là, probablement, dessine en moi une femme politique.
02:11 Mais en fait, mon histoire, c'est une femme de la société civile.
02:17 J'étais jusque-là dans le monde de l'entreprise,
02:20 et j'exerçais comme salariée dans le monde de l'entreprise.
02:23 - Et justement, députée, ça a surpris votre entourage au début ?
02:27 - Probablement. J'ai une famille qui est très engagée politiquement,
02:32 des oncles, des tantes, mon père...
02:35 Dans ma famille, on parle politique à table, on se dispute politique,
02:39 on débat de manière véhémente politique.
02:43 Pour autant, je n'ai jamais eu d'engagement politique moi-même.
02:47 Et en fait, je me suis engagée en 2016, profondément convaincue des enjeux européens.
02:52 Et c'est ça, au fond, le déclic pour moi en 2016, c'est un engagement pro-européen.
02:57 Ma mère est anglaise, j'ai donc une double nationalité franco-britannique.
03:01 Et le Brexit étant passé par là, a renforcé finalement, chez moi,
03:07 la conscience du fait que l'Europe n'était pas immuable,
03:12 et qu'il fallait que nous continuions à nous engager
03:15 pour que cette Union européenne existe et perdure.
03:19 - On a envie de mieux vous connaître, donc j'ai 4-5 petites questions à vous poser.
03:24 La première, c'est, est-ce que vous aviez un rêve quand vous étiez enfant ?
03:28 - Ah ! Des rêves, je pense que j'en ai eu beaucoup,
03:31 mais je pense que mon rêve, c'est de faire finalement le tour du monde,
03:35 et d'aller notamment au Mexique. - D'accord.
03:38 - Je rêve d'aller au Mexique.
03:40 - Est-ce que vous vous souvenez de votre tout premier geste écolo ?
03:44 - Je pense que c'est en randonnée en montagne,
03:47 et de faire très attention à rester bien sur les chemins,
03:50 ne pas cueillir les fleurs, parce que quand vous êtes enfant,
03:54 vous les trouvez merveilleuses, vous avez envie de les cueillir.
03:57 Donc de ne pas le faire, évidemment, de ne pas laisser de détritus,
04:00 après, sans pique-nique ou autre.
04:02 Donc voilà, c'est le premier geste écologique,
04:04 en randonnée, en montagne, dans les parcs nationaux.
04:06 - Et est-ce que vous avez un péché en écologie ?
04:09 - Probablement... Ah, j'ai un peu honte de le dire,
04:13 mais je suis très, comment dire, néreuse,
04:17 on dit ça dans l'Est, des éponges.
04:19 Donc je jette facilement les éponges,
04:21 et j'ai une consommation d'éponges probablement excessive.
04:25 - Est-ce que si vous devriez être la mère d'une loi,
04:29 d'une invention, d'un grand projet, qu'est-ce que ce serait ?
04:34 - Alors, en termes écologiques, je pense que la loi littorale
04:38 serait pour moi une loi assez majeure, celle de 1986,
04:42 qui protège les espèces littoraux,
04:44 qui fait que les gens se promènent sur tous les espèces littoraux,
04:48 à quelques exceptions près en France,
04:50 et donc que les constructions ne peuvent pas envahir l'espèce littorale.
04:53 Et à titre plus engagé et féministe,
04:56 je pense que la loi de 1972 sur "à travail égal, rémunération égale",
05:01 qui a évolué en 1983 sur une égalité professionnelle
05:05 entre les femmes et les hommes, serait probablement
05:07 les deux lois les plus emblématiques d'un combat féministe
05:11 que j'engage, bien sûr, en tant que femme politique.
05:15 - Pour revenir sur votre parcours,
05:17 est-ce que quand vous avez fait l'ENA, il y avait une ambition derrière ?
05:20 Il y avait une volonté ?
05:22 - Alors, j'ai fait l'ENA en formation continue.
05:24 En tant que ministre de l'Enseignement et de la Formation Professionnelle,
05:27 c'est important de dire qu'on peut se former tout au long de la vie.
05:30 Et au travers de l'ENA, c'était surtout le cycle européen,
05:34 le cycle des hautes études européennes,
05:36 qui a donc une envergure assez européenne
05:40 et qui rejoint mon engagement politique en matière d'Europe.
05:44 Et donc l'idée, c'était vraiment de mieux connaître l'espace européen,
05:48 son organisation, ses enjeux, ses fragilités aussi,
05:52 et donc d'être aussi, j'ai envie de dire, plus pertinente
05:56 dans cet engagement pro-européen,
05:58 pour aller aussi améliorer notre Union européenne.
06:01 - En tant que ministre, notamment de l'apprentissage,
06:05 puisque c'est dans votre portefeuille,
06:07 quelle est la priorité ? Est-ce que c'est l'image à changer ?
06:11 Est-ce que les structures sont adaptées ?
06:15 Quelle serait à vos yeux votre priorité ?
06:18 - En matière d'apprentissage, je crois qu'on a largement bousculé
06:22 l'image qu'avait l'apprentissage il y a encore 5 ans.
06:26 On a stagné pendant des années autour de 200 000 apprentis par an.
06:30 En 2022, on a 837 000 apprentis,
06:33 c'est-à-dire l'explosion du nombre d'apprentis en France.
06:36 - Pour autant, Carole Grangeant, malgré ces chiffres,
06:39 on a énormément d'entreprises qui peinent à trouver des apprentis,
06:43 à trouver des jeunes. Comment vous l'expliquez ?
06:45 - Alors, ils peinent à trouver des jeunes,
06:48 et quand même ils recrutent beaucoup,
06:50 puisqu'ils ont multiplié par 3 le nombre d'apprentis
06:53 qui ont été accueillis dans les entreprises,
06:55 et 8 apprentis sur 10 sont dans des TPE, PME.
06:58 Donc on voit à quel point finalement ces jeunes sont partout
07:01 sur le territoire, sur tous les secteurs d'activité,
07:03 et aussi dans les petites et moyennes entreprises.
07:05 Pour autant, le lycée professionnel doit aussi trouver mieux sa place
07:09 dans la préparation des compétences dont on a besoin,
07:12 et c'est vraiment un enjeu pour moi,
07:14 c'est un projet de réforme que je conduis.
07:16 - Justement, est-ce qu'un des enjeux, ça ne doit pas être
07:18 que ça devienne un choix pour les élèves et pour les apprentis ?
07:21 Non, une voie de garage. On a l'impression qu'aujourd'hui,
07:24 l'apprentissage s'est perçu comme "vous allez aller en apprentissage
07:27 parce que vous ne pouvez pas aller ailleurs".
07:29 Comment on fait pour changer ça ?
07:31 - Aujourd'hui, je crois que l'apprentissage a changé d'image,
07:33 parce que maintenant, on passe en apprentissage aussi bien
07:36 du CAP au Bac Pro, au Bac +2, au Bac +3, au Bac +5,
07:40 et le lycée professionnel est encore trop souvent
07:43 une orientation qui est subie pour les jeunes.
07:45 À la fin de la troisième, on vous dit "Vous ne savez pas trop quoi faire,
07:50 vous n'avez pas des résultats suffisants pour aller en voie générale,
07:52 on vous oriente en lycée professionnel",
07:54 et pour moi, c'est un vrai enjeu de mieux faire découvrir
07:56 les métiers qui existent dans notre pays, et il y en a de nombreux.
08:00 Et puis il y a des métiers qui n'existent pas encore,
08:03 qui vont être créés, et qui sont d'ailleurs sur des grandes transitions
08:07 énergétiques, écologiques ou numériques, et là, il y a un enjeu.
08:11 - Justement, dans ces nouveaux métiers,
08:13 quel métier on va retrouver demain dans l'apprentissage ?
08:16 Comment vous gérez cette adaptation entre le monde économique
08:19 et justement l'école, et comment vous l'adaptez ?
08:22 - Alors par exemple, on va avoir de plus en plus de formations
08:26 au niveau CAP et Bac Pro, en lycée professionnel,
08:29 sur les métiers de la transition écologique
08:32 ou de la transition énergétique, avec l'isolation des bâtiments,
08:36 avec les enjeux aussi de meilleure acculturation,
08:39 des enjeux du développement durable partout dans notre société.
08:43 Et donc il y a plein de métiers qui émergent,
08:47 comme le métier par exemple de géomètre,
08:49 ou d'architecte qui vient concevoir des plans, par exemple,
08:58 de modeleurs qui viennent effectivement travailler sur les plans
09:02 et qui viennent aider à la conceptualisation des bâtiments
09:05 pour qu'ils soient moins consommateurs d'énergie.
09:07 - Typiquement, pour prendre mon cas en tant qu'entrepreneur,
09:11 j'ai une entreprise de rénovation énergétique,
09:14 je cherche des chauffagistes très régulièrement.
09:16 - Exactement, par exemple.
09:17 - On a besoin aujourd'hui de cette compétence,
09:20 on a du mal à la trouver.
09:21 Est-ce que vous mettez des priorités sur certains métiers ?
09:26 Est-ce que c'est quelque chose que vous avez aujourd'hui en priorité
09:29 à l'ordre du jour ?
09:30 Comment ça fonctionne ?
09:31 Comment vous estimez les besoins et vos actions derrière ?
09:35 - Alors oui, déjà on estime les besoins par le biais d'études
09:39 qui nous donnent des études projectives sur les métiers en devenir,
09:43 ceux qui seront ceux de notre société dans les années à venir.
09:46 Et on s'assure que les formations en lycée professionnel
09:49 correspondent à ces métiers-là.
09:50 Et donc ce qu'on constate, c'est qu'on a des formations
09:53 qui ne correspondent plus aux métiers de demain
09:55 et qui en plus ne permettent pas aux jeunes
09:57 de s'insérer dans l'emploi ni de poursuivre des études.
09:59 Donc on ferme ces formations.
10:01 Alors pas toutes, mais on en ferme certaines en gestion,
10:04 en commerce, parce qu'elles ouvrent peu de débouchés
10:06 au niveau CAP et Bac Pro.
10:08 Et puis on va aller sur des filières plus justement
10:11 sur la transition énergétique, par exemple,
10:13 comme celle que vous évoquiez.
10:14 On va en ouvrir, mais par contre, pour en ouvrir,
10:17 il faut que les jeunes veuillent y aller,
10:18 parce que c'est aussi comme ça qu'on réussit ces études.
10:20 Et donc on va faire un grand travail
10:22 sur la découverte des métiers au collège,
10:24 cinquième, quatrième, troisième,
10:25 faire découvrir les métiers.
10:27 Et puis vraiment, j'encourage les jeunes
10:29 à aller sur deux sites qui sont, à mon sens,
10:31 extrêmement bien faits, celui de l'ONICEP,
10:34 onicep.fr, qui montre les métiers
10:37 et décrit les métiers qui existent et qui vont devenir.
10:41 Et puis aussi, une plateforme d'État a créé un test
10:46 pour aider les jeunes à mieux s'orienter,
10:48 qui s'appelle DiagOriente, diagoriente.fr,
10:53 un site qui vous pose plein de questions.
10:56 Et puis à l'issue de ce test,
10:57 il vous donne environ neuf orientations professionnelles
11:01 possibles selon vos réponses.
11:03 Est-ce que les conseillers d'orientation
11:05 sont aujourd'hui suffisamment formés ?
11:08 Alors, les conseillers d'orientation,
11:10 ils sont comme nous tous,
11:12 ils doivent aller suivre finalement
11:15 les évolutions des métiers.
11:17 Et donc ça, il faut qu'on renforce la formation.
11:19 Ça fait partie des orientations stratégiques
11:21 que je conduis parce qu'effectivement,
11:23 ce n'est pas simple de s'adapter à toutes ces évolutions.
11:26 Et donc on va les aider à se former à ces nouveaux métiers,
11:29 à ces nouvelles filières,
11:30 pour qu'ils puissent aussi accompagner cette évolution.
11:33 Si je peux reprendre un petit moment d'histoire,
11:35 l'incendie de Notre-Dame a justement mis en lumière
11:39 la disparition de certains métiers,
11:41 puisqu'on a eu des difficultés à trouver
11:43 certaines professions très précises pour restaurer.
11:46 On a peut-être perdu aussi des compétences et des expertises.
11:49 Comment aujourd'hui vous luttez pour pallier à ça ?
11:52 Alors c'est vrai.
11:53 Par exemple, dans les lycées professionnels,
11:55 on a 40% des filières qui sont des filières dites de production,
11:59 c'est-à-dire sur le développement énergétique,
12:02 sur l'écologie, sur la production de manière générale,
12:06 le BTP, etc.
12:07 Donc on voit qu'on a besoin de renforcer ces compétences-là
12:11 et qui en plus amènent à de bons niveaux de rémunération
12:13 et à de belles carrières.
12:15 Si je prends des métiers comme tailleur de pierre et autres,
12:18 vous êtes sur des métiers qui ont des niveaux de rémunération
12:20 qui sont tout à fait attractifs
12:22 et des carrières qui sont tout aussi attractives.
12:25 Donc il s'agit de mieux les mettre en lumière
12:27 et pour ces jeunes de mieux savoir qu'ils existent
12:30 pour tout simplement avoir envie d'y aller.
12:33 Et puis nous, d'organiser partout sur le territoire
12:35 des formations pour que ces jeunes puissent accéder
12:38 à ces formations et préparer les compétences
12:43 dont le pays a besoin demain.
12:45 Ça peut paraître un peu techno de parler comme ça,
12:48 mais en même temps c'est stratégique.
12:50 Si ces jeunes sont tous formés sur des filières tertiaires,
12:53 alors que demain nous avons aussi besoin de ces compétences-là
12:56 et qui ne sont absolument pas délocalisables,
12:59 nous allons avoir de vraies fragilités économiques
13:02 pour le pays aussi.
13:04 Il y a un mot très important, moi-même j'en ai bénéficié,
13:08 c'est le mentorat.
13:10 Qu'est-ce que vous pouvez nous en dire ?
13:13 Comment vous voyez les choses et comment on lit quelque part
13:16 expérience, humain, accompagnement ?
13:19 Est-ce qu'il faut sincèrement l'accélérer, le développer ?
13:22 Moi je suis convaincue par le mentorat.
13:25 Le mentorat, encore une fois, ce n'est pas un maître d'apprentissage,
13:27 c'est vraiment quelqu'un qui est à côté de vous,
13:29 qui vous aide à faire le pas de côté, qui vous accompagne,
13:32 qui vous aide aussi à prendre conscience des choses
13:34 avec un regard bien sûr bienveillant, mais aussi exigeant.
13:37 - Qui vous conseille. - Qui vous conseille, exactement.
13:39 Qui n'est pas forcément dans votre domaine de formation,
13:42 mais qui est plutôt là pour vous aider, vous, sur votre chemin,
13:45 sur votre chemin personnel et professionnel,
13:47 et pour vous aider aussi à prendre parfois les bonnes décisions,
13:49 à ouvrir le champ, à vous aider aussi à avoir la bonne démarche
13:53 pour aller contacter les bonnes personnes, etc.
13:55 - Et c'est vraiment précieux. - Et comment on le développe ?
13:57 Au lycée professionnel, vous avez des jeunes qui souvent
13:59 sont dans un milieu social plus fragile et qui ont moins de réseau.
14:02 Et donc dans mon projet de réforme du lycée professionnel,
14:05 je souhaite développer le mentorat pour que chaque jeune,
14:08 d'ici à 2026, puisse avoir un mentor s'il le souhaite.
14:11 Donc je développe avec les réseaux de mentors un partenariat
14:14 pour qu'on développe le nombre de mentors.
14:16 Et j'en appelle aux entreprises qui le veulent bien
14:19 de nous aider à développer le nombre de mentors
14:21 qui sont proposés à ces jeunes.
14:24 Encore une fois, c'est un tiers des jeunes lycéens
14:27 qui passent par la voie professionnelle.
14:28 C'est 620 000 jeunes chaque année.
14:30 Et ces jeunes-là, ils sont souvent avec plein de questions.
14:35 Et il faut absolument que nous, adultes,
14:38 on prenne aussi nos responsabilités
14:40 et qu'on puisse accompagner ces jeunes sur ce chemin-là.
14:42 C'est notre avenir, c'est l'avenir de notre société.
14:44 Est-ce qu'il faut remettre de l'humain
14:47 entre ces jeunes et ces mentors au cœur de ce système
14:52 pour que les gens arrivent à se parler et se comprendre ?
14:55 Mais bien sûr.
14:56 Je crois qu'il faut mettre de l'humain un peu partout.
14:58 On a besoin d'être dans l'écoute réciproque
15:01 sur comment est-ce que chacun pense sa suite,
15:06 son parcours de vie, son parcours de carrière.
15:08 Et au fond, il y a énormément de choses à pouvoir concilier.
15:11 Et quand on arrive à concilier les choses,
15:14 je suis convaincue que c'est là où on trouve en général
15:16 les bons moteurs, les bonnes énergies.
15:18 Et que les uns et les autres,
15:20 dès lors qu'ils se sentent considérés, respectés,
15:22 qu'ils ont certains de leurs freins qui tombent,
15:26 ils sont prêts à s'investir pleinement.
15:28 Et les jeunes, vous savez, moi j'en suis convaincue,
15:30 et j'en rencontre tous les jours, beaucoup, quand je me déplace,
15:33 ils sont pleins d'espoir.
15:35 Ils ont envie de réussir leur vie.
15:37 Ils ont 15, 20 ans.
15:39 Bien sûr, ils sont inquiets.
15:41 Ils ne savent pas ce qui les attend demain dans la société.
15:43 Ils ne savent même pas ce que c'est le monde professionnel, bien souvent.
15:45 Et donc, ils ont aussi besoin de cette main tendue,
15:47 cette confiance, de ce respect,
15:49 de ce sentiment aussi d'être écouté aussi et considéré.
15:56 Comment on explique aujourd'hui ces jeunes
15:59 qui sortent de grandes écoles d'ingénieurs
16:01 et qui rejettent quelque part leur diplôme,
16:03 qui ne se retrouvent pas dans les valeurs
16:05 de ce qu'ils ont pu apprendre ?
16:07 Est-ce que c'est quelque chose qui vous paraît inquiétant ?
16:10 C'est une évolution de société ?
16:12 Je pense qu'il y a une évolution de société assurément.
16:15 C'est pourquoi, dans la mission qui est la mienne,
16:17 je souhaite pouvoir mettre dans tous nos contenus
16:21 de certification, titre et diplôme,
16:23 donc toutes les formations qu'on va avoir
16:25 en formation initiale ou continue,
16:27 une teinte des contenus dans la formation
16:30 qui soit relative à la transition écologique,
16:33 à la transition numérique,
16:35 mais aussi à la prise en compte
16:37 de l'inclusion des personnes en situation de handicap,
16:39 pour que chacun, dans nos métiers,
16:41 on puisse avoir une empreinte positive
16:43 dans ces trois domaines, l'écologie,
16:45 le numérique et le handicap.
16:47 Nous avons tous une responsabilité,
16:49 on fait société ensemble,
16:51 et on ne peut pas simplement se déresponsabiliser
16:53 parce qu'on veut aller plus vite,
16:55 on veut aller plus fort, sans prendre en compte
16:57 l'écosystème dans lequel on est.
16:59 Pour revenir sur la transition énergétique,
17:02 un des meilleurs moyens de la promouvoir,
17:04 c'est de mettre nos lycées au vert.
17:06 Qu'est-ce qu'on peut faire, qu'est-ce qu'on doit faire ?
17:09 Déjà, on agit fort,
17:11 et la Première Ministre a annoncé récemment
17:13 un énorme plan de rénovation des bâtis scolaires.
17:17 Ce n'est pas rien, c'est-à-dire que si on veut
17:19 mettre ces jeunes dans une démarche
17:21 de développement durable
17:23 et d'engagement vers le vert,
17:25 on a besoin aussi que le lieu d'accueil,
17:29 le lieu d'éducation, soit exemplaire,
17:31 donc on va rénover les bâtis
17:33 pour qu'ils soient moins consommateurs en énergie,
17:35 mais aussi qu'ils puissent accompagner
17:37 une éducation à l'environnement.
17:39 C'est un vrai sujet, évidemment,
17:41 pour toutes nos écoles,
17:43 du primaire, de la maternelle...
17:45 - De la maternelle jusqu'à l'enseignement supérieur.
17:47 - Exactement.
17:49 Et puis, dans les formations, on doit aussi
17:51 former nos jeunes à ces gestes environnementaux.
17:54 Et encore une fois,
17:56 quand ils sont en filière professionnelle,
17:58 au devenir de leur métier
18:00 et de la responsabilité qu'a leur métier
18:02 dans la société
18:04 par rapport à cet enjeu environnemental.
18:06 - À l'issue de certaines formations,
18:10 on s'aperçoit qu'il y a des jeunes qui refusent
18:12 aujourd'hui de travailler chez Total,
18:14 chez NJ, chez Shell,
18:16 dans des sociétés qui développent notamment
18:18 des énergies fossiles. Est-ce que ça veut dire
18:20 qu'il faut arrêter de coopérer avec elles ?
18:22 - Moi, je crois qu'au fond,
18:24 on a des entreprises qui sont aussi
18:26 le reflet d'une histoire.
18:28 On a tous bénéficié,
18:30 utilisé, je ne sais pas comment le dire,
18:32 mais finalement,
18:34 de leur travail et de cette énergie.
18:36 - On a utilisé cette énergie.
18:38 - On l'a encouragée à un moment donné.
18:40 Aujourd'hui, elles se sont engagées dans des transitions.
18:42 Et au fond, c'est aussi à chacun d'entre nous
18:44 de prendre part dans cette transition.
18:46 On a une responsabilité collective.
18:48 Et donc, chacun dans nos compétences,
18:50 on peut faire partie de cette transition.
18:52 Et les activités qu'on a
18:56 peuvent toutes concourir à cette transition collective.
18:58 Et donc, je crois vraiment qu'au contraire,
19:00 si on a des ingénieurs
19:02 qui sont pleinement convaincus
19:04 de cette transition qu'il faut pouvoir opérer,
19:06 qu'ils mettent leurs compétences
19:08 à service de cette transition.
19:10 On en a besoin parce qu'elle va être très forte.
19:14 On doit être leader en la matière.
19:16 La France doit être leader.
19:18 L'Europe doit être leader.
19:20 Parce que ce sont des enjeux aussi d'avenir
19:22 et de compétition internationale.
19:24 Nous ne pouvons pas nous laisser dépasser
19:26 ni par la Chine, ni par les Etats-Unis, ni par d'autres.
19:28 Et donc, il faut que l'Europe soit,
19:30 bien sûr, dans la course, mais dans l'innovation.
19:32 Et donc, on a besoin de ces compétences-là
19:34 des jeunes et de leur engagement
19:36 et quelque part de leur intransigeance en la matière.
19:38 En parlant de transition,
19:40 on a parlé de transition énergétique.
19:42 Il y a une très grosse transition numérique aussi.
19:44 Est-ce que vous utilisez Tchad GPT aujourd'hui ?
19:46 Non.
19:48 Alors, j'ai voulu, pour tout vous dire,
19:50 j'ai voulu le tester.
19:52 J'ai voulu tester le Cador en numérique.
19:54 J'ai voulu tester pour savoir comment ça se passait.
19:56 Mais je n'ai pas réussi même à aller sur l'application
19:58 pour tout vous raconter.
20:00 Mais il faut que je le découvre.
20:02 Il faut vivre avec son temps.
20:04 Donc, je ne le décris pas du tout.
20:06 Ça peut être un outil.
20:08 C'est un outil, mais justement,
20:10 est-ce que vous n'avez pas peur que ça remplace,
20:12 que ça supprime plein de métiers,
20:14 plein de compétences ?
20:16 Écoutez, moi, je crois qu'il faut accepter
20:18 les évolutions technologiques et notamment celles du numérique.
20:20 Je crois vraiment que la place de l'homme
20:22 et du geste et de son intelligence
20:24 sauront aussi faire très largement
20:26 et le plus souvent la différence.
20:28 Il faut savoir aussi que le numérique
20:30 et la robotique nous ont aidés
20:32 à soutenir l'homme
20:34 dans des gestes notamment répétés
20:36 ou difficiles.
20:38 Et donc, il a aussi amélioré
20:40 des conditions de travail pour nombre de nos concitoyens
20:42 dans notamment des usines,
20:44 dans des industries, etc.
20:46 Donc, voilà, je crois qu'il faut accepter
20:48 ces évolutions-là, mais quelque part
20:50 les dépasser nous-mêmes.
20:52 Et je crois que nous en sommes
20:54 tout à fait capables. Notre intelligence
20:56 et notre polyvalence,
20:58 quelque part,
21:00 nous permettra de nous adapter, bien sûr.
21:02 Et par contre, il faut
21:04 qu'on s'assure que nos jeunes, parce que moi,
21:06 je suis aussi rattachée
21:08 au ministère de l'Éducation nationale,
21:10 nos jeunes, ils apprennent à penser
21:12 par eux-mêmes, et ça c'est vraiment pour moi le sujet.
21:14 Ils apprennent à développer leur intelligence
21:16 et leur esprit critique, ils apprennent à
21:18 développer leur savoir-faire et leur savoir-être,
21:20 ce qui leur permet, finalement,
21:22 de dépasser l'outil
21:24 et l'aide que peut apporter un outil
21:26 comme celui-ci. – Dernière question,
21:28 quel est votre endroit préféré
21:30 pour vous ressourcer, Carole Grandjean ?
21:32 – Écoutez, j'ai
21:34 différents lieux, mais notamment la Haute-Saône,
21:36 qui est en fait
21:38 le village natal de ma grand-mère,
21:40 étant Haute-Saône, et c'est effectivement un lieu
21:42 ressource, refuge, plein de
21:44 traditions familiales, et qui est,
21:46 je crois aussi, l'espace pour moi
21:48 le plus chaleureux,
21:50 celui où on se retrouve en famille.
21:52 – Merci, Madame la Ministre. – Merci à vous, merci beaucoup.
21:54 [Musique]
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