Carnage à Carnac : «Tout ça pour ça !»
Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
Transcript
00:00 Emmanuel Ducrox du journal l'Opinion c'est à vous. On part à Carnac en Bretagne où une zone avec
00:05 39 ménhirs datant du néolithique va être rasée pour y installer un magasin
00:11 monsieur bricolage. Une association de défense du patrimoine culturel breton a porté plainte.
00:16 - Ça se passe mal dans la ville qui prépare le classement au patrimoine mondial de l'UNESCO de ces alignements de ménhirs qui sont vieux de
00:22 5 à 7000 ans. On apprend dans Ouest-France il y a deux jours
00:25 qu'une parcelle qui abritait une quarantaine de pierres dressées a été ravagée par des engins de chantier venus creuser les fondations
00:31 d'une grande surface du bricolage. On ne sait pas trop ce que sont devenus les ménhirs. Carnage à Carnac
00:37 les associations de préservation du patrimoine sont furieuses. La destruction d'un site archéologique
00:41 est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. - Alors le quotidien
00:45 Ouest-France tente de démêler cette affaire. Qu'est ce qu'on en sait exactement ?
00:50 - Alors on sait d'abord qu'un permis de construire a été accordé en août 2022 par la mairie de Carnac
00:55 à une société baptisée de façon assez ironique le marché des druides
00:58 permis validé par les services de l'état et qui n'a fait l'objet d'aucun recours
01:02 même pas des défenseurs du patrimoine. C'est suffisamment rare en France pour être souligné.
01:07 Très surprenant car les ménhirs ont été référencés depuis 2015 sur l'Atlas des patrimoines
01:12 une plateforme du ministère de la culture qui cartographie les sites archéologiques du pays. Et pour cause il y a déjà eu des fouilles en
01:19 2014 sur ce site lors d'un premier projet de construction de la même société qui avait été annulée.
01:24 - Et comme quoi il faut persévérer puisque la seconde fois c'est passé.
01:27 - Aussi énorme que ça puisse paraître.
01:29 Ni le maire ni le porteur du projet n'avaient visiblement été avertis que la zone était frappée d'exclusion pour les permis de construire.
01:34 D'après la mairie de Carnac il y a eu une erreur administrative de la part des services régionaux des affaires culturelles.
01:40 Cette draque a bien inscrit le lieu dans l'ancien plan d'occupation des sols, le POS, ce qui devait interdire toute construction.
01:47 Mais la mention n'a pas été mise à jour dans le nouveau plan local d'urbanisme, le PLU. J'espère que vous suivez
01:53 l'information ce serait donc perdu entre deux dossiers.
01:55 Le chercheur qui a donné l'alerte lui n'y croit pas et pour lui c'est la faute de la mairie, des services de l'état qui se
02:00 pressent de construire avant l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO qui va figer toute la situation à Carnac.
02:06 - Mais comment se fait-il que ce groupe de ménis auraient pu passer comme ça à la pelteuse sans que personne réagisse ?
02:10 - La vérité c'est qu'ils étaient situés sur une parcelle couverte de broussailles et de gravats depuis des années.
02:16 Contrairement à ce que laissent penser les photos d'illustration qui ont servi dans les articles
02:19 relatant l'histoire, les ménirs ne se voyaient pas du tout. Ils ont été oubliés de tous y compris
02:24 des associations de préservation du patrimoine, des services de l'état et des affaires culturelles.
02:28 Alors aujourd'hui tout le monde m'énimise, en tout cas les services de l'état ils disent que c'était pas vraiment un site inestimable.
02:33 N'empêche, n'empêche,
02:35 les ménirs ont été traités comme de vulgaires cailloux.
02:39 - Il va falloir quand même faire la lumière sur ce cafouillage.
02:41 - On a envie de filer la métaphore archéologique. La France empile des couches de sédiments administratifs
02:45 pour chaque construction, enquête publique, exploration environnementale.
02:49 Fouilles archéologiques préventives très coûteuses, elles croulent sous les retours interminables.
02:53 Admettons, le patrimoine c'est un bien précieux, on s'honore à le préserver,
02:57 mais se donner autant de mal en normes, en contraintes, en dossiers divers pour ne pas parvenir à exhumer de la poussière le moment venu,
03:03 les documents adéquats pour protéger des ménirs vieux de 7000 ans, ça donne quand même envie de tomber à bras raccourcix
03:08 sur ce gros bricolage administratif.
03:11 - Bien vu, merci beaucoup Emmanuel Ducroix du journal l'Opinion.