• l’année dernière
Compte tenu des bouleversements nés de l’épidémie de Covid, de la guerre en Ukraine et du changement climatique, les équilibres qui semblaient acquis sont désormais menacés. La France, grande nation agricole, peut-elle jouer un rôle dans la nécessaire sécurisation alimentaire mondiale ? Et mieux, peut-elle le faire en mettant en avant sa vision durable et vertueuse de l’agriculture ?

Signaux faibles : trois éléments à surveiller ces prochaines années

Emmanuelle Ducros, journaliste à l’Opinion

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Transcription
00:00 (Musique)
00:15 J'aimerais qu'Emmanuelle change un peu de casquette et passe de modératrice à experte,
00:20 ce qu'elle est tous les jours.
00:22 Oui, c'est moins facile déjà.
00:24 Alors, en une minute, au fil de tes interviews, de tes enquêtes, de tout le travail que tu fais toute l'année,
00:34 est-ce qu'il y a deux, trois petits signaux faibles, deux, trois petites choses
00:38 qu'on n'a pas eu le temps d'aborder ce matin et qui te paraissent mériter que les professionnels qui nous écoutent y songent un peu ?
00:45 Alors, oui, il y a plusieurs choses. Ce n'est pas facile de sortir du chemin habituel.
00:51 Bref, il y a un premier sujet qui me semble intéressant, c'est celui des fractures alimentaires.
00:56 On a un monde où il y a presque un milliard de personnes qui sont dans des situations de disette, de famine.
01:02 Et on a, à l'autre bout du spectre, toute une partie du monde où les gens sont malades de leur alimentation
01:08 et ils développent des obésités, des maladies cardiovasculaires.
01:12 Il y a quelque chose qui ne colle pas très, très bien dans tout ça.
01:15 Et ces fractures alimentaires et l'accès, ce sont deux phases du même rapport de la pauvreté à l'alimentation.
01:24 Il va falloir qu'on s'y intéresse. Ça, c'est la première chose.
01:26 La deuxième, c'est l'émergence des nouveaux ravageurs.
01:31 Ça a été un peu dit. C'est l'incertitude qui frappe le monde d'agricole en général.
01:37 Chaque année en France, avec le réchauffement climatique, les échanges mondiaux,
01:41 on a sept à dix nouveaux ravageurs qui arrivent et face auxquels on est totalement démuni.
01:46 Pour, par exemple, les arbres, on a les punaises diaboliques qui, depuis quelques années, mangent les pommes.
01:52 On ne sait pas faire quoi que ce soit contre ça.
01:54 On a des drosophiles Suzuki qui ravagent les cerises.
01:57 On ne sait pas encore faire quelque chose contre ça.
02:00 Et donc, ça symbolise juste le fait qu'il faut s'adapter en permanence et que la transition, en fait, c'est jamais terminé.
02:05 On ne va pas d'un point A à un point B. C'est un chemin qui ne s'arrête jamais.
02:09 Et ça, je pense qu'il faut qu'on le garde dans nos têtes.
02:11 Quand on demande des efforts à l'agriculture, il faut bien comprendre qu'on lui demande des efforts qui ne s'arrêtent jamais.
02:15 Ce n'est même pas un marathon. Ce serait un marathon qui ne s'arrête pas.
02:18 Donc, voilà, il faut aussi un peu réserver ses forces dans tout ça.
02:23 Et ça ne touche pas que les fruits et les légumes et les cultures.
02:25 Ça touche aussi les animaux parce qu'on voit là, avec les épidémies de grippe aviaire qui étaient épisodiques
02:31 et qui sont déjà installées sur notre territoire, ça change complètement notre manière de faire les choses.
02:35 Si on ne fait pas attention, ça ravage des filières entières.
02:37 Donc ça, ce sont des signaux faibles. Il faut s'adapter tout le temps, tout le temps.
02:40 La deuxième chose, c'est la peur, qui n'est vraiment pas une très, très bonne conseillère en matière de grande transition
02:46 et notamment en matière d'agriculture.
02:48 Le monde va vite et le monde va sans nous et sans les craintes de l'Europe.
02:53 On parlait des nouvelles technologies de sélection varietale, mais ça marche de beaucoup d'expérimentations.
02:57 On s'est un peu renfermé sur nous-mêmes parce que comme on n'a plus l'habitude de manquer, on n'a plus l'habitude de s'adapter.
03:03 Et l'Europe est un peu une île. Il faut qu'elle pense à regarder ailleurs et à ne pas se laisser totalement distancer.
03:09 Et puis la dernière chose, c'est le foncier, la terre au sens large du terme.
03:15 On a vu à quel point il est nécessaire de la soigner, d'en prendre soin au sens sanitaire du terme.
03:22 Elle a été très blessée, elle a été très érodée, elle a été très appauvrie.
03:26 C'est réversible et ça, c'est la bonne nouvelle.
03:28 Il faut aussi se préoccuper de la propriété de la terre.
03:31 On voit depuis quelques années des investisseurs du reste du monde venir faire leurs courses sur le foncier en France, en Europe,
03:37 parce qu'on a des très belles terres. Il faut faire attention qu'ils ne nous échappent pas.
03:40 C'est notre bien commun et il faut aider les jeunes générations d'agriculteurs, de mon point de vue, à porter le foncier.
03:47 C'est un poids super lourd quand on s'installe et qu'on est un jeune agriculteur, le poids de la terre.
03:52 Peut-être qu'il va falloir des structures collectives pour les alléger de ce poids.
03:55 Ils pourront là travailler cette terre sans avoir à payer quotidiennement pour son poids.
04:00 C'est très terre à terre, mais peut-être que c'est ça.
04:02 Il faut qu'on soit parfois très terre à terre pour reprendre un peu de hauteur.
04:06 Merci beaucoup, Emmanuelle.
04:08 (Applaudissements)
04:12 (Musique)

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