Conférence Nourrir la planète - Clôture par Emmanuelle Ducros

  • il y a 3 mois
La conférence Nourrir la planète s'adresse à des responsables et des dirigeants d’entreprise du secteur, mais aussi des pouvoirs publics et de tous ceux qui souhaitent mieux comprendre les grands enjeux de notre souveraineté alimentaire.

Successivement, la crise covid, la guerre en Ukraine et les grandes manifestations agricoles, ont jeté une lumière crue sur la crise d’identité et les fragilités du modèle agricole européen. Les grandes politiques publiques comme la PAC ou celle, à venir, du Green deal appliqué à l’agriculture, font désormais l’objet de questions. Les orientations choisies peuvent-elles permettre de produire suffisamment pour assurer la souveraineté alimentaire de l’Europe et le rôle stabilisateur des exportations, sans ruiner l’environnement et les perspectives des agriculteurs ?

Il y aura 10 milliards d’humains sur la planète à nourrir en 2050. C’est aujourd’hui que le réarmement productif doit être mené. L’Europe veut-elle être actrice de la mutation ? Ou la subir ?

https://www.lopinion.fr/evenements/nourrir-la-planete-comment-rearmer-la-ferme-france

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00:00...
00:05Je vais inviter Emmanuelle Ducroux à me rejoindre sur scène
00:09pour la conclusion de cette matinée très enrichissante.
00:13Emmanuelle, merci.
00:14C'est totalement artisanal, Stéphanie.
00:16Voilà. On va faire un tour d'horizon pour conclure
00:20des sujets qui ont été évoqués ce matin.
00:24Et surtout, quels sont les 3 grands défis du secteur à venir ?
00:29Je dois dire que c'est assez intimidant
00:31parce que je vous parle à la place d'Agnès Pannier-Runacher
00:34qui devait conclure cette matinée.
00:35C'est un challenge que tu relèves, Olamou.
00:37Donc pardonnez-moi, ce ne sera pas aussi...
00:40Par curiosité, je suis allée relire le texte
00:44que j'avais écrit l'an passé pour ce même événement
00:47et pour ce même thème à la fin de notre conférence.
00:51Et j'avais parlé des risques pour l'agriculture en 2023.
00:54J'étais restée assez terre à terre.
00:56C'est important quand même de rester terre à terre,
00:58mais j'avais parlé des nouveaux ravageurs
01:01qui arrivent avec le changement climatique
01:03et pour lesquels il faut lutter avec des moyens
01:05un peu plus raisonnables pour ne pas nuire à l'environnement.
01:08J'avais aussi parlé de la défiance au progrès
01:10qui gagne une partie de la société,
01:12qui affecte l'agriculture,
01:14et qui affecte aussi la prise en main
01:15des nouveaux outils numériques, robotiques, génétiques.
01:18Et enfin, j'avais parlé de la terre,
01:20du poids de la terre et des préoccupations sur sa priorité.
01:24La terre arable est rare et chère sur la planète.
01:27C'est un objet de convoitise.
01:28Alors, pas un de ces sujets n'a perdu de son intérêt,
01:32n'a perdu de son acuité,
01:33mais cette année, il y en a d'autres
01:35qui vont forcer l'agriculture à penser plus grand.
01:37Et donc, je vous propose de dézoomer les questions.
01:41Avec tout d'abord cette Europe
01:43qu'on voit en plein doute actuellement,
01:44mais la France aussi.
01:46Le début de l'année 2024 a été marqué,
01:49je ne l'apprends à personne ici,
01:50par des mouvements massifs d'agriculteurs
01:52dans toute l'Europe.
01:53Alors, ça a commencé aux Pays-Bas dès 2022.
01:56La contestation a gagné la Pologne, a gagné la Hongrie,
01:59a gagné l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne, la Grèce.
02:01Alors, un mouvement pas toujours simple à analyser
02:04parce qu'il y a des revendications très locales,
02:07mais elles se sont mêlées à une grande angoisse commune agricole
02:11à l'échelle du continent.
02:12Alors, aux Pays-Bas, c'était d'abord un projet massif
02:14de fermeture d'élevage par le gouvernement
02:17qui a poussé les agriculteurs dans la rue
02:19et qui s'est d'ailleurs traduit par une poussée électorale
02:22des agriculteurs néerlandais.
02:23C'était assez inédit.
02:25En Allemagne, c'était la perspective d'un tour de vis fiscal
02:28sur le carburant et sur le matériel qui les a mis en colère.
02:30En Pologne, la concurrence des importations ukrainiennes
02:35de céréales. Et puis, en France, un ras-le-bol un peu général
02:38de normes surappliquées,
02:39de tracasseries administratives délirantes.
02:42Cela dit, il y a quand même un point commun
02:44à toutes ces mobilisations agricoles.
02:46C'est la place de l'Europe agricole dans le monde
02:49et la feuille de route pas claire pour les agriculteurs.
02:52Qu'est-ce qu'on leur demande ?
02:53Le projet Farm to Fork, de la ferme à la fourchette,
02:57la version agricole du pacte vert européen,
02:59est assez décroissant.
03:02Et ça a ouvert beaucoup de questions.
03:04Est-ce qu'on veut encore produire pour nous-mêmes en Europe
03:07ou est-ce qu'on veut déléguer une partie de notre alimentation
03:10au reste du monde,
03:11avec des effets collatéraux à bien prendre en compte ?
03:14Les bilans carbone de l'agriculture brésilienne, par exemple,
03:18ce n'est pas les nôtres.
03:19Les atteintes à la biodiversité non plus.
03:21Est-ce qu'on va accepter de laisser faire ailleurs et moins bien
03:25ce qu'on peut faire ici de façon meilleure ?
03:26Alors oui, avec des effets indésirables,
03:28mais quand même assez meilleurs.
03:30Est-ce qu'on va laisser faire quelque chose
03:33qui serait loin de nos yeux, loin de nos cœurs
03:35et loin de notre contrôle ?
03:36Je trouve ça intéressant parce que les expériences
03:38d'Arnaud Montebourg ou de Nicolas Chaban
03:40nous montrent que tout ça, c'est aussi une question de valeur.
03:45Qu'est-ce qu'on donne comme valeur à notre alimentation ?
03:47Est-ce qu'on n'a pas intérêt très vite à retrouver
03:50la valeur de cette alimentation qui nous est arrivée
03:52toute cuite dans nos assiettes pendant des décennies
03:53sur laquelle on ne s'est pas posé de questions ?
03:56Tout ça, ça participe à la prise de conscience
03:59qu'on doit tous avoir.
04:00Et puis donc, il y a aussi une autre question pour l'Europe.
04:03Est-ce qu'elle veut produire pour elle-même,
04:06se replier ou aussi exporter ?
04:08On y reviendra un peu plus tard.
04:10Mais je pense que ça, ce sont des questions importantes
04:11auxquelles la prochaine Commission européenne
04:14va devoir répondre.
04:15Et il y a des choix politiques, des choix géopolitiques
04:18qui sont absolument cruciaux dans cette histoire.
04:20Et l'alimentation qui est devenue dans un tel contexte
04:22un outil géopolitique crucial.
04:25Oui, le changement climatique, la poussée démographique mondiale,
04:28on savait que ça allait nous arriver.
04:31Et puis la guerre en Ukraine a surgi dans le quotidien agricole
04:34et tout ça doit nous ouvrir les yeux.
04:35Alors, il y aura 10 milliards d'êtres humains
04:39à nourrir en 2050 sur la planète
04:41avec des terres, comme je l'ai dit, rares,
04:44des aléas climatiques de plus en plus aigus,
04:47les dépendances alimentaires de certaines zones du monde
04:49vont se faire dramatiques.
04:52On voit l'appétit croissant de la Chine
04:55pour les ressources, pour les productions agricoles.
04:57On voit aussi que la Russie a fait croître
04:59sa production de céréales de manière exponentielle.
05:02Elle s'en sert pour influencer la politique
05:05dans des pays entiers.
05:06Et maintenant, elle maîtrise 25%
05:09des échanges de blé du monde.
05:13Et ça, ça lui donne un énorme pouvoir.
05:14Alors, qu'est-ce qu'on fait ? On laisse faire, on se bat.
05:17Il ne s'agit pas que de blé, il s'agit aussi de démocratie
05:19parce que maîtriser l'assiette,
05:21c'est aussi maîtriser la politique,
05:22c'est maîtriser la paix sociale
05:24et c'est aussi diffuser un modèle de société.
05:26Alors, nous avons devant nous, je vais encore citer
05:29Sébastien Abysse qui sera sans doute
05:31la personne la plus pillée de cette journée.
05:34Nous avons devant nous un Everest alimentaire à franchir.
05:37Ça ne va pas se faire ni tout seul, ni en tongs.
05:41Et en plus, ça se fait dans des vents contraires
05:43pour la démocratie. La prise de conscience, elle est là.
05:46L'alimentation, c'est la paix, la stabilité politique.
05:48Et ce sont aussi des moindres migrations
05:50à l'échelle de la planète.
05:51Et donc, il faut le considérer comme ça,
05:53pas simplement pour le plaisir de la table.
05:54Mais avec quels agriculteurs ?
05:56Ça, c'est toute la question.
05:57En Europe, nos agriculteurs sont performants.
06:00Ils sont passionnés, mais ils sont aussi vieillissants.
06:03Alors, il faut attirer des nouvelles générations,
06:06des nouveaux profils.
06:07Il faut que l'agriculture accepte de faire de la place
06:08à des gens qui viennent d'ailleurs,
06:10qui ont des conceptions différentes des choses.
06:12Et ça, c'est super parce que ça donne du sang neuf.
06:15Ça se fait avec des frictions, mais ça se fait,
06:16et ça, c'est super.
06:17Et puis, au niveau mondial, c'est la même question.
06:19Les agriculteurs sur la planète ont 49 ans d'âge moyen.
06:23Ca veut dire que là aussi, cette question de la démocratie,
06:25elle se pose avec, en plus, un énorme besoin de formation
06:30pour que tous ces agriculteurs aient accès
06:32aux nouvelles technologies qui leur permettent
06:33de faire mieux avec moins d'un tranc,
06:36d'être efficaces économiquement,
06:37de vivre correctement de leur travail
06:39et de produire plus que pour leur propre foyer.
06:43Voilà.
06:44Il y a une révolution démographique de l'agriculture à passer.
06:47Après des décennies d'urbanisation sur la planète,
06:50il va falloir redonner du lustre
06:51pour que les gens reviennent de manière heureuse
06:54vers les campagnes et dans une optique de production.
06:57Alors, j'aime citer un de mes amis agriculteurs
07:00qui a ce slogan et qui dit
07:01« Aimez-nous, on fera le reste ».
07:03Alors, tout ça, ça paraît un peu naïf,
07:04un peu cucul à Praline, peut-être,
07:06mais finalement, non.
07:07Il faut aimer l'agriculture pour ce qu'elle nous donne,
07:09pas seulement pour le rôti du dimanche midi,
07:13mais pour aussi toute la paix du quotidien.
07:15Et ce sera le mot de la fin.
07:17Et ce sera le mot de la fin.
07:18Merci beaucoup, Emmanuelle.

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