Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.En 2018, Philippe Chauvin traverse l’épreuve la plus dure de sa vie. L’un de ses fils, âgé de 18 ans, décède à la suite d’un choc violent lors d’un match de rugby. Aujourd’hui, ce père de famille, dont la vie a complètement basculé, souhaite faire tout son possible pour qu’un tel drame ne se reproduise plus. Pour Yahoo, il a accepté de se confier sur cette douloureuse épreuve, pointant du doigt un sport dangereux aux sanctions trop légères.Comme le rappelle Santé publique France, la pratique d’une activité physique est bénéfique pour la santé et contribue à réduire la survenue de nombreuses maladies ou de leurs conséquences. Néanmoins, le sport peut également être à l’origine d’accidents qui peuvent parfois s’avérer fatals. Il est donc fortement conseillé de se renseigner sur la pratique sportive concernée afin de se protéger des éventuels impacts.
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00:00 J'ai écrit un livre « Mourir fait partie du jeu » suite au décès de mon fils Nicolas
00:05 en décembre 2018 à la cinquième minute d'un match espoir entre le Stade français et l'Union
00:10 Golden Bay.
00:11 Nicolas a fait 11 ans de rugby.
00:15 Il a démarré très tôt, je crois qu'il avait 6 ans.
00:17 Il a tout de suite adoré.
00:18 Bon, il me voyait jouer, moi, quand j'étais plus jeune et ça faisait partie de sa culture.
00:24 Il adorait plaquer, il adorait courir, il adorait les copains, il adorait rigoler parce
00:29 que c'est ça le rugby, c'est une histoire de copains, c'est la rigolade.
00:32 Donc en fait, c'est des moments qu'on n'oublie pas.
00:35 Alors il jouait pour l'Union des Bordemardes, il était troisième ligne.
00:39 Son entraîneur était en mission aussi pour le Stade français pour détecter possiblement
00:44 des joueurs qui pourraient être vus par le Stade français.
00:48 Donc c'est ce qui s'est passé.
00:49 Il avait un gabarit intéressant, il avait une technique intéressante.
00:52 Il était jeune, il avait 18 ans, enfin 17 ans à l'époque.
00:54 Et donc on l'a repéré, il a fait un stage pendant une semaine au Stade français où
00:57 il a joué avec les Espoirs, il s'est entraîné avec eux pendant une semaine.
01:02 Donc c'était intense, c'était rude.
01:03 Il en est revenu enchanté et le Stade français m'a demandé s'il pouvait venir jouer pour
01:09 eux.
01:10 Et ensuite, il a démarré le championnat.
01:11 Et le Stade avait demandé à ce qu'il n'ait pas de tutoirat.
01:14 Il n'était pas rattaché à un autre club dans lequel il pouvait aller jouer, comme
01:19 par exemple l'Union des Bordemardes, lorsqu'il n'était pas pris par le Stade français.
01:22 Donc ça laissait présager qu'ils comptaient sur lui réellement parce qu'ils avaient remarqué
01:27 peut-être des qualités qui pouvaient s'améliorer.
01:30 Et donc il a été régulièrement remplaçant, il a été très souvent réserviste et il
01:37 a été titulaire pour le premier match de la phase retour le 9 décembre à Bordeaux-Belges.
01:44 La première minute, il rentre merveilleusement bien dans un match par un plaquage, par ensuite
01:49 un essai en bout de ligne.
01:50 Ça vous met en confiance quand vous rentrez comme ça dans un match.
01:52 Bon, après, quatre minutes plus tard, il meurt.
01:54 Mais il était heureux.
01:57 Au moment de son décès, il faisait 1m94 et il faisait 95 kilos.
02:01 Le jour du décès de mon fils, on était en fait restés à la maison puisqu'on célébrait
02:06 l'anniversaire de son frère aîné, Antoine, et on était en train d'acheter un sapin
02:10 de Noël dans une jardinerie à côté de la maison.
02:12 Donc en fait, j'ai reçu un coup de fil.
02:14 C'était le manager du Stade français qui me disait que Nicolas avait eu un problème,
02:18 que les pompiers étaient là et que ça avait l'air d'aller un petit peu mieux, mais qu'il
02:22 était évacué vers l'hôpital.
02:23 Je me dis, comme ça peut arriver au rugby, il a fait un KO.
02:27 Ou il a peut-être une entorse, ou il a peut-être… il s'est peut-être cassé un membre.
02:33 Bon, voilà, des choses qui peuvent arriver.
02:36 Donc, cinq minutes, c'est rapide.
02:40 Mais on ne m'a pas appelé à 15h05, mais on m'a appelé… il était 16h quasiment.
02:44 Son dernier souffle de vie a probablement expiré sur ce terrain de Bordeaux-Beigle.
02:48 Après, il a fallu le réanimer.
02:51 Et là, les médecins de Bordeaux étaient au chevet de Nicolas, ils l'ont beaucoup
02:54 aidé, l'arbitre l'a aidé.
02:56 Les pompiers sont arrivés, donc il y a tout un dispositif de réanimation qui est à proximité
03:02 des terrains, qui peut gérer les cas d'urgence.
03:04 Ils ont réussi à le réanimer, ils l'ont évacué à l'hôpital Pellegrain, où il
03:10 a été pris en charge par les meilleurs urgentistes et par le service de réanimation.
03:13 Et là, il a eu une intervention chirurgicale pour stabiliser une fracture de la seconde
03:18 vertèbre cervicale.
03:19 Quand j'ai appelé l'hôpital, j'ai appris justement ce diagnostic, là j'ai compris
03:23 que c'était très sérieux.
03:24 Pour moi, ça signifiait paraplégie, en fait non, ça signifie tétraplégie.
03:28 Et c'est quand je suis arrivé à l'hôpital qu'on me l'a confirmé.
03:31 Et pas une petite tétraplégie, si on peut en parler de petite, on parle de la pire qu'il
03:35 soit, c'est-à-dire au plus haut niveau, vous n'avez même plus vos fonctions respiratoires.
03:40 Je vois mon fils à 9h le soir dans une chambre d'hôpital, intubé avec un respirateur
03:45 artificiel dans le coma, son cerveau est probablement très endommagé parce que 20 minutes de réanimation
03:51 c'est excessivement long et qu'il y aura probablement des séquelles.
03:53 Donc son avenir est très incertain.
03:55 On essaie d'y croire parce qu'on se dit qu'il a 18 ans, il est dans la force de l'âge,
04:00 c'est votre fils, et qu'on peut imaginer un miracle, mais quand vous voyez la scène
04:06 et quand vous voyez l'espace de douleur que son cerveau réplique sur son visage, vous
04:13 finissez par vous apercevoir qu'il n'y a plus rien, il n'y a plus qu'une enveloppe
04:16 charnelle, un corps, mais il n'y a plus rien, il y a une mécanique de vie qui est
04:21 assistée, mais il n'y a plus rien.
04:22 Donc vous vous dites que Nicolas, ce qu'il était, est parti.
04:28 Son souffle de vie est parti, sa joie de vivre est parti, son espier glorieux est parti,
04:37 sa présence a disparu.
04:39 Le lundi après-midi, je me dis, c'est pour ça que j'en parle avec ma famille, ses deux
04:44 frères et ma femme, en disant, on va devoir prendre une décision, possiblement on va
04:50 nous demander ce qu'on envisage pour Nicolas, parce que la situation semble irréversible.
04:56 Est-ce qu'on est tous d'accord ? Qu'est-ce que chacun d'entre vous pense ? C'est dur
05:01 de demander ça à sa famille.
05:03 Mais en même temps c'est nécessaire, moi je voulais que mes deux fils repartent à
05:06 Paris et ne restent pas dans une chambre d'hôpital avec des bip-bip et des bruits de respirateur.
05:10 Parce que c'est traumatisant comme truc de voir son frère allongé, inerte.
05:15 Nicolas, il a incarné la vie, la joie de vivre, le mouvement.
05:18 C'est ce que vous voulez, on ne va pas le garder sur un lit d'hôpital pour se dire
05:24 qu'il était avec nous.
05:25 Ça n'a pas de sens, c'est pas Nicolas.
05:28 La vie c'est faire des choses.
05:31 C'est pas rester allongé, les yeux dans le vide, parce qu'on a plus de cerveau ou
05:36 parce qu'on ne peut plus bouger.
05:37 Moi je ne voudrais pas ça pour moi.
05:40 Et je pense qu'il ne voulait pas ça pour lui non plus.
05:43 Du lundi au mercredi, on avait pris un rituel, c'est d'aller voir Nicolas le matin, l'après-midi.
05:50 On allait voir régulièrement des médecins qui venaient nous informer des événements,
05:55 des examens, des résultats, pour partager en fait cet état de santé gravissime et
06:02 nous aider à faire un cheminement sur une décision qui allait devoir être prise le
06:07 mercredi, puisque le mercredi il y avait un conseil entre les médecins et un externe
06:12 pour ne pas être impliqué émotionnellement dans le sujet.
06:14 Et à partir des faits se dire qu'est-ce qu'on décide, qu'est-ce qu'on propose
06:19 à la famille.
06:20 Donc ils sont revenus nous voir le mercredi après-midi pour nous dire voilà, on est
06:22 à l'unanimité d'accord sur le fait que Nicolas semble dans un état de coma irréversible
06:29 et végétatif et on va vous proposer d'arrêter les machines et de le sédater pour ne pas
06:38 qu'il souffre mais de le laisser partir.
06:40 Et donc à cela on a dit oui.
06:43 On a dit oui, faites-le.
06:45 Parce que c'est pas Nicolas, c'est pas un espoir, on n'était pas là pour nous,
06:52 on était là pour lui.
06:53 C'est les médecins et le personnel soignant qui s'en occupent donc ils font ce qu'ils
06:58 ont à faire, ils préparent le Nicolas, ils le rendent un peu plus présentable avec les
07:03 machines qui sont moins présentes, puis il lui administre certainement un sédatif fort
07:12 pour qu'il n'ait pas de mouvements, de réactions physiologiques.
07:17 Mais pour nous ça change pas grand-chose si vous voulez, Nicolas était pas là donc
07:21 il était toujours pas là.
07:23 Et puis nous on reste avec lui jusqu'à son expiration puisqu'on nous explique que
07:29 voilà à 17h30 la mort est constatée et que dans les deux heures on ne pourra plus
07:33 accéder à notre fils puisque son corps sera mis sous séquestre pour une double autopsie
07:39 puisque c'est une mort anormale.
07:40 Donc on sait que voilà Nicolas on ne le verra plus à partir de ce moment-là et on le reverra
07:48 lorsque l'autopsie aura été faite, la double autopsie et on pourra envisager la mise en
07:52 bière et l'enterrement, mais pas avant.
07:54 La double autopsie n'a strictement rien révélé si ce n'est que la mort était à l'origine
08:00 d'un choc extrêmement violent qui avait arraché la seconde vertèbre, disloqué la
08:05 première et causé une anoxie cérébrale puisqu'il y a eu un choc au niveau de la
08:12 moelle épinière qui a entraîné toutes les défaillances.
08:15 On a confirmé qu'il était en parfait état de santé avant, qu'il n'y avait aucune
08:18 substance, aucune pathologie cardiaque, rien d'anormal.
08:23 Il était juste un jeune homme en pleine possession de ses moyens et qui est mort d'un traumatisme
08:30 qu'on voit plus sur un accident de la route que sur un terrain de rugby.
08:35 L'accident c'est une situation en fait dans laquelle Nicolas est en attente d'un
08:40 ballon qui arrive, mais comme il l'attend, forcément il n'avance pas et au moment
08:46 où il reçoit le ballon, il a eu deux plaqueurs, un premier qui l'a pris assez bas a priori
08:53 et un second qui lui est arrivé à pleine vitesse, qui ne s'est pas baissé et qui
08:59 a pivoté son épaule sur la direction de Nicolas et qui dans une ultime impulsion a
09:06 sauté en touchant sa tête, son visage.
09:09 C'est un double plaquage mais qui n'en est pas un, parce qu'un double plaquage,
09:12 en théorie vous prenez un en bas, il y a un au ballon et puis l'objectif c'est
09:17 d'éviter la passe, mais vous ne pouvez pas réaliser un truc pareil à 20 km/h.
09:21 Vous allez forcément vous gêner.
09:23 Ce n'est pas une situation de jeu, ça manque de maîtrise comme action.
09:29 A moins que ce soit l'objectif de démolir l'adversaire, mais le démolir, c'est
09:36 un peu surprenant quand même.
09:37 Je reprendrais des mots d'autres observateurs qui me parlent d'attentats, qui me parlent
09:42 d'agressions injustifiées, d'extrême violence, de manque de maîtrise.
09:48 Moi je dis simplement, il y a un excès, il y a un manque de maîtrise et il y a une
09:55 situation extrêmement dangereuse qui ne laisse aucune chance à celui qui reçoit le ballon
09:59 puisque l'initiative de cette collision, elle ne dépend pas de Nicolas.
10:06 Nicolas il attend un ballon.
10:08 Donc lui il a une cible qui est figée.
10:10 Ceux qui ont choisi la zone d'impact, ceux qui ont choisi la vitesse, ceux qui ont choisi
10:16 la technique, ils avaient le temps.
10:18 Ils avaient 5 secondes pour pouvoir se préparer, faire ce qu'ils voulaient, ils avaient 10
10:21 mètres à courir.
10:22 C'est les défenseurs.
10:24 Donc maintenant qu'on me dise, oui mais bon, ce n'est pas facile, ça va vite, d'accord,
10:29 mais ralentissez les gars.
10:30 Ils ne bougeaient pas de toute façon, ils n'avaient pas son aller.
10:32 D'où le titre de mon livre "Rugby, mourir fait partie du jeu" puisque dans la situation
10:38 actuelle, on n'a pas établi les faits.
10:41 La fédération, dans un communiqué de presse en 2019, avait indiqué qu'il n'y avait pas
10:49 de faute, alors qu'il m'avait dit le contraire avec un rapport d'analyse que je leur avais
10:53 présenté.
10:54 Donc pour moi la situation est confuse.
10:57 Moi j'attends simplement que la fédération éclasse ce sujet ou le ministère des sports
11:00 puisqu'elle est quand même en charge d'une délégation de services publics qui demande
11:04 quand même que la sécurité et la santé des joueurs soient respectés.
11:07 Donc on a eu 4 morts en 2018, je pense que c'est quelque chose d'effroyable.
11:12 Nicolas est le dernier et donc ce que j'attends moi simplement pour mon fils, puisque je ne
11:17 parlerai pas des autres cas, c'est donnez-moi un retour d'expérience, une analyse circonstanciée
11:23 faite par des experts.
11:24 On en voit plein sur Canal+, machin et tout.
11:26 Moi je n'en ai pas vu une.
11:28 Est-ce que la vie de mon fils ne vaut pas une analyse ? Est-ce que la vie de mon fils
11:32 ne vaut pas une explication ? Vous avez un accident de la route, vous avez un constat.
11:36 Vous avez un constat de police même si vous avez un blessé corporel.
11:39 Moi je n'ai même pas une analyse de la fédération qui a la vidéo, qui aurait pu la disséquer,
11:47 qui aurait pu établir des responsabilités et dire ce qui s'était passé.
11:50 Si la conclusion de la fédération c'est de dire qu'il ne s'est rien passé avec des
11:53 arguments fiables et fondés, dans ce cas-là le titre de mon livre est tout à fait justifié.
11:59 Mourir fait partie du jeu.
12:00 Parce que vous avez un aide à un jeune homme en pleine santé qui vient de périr dans
12:06 les règles de l'art.
12:07 Ah, ça c'est embarrassant comme conclusion.
12:10 Alors si ce n'est pas ça la conclusion, ben dites-le.
12:14 Et prenez vos responsabilités.
12:15 Et à quoi ça sert de prendre ses responsabilités ? Ça ne le fera pas revenir.
12:19 Moi j'ai déjà perdu, ça c'est certain.
12:21 Mais ça permettra à d'autres de ne pas être exposés à ce type de danger.
12:26 Parce que ma démarche, moi, c'est de montrer et de responsabiliser les joueurs en disant
12:31 « attendez les gars, à un moment donné on ne peut pas faire n'importe quoi parce que
12:34 ça devient trop dangereux.
12:36 Vos corps sont des armes.
12:37 Quand vous mesurez 1m90 ou 2m et que vous faites plus de 100kg et que vous courez votre
12:44 100m en 12 secondes, vous allez arriver à plus de 20km/h sur les objectifs.
12:48 C'est dévastateur.
12:51 Si en plus vous êtes approximatif et que vous les tapez au niveau des cervicales, même
12:56 par maladresse, vous allez blesser grièvement les personnes.
13:01 Donc vous ne pouvez pas faire ça.
13:02 C'est trop facile aujourd'hui, c'est un peu la médiocrité, c'est l'amalgame.
13:06 On se dit « ouais mais c'est pas facile, et puis ils sont jeunes, et puis machin ».
13:10 Attendez, on parle de la catégorie espoir, de jeunes qui sont en centre de formation,
13:16 qui peuvent jouer en équipe.
13:17 On peut s'attendre quand même à ce que ces professionnels ou ces quasi-professionnels
13:21 aient une maîtrise de leur gestuelle.
13:23 En tout cas c'est un devoir, c'est une exigence.
13:26 Parce qu'autrement les conséquences, on les connaît maintenant.
13:30 On sait qu'on peut mourir sur un terrain de rugby.
13:34 Vous savez, pourquoi le rugby serait différent des autres sports ? Au basket, vous ne balayez
13:39 pas quelqu'un qui est en train de mettre un dunk.
13:41 Vous ne le foutez pas en l'air parce que vous avez décidé qu'il en a mis trop souvent,
13:46 blam, je le fais tomber, il tombe sur la tête, il est mort.
13:48 Pourtant ça pourrait être très grave.
13:50 Si ça se passe, il y a des cartons, on expulse.
13:56 C'est sévère.
13:57 Au rugby on peut faire des trucs invraisemblables, et si vous vous excusez, on va vous dire « alors
14:04 voilà, degré d'entrée, 6 semaines de suspension ». Déjà, ce n'est pas très dissuasif comme
14:09 truc.
14:10 Je préfère les 52 semaines pour une fourchette.
14:12 Là au moins, c'est qu'ils ne vont pas recommencer.
14:13 Et d'ailleurs on en voit de moins en moins.
14:14 6 semaines, et si vous dites « je ne l'ai pas fait exprès, j'ai remors, désolé,
14:19 c'est vraiment pas de chance », on divise par deux la peine.
14:21 3 semaines.
14:22 Ça devient un peu plus ridicule d'un coup.
14:26 Si le gars est récidiviste, c'est quand même un facteur également ça.
14:31 Une semaine de plus.
14:32 Une semaine de plus.
14:34 Et avec ça, vous voulez dissuader les joueurs de tenter l'impossible, de peut-être rentrer
14:40 dans une stratégie de destruction de l'autre pour gagner des matchs ? Parce que, est-ce
14:46 que c'est ça cette déviance qu'on veut pour ce sport ? Est-ce que nous, spectateurs,
14:49 on veut voir des gens se blesser quand on fait du sport ? Je crois que ce n'est pas
14:54 l'esprit du sport.
14:55 L'esprit du sport, c'est se dépasser.
14:56 Ce n'est pas de blesser l'autre.
14:58 Donc en fait, à un moment donné, il va falloir quand même qu'on applique les règlements.
15:04 Pas qu'on en crée des nouveaux, mais qu'on les applique.
15:06 Et que pour les faire appliquer, vous mettez des sanctions.
15:10 Et ces sanctions doivent être dissuasives.
15:13 Et pendant qu'on discute de tout ça, mon fils, il est mort.
15:15 C'est-à-dire que depuis quatre ans, je parle, je rencontre avec beaucoup de calme les différents
15:24 intervenants, les différentes institutions qui me racontent des petites histoires, qui
15:28 gesticulent dans tous les coins, mais qui n'ont rien fait de particulier, qui ne revoient
15:32 pas le règlement.
15:33 Et je ne demande pas si on le revoit, mais qu'on applique le règlement et qu'on sanctionne
15:36 à la hauteur.
15:37 Et pendant ce temps-là, rien ne se passe et mon fils est mort.
15:40 Et il y en aura peut-être d'autres.
15:42 Et il y en a eu d'autres d'ailleurs dans les quatre dernières années.
15:45 Dans le règlement du rugby, ce que vous trouverez sur le règlement de World Rugby, vous avez
15:49 une règle, la règle 9, la linéa 11, qui dit "on ne doit rien intenter qui soit dangereux
15:56 ou imprudent pour l'adversaire".
15:57 Je veux dire, c'est simple à comprendre pour le coup.
16:02 C'est simple à comprendre et ça donne l'esprit du rugby, qui n'est pas de commettre des
16:07 dommages à l'autre, de le blesser ou de le tuer, mais bien de le stopper, de le neutraliser.
16:14 Mais neutraliser dans le sens où il va ressortir sur ses jambes quand même.
16:18 Aujourd'hui, cette règle, je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais mis à
16:21 part moi, je crois qu'il n'y en a pas beaucoup qui en parle.
16:23 Et pourtant, elle est dans World Rugby, elle est en bonne position, dans le jeu des loyales,
16:30 dans le jeu dangereux.
16:31 Donc pourquoi est-ce qu'on ne l'applique pas ? Et pourquoi est-ce qu'on ne la regarde
16:33 pas correctement ? Moi, ce que j'ai demandé au ministère des Sports, et ce que le ministère
16:37 des Sports me dit accepter de faire pour septembre, la rentrée, mais il faudra aller les voir,
16:42 parce qu'on m'a dit beaucoup de choses, jusqu'à présent je crois que le livre est assez dense
16:46 pour pouvoir en suivre les différents errements, mais en tout cas, ce que me dit le ministère
16:52 des Sports, c'est qu'ils sont d'accord pour faire recopier cette règle sur les licences
16:56 par les licenciés.
16:58 Et ça, je trouve ça très bien, parce que ça voudra dire qu'à un moment donné, quand
17:01 vous prenez votre licence, que vous soyez joueur, soigneur, entraîneur, président,
17:06 vous savez qu'il y a une limite, et vous l'avez écrite.
17:09 Donc ça vous rappelle à la règle.
17:12 Après, ce serait mieux qu'on l'exécute et qu'on l'exerce.
17:14 Mais si tout le monde accepte que cette règle figure dans notre jeu et devrait être la
17:20 première de nos règles, on peut s'attendre peut-être à ce qu'ensuite on regarde les
17:26 événements graves, les plaquages dangereux, les faits de violence, comme des éléments
17:31 de tricheurs, qu'on soit en train de stigmatiser ces gens-là, ces comportements déviants.
17:35 On n'est pas là pour les excuser.
17:37 Il faut les sortir du jeu.
17:39 C'est eux qui vont tuer le rugby.
17:40 Alors aujourd'hui, moi je continue de regarder les matchs de rugby.
17:43 Ça fait partie de mon enfance, ça fait partie ensuite de ma vie d'homme, en tant que joueur,
17:49 en tant que dirigeant.
17:50 Et puis j'ai été voir mes fils, et puis ça fait partie des moments de sport.
17:54 Le sport c'est une fête.
17:57 Donc aujourd'hui je continue de regarder les matchs de rugby, mais je ne les regarde plus
18:00 de la même manière.
18:01 Aujourd'hui je ne peux plus regarder un match dans une assemblée avec les copains, ainsi
18:05 de suite, parce qu'on aura forcément une sensibilité différente sur certaines techniques
18:09 de plaquage.
18:10 Moi je les vois toutes maintenant.
18:12 Moi je vois obligatoirement ce qui s'est passé entre Écosse, enfin France-Écosse,
18:18 où Guylchrist a percuté Anthony Gelon.
18:22 Je l'ai vu immédiatement ce truc-là.
18:24 Il n'y a pas fallu de ralenti.
18:27 Je le savais, je l'ai vu.
18:28 Un geste pareil, quand vous voyez que vous pouvez blesser grièvement quelqu'un, je
18:32 pense que le degré d'entrée, vous devriez être au moins dans les 20 semaines.
18:35 On arrête avec les histoires de, pardon, excusez-moi les remords, Olivier Magne, qui
18:41 est un ancien joueur international, a été très clair sur ce sujet à un moment donné.
18:44 Il a dit « arrêtez de nous faire croire qu'ils ne l'ont pas fait exprès.
18:47 Quand on est professionnel, on sait ce qu'on fait.
18:51 Et quand on y va, on y va.
18:52 Et on sait pourquoi on y va.
18:54 Ce qui me blesse, c'est que dans le même temps, vous avez ces attitudes dangereuses
18:58 et vous n'avez pas les sanctions à la hauteur, et dans le même temps vous avez des publicités
19:02 entre demi-temps qui disent le rugby l'école de la vie.
19:05 Alors, deux choses l'une, soit on reconnaît que ce sport est dangereux et qu'il faut
19:11 être préparé et informé avant de rentrer sur le terrain parce qu'on risque sa vie
19:15 et que c'est normal, mais ne faites pas des pubs racoleuses pour faire venir les gamins
19:21 dans les écoles de rugby parce qu'il faut des licenciés, parce que des licenciés,
19:24 ça fait du public et des médias, et des médias, ça fait des sponsors et ça fait
19:30 de l'économie.
19:31 On ne peut pas jouer sur les deux niveaux.
19:34 Il faut choisir son camp.
19:35 Donc soit vous êtes dans le camp du joueur et vous les préservez, parce qu'on n'a
19:39 pas parlé des commotions cérébrales, mais les commotions cérébrales, c'est un autre
19:41 chapitre qui va être lourd pour le rugby.
19:44 Et ça ne fait que débuter.
19:46 Le système aujourd'hui les traite comme des consommables.
19:49 Vous êtes pété, c'est pas très grave, on va vous remplacer, on en mettra un autre.
19:54 Il était vraiment très bon celui-là.
19:55 Ouais bon, il marche plus, tant pis.
19:57 Mais leur vie, elle ne s'arrête pas à 30 ans, elle ne s'arrête pas à 40 ans.
20:02 Leur vie, elle va continuer, je l'espère, jusqu'à 80, 90 ans.
20:06 Mais dans quel état ils vont finir ? Est-ce qu'on a le droit d'hypothéquer leur chance
20:10 ? On ne leur parlera pas de retraite.
20:12 Et pourquoi ? Pour un sport ? Pour faire du spectacle ? Pour dépasser les règles
20:19 et pour couvrir des tricheurs ? Franchement, on va où ?
20:25 [SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA]