Mardi 23 mai 2023, SMART TECH reçoit Nicolas Gaudemet (Partner en charge des industries créatives, Onepoint) , Vincent Florant (Directeur du numérique, CNC) , Sophie Lavault (psychothérapeute, membre, Cercle de la donnée) et Philippe Le Grand (président, Infranum)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 [Musique]
00:08 Bonjour à tous, le ministère de la Culture a dévoilé son plan à 350 millions d'euros
00:13 pour faire de la France une terre de production et d'innovation.
00:17 On va s'intéresser justement à ces technologies qui peuvent changer le cinéma radicalement demain.
00:22 On en parlera avec deux experts.
00:24 Tout à l'heure, ce sera le Tech Talk de Smartech aujourd'hui.
00:26 Ensuite, en deuxième partie, on va regarder l'impact de la donnée sur le vivant, son empreinte environnementale.
00:33 On s'intéressera aussi au Grand Rex qui tente l'aventure du Web3.
00:37 Mais d'abord, je propose une interview avec le patron des fédérations des infrastructures du numérique
00:44 qui va nous faire un point sur le très haut débit en France.
00:47 C'est l'interview tout de suite dans Smartech.
00:49 [Musique]
00:55 Et oui, ce n'est pas le festival de Cannes encore tout à fait dans Smartech,
00:58 mais on va quand même s'intéresser à ces technologies qui changent le cinéma.
01:02 On en parlera dans notre Tech Talk avec Nicolas Godmet.
01:05 Bonjour Nicolas.
01:06 Bonjour.
01:07 Vous êtes partenaire en charge des industries créatives chez OnePoint
01:10 et vous serez rejoint par Vincent Florent qui est, lui, à Cannes en ce moment.
01:15 On sera à distance connecté avec le directeur numérique du CNC.
01:19 Bonjour Vincent.
01:20 On va parler de cette création cinématographique qui commence d'ailleurs à être bouleversée par les technologies.
01:29 Mais d'abord, je vous propose que l'on fasse un point sur le très haut débit en France
01:33 puisque l'observatoire du très haut débit 2023 réalisé par Infranium vient d'être dévoilé il y a quelques jours.
01:40 Bonjour Philippe Legrand.
01:41 Bonjour Daphine.
01:42 Merci beaucoup d'être avec nous pour nous en parler.
01:45 Vous êtes le président de la fédération qui rassemble, regroupe et représente l'ensemble de la filière des infrastructures du numérique en France.
01:54 Cet observatoire, vous l'avez mené avec la Banque des Territoires,
01:57 également l'Avica qui regroupe les collectivités engagées dans le numérique.
02:02 Premier constat, finalement, c'est la confirmation qu'on est bien dans les clous du plan France très haut débit.
02:08 Et c'est une bonne nouvelle.
02:10 Ce n'était pas une surprise.
02:12 Il y a dix ans, ce n'était pas gagné.
02:13 Il y a dix ans, l'objectif qui avait été fixé de rendre raccordable 80% de la population française et des entreprises françaises
02:20 nous paraissait particulièrement ambitieux.
02:23 Nous sommes au rendez-vous et la machine industrielle est lancée, elle continue.
02:26 Donc c'est une très bonne nouvelle en effet.
02:28 Et alors à quel prix on y est arrivé ?
02:30 On y est arrivé au prix de grands efforts, au prix d'une organisation entre l'Etat, les collectivités et l'industrie en elle-même,
02:36 au prix de la création de cette fédération Infranium qui a porté, elle aussi, à son niveau, le plan France très haut débit
02:42 et qui continue de le porter avec les nouveaux enjeux auxquels nous faisons face.
02:46 C'est à ce prix-là et quelques dizaines de milliards d'euros bien entendu.
02:49 Plus de 12 000 prix sont raccordés par jour ouvrables.
02:53 C'est énorme.
02:55 Vous rencontrez quel genre de difficultés sur le terrain ?
02:58 Les difficultés sont nombreuses.
03:00 Elles ont d'ailleurs défrayé la chronique et font l'objet de beaucoup de concertations avec les collectivités.
03:05 Les difficultés sont les échecs de raccordement.
03:07 On ne réussit pas à raccorder le particulier parce qu'il n'est pas là, parce qu'il refuse qu'on fasse un trou chez lui,
03:12 parce que le génie civil est manquant, parce que le technicien n'est pas suffisamment qualifié ou n'a pas les bons outils.
03:17 Ce sont les échecs de raccordement.
03:19 Il y a aussi les malfaçons.
03:21 On raccorde la personne mais le câble est mal posé, il est en situation de fragilité.
03:26 Ou alors il y a les pannes qui peuvent arriver sur le réseau.
03:29 Ce sont les trois indicateurs que nous mesurons pour mesurer la qualité et l'améliorer au fil du temps.
03:35 Qu'est-ce qu'il donne cet indicateur ? Il nous dit quoi sur la qualité des prestations ?
03:39 Il dit qu'on a du mal à objectiver les chiffres.
03:42 J'ai fait un appel à ce que l'ARCEP, le gendarme des télécoms, puisse disposer des moyens de contrôler cette qualité
03:49 et d'objectiver les débats puisque la grogne des élus est assez forte.
03:53 Du fait de ce qu'ils voient sur le terrain, on oublie forcément ce qui va bien.
03:57 Les 75% ou 80% de raccordements qui se passent bien, on regarde vraiment ceux qui ne vont pas.
04:01 C'est la raison pour laquelle j'ai présenté en septembre dernier au ministre Jean-Noël Barrault et à la présidente de l'ARCEP, Laure de La Raudière,
04:08 un plan qualité qui engage la filière. Ce plan qualité est en cours.
04:11 Il met du temps, il avance trop lentement. Je pense que les indicateurs doivent s'améliorer drastiquement.
04:18 Ces problèmes de qualité qui viennent parfois des prestataires, d'un manque de compétence, ce sont aussi des membres de la Fédération Infranume ?
04:25 Ils sont tous au sein d'Infranume. Il y a tous les sujets que nous pouvons mettre sur la table.
04:29 Après, nous ne pouvons pas tout. Le zéro défaut n'existe pas sur un plan de cette nature.
04:32 Partout en Europe, ces problèmes se rencontrent de façon plus ou moins importante.
04:38 Mais nous travaillons dessus. Et puis, il ne faut pas oublier non plus que ce plan France Redébit reste un très beau succès,
04:43 une formidable épopée pour la France.
04:46 Avec une petite pression supplémentaire puisqu'on a la fin du cuivre qui a été annoncée.
04:51 Il y a aussi ce contexte de crise dont on a encore parlé hier, l'inflation,
04:55 qui pèse évidemment sur les économies de vos membres.
05:00 Comment vous arrivez aujourd'hui à embrasser ces deux défis de coûts et de pression sur la fin du cuivre ?
05:09 Cela veut dire qu'il faut vraiment accélérer sur la fibre optique ?
05:12 On a toujours été dans un système de challenge et dans des grandes aventures industrielles.
05:17 Vous avez raison de le signaler, c'est quand même près de 40 millions de prises qu'il va falloir enlever.
05:23 Tout cela avec un objectif fixé par Orange qui est de le faire d'ici 2030.
05:28 Orange est propriétaire du réseau.
05:30 Il y a un vrai enjeu industriel, il ne faut pas le minimiser, c'est l'affaire de tous.
05:33 Ce n'est pas l'affaire d'un seul opérateur, c'est l'affaire de tout le monde.
05:36 L'inflation est un défi qui nous fait face et auquel on a répondu un peu avec un ajustement par négociation
05:45 avec les opérateurs au premier rang duquel on trouve Orange qui a accepté une augmentation de 4%.
05:50 L'inflation subie par nos entreprises se situe aux alentours de 5 à 10% mais elle est subie par tout le monde.
05:55 Elle n'est pas adossée à un marché suffisamment élevé et un partage de la valeur entre les grandes, les GAFA et les opérateurs suffisamment équilibrés
06:06 pour permettre de nous donner de la sérénité.
06:08 La sérénité viendra aussi avec l'adossement à un marché plus grand, peut-être que les prix sont trop bas.
06:13 De toute façon, la valeur doit rejaillir jusqu'à celui qui raccorde, jusqu'au technicien de terrain qui va chez vous.
06:19 Vous branchez votre prise.
06:21 Je vais revenir sur le cuivre parce que le cuivre a montré sa résilience.
06:25 C'est un vieux réseau qui fonctionne toujours aujourd'hui.
06:29 On le déconnecte alors que ça fonctionne.
06:31 Comment est-ce qu'on va s'assurer de la résilience des futurs réseaux ?
06:35 Il a rendu son office ce bon vieux réseau cuivre et vous avez bien raison d'insister sur le réseau.
06:39 Il n'est pas à bout de souffle, on est d'accord ?
06:41 Il n'est plus capable de répondre aux enjeux d'aujourd'hui.
06:44 C'est-à-dire que le débit supporté par le réseau cuivre, la qualité de service supporté par le cuivre n'est plus au rendez-vous aujourd'hui,
06:50 eu égard aux enjeux et aux attentes des entreprises et des concitoyens.
06:54 Comment on assure la résilience ?
06:56 Nous avons présenté un plan qu'on a appelé le Good Deal avec les collectivités, d'ailleurs avec Patrick Chaise, le président de la Vica et le sénateur de l'Inn.
07:03 Nous avons présenté un plan, le Good Deal, qui repose en trois piliers.
07:06 Sur le pilier de la résilience, nous pensons qu'il est nécessaire d'investir pour effacer les réseaux, les lignes aériennes qui sont sujettes à beaucoup d'incidentologies,
07:15 pour sécuriser les nœuds de raccordement de façon à faire en sorte qu'on ne puisse pas avoir des actes de malveillance ou même de piratage, de piraterie sur ces équipements-là.
07:25 Et nous avons présenté un plan qui pourrait se financer un peu par le marché lui-même en adossant ces investissements à un revenu de loyer sur les infrastructures.
07:34 Ça, c'est le plan sur la résilience.
07:36 Vous dites que c'est un plan qui est économe en argent public. Alors ça, le contribuable va adorer. Mais d'ailleurs, qui pourrait s'y opposer ?
07:42 À priori, il fait l'unanimité ?
07:45 Il ne fait pas encore l'unanimité. Il fera l'unanimité quand les pouvoirs publics, le gouvernement s'en sera complètement saisis.
07:51 On a une bonne écoute, une bonne attention parce qu'effectivement, il est très économe en argent public. Il repose en trois piliers la résilience, les raccordements complexes,
07:58 le fait d'aller raccorder les 500 000 foyers qui n'auront pas la fibre si on ne trouve pas de solution.
08:02 Et le troisième point qui est la solidarité, faire en sorte qu'on puisse avoir une économie pérenne dans les zones rurales.
08:08 Aujourd'hui, en France, on a considéré en 2015 que le coût d'exploitation d'une ligne en Corrèze ou dans un département rural était le même qu'à Paris.
08:16 Ce qui est complètement faux. Il faut réajuster cela.
08:18 Effectivement, nous proposons un plan qui réaffecte une partie de la fiscalité spécifique au Télécom sur ces investissements-là.
08:26 C'est juste une réaffectation d'une partie de l'augmentation de la fiscalité si elle devait augmenter. Et malheureusement, c'est le cas.
08:32 Il n'y a pas de dépense nouvelle pour le gouvernement, pour le contribuable français et tout le reste doit pouvoir être financé par le marché
08:40 à condition qu'on puisse l'adosser à une réhausse de la tarification de ce marché.
08:44 Enjeu aussi autour de l'emploi, trouver les compétences parce que si à la fois il faut déployer un réseau mais aussi en démonter un, ça fait double travail.
08:54 Donc vous avez besoin de recruter combien de personnes aujourd'hui dans la filière ?
08:58 33 000 sur l'année quoi ? En 3 ans ?
09:02 D'ici 3 ans, une étude catalyse faite dans le cadre du comité stratégique de filière a montré que nous allons passer de 69 000 équivalents en plein à 100 000
09:11 sur les seuls chantiers du numérique. C'est pas la filière. Au sein d'Afranium, la filière c'est quelques centaines de milliers d'emplois.
09:16 C'est 44 milliards d'euros de chiffre d'affaires mais uniquement sur les chantiers, on doit passer de 69 000 à 102 000 emplois sur les marchés de la 5G,
09:25 des territoires connectés durables, sur le décommissionnement du cuivre qui à lui seul va mobiliser 10 000 équivalents en plein.
09:30 Et la baisse du nombre d'emplois sur le chantier du plan France Très Haut Débit va être largement compensée et va nécessiter beaucoup de recrutement
09:38 sur les autres chantiers que je viens d'évoquer notamment.
09:40 Pas simple j'imagine ?
09:42 Pas simple parce que la filière n'est pas très attractive, d'autres filières payent mieux, la précarité s'est installée.
09:48 Donc il nous faut trouver les recettes aussi.
09:50 Puis la féminisation est absente. On a beaucoup de mal en tout cas à féminiser notre profession.
09:54 On fait de grands efforts pour cela.
09:56 Donc il faut qu'on réussisse à équilibrer l'ensemble.
09:58 Qu'est-ce qu'on fait pour ça ?
10:00 Déjà on s'est engagé à faciliter l'accès aux formations qualifiantes pour toutes les personnes féminines,
10:05 à communiquer à destination des lycées et des écoles de façon à ce que les femmes puissent se rendre compte que cette filière n'est pas une exclusion pour elles
10:13 mais plutôt une opportunité.
10:15 Et on a de belles histoires qui commencent à naître et des partenariats bien entendu avec des organisations de promotion de la féminisation de notre filière.
10:23 Il y a des projets quand même qui peuvent être séduisants, l'arrivée de la 5G industrielle.
10:28 C'est une formidable aventure la 5G industrielle.
10:30 Rendez-vous compte, l'industrie 4.0, l'automatisation totale, la sécurisation et tout ça c'est une filière qui est en devenir.
10:38 Il y a 1,7 milliard d'euros qui est en cours d'investissement avec 700 millions d'euros de financement public.
10:44 Ça c'est de la croissance directe pour vos membres ces projets-là ?
10:46 Oui c'est de la croissance du déversement également parce que quand un chantier baisse d'autres naissent.
10:51 Mais c'est de la croissance, on est dans un secteur qui est extrêmement en bonne santé.
10:54 Et c'est de la croissance sur le long terme ?
10:56 Oui, les projets industriels c'est durable, c'est pérenne, sur 10 ans au moins.
11:02 Et ça s'exporte parce que la France est extrêmement présente à l'étranger.
11:07 Aujourd'hui on peut se réjouir que l'Angleterre a mis les pas dans les pas et développe beaucoup de fibre optique.
11:12 Elle le développe avec des entreprises françaises et parfois même en déployant du câble produit en France.
11:17 Les autres pays suivent ce modèle-là et c'est très bien pour notre industrie.
11:21 On a aussi le marché des data centers, très dynamique visiblement en France.
11:24 En France on a 345 data centers, l'axe Paris-Marseille se renforce.
11:28 Et on va bientôt pouvoir rivaliser avec les grands centres comme Londres et Francfort qui font référence au niveau européen.
11:34 Mais quand même la France développe un modèle de data center de proximité.
11:38 Il n'y a pas que les grands data centers, il y a aussi les petits, proches des entreprises et des collectivités, des citoyens.
11:43 C'est très bien pour l'environnement et ça fait peut-être une caractéristique française qu'il convient de développer
11:48 avec les milliers d'emplois qui sont consacrés à ce secteur.
11:53 Nicolas Gaudemey, une remarque sur ce sujet ou une question peut-être pour Philippe ?
11:57 La proximité des data centers je pense que c'est un enjeu clé.
12:01 On a de plus en plus d'outils d'intelligence artificielle qui se développent, qui ont besoin de capacités de calcul.
12:05 Et c'est important d'avoir ces capacités de calcul dans des pays où le coût de l'électricité carbone est plus faible comme en France.
12:12 Donc je pense que c'est une très bonne chose que ça puisse se développer dans notre pays.
12:17 Et voilà, et pour ça on a besoin de toute votre filière.
12:20 Merci beaucoup Philippe Legrand, président d'Infranum.
12:23 Vous restez avec nous, on va s'intéresser au cinéma dans Smartech.
12:27 Alors pendant le festival de Cannes, nous dans Smartech on s'intéresse aux technologies qui vont transformer ce cinéma.
12:36 Comment la création va bouger, va peut-être être bousculée, chamboulée par notamment l'arrivée de l'intelligence artificielle.
12:43 On en parle avec Nicolas Gaudemey, écrivain dont je recommande le livre "La fin des idoles".
12:48 Bonjour Nicolas, à nouveau.
12:50 Directeur du cabinet du secrétaire d'Etat au numérique sous Mounir Majoubi, pour ceux qui s'en souviennent.
12:56 Moi ce n'était pas si lointain.
12:58 Et actuellement partenaire en charge des industries créatives.
13:01 Vous êtes aussi chief AI officer chez OnePon, qui est une entreprise de services numériques.
13:07 Donc vous maîtrisez à la fois la partie culturelle du sujet, mais également technologique et notamment autour de l'IA.
13:13 Avec nous sur ce débat, Vincent Florent, qui est le directeur du numérique au CNC, le Centre National du Cinéma et de l'Image Animée.
13:22 Avec un parcours, vous, de 14 ans, de transformation numérique et de conduite du changement au service des industries.
13:28 Deux contenus, bienvenue également Vincent.
13:32 Et restez avec nous, Philippe, le grand président d'Infranum, des infrastructures numériques.
13:37 On en a besoin aussi pour que le cinéma et les technologies tournent.
13:40 Donc vous pouvez participer évidemment à la discussion.
13:43 Alors actuellement, c'est le festival de Cannes.
13:46 Est-ce que vous avez repéré peut-être déjà des petites innovations comme ça qui vous intéressent pour cette édition ?
13:52 Par exemple, il y a un nouveau film d'Indiana Jones avec un acteur que certains connaissent, Harrison Ford.
14:00 Il a 80 ans, mais ça ne se voit pas dans le film parce qu'il y a des technologies qui ont été développées par Disney,
14:07 mais qui existent chez plein d'autres producteurs, qui permettent de rajeunir en direct, pendant le tournage, la physionomie de l'acteur.
14:18 Donc ça, c'est une innovation.
14:19 Ça doit lui manquer après quand il passe derrière la caméra et qu'il rentre chez lui Harrison Ford.
14:23 Je ne sais pas.
14:25 Vous, vous êtes sur le festival, Vincent. Qu'est-ce que vous avez noté d'intéressant du côté des innovations ?
14:31 C'est intéressant parce que la technologie dont parle Nicolas, c'est notamment une technologie française qui a été développée par un acteur qui s'appelle Maguf.
14:41 Et les effets visuels d'Indiana Jones 5 qui a été effectivement dévoilé au festival de Cannes ont été en partie réalisés là aussi par une boîte française qui s'appelle The Yard,
14:51 qui est installée à côté de Montpellier.
14:54 Et donc moi, ce que je remarque, c'est que les Français sont en technologie dans ces sujets-là et qu'il faut accélérer encore les investissements et les innovations.
15:05 Je ne peux pas ne pas poser la question également au sujet de TikTok, puisqu'il y a quand même une polémique sur cette seconde édition d'un festival de courts métrages TikTok short film.
15:18 Ce partenariat avec un géant des réseaux sociaux, certes, mais chinois qui de plus en plus est interdit auprès des officiels, ça vous gêne, vous, la présence de TikTok à Cannes en tant que partenaire ?
15:32 Nicolas ?
15:33 Je pense que TikTok, il y a deux aspects. Il y a effectivement ce que connaît le grand public et ils essayent effectivement d'accompagner la création.
15:43 Il y a d'ailleurs chez TikTok un ancien président du CNC qui connaît très bien le festival de Cannes et ce qui explique aussi ses liens.
15:51 D'un autre côté, il y a énormément d'interrogations sur la proximité de TikTok et d'entreprise chinoise avec évidemment le parti communiste chinois,
15:59 sa capacité à absorber des données de citoyens français et européens.
16:05 Il y a beaucoup de discussions en cours pour réguler, voire interdire TikTok sur certains domaines.
16:13 Bon, profitons-en tant qu'on peut pour le festival de Cannes.
16:17 Vincent, votre opinion sur ce sujet ?
16:21 Nous, on n'a aucun problème, bien au contraire, à travailler avec les plateformes.
16:26 La condition est simple, c'est qu'elles puissent respecter les règles du jeu de la création.
16:30 Ces règles du jeu, c'est notamment de pouvoir s'assurer qu'ils luttent contre le piratage sur leurs plateformes
16:35 et d'autre part qu'ils puissent contribuer à la création en stimulant des initiatives qui ciblent les créateurs.
16:43 Alors, on ne le fait pas encore avec TikTok et on serait ravi de pouvoir le faire.
16:47 Pour l'instant, ce n'est pas encore le cas, mais on le fait avec YouTube qui est un partenaire du CNC depuis plusieurs années.
16:52 On a au festival de Cannes une résidence avec des jeunes créateurs de YouTube qui viennent ici,
16:59 qui font la montée des marches et qui surtout rencontrent les professionnels du cinéma
17:03 et qui passent du petit écran du smartphone au grand écran.
17:08 Donc, les plateformes sont vraiment intégrées à cet écosystème de création.
17:12 Ça commence quand même à bouger autour des plateformes numériques.
17:16 On voit de plus en plus de liens qui se créent entre les deux.
17:19 On ne va même pas parler de l'arrivée de Netflix.
17:22 Maintenant, on va s'intéresser, je vous propose de voir un petit peu plus loin, à l'intelligence artificielle.
17:26 Qu'est-ce que l'IA peut changer dans le cinéma ? Nicolas ?
17:30 En fait, l'IA peut intervenir à peu près dans tous les maillons de la chaîne de valeur de fabrication d'un film.
17:36 Si on prend l'écriture, il y a tout simplement l'idéation, la documentation, la génération par exemple de mood boards
17:42 qui permettent à un stade où il n'y a pas beaucoup de financement qui est celui de l'écriture,
17:45 d'avoir quelque chose à montrer à des producteurs ou à des coproducteurs pour aller chercher des fonds.
17:52 C'est-à-dire quelque chose à montrer ?
17:54 Des images, tout simplement.
17:56 On peut demander à Chady Petit de proposer un pitch.
18:05 Ensuite, on peut lui demander de décrire les personnages du pitch, à quoi ils ressemblent.
18:09 Ensuite, on donne ça à Midjourney et il peut proposer des images des personnages.
18:15 On a un premier jet avec des images des personnages.
18:19 On est d'accord que ce ne sera pas forcément fidèle à mon projet de création au final ?
18:22 Après, c'est tout le travail.
18:24 De toute façon, ces IAs ne sont que des outils.
18:27 C'est-à-dire comme ça qu'elles sont considérées par la ligue des scénaristes américains, on pourra y revenir,
18:33 qui sont au service des scénaristes et qui sont au service d'une démarche artistique.
18:39 Après, c'est tout le travail du scénariste de décider quel outil il utilise.
18:44 Est-ce qu'il veut écrire lui-même ? Est-ce qu'il veut s'aider pour la documentation de Chady Petit ?
18:47 Son propos à lui, c'est comment j'imprime ma marque et comment je suis fidèle à mes idées.
18:54 Il s'agit de dompter l'outil.
18:57 Vous l'avez testé justement, le pitch, la rédaction de scénario avec Chady Petit ?
19:01 Parce que moi, les expériences que j'ai menées, il en ressort que c'est très marqué culturellement déjà du côté des États-Unis.
19:12 Et ensuite, ça semble assez formaté.
19:15 Après, c'est ce qu'on appelle l'art du prompt.
19:19 Si on demande un pitch entier, on aura quelque chose d'assez moyen,
19:23 puisqu'il va s'inspirer d'une moyenne de pitch qu'il a lu dans son entraînement.
19:29 Mais quand on est devant une page blanche, on peut lui dire "je suis dans telle situation, propose-moi 10 idées".
19:38 Et puis après, je charge le scénariste de dire "ah tiens, dans ces 10 idées, elles sont toutes nulles"
19:41 ou "non, il y en a peut-être une qui m'inspire et que j'ai envie de creuser".
19:44 Donc c'est plutôt de ce type de...
19:46 C'est un titre d'aide à la création.
19:48 Vincent, comment vous voyez l'intervention de l'IA dans le cinéma ?
19:53 Il y a vraiment deux grandes catégories d'outils.
20:00 Il y a eu depuis longtemps des outils qui aident sur la partie fabrication.
20:04 On a parlé des outils sur les effets visuels, de face engine, de rajeunir, d'échanger des visages, etc.
20:12 Ça existe depuis quelque temps.
20:14 On voit de plus en plus maintenant des technologies sur le doublage aussi,
20:17 qui permettent de s'appuyer sur la voix originale du comédien,
20:23 qui permettent de changer le mouvement des lèvres pour que ce soit synchronisé avec 37 langues différentes, si vous le souhaitez.
20:31 Il y avait également des technologies en post-production.
20:34 Il y a une oeuvre de Raoul Peck qui a été entièrement colorisée à base d'archives par des technologies d'intelligence artificielle.
20:43 Donc vraiment tout ce qui est fabrication.
20:45 Et puis évidemment ce qui enflamme l'imagination en ce moment, c'est les intelligences artificielles génératives,
20:50 parce qu'on touche là à la création.
20:52 C'est ça qui est nouveau. On est dans un domaine pour pensée réservée à l'humain.
20:56 On a tous vu passer ces images du pape Andogun ou de la bande-annonce de Star Wars façon Wes Anderson.
21:05 Évidemment, là, ça pose des problèmes potentiellement sur le droit d'auteur, des questions en tout cas.
21:11 Il y a une interrogation là-dessus.
21:13 Il faut trouver un bon équilibre entre l'innovation et la protection des auteurs.
21:19 Mais c'est avant tout une très grande opportunité pour les créateurs.
21:23 C'est ça qui est intéressant.
21:25 À chaque fois qu'il y a un nouvel outil comme ça, on voit des nouveaux créateurs qui s'en saisissent.
21:29 Il y a par exemple un cinéaste comme Simon Wilson qui décrit comment avec Chachapiti,
21:34 justement il s'en sert comme une arme anti-pages blanches.
21:37 Il fait un ping-pong d'idées, ça le relance. Mais au final, c'est bien sa création qui est allée.
21:43 Je ne sais pas si au CNC, vous recevez les dossiers de présentation de projets pour des nouveaux films.
21:49 Est-ce que vous encouragez ou non l'intervention de Chachapiti ?
21:52 Est-ce que vous allez vérifier si ça a été créé par des humains ou pas ?
21:57 Est-ce que c'est un critère aujourd'hui qui va pour ou contre les producteurs quand ils vous proposent un nouveau projet au CNC ?
22:06 Pour l'instant, notre point de focalisation, c'est plutôt d'une part aider les technologies.
22:15 Vraiment s'assurer qu'il y ait des Français, des Européens qui puissent développer ces technologies d'innovation au service de l'image.
22:22 Parce qu'on sait bien que c'est de cette façon aussi qu'on peut prendre les premières places mondiales dans les filières de l'image.
22:30 C'est tout le sens du plan d'investissement dont les résultats ont été dévoilés au Festival de Cannes par la ministre de la Culture Rima Abou-Malak.
22:40 C'est le plan France 2030 qui accompagne à hauteur de 350 millions d'euros des projets de studios numériques, de studios de tournage, de formation.
22:50 On y reviendra peut-être.
22:52 Et l'autre sujet, c'est protéger les auteurs.
22:57 Nicolas Lhady, ça a été considéré aux États-Unis comme un outil qui ne génère pas de droits d'auteur.
23:06 Donc au final, il ne peut pas y avoir un scénario signé par Child GPT.
23:11 C'est considéré comme un outil qui a permis d'aboutir au résultat final.
23:17 Et donc nous, en particulier, on n'a pas de clause non plus là-dessus du moment que le travail de l'auteur est respecté.
23:23 Vous en attendez quelque chose du cinéma transformé par la technologie ?
23:27 Le cinéma transformé par la technologie nécessite la technologie en amont.
23:31 Donc évidemment, tout est lié.
23:32 Bien entendu, on parlait de l'hébergement des données et du respect des règles.
23:36 Moi, j'attends sur le, par exemple, le festival TikTok.
23:38 Et pour rebondir là-dessus, si vous me le permettez, le fait que les règles doivent être respectées par tout le monde.
23:43 Donc on parle bien entendu du droit d'auteur en l'espèce, mais même du RGPD, de la protection des données et des utilisateurs.
23:49 Vous avez vu que la semaine dernière, META a été condamné à une amende de 1,2 milliard d'euros pour ne pas respecter le RGPD.
23:55 C'est une condamnation irlandaise.
23:57 Oui, j'en attends beaucoup de choses.
23:59 Ça interroge, mais en même temps, d'un avis extérieur et pour être utilisateur, bien entendu, de ces outils d'IA au quotidien.
24:05 Vous savez que c'est l'IA qui nous permet aujourd'hui de réussir le plan France 3D B.
24:08 S'il n'y avait pas des outils d'intelligence artificielle, nous ne pourrions pas exploiter les 12 000 rapports quotidiens
24:13 que nous recevons sur les installations pour les confronter avec la réalité.
24:17 Sans ces outils-là, nous sommes complètement démunis, parce que les hommes, il faudrait des armées de personnes
24:22 qui eux-mêmes devraient se synchroniser pour comparer les rapports.
24:25 Ce sont des formidables outils. Je pense que ce n'est que cela.
24:29 Et d'ailleurs, l'utilisation de ChatGPT ou d'autres outils de cette nature relève d'un certain savoir-faire.
24:35 Ça n'enlèvera pas la création, ça l'accompagnera.
24:38 Je suis certain que ce n'est pas à une IA qu'on va pouvoir confier la substantifique moelle de la création.
24:44 Les auteurs auront bien sûr leur place.
24:46 Est-ce que chez OnePod, quand vous rencontrez les industries créatives,
24:50 elles font le même accueil que vient de faire Philippe à ses technos ?
24:54 En fait, ça dépend à qui on parle. Si on parle par exemple à une directrice d'innovation chez Newen,
25:00 elle embrassa, mais elle dit par contre mes créatifs, il faut que je les rassure.
25:06 Elle avait un exemple assez intéressant.
25:10 Quand vous recevez un scénario et que vous êtes directeur de production,
25:13 vous êtes costumier, il faut dépouiller le scénario pour le transformer en un plan d'action opérationnel,
25:19 pour dire j'ai besoin de tel costume à tel moment, etc.
25:21 Ça s'appelle la phase de dépouillement.
25:23 Ils ont proposé une IA qui permettait de comprendre le scénario et de dire il faut tel type de costume à tel endroit.
25:29 Au début, la costumière était un peu inquiète, elle disait ça va me prendre mon travail.
25:34 Et puis finalement, ce qu'explique la directrice d'innovation de Newen,
25:38 c'est qu'elle a compris que ça lui permettait de gagner du temps pour en passer plus dans le choix des costumes,
25:43 pour aller faire les boutiques et pour faire son travail vraiment créatif, de trouver le meilleur costume.
25:49 Donc l'accueil est différent en fonction des types de population auquel on s'adresse.
25:53 Il faut l'expérimenter finalement.
25:54 Il faut l'expérimenter et l'accompagner.
25:56 Alors, il y a d'autres technologies intéressantes,
25:59 ce sont toutes les technologies immersives pour l'instant, ça reste un peu gadget il me semble, dans le cinéma.
26:06 Vincent, je vous interpelle.
26:09 Ce qui développe beaucoup, c'est ce qu'on appelle la production virtuelle.
26:13 Ça, c'est une technologie qui a été développée notamment par Disney sur la série The Mandalorian.
26:19 Et c'est des images que vous avez peut-être vu de ces écrans LED géants, comme des énormes panneaux LED.
26:25 Et on tourne directement devant ces écrans LED, ça remplace un peu le fond vert,
26:30 où on doit filmer devant un fond et ensuite, en post-production, incruster les décors.
26:36 Là, ce n'est pas ça.
26:37 On projette en temps réel et surtout quand on déplace la caméra, il y a un effet de parallaxe en temps réel.
26:43 C'est basé sur ces technologies de temps réel qui viennent notamment du jeu vidéo.
26:47 Donc ça, ça se développe beaucoup.
26:50 C'est là aussi un outil créatif formidable qui permet des nouvelles visions.
26:58 Et vous avez typiquement le prochain film de Audiard dont l'action se passe entièrement au Mexique,
27:06 et tourné entièrement en studio en Ile-de-France.
27:11 Et donc là aussi, ça fait partie des technologies qu'on a voulu accompagner avec le plan Grande Fabrique de l'Image.
27:17 Cette production virtuelle, c'est des investissements importants en matériel.
27:23 Et donc on aide les studios de tournage à investir là-dedans.
27:26 Ça permet de localiser aussi des tournages en France plutôt que dans d'autres pays ou dans d'autres pays.
27:33 350 millions d'euros, donc d'ici à 2030 mis sur la table pour faire de la France, nous dit la ministre de la Culture,
27:42 cette terre de production et d'innovation dans le cinéma.
27:46 C'est la Grande Fabrique de l'Image.
27:48 Sur quelles innovations, au-delà de l'IA, on doit miser aujourd'hui pour la partie production cinématographique ?
27:56 Il y a tout ce qui concerne...
27:58 Alors là pour le coup, Vincent serait probablement plus à même que moi de répondre.
28:03 Pour moi, il y a effectivement tout ce qui concerne le métavers, le Web3.
28:07 Le soufflet est un peu retombé avec l'hiver des cryptos,
28:11 mais c'est quelque chose qui va continuer, me semble-t-il, dans la durée.
28:17 Il y a effectivement tout ce qui est autour de l'IA au sens large.
28:21 Il y a certaines dimensions qu'on n'a pas évoquées, par exemple, ne serait-ce que la gestion des archives,
28:25 la découvrabilité des contenus, donc toute la phase avale une fois qu'on a des contenus qui ont été créés.
28:30 Comment est-ce qu'on les gère ?
28:31 Nous, par exemple, on accompagne l'Institut National de l'Audiovisuel.
28:33 Ça pourrait intéresser d'ailleurs le CNC également, pour l'aider à segmenter tout son patrimoine audiovisuel depuis l'existence de la radio
28:41 et donc découper finement de façon sémantique les journaux télévisés,
28:47 savoir qui apparaît à l'écran, quelle voix on entend, etc.
28:51 pour ensuite avoir des moteurs de recherche et de recommandation qui soient beaucoup plus performants.
28:55 Donc ça, c'est aussi des technologies qui peuvent être intéressantes et qui sont en aval de la phase de production.
29:01 Vincent, sur ces technologies, sur lesquelles on doit miser demain pour transformer le cinéma en France ?
29:07 Oui, il y a évidemment toutes les technologies numériques dont on a déjà parlé,
29:13 mais peut-être avant ça, il y avait le sujet des studios de tournage.
29:17 Les studios de tournage, en France, on avait un retard à rattraper.
29:21 Depuis la nouvelle vague, le studio en France est un peu passé de mode.
29:26 Les cinéastes de la nouvelle vague ont eu l'autre innovation technologique de l'époque, les caméras légères,
29:31 la possibilité de tourner en extérieur.
29:33 Ils s'en sont pleinement saisis et ça a été un renouveau créatif important.
29:37 Mais le studio de tournage est devenu un petit peu le symbole du cinéma bourgeois, du cinéma à la papa,
29:43 et les cinéastes n'en voulaient plus.
29:46 Aujourd'hui, évidemment, les séries se tournent principalement en studio.
29:51 Tous les effets visuels qu'on a décrits sont en studio.
29:53 Et donc, on a besoin de studios de tournage et on manquait en France de surface, de plateau.
29:58 On manquait de ces grands décors en extérieur qu'on appelle des "battelots".
30:03 Et on manquait de ces technologies numériques dont on a parlé, sur les effets spéciaux,
30:07 sur la production virtuelle, sur les technologies du temps réel,
30:11 et même chose pour l'animation ou pour le jeu vidéo.
30:15 Donc, c'est vraiment sur l'ensemble de ces technologies-là et de ces infrastructures-là
30:20 que le plan cherche à intervenir, ce plan de renfabric de l'image,
30:24 donc, vous l'avez dit, 350 millions d'euros, ça va permettre d'accompagner des projets de studio de tournage,
30:30 des projets de studio numérique, donc effets spéciaux, animation, jeux vidéo,
30:35 et puis la formation.
30:37 C'est important de modifier la façon dont on forme et puis d'ouvrir cette formation.
30:44 On veut au global doubler nos capacités de tournage,
30:47 on veut aussi doubler le nombre de personnes dans la filière
30:50 parce qu'il y a des besoins en très forte augmentation.
30:54 On veut former aussi à ces nouvelles technologies.
30:57 L'exemple qu'on donnait sur ces technologies de production virtuelle,
31:01 évidemment, ça change le métier de directeur de la photographie,
31:06 mais ça change aussi le métier des décors, ça change le métier d'auteur,
31:10 d'une certaine façon, on n'écrit pas de la même façon avec ça.
31:14 Et donc, on veut former plus, mais aussi former différemment à ces nouvelles technologies.
31:19 Merci beaucoup Vincent Florent, on vous laisse retourner au Festival de Cannes.
31:22 Vincent Florent du CNC, Nicolas Gonmet de OnePoint,
31:25 j'imagine aussi que vous allez suivre toute cette semaine ce qui se passe à Cannes.
31:29 Merci également à Philippe Legrand d'Infranym d'avoir participé à la discussion avec nous.
31:33 On marque une courte pause, on se retrouve après,
31:35 on va parler de l'empreinte environnementale de la donnée.
31:37 Deuxième partie de Smartech, votre quotidienne sur l'innovation et les technologies continue.
31:48 On va s'intéresser à la donnée et son empreinte.
31:51 Son restable en plateau avec moi, je le précise, avant tout Nicolas Gonmet,
31:55 qui est partenaire en charge des industries créatives chez OnePoint,
31:58 avec qui on a parlé de cette transformation du cinéma par les technologies,
32:02 et Philippe Legrand, président d'Infranym, qui nous a fait un point sur la situation aujourd'hui
32:06 en matière de très haut débit en France, et puis surtout, où sont les points de vigilance, Philippe ?
32:11 Alors, on va parler aussi de points de vigilance, avec ce monde de la donnée,
32:15 Sophie Laveau, qui est connectée avec nous.
32:18 Sophie Laveau, vous êtes psychothérapeute, docteur en neurosciences,
32:21 vous êtes membre de l'Agora 41, qui est une tribune de réflexion multidisciplinaire satellite de l'Annecy.
32:28 Vous avez, à ce titre, rejoint le cercle de la donnée pour participer aux travaux
32:33 sur cette empreinte de la donnée sur le vivant.
32:36 Une partie du travail a déjà été présentée dans Smartech par Jean Martineau et Mathieu Bourgeois.
32:41 Nous, on va s'intéresser davantage à la partie sciences cognitives.
32:45 Alors, quel est le lien entre l'empreinte de la donnée et ces sciences cognitives, Sophie ?
32:53 Bonjour Delphine, merci pour cette présentation et pour cette invitation.
32:57 En fait, la donnée, elle circule de l'humain à la machine, et de la machine à l'humain.
33:01 Et lorsqu'elle est traitée par un humain, elle va venir impacter son fonctionnement nerveux, son fonctionnement psychique.
33:07 Les sciences cognitives, elles sont nées avec l'ambition de décrire la pensée
33:11 et le fonctionnement de l'esprit sous la forme d'une machine logique.
33:14 Donc, on voit bien à quel point les sciences cognitives sont intriquées au concept même d'intelligence artificielle
33:20 qui cherche à modéliser et dépasser la machine à pensée humaine.
33:24 Et d'ailleurs, on fait traditionnellement remonter la naissance des sciences cognitives au milieu des années 50
33:29 dans le sillage de l'invention de l'ordinateur et de la cybernétique.
33:32 Donc, en fait, les sciences cognitives regroupent des disciplines très variées,
33:36 comme la psychologie, la philosophie de l'esprit, la linguistique, l'anthropologie, les neurosciences et l'intelligence artificielle.
33:44 Et pour exemple, dans ce courant, dans les années 70, les psychologues américains Tversky et Kahneman,
33:50 donc Kahneman qui a reçu un prix Nobel d'économie en 2002,
33:53 ont décrit deux modes de pensée complémentaires utilisés par l'humain,
33:57 deux modes de pensée essentiels pour sa survie.
34:00 Une pensée automatique, incontrôlable et rapide,
34:03 dans laquelle se logent nos biais cognitifs, nos intuitions, nos réactions automatiques.
34:08 Et une pensée plus lente et plus coûteuse en termes d'énergie.
34:11 Mais cette pensée-là est aussi plus logique.
34:13 Et dans ce mode de fonctionnement sont impliquées nos fonctions exécutives.
34:20 Ce sont des fonctions très importantes pour l'être humain,
34:22 qui nous permettent de nous adapter à un nouveau contexte
34:26 ou de nous adapter à des situations complexes, résoudre des problèmes complexes notamment.
34:30 Et donc au sein de ces fonctions exécutives,
34:32 qui sont logées plutôt derrière le front, dans les régions frontales de notre cerveau,
34:36 il y a nos processus d'inhibition,
34:38 qui nous permettent de maintenir notre attention sur une tâche, d'être concentré.
34:42 Il y a aussi notre flexibilité cognitive,
34:44 ce qui nous permet de passer d'une tâche à une autre.
34:47 Et aussi nos processus de régulation émotionnelle,
34:50 réguler la frustration, la colère, la tristesse.
34:52 Donc quand ces fonctions exécutives se développent mal,
34:55 on peut avoir du mal à s'adapter socialement,
34:57 à faire face à des situations nouvelles.
34:59 À résoudre des problèmes complexes.
35:01 Et avec à la clé des troubles du comportement
35:03 qui peuvent nous empêcher de fonctionner en adéquation avec l'environnement.
35:07 Et une des empreintes de la donnée sous un angle purement cognitiviste
35:11 se joue justement au niveau de ce système exécutif.
35:14 Plus on a de données à traiter en un minimum de temps,
35:17 et plus on va utiliser notre mode de pensée le plus rapide
35:20 et du coup le plus soumis à des erreurs de jugement.
35:23 Du coup, on va avoir du mal à se concentrer aussi sur une tâche.
35:27 Et on va avoir du mal à prendre des décisions plus rationnelles
35:30 quand on est dans un flot de données très important.
35:32 Nos biais cognitifs, qui sont à l'origine de nos erreurs de jugement,
35:36 sont exacerbés par les réseaux sociaux,
35:39 par les contenus personnalisés qui s'affichent sur nos applications
35:42 et sur nos pages internet.
35:44 Et on le sait bien, quand on prend son smartphone pour faire quelque chose,
35:47 on se retrouve souvent à faire complètement autre chose.
35:49 Et beaucoup d'études montrent aujourd'hui l'impact de la donnée
35:52 sur nos capacités attentionnelles,
35:54 sur la fatigue cognitive et le manque de sommeil.
35:56 Et c'est d'autant plus préjudiciable pour un enfant
35:59 dont le cerveau est en plein développement jusqu'à la fin de l'adolescence.
36:02 Tous ces paramètres-là vont influencer notre santé physique et mentale
36:06 tout au long de la vie.
36:08 Donc là, vous abordez ce sujet de l'impact sur notre santé.
36:11 Est-ce qu'il y a d'autres éléments à prendre en compte
36:15 que les sciences cognitives pour cela ?
36:17 Alors oui, dans l'étude, on s'intéresse à la neurophysiologie par exemple,
36:21 parce que quand on traite aussi un flot important de données,
36:24 il y a un impact sur notre système nerveux.
36:27 On s'intéresse aussi aux sciences d'humanité sociale.
36:30 En fait, on cherche à évaluer dans cette étude la trajectoire actuelle.
36:33 Alors tout n'est pas écrit dans le marbre,
36:35 mais on a pas mal d'éléments pour prendre quelques précautions dès maintenant.
36:39 Quand on sait où la donnée impacte notre mode de fonctionnement,
36:42 c'est plus facile de poser des limites.
36:44 Par exemple, le niveau de stress est augmenté lorsqu'on est en multitâche,
36:48 quand on est interrompu sans cesse par des notifications,
36:51 quand le flot des données à traiter est très important et qu'on doit aller vite.
36:55 Du coup, tous nos systèmes physiologiques sont impactés.
36:58 Alors notre système nerveux autonome,
37:00 celui qui fonctionne sans qu'on ait besoin d'y penser,
37:03 et dans ce système, il y a le système respiratoire,
37:05 cardiovasculaire, endocrinien, digestif.
37:07 Donc finalement, ça va impacter tous nos systèmes physiologiques
37:10 et le savoir, ça nous permet de peut-être inverser la vapeur
37:14 et commencer à comprendre où est-ce qu'on peut agir
37:16 pour mieux utiliser la donnée et moins être impacté à ce niveau-là.
37:19 Et par ailleurs, c'est important aussi de noter
37:22 que plus on est connecté à des données virtuelles,
37:24 moins on est connecté à ses propres données,
37:27 c'est-à-dire à ses ressentis corporels,
37:30 à ce qui nous permet de nous adapter à notre environnement.
37:33 Et d'ailleurs, on fait souvent bien plus confiance à ses applications
37:37 et à sa montre connectée qui nous dit "levez-vous"
37:41 ou "marchez, mille pas de plus", qu'à ses propres ressentis,
37:44 ressentir de la fatigue, de la satiété, etc., ou l'envie de bouger.
37:47 Et du côté des sciences humaines et sociales,
37:50 on s'intéresse à la théorie de l'attachement et à la systémie.
37:53 Ça, c'est aussi un peu nouveau d'amener ces concepts-là.
37:57 La donnée, elle s'invite dans un système,
37:59 un système familial, amical, professionnel,
38:02 et finalement comme un prolongement de soi-même.
38:04 L'avènement du numérique a complètement transformé
38:07 la manière dont on interagit les uns avec les autres,
38:09 dont on communique les uns avec les autres.
38:11 Et quand on sait que le manque de soutien social
38:14 est un facteur de risque comparable au tabagisme,
38:17 à l'obésité et à l'hypertension artérielle,
38:20 ça paraît légitime de se demander à quel degré la donnée,
38:24 le flot de données très importants qu'on a à traiter,
38:28 peut impacter la qualité de nos relations.
38:31 Et concernant le relationnel parent-enfant,
38:34 parfois la donnée prend la forme d'un distracteur,
38:37 elle fait office d'un tiers,
38:39 parfois elle fait office de baby-sitter pour certains parents,
38:42 apporter du contenu virtuel dès que la relation devient difficile
38:45 est une solution toute faite.
38:47 Et dans ce cas précis, à quel moment est-ce que la donnée
38:50 passe d'un distracteur à un objet d'addiction ?
38:53 Voilà tout ce dont on parle dans ce groupe de réflexion.
38:58 Et la donnée artificielle, en fait, elle va modifier le lien
39:01 qu'on a avec soi, avec l'autre,
39:03 et elle a des conséquences sur notre santé mentale.
39:06 La sédentarité et les troubles du sommeil associés
39:08 vont avoir des conséquences sur notre santé physique.
39:11 Donc notre rapport au smartphone, aux applications,
39:13 à la donnée en général est aujourd'hui problématique.
39:15 - Merci beaucoup, Sophie Laveau.
39:18 Je suis obligée de vous couper, on arrive au bout du temps
39:20 qui nous était imparti.
39:21 Merci beaucoup, Sophie Laveau, pour cet extrait des travaux.
39:24 De toute façon, on va continuer à les creuser ensemble.
39:27 Sophie Laveau, d'Agora 41.
39:30 On se retrouve juste après un petit jingle
39:32 pour regarder où va le web.
39:38 Alors ce sujet va fortement vous intéresser.
39:41 On parle du grand Rex qui s'essaye au Web3.
39:44 - Le Web3 fait son cinéma.
39:47 Cette fois, c'est le grand Rex qui tente l'aventure.
39:50 Le plus grand cinéma d'Europe lance son programme de fidélité
39:54 inscrit sur la blockchain.
39:56 Il a fait appel à la start-up française Taylor,
39:59 fournisseur de solutions Web3.
40:01 Alors, si ça vous tente, il faudra collectionner
40:04 des cartes digitales.
40:05 Leur nom, les cueilleurs d'images, censés représenter
40:08 une société secrète de cinéphiles unis par leur passion du cinéma.
40:13 Six cartes, deux personnages et avec des raretés variables,
40:17 bronze, argent, or, chacune vendue à 250 exemplaires.
40:22 Est-ce que vous voyez les cartes Pokémon ?
40:24 Eh bien, c'est l'idée.
40:25 Ces cartes peuvent en plus vous accorder des avantages
40:29 comme des coupes fil ou encore avoir accès à des avant-premières.
40:32 Mais alors, rassemblez les six personnages du même rareté
40:36 et vous décrocherez l'ultime sésame, la broche aïe.
40:40 Elle vous donne accès à des privilèges et surtout,
40:44 pour toute la vie, un accès illimité à la grande salle mythique
40:48 aux 2700 fauteuils ou un accès à vie aux tapis rouges
40:52 des avant-premières.
40:54 Le Web3, vous le voyez, se met encore au service
40:57 de la construction et de l'entretien d'une communauté.
41:00 Et cette fois-ci, c'est le grand Rex qui l'a bien compris.
41:03 C'est intéressant ça aussi, d'utiliser le Web3
41:06 comme outil de fidélisation ?
41:08 Oui, en fait, ce qui est intéressant dans le Web3,
41:11 c'est qu'il y a eu beaucoup d'écrimage avec l'effondrement
41:14 des cryptos depuis quelques mois, voire un an.
41:19 Ils subsistent les projets qui apportent une vraie valeur
41:23 et les tendances qui se dessinent, c'est autour de la relation
41:27 aux clients ou aux fans, notamment dans les mondes du luxe
41:32 et dans les mondes créatifs, là en l'occurrence avec le cinéma.
41:36 Merci.
41:37 Merci encore Nicolas Gaudemet pour votre expertise.
41:40 Partenaire en charge des industries créatives
41:42 chez Winepot, Philippe Legrand, expert des infrastructures numériques,
41:46 président d'Infranum, était également avec nous.
41:48 C'était Smartech.
41:49 Merci à tous de nous suivre avec une grande fidélité.
41:51 On se retrouve dès demain.
41:52 [Musique]