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00:00 Un jeune sur quatre serait addict à son téléphone.
00:02 J'ai besoin de consommer cette information.
00:04 L'algorithme va pouvoir sélectionner vraiment le contenu le plus addictif.
00:07 Je suis complètement passive et je regarde des personnes vivre.
00:10 Cela peut déclencher des troubles anxieux et parfois même finir en dépression.
00:14 Bonjour tout le monde, bienvenue dans la planque anti-arnaque de France TV Slash.
00:35 Moi c'est Adam Bross et on se retrouve ici pour parler d'une énorme arnaque.
00:39 Peut-être même l'arnaque du siècle.
00:41 Comment on se fait voler notre temps par les réseaux sociaux ?
00:45 On va parler de captologie.
00:47 De quoi ?
00:47 La captologie c'est un ensemble de méthodes qui vise à capter notre attention.
00:51 Le terme a été créé en 1996 par le chercheur américain Brian Jeffrey Fogg
00:56 de l'université de Stanford en Californie.
00:59 Tous ces petits logos qui s'allument tout le temps, ça vous donne envie de cliquer ?
01:03 Les notifications c'est l'équivalent numérique du gars qui te tape sur l'épaule.
01:07 Du coup, du gars un peu relou qui ne s'arrête pas.
01:10 Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.
01:13 Des méthodes pour vous faire passer un maximum de temps sur votre téléphone,
01:17 les applis en ont un paquet en stock.
01:20 On va décrypter tout cela ensemble pour que vous puissiez reprendre le contrôle de votre vie.
01:25 Nous consultons en moyenne notre téléphone 221 fois par jour,
01:32 soit plus de 1500 fois par semaine.
01:35 Un jeune sur 4 serait addict à son téléphone,
01:37 avec tous les effets néfastes que cela entraîne,
01:40 cela peut déclencher des troubles anxieux et parfois même finir en dépression.
01:44 Soyez honnête, combien de fois vous êtes-vous surpris à passer des heures sur un réseau social
01:50 alors que vous aviez une toute autre idée en tête en prenant votre smartphone ?
01:53 Pendant ce temps-là, vous n'avez pas joué de la guitare,
01:56 ni même cuisiné un truc à manger,
01:58 ni même parlé à vos proches ?
01:59 Parfois, vous avez même oublié d'aller dormir ?
02:02 Ce n'est pas de votre faute, c'est fait exprès.
02:04 Les plus grandes sociétés du numérique,
02:06 comme Facebook, Google, Instagram, TikTok, Twitter,
02:10 ne dépendent que d'une chose, le temps que vous passez dessus.
02:14 Plus vous cliquez, plus ils s'enrichissent.
02:17 Et ceci grâce aux revenus publicitaires et aux contenus sponsorisés.
02:21 Le plus efficace, c'est de jouer sur vos émotions
02:25 à chaque fois que vous cliquez, likez, commentez, partagez.
02:28 Vous nourrissez l'algorithme, vous lui donnez des renseignements sur vous, vos goûts.
02:33 Et il devient de plus en plus pertinent.
02:35 Et vous, de plus en plus accro.
02:37 C'est ce que vit Camélia.
02:39 À 26 ans, elle est étudiante,
02:41 la spirale de l'enfer a commencé avec le confinement.
02:43 Elle a passé des heures sur son téléphone
02:46 et elle a développé ce réflexe de le consulter de manière compulsive.
02:49 J'ai besoin de consommer cette information tout le temps, tout le temps, tout le temps.
02:53 C'est devenu une addiction, c'est-à-dire même quand il n'y a pas de notification,
02:56 j'ai à voir le réflexe de taper deux fois
02:58 pour voir si je n'ai pas manqué quelque chose, au cas où.
03:01 Donc, oui, c'est un peu compliqué.
03:04 Je commence à avoir mal au cou à cause de ça, parce que j'ai tout le temps la tête baissée.
03:07 Même dans la rue, quand je marche, je suis sur le téléphone,
03:09 je me prends souvent des gens, des potos, parce que
03:12 je suis tout le temps littéralement comme ça, comme ça, comme ça.
03:15 Elle passe près de 6 heures par jour sur son téléphone.
03:18 C'est le double du temps moyen de sa classe d'âge.
03:22 J'ai vraiment envie d'arrêter pour faire d'autres choses.
03:24 Au lieu de rester sur mon canapé à regarder pendant des heures ça,
03:27 je peux me faire un bon petit plat au lieu de faire des pâtes comme ça en toute vitesse
03:31 avant d'aller dormir parce qu'il est déjà trop tard.
03:34 Refaire un peu de sport aussi,
03:36 faire mes vidéos, chanter avant que ce soit trop tard pour les voisins,
03:39 faire des choses, enfin, des choses de la vie réelle,
03:42 vraiment des choses physiques, quoi.
03:44 Alors que là, je suis complètement passive et je regarde des personnes vivre une vie active.
03:49 Donc, j'ai envie de renverser l'attente en soi.
03:52 Pourquoi c'est si dur de poser son téléphone ?
03:54 De résister à l'appel de l'écran ?
03:57 La réponse se trouve dans notre cerveau.
04:00 La captologie utilise ce qu'on appelle le circuit de la récompense.
04:03 La dopamine est la molécule qui nous fait ressentir la sensation de plaisir dans notre corps.
04:09 À l'origine, notre cerveau sécrète de la dopamine naturellement,
04:12 lorsque nous réalisons une action nécessaire à notre survie.
04:16 Lorsque l'on mange, lorsque l'on boit ou lorsqu'on fait l'amour.
04:19 De la même manière, les actions disponibles, comme les likes, les emojis,
04:23 les trois petits points qui nous indiquent que quelqu'un est en train d'écrire un commentaire,
04:27 ou encore les statistiques de vues sur nos réseaux sociaux quand elles sont bonnes,
04:31 vont activer ces neurotransmetteurs dans notre cerveau
04:34 et provoquer une grande dose de plaisir qui va être mémorisée.
04:37 Le simple fait de prendre son téléphone dans les mains peut libérer de la dopamine,
04:41 car le cerveau va anticiper la récompense.
04:44 Un peu comme une drogue, c'est un mécanisme d'addiction qui se met en place.
04:48 Selon une étude menée par une entreprise de data marketing,
04:51 TikTok est de loin le réseau social le plus addictif.
04:55 Les internautes passent en moyenne plus d'une heure et demie par jour dessus.
04:59 C'est plus que YouTube, une heure quinze environ, et près du double d'Instagram et de Facebook.
05:05 Pour mieux comprendre comment ça fonctionne, je suis allé à la rencontre d'un spécialiste.
05:09 Marc Fadoul a étudié à l'université de Berkeley, en Californie,
05:13 puis travaillé chez Facebook en tant que chercheur, avant de fonder une ONG,
05:18 qui analyse les algorithmes pour leur donner plus de transparence.
05:22 Il a notamment épluché la méthode TikTok.
05:25 [Musique]
05:31 En fait, il y a quelques spécificités dans le design de l'application
05:35 qui font qu'on a tendance à y passer beaucoup plus de temps,
05:38 notamment parce que l'algorithme a tendance à identifier très rapidement
05:42 quels vont être les intérêts spécifiques de l'utilisateur qu'il vient de rencontrer.
05:46 Une des raisons pour ça, c'est que c'est du contenu très court,
05:48 donc ça va être des contenus uniquement de 5-10 secondes,
05:51 qui vont donner plus de capacité à l'algorithme pour tester.
05:56 Donc il fait un test, ça me coûte même parfois une seconde,
05:59 les gens scrollent très très vite.
06:00 Donc toutes les secondes, on donne une info et un nouveau point
06:04 pour que l'algorithme puisse apprendre si jamais je suis intéressé par ça ou pas.
06:09 En plus, ce point d'information est particulièrement précis
06:12 parce qu'on voit un seul post à la fois.
06:15 Donc c'est-à-dire que si je suis sur YouTube, il me met 20 vidéos et je vais cliquer sur une.
06:20 Donc du coup, l'algorithme ne peut pas vraiment déduire des 19 autres
06:23 si elles étaient toutes nulles ou pas.
06:25 Il peut juste deviner "ah oui, celle-là, elle m'a intéressé".
06:27 Alors que TikTok, à chaque fois que je scrolle, il sait "ah ça, ça ne m'intéresse pas, ça ne m'intéresse pas".
06:31 Et donc c'est en fait beaucoup plus nuancé, beaucoup plus précis comme jeu d'entraînement.
06:35 Et ça, ça permet à l'algorithme d'apprendre beaucoup plus vite.
06:38 Du coup, l'algorithme est très puissant.
06:40 En plus de ça, par rapport à Facebook par exemple ou Instagram,
06:45 où on va avoir des réseaux sociaux qui sont encore très orientés sur le réseau personnel de la personne,
06:51 où au final, ce qu'on va consommer, ça va être le contenu des gens qu'on suit.
06:55 Sur TikTok, on consomme du contenu qui peut venir de partout dans le monde.
06:59 Donc l'algorithme va pouvoir sélectionner vraiment le contenu le plus viral,
07:03 le plus engageant, le plus addictif.
07:05 Et c'est pour ça aussi que les gens ont tendance à y passer plus de temps.
07:09 Je dirais un dernier point, c'est que TikTok est extrêmement "paternaliste" sur le contenu qu'on va consommer.
07:18 Ça revient encore justement à ce fait qu'il y en a une seule vidéo à la fois.
07:23 Donc on enlève complètement le pouvoir décisionnel de l'utilisateur.
07:28 - Et l'effort aussi. - Et l'effort, exactement.
07:30 Et justement, vu qu'il n'y a plus d'effort, c'est tellement facile d'y rester pendant des heures
07:33 parce qu'on n'a pas à se demander "Qu'est-ce que je vais regarder ? Est-ce que je continue cette vidéo ou pas ?"
07:38 Et en plus, le coût marginal pour regarder la vidéo suivante, vu que c'est des vidéos courtes, est très faible.
07:43 Alors que sur YouTube, je me dis "Est-ce que je vais regarder cette autre vidéo de 10 minutes ?"
07:46 Bon, 10 minutes, ça fait quand même beaucoup.
07:48 Alors qu'est-ce que c'est 10 secondes ? Bah non, 10 secondes, c'est rien du tout.
07:51 Je peux le faire 100 fois de suite et au final, ça fera une demi-heure.
07:53 Pour affiner leur attractivité, les entreprises digitales procèdent en permanence à ce qu'on appelle l'A/B testing.
08:00 Elles expérimentent sur un échantillon d'utilisateurs choisis au hasard,
08:04 une version légèrement modifiée pour voir si un changement de design va permettre de garder l'utilisateur le plus longtemps possible.
08:12 Tout changement est ainsi précisément mesuré à l'avance.
08:15 Alors ça, c'est une conséquence directe de leur modèle économique.
08:18 Ils sont essentiellement basés sur un modèle publicitaire.
08:21 Et en fait, ce nombre de pubs qu'ils peuvent imprimer est proportionnel à la quantité de contenu consommé.
08:27 Parce que, par exemple, sur YouTube, c'est une pub au début de chaque vidéo,
08:30 maintenant, parfois deux, parfois même au milieu.
08:33 Mais en tout cas, c'est proportionnel au nombre de vidéos.
08:35 Sur Facebook ou Instagram, ça va être tous les trois posts, on va avoir une pub.
08:39 Et donc, évidemment, plus on va scroller, plus on va avoir l'occlusion de mettre des pubs et plus ils vont pouvoir ensuite monétiser derrière.
08:47 Est-ce que c'est grave de passer autant de temps sur les réseaux sociaux ?
08:52 Eh bien, oui, ça peut l'être.
08:54 Une étude britannique publiée par la célèbre revue The Lancet a démontré qu'une consommation excessive des réseaux sociaux
09:01 avait des conséquences graves sur la santé mentale.
09:04 Les ados les plus fréquemment connectés sont aussi ceux qui sont le plus susceptibles d'être déprimés
09:09 ou d'exprimer le plus de mal-être, et ce, au-delà de deux heures quotidiennes d'utilisation.
09:15 Nous avons contacté TikTok.
09:16 La firme chinoise a décliné notre demande d'interview, mais nous a répondu par email.
09:21 D'ici quelques semaines, tous les comptes d'utilisateurs de moins de 18 ans
09:25 se verront automatiquement appliquer une limite de 60 minutes de temps d'écran quotidien,
09:30 après quoi un mot de passe leur sera demandé.
09:32 Si l'adolescent désactive la limite par défaut de 60 minutes
09:36 et qu'il dépasse 100 minutes d'écran sur une journée,
09:39 il recevra une alerte l'invitant à définir une limite de temps quotidienne.
09:44 Ces notifications seront-elles suffisantes pour lutter contre cette envie de passer des heures à scroller ?
09:50 Comment faire une utilisation raisonnable de ces réseaux sociaux ?
09:54 Je suis allé à la rencontre de Tim Krief, un développeur indépendant.
09:58 Lui-même en avait marre de se faire piéger son temps libre par les applis, notamment YouTube.
10:03 Alors, avec des copains web-designers, ils ont créé Minimall,
10:07 une extension web open source qui vise à contrer les pièges des algorithmes en supprimant les tentations.
10:14 Si jamais on vous envoie un lien pour regarder une vidéo d'une conférence sur YouTube,
10:19 parce que YouTube a une sorte de monopole, pas total,
10:22 mais il y a de fortes chances, si on vous envoie un lien d'une vidéo, ce sera sur YouTube.
10:26 Il y a de fortes chances pour que vous vouliez juste regarder cette vidéo et passer à autre chose.
10:31 Quand vous allez arriver sur le site web, si vous n'avez pas justement Minimall,
10:35 vous allez avoir une barre de suggestions qui vous sera proposée, non seulement une barre,
10:38 mais en plus vous aurez un petit bouton "vidéo suivante" qui sera déjà prévu.
10:42 La lecture automatique de la vidéo suivante, c'est très intéressant parce que
10:45 là on est dans un cas parfait pour expliquer un biais cognitif.
10:48 La lecture automatique, vous allez être devant votre écran, vous avez deux choix possibles.
10:53 Regarder la vidéo suivante, ne pas regarder la vidéo suivante.
10:55 Le problème, c'est que regarder la vidéo suivante, vous n'avez rien à faire pour la regarder.
10:59 Absolument rien à faire.
11:01 Pour ne pas regarder la vidéo suivante, vous devez mettre la main sur la souris,
11:04 mettre le petit curseur sur un tout petit bouton et dire "non, je ne veux pas", annuler.
11:09 L'effort à fournir pour ne pas regarder la vidéo suivante est bien plus grand que ne rien faire.
11:13 Et donc on arrive très facilement à vous pousser à faire un choix plutôt qu'un autre.
11:16 On comprend qu'un fournisseur de vidéos aimerait que tu regardes plus longtemps des vidéos sur son site.
11:21 Mais on aimerait que le service soit de tellement bonne qualité que les gens veulent volontairement y rester.
11:28 Et non pas simplement qu'on les force à rester d'une manière en ne tenant leur biais cognitif par exemple.
11:34 Avec Minimal, quand vous arrivez, vous avez la vidéo en plein écran puisque c'est ça que vous voulez voir.
11:38 Et puis vous n'avez pas de suggestions supplémentaires, vous n'avez pas une vidéo qui est chargée pour la suite, etc.
11:44 Ça vous permet juste de pouvoir reprendre le fil de votre vie une fois que vous avez terminé avec ce lien qu'on vous a envoyé.
11:49 Tim et ses collègues aimeraient que les pouvoirs publics légifèrent sur la question et interdisent certaines fonctionnalités addictives.
11:57 Aux Etats-Unis, en 2019, un sénateur a écrit un projet de loi pour interdire le scroll infini.
12:03 La mesure n'a pas été adoptée.
12:05 Cet épisode vous a donné envie de faire une petite cure de désintoxication ? Voici quelques conseils.
12:11 Essayez d'avoir le moins d'applications possibles sur votre téléphone et utilisez directement la version via le navigateur de votre smartphone.
12:18 Elle va être un peu moins pratique et surtout, elle ne vous enverra pas de notifications.
12:23 Vous pouvez programmer votre téléphone pour passer votre écran en noir et blanc à partir d'une certaine heure le soir pour éviter de scroller toute la nuit.
12:31 Il existe plein d'alternatives intéressantes et open source comme ProtoMail, le concurrent Gmail, Mastodon, alternative de Twitter,
12:39 Peertube, alternative de YouTube, des plateformes beaucoup moins addictives. Certes, pas encore très populaires, mais plus on est à y aller et plus elles pourront à terme se développer.
12:51 Vous pouvez aussi sortir de chez vous de temps en temps sans votre téléphone pour faire une course par exemple.
12:56 Vous serez sans doute le seul à être le nez en l'air dans la queue du supermarché, mais plusieurs études l'ont démontré, ça fait du bien de s'ennuyer.
13:04 C'est bon pour le cerveau et pour la créativité.
13:07 Internet est une mine d'or pour vous informer, alors ne vous en privez pas, mais gardez en tête que chaque clic est analysé.
13:14 Votre temps, c'est le gagne-pain de tous ces réseaux. Et la vie réelle, c'est cool aussi. A bientôt !
13:21 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]
13:27 [Silence]