La politique et moi - Brigitte Klinkert

  • l’année dernière
Brigitte Klinkert, députée Renaissance du Haut-Rhin.
Elle revendique une façon féminine de faire de la politique. Brigitte Klinkert a elle-même ouvert la voie à d'autres femmes dans son département, avant de devenir ministre, puis députée: une pionnière à sa façon.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcript
00:00 Tout a commencé pour elle avec un porte-clé de Jean Le Canuet.
00:04 Mon invité a été président de département,
00:07 ministre et aujourd'hui député,
00:09 une pionnière à sa façon.
00:11 Musique intrigante
00:14 ...
00:26 Bonjour, Brigitte Klinkert. -Bonjour.
00:29 -Vous n'êtes pas du genre à monter sur les barricades,
00:32 le point levé, et pourtant, vous avez été un peu
00:35 à l'origine d'une petite révolution
00:37 dans votre département, le département du Haut-Rhin.
00:40 C'était à l'occasion des élections cantonales en 1994.
00:44 -Mon ambition n'était pas du tout d'être la première femme
00:47 au Conseil général du Rhin.
00:49 Mon ambition, c'est plutôt de servir Colmar et les Colmariens.
00:53 Ce que je souhaite apporter de plus, c'est, je crois,
00:56 de plus en plus de possibilité, ma façon, en tant que femme,
00:59 d'aborder les problèmes, c'est-à-dire une façon
01:02 plus concrète, plus réaliste.
01:04 -On l'a compris, vous avez été la première femme
01:06 élue au département du Haut-Rhin.
01:09 Je le disais, il y a un côté pionnière chez vous,
01:12 mais pas forcément militante des droits des femmes,
01:15 en tout cas, pas à vos débuts. Pourquoi ?
01:17 -En effet, je suis devenue, avec le temps,
01:19 militante du droit des femmes, parce que, tout simplement,
01:23 j'ai été élue conseillère générale en 1994,
01:26 première femme, et je me suis dit,
01:29 voilà, j'ai ouvert la porte aux femmes.
01:31 Dans trois ans, dans six ans,
01:33 d'autres vont intégrer notre assemblée,
01:35 et il a fallu attendre la loi sur la parité
01:38 pour que d'autres femmes viennent me rejoindre.
01:40 Et du coup, au temps où j'étais contre les quotas,
01:43 je me suis dit, il faut qu'on passe par une loi sur la parité
01:46 pour permettre aux femmes de s'exprimer en politique.
01:49 -Vous avez découvert que rien ne pourrait se faire
01:52 naturellement pour les femmes dans ce milieu-là ?
01:55 -Oui, que c'était compliqué,
01:57 parce qu'il faut s'imposer,
01:59 qu'il faut aimer le pouvoir.
02:02 Moi, j'aime le pouvoir,
02:04 mais pour être au service des autres,
02:06 et pas le pouvoir pour le pouvoir.
02:08 -Quand vous dites, dans cet archive,
02:10 que les femmes font de la politique différemment des hommes,
02:14 c'est ce que vous avez en tête ?
02:16 -Oui, je pense qu'on est beaucoup plus concrète.
02:18 On est aussi, je dois dire, tenaces, en tout cas.
02:22 Je suis connue pour ma ténacité,
02:24 et parce que, moi, je fais de la politique
02:28 au sens noble du terme,
02:30 pour aider les autres, aider les gens.
02:32 -Alors que les hommes sont peut-être plus obsédés par le pouvoir ?
02:35 -Oui, je pense que souvent, il ne faut pas généraliser,
02:39 c'est le pouvoir pour le pouvoir.
02:41 Je vais vous raconter une petite expérience.
02:43 En 2008, j'étais candidate
02:45 aux élections municipales à Colmar.
02:47 Je me souviens bien qu'à l'époque,
02:49 il y avait beaucoup d'hommes qui venaient,
02:51 qui voulaient être sur ma liste,
02:53 mais aussi adjoints, voire tout de suite
02:55 premier adjoint meurant.
02:57 -Ils réclamaient les postes de commandement.
02:59 -Alors que les femmes, j'ai dû aller les chercher.
03:02 -C'était pas pareil.
03:04 -Elles se disaient, "Est-ce que je suis compétente ?
03:07 "J'ai pas d'expérience ?"
03:08 -En 2017, vous avez franchi une étape de plus,
03:11 vous avez été élue présidente du département.
03:13 Est-ce que ça a été compliqué pour certains hommes
03:16 de vous accepter dans ces fonctions ?
03:19 -Non. -Non, vous n'allez...
03:20 -Certes, je pense que ce sont les femmes aussi
03:23 qui m'ont beaucoup aidée à être élue,
03:25 mais je suis aussi une femme de consensus.
03:28 Et donc, en alliant à la fois mes compétences
03:31 et le sens du consensus, ça a été assez facile.
03:34 Mais là aussi, une petite anecdote,
03:36 quand on savait que j'allais être élue présidente,
03:39 les services m'ont dit, "On pourrait peut-être déjà
03:41 "commencer à préparer le papier à lettres."
03:44 Ils me disaient, "Qu'est-ce qu'on met sur le papier à lettres,
03:47 "pour être présidente ?"
03:49 J'ai trouvé la question farfelue, j'ai dit, "Evidemment présidente."
03:52 J'avais un collègue à mes côtés qui m'a dit, "Tu es sûre ?"
03:55 "Oui, mais pourquoi ?" "Parce que président,
03:58 "c'est quand même beaucoup plus fort que présidente."
04:01 -Les mentalités n'avaient pas totalement évolué encore.
04:04 Vous vous êtes engagée en politique à l'âge de 18 ans.
04:07 Vous avez rejoint le CDS, le Centre des démocrates sociaux,
04:10 sauf qu'à l'époque, votre mère a eu du mal à l'accepter. Pourquoi ?
04:14 -Alors, maman était la fille,
04:16 donc de mon grand-père, qui était maire de Colmar
04:20 pendant 30 ans, et je pense que souvent, quand même,
04:23 la politique saute une génération,
04:25 parce que les enfants se rendent bien compte
04:28 que ça demande beaucoup de temps, un investissement très, très fort.
04:33 Et quand je lui ai dit un jour, "Maman, là, je vais partir
04:36 "en mois de juillet à l'université d'été
04:39 "des jeunes démocrates sociaux",
04:41 elle m'a dit, "C'est juste pas possible."
04:43 -Votre grand-père maternel, Joseph Ray,
04:45 a marqué la vie politique locale de Colmar en étant maire pendant 30 ans.
04:49 Vous étiez déjà très intéressée par la politique
04:52 au point de vouloir l'accompagner au meeting de Jean Le Canuet.
04:56 -Oui. En effet, j'allais à l'époque à l'école primaire,
05:00 et puis on annonce la venue de Jean Le Canuet
05:03 pour un meeting à Colmar, et j'avais très envie d'y aller,
05:06 mais c'était juste pas possible, j'avais 9 ans et j'avais classe.
05:10 Et du coup, mon grand-père m'a rapporté
05:12 un joli porte-clés... -Vous êtes venue avec.
05:15 -Précieusement. -On voit en photo.
05:17 -Porte-clés de Jean Le Canuet. -Qui était la principale
05:20 personnalité de la famille politique centriste.
05:23 -Et candidat à l'époque à l'élection présidentielle.
05:26 -Cet engagement de votre grand-père a compté
05:28 dans votre propre engagement ?
05:30 Ca a été déterminant pour vous ?
05:32 -Alors, difficile à dire.
05:34 C'est vrai que mon grand-père m'emmenait,
05:37 par exemple, les jeudis après-midi ou les dimanches matin,
05:40 voir l'un ou l'autre chantier.
05:43 C'est ainsi que j'ai le souvenir d'un chant
05:45 sur lequel il n'y avait rien,
05:47 mais je voyais qu'il y avait des travaux,
05:49 et que pour mon grand-père, c'était très important.
05:52 Il s'agissait de l'implantation de la première entreprise,
05:56 l'entreprise Timcan, une entreprise américaine,
05:59 dans ce qui allait devenir la zone industrielle de Colmar.
06:02 -Et ça, pour vous, c'est...
06:04 -Ca a été marquant pour moi,
06:07 de créer des emplois pour les colmariens.
06:11 Et puis d'autres souvenirs.
06:12 Une fois qu'il voyait que je m'intéressais à la politique,
06:16 il m'a emmenée avec lui à des réunions franco-allemandes,
06:19 d'élus franco-allemands.
06:20 Et là aussi, j'ai trouvé que ce que mon grand-père faisait
06:24 était juste incroyable, parce qu'il avait été résistant,
06:27 emprisonné par les Allemands, condamné à mort,
06:30 même par les Nazis, pas par les Allemands,
06:32 par les Nazis, et il a été l'un des premiers
06:35 à tendre la main à nos voisins.
06:37 -Pour revenir sur ces liens
06:39 qui vous tiennent à coeur avec l'Allemagne,
06:41 et pas seulement, avec la Suisse,
06:43 j'aimerais qu'on évoque ce qui s'est passé en 2020
06:46 dans votre département, que vous présidiez à l'époque,
06:49 avec le Covid.
06:50 Ca a été le premier département touché,
06:52 la situation est devenue catastrophique,
06:55 il n'y avait plus aucune place dans les hôpitaux
06:57 pour prendre en charge les patients,
06:59 et c'est là que vous avez pu éprouver, en quelque sorte,
07:03 la solidité des liens que vous avez tissés au fil du temps
07:06 avec vos homologues allemands et suisses.
07:08 Racontez-nous.
07:09 -Tout à fait. Je me suis retrouvée le 20 mars 2020
07:12 dans mon bureau de présidente du Conseil départemental du Haut-Rhin.
07:16 J'entendais les hélicoptères sanitaires
07:18 qui partaient avec des malades de réanimation,
07:21 des avions sanitaires qui partaient,
07:23 un hôpital militaire qui n'en finissait pas
07:26 de se monter à Mulhouse,
07:27 et je me suis dit, on va jamais s'en sortir.
07:29 Et les frontières étaient fermées, il faut juste se le rappeler,
07:33 d'ailleurs, j'en ai pleuré, que les frontières soient fermées
07:37 en Allemagne et la Suisse également.
07:39 J'ai adressé un mail au ministre président du Bas-Durtambert,
07:42 un mail également aux trois présidents
07:44 des cantons suisses voisins,
07:46 Balleville, Balle-Campagne et Dujura,
07:48 et je les ai appelés à l'aide.
07:50 Je leur ai dit qu'on n'arrivait pas à s'en sortir,
07:52 est-ce que vous avez la possibilité de prendre des patients
07:56 de réanimation chez vous ?
07:57 J'y croyais pas, je me suis dit,
07:59 je ne vais pas avoir de réponse négative,
08:01 et les réponses sont arrivées le soir même et le lendemain matin,
08:05 les premiers patients alsaciens, français,
08:08 ont été transférés en Allemagne,
08:10 ensuite en Suisse et ensuite dans d'autres pays.
08:12 Ces décisions, ils les ont prises pour vous
08:14 en raison de ces liens d'amitié ?
08:16 Dans l'opinion publique allemande,
08:18 ça ne devait pas être évident de faire passer ces décisions.
08:21 J'ai coutume de dire que les relations transfrontalières
08:25 et la coopération internationale reposent sur deux choses.
08:28 Il faut une volonté politique et il faut des liens étroits
08:31 avec ses partenaires.
08:32 C'est sur la base de ces liens étroits
08:35 que j'avais réussi à construire,
08:36 que ces transferts de patients ont pu se faire
08:39 et que la coopération transfrontalière a sauvé des vies.
08:42 C'est ce que j'allais vous poser.
08:44 Vous pensez avoir sauvé des vies grâce à ça ?
08:46 C'est difficile de mettre ça en avant,
08:49 mais clairement, encore au mois de septembre dernier,
08:52 un couple est venu à ma permanence à Colmar
08:55 et en pleurant, m'a dit, "Moi, je suis là..."
08:58 C'était un homme.
09:00 "Moi, je suis là grâce à vous.
09:02 "Si vous n'aviez pas été là, je ne serais certainement plus en vie."
09:06 -J'imagine que c'est une fierté pour vous.
09:09 -Je n'ose pas dire une fierté,
09:11 parce que c'est terrible quand même à entendre,
09:14 mais en même temps, jamais, en tant que femme politique,
09:17 en tant qu'élue, je ne pensais un jour sauver des vies.
09:20 -Vous aurez été utile à ce point-là par un engagement public.
09:23 -Exactement.
09:24 -En 2022, après votre élection à l'Assemblée,
09:27 vous êtes présentée pour devenir la présidente
09:30 de l'Assemblée parlementaire franco-allemande.
09:33 Vous avez été élue.
09:34 Vous expliquez que c'était le seul poste
09:36 qui vous intéressait dans tous les postes possibles
09:39 quand on est député.
09:40 Expliquez-nous en quoi ça consiste,
09:42 cette Assemblée franco-allemande.
09:44 Je ne suis pas sûr que tout le monde connaisse bien.
09:47 -C'est une Assemblée qui a été créée en 2019.
09:50 C'est une assemblée extraordinaire.
09:52 C'est la seule assemblée binationale
09:54 qui existe au monde.
09:55 Elle est composée de 50 députés français,
09:58 de la Côte d'Azur, de l'Understag,
10:00 et nous nous réunissons,
10:01 nous travaillons en groupe de travail également,
10:04 pour essayer d'adopter des textes communs,
10:07 donc essayer de nous mettre d'accord
10:09 sur des sujets stratégiques,
10:10 comme actuellement la souveraineté énergétique.
10:13 Nous allons travailler également sur les questions de défense,
10:17 mais aussi des questions, j'allais dire,
10:19 qui concernent le quotidien des gens.
10:21 Alors, ça n'est pas toujours facile,
10:23 nous ne sommes pas toujours d'accord,
10:25 mais ce qui est très intéressant, c'est que nous nous disons les choses.
10:29 Entre parlementaires, nous avons un langage très clair
10:32 qui nous permet d'avancer, j'ai envie de dire,
10:35 vers un avenir commun et une coopération
10:37 beaucoup plus développée.
10:38 -Un mot sur votre passage au gouvernement de Jean Castex,
10:42 puisque, avant d'être député, vous avez été ministre délégué
10:45 à l'insertion. Est-ce que votre perception de l'Assemblée
10:48 en tant que ministre de l'Assemblée et des députés
10:51 était différente de celle que vous avez aujourd'hui ?
10:54 -La première fois que je suis arrivée en tant que ministre
10:57 sur le banc du gouvernement à l'Assemblée,
11:00 lors des QAG, des questions au gouvernement,
11:02 je me suis dit "Mais quel cirque, ici !"
11:04 En fait, aujourd'hui, on se rend compte,
11:08 en effet, qu'à l'Assemblée nationale,
11:10 malheureusement, on ne se respecte pas forcément
11:13 les uns les autres, qu'il y a beaucoup d'insultes qui fusent,
11:17 et je le regrette profondément.
11:20 Pour moi, l'Assemblée nationale doit d'ailleurs
11:24 travailler avec le gouvernement,
11:27 quel qu'il soit et de quelque partie qu'on soit,
11:30 pour faire avancer les projets pour la France,
11:32 et c'est pour cela que je me suis investie.
11:35 -On passe à notre quiz. Je vous explique le principe.
11:38 Je commence une phrase, et ça va être à vous
11:40 de compléter cette phrase. On y va.
11:43 Les députés qui rêvent de devenir ministre...
11:45 -Il ne faut pas en rêver, ça vous arrive un jour,
11:48 sans que vous ne demandiez rien.
11:50 -On reconnaît les marathoniens en politique à...
11:53 -Leur endurance. -Vraie endurance physique,
11:55 vous le constatez ? -Oui, clairement.
11:57 L'endurance et la ténacité.
12:00 -On vous voit avec votre club colmarien.
12:04 -Où avez-vous pu trouver cette photo ?
12:06 -Pour un Alsacien, les Français de l'intérieur sont vraiment...
12:10 -Sont vraiment...
12:13 Vous savez, il n'y a pas plus français qu'un Alsacien.
12:16 -Pour bien expliquer,
12:17 les Français de l'intérieur, c'est la façon dont les Alsaciens
12:21 sont les plus forts du reste de la France.
12:23 Il faut juste savoir que ça n'est absolument pas péjoratif,
12:27 mais c'est comme ça qu'on parle des Français, outre Vosges.
12:30 -Bon, mais écoutez...
12:31 -Les Vosges, qu'on le veuille ou non,
12:34 sont une barrière physique, alors que le Rhin unit.
12:37 Déjà, Victor Hugo disait "Le Rhin unit tout".
12:40 -Merci beaucoup, Brigitte Klinkert,
12:42 d'être venue dans "La Politique et moi".
12:45 -Merci à vous.
12:46 (Générique)
12:49 ---
13:03 et à la prochaine.

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