Crise au Soudan : Décryptage du réchauffement diplomatique dans le Moyen-Orient
Hassan Alaoui, Directeur de publication de Maroc Diplomatique
Jawad Kerdoudi, Président de l'IMRI
Hassan Alaoui, Directeur de publication de Maroc Diplomatique
Jawad Kerdoudi, Président de l'IMRI
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00:00 (Musique)
00:08 Alors on se retrouve chers auditeurs et donc je vous souhaite la bienvenue
00:12 Monsieur Hassan Alawi, bonjour.
00:14 Bonjour Madame.
00:16 Donc je rappelle que vous êtes le fondateur du titre "Maroc diplomatique".
00:19 Co-fondateur s'il vous plaît.
00:20 Voilà, co-fondateur et donc...
00:22 On a eu le soin.
00:23 D'accord, donc Ayjawad Kurdodi, bonjour.
00:26 Bonjour Madame Fatem Zahra.
00:28 Donc vous êtes président de l'Institut marocain des relations internationales.
00:32 Donc on entame la discussion.
00:34 Donc l'Iran n'a jamais rompu ses relations avec la Syrie, qu'elles soient économiques ou militaires.
00:39 Riyad avait, elle, rompu ses relations diplomatiques avec Damas,
00:43 a œuvré à la chute du régime.
00:46 12 ans plus tard, aujourd'hui, les Saoudiens redeviennent un soutien pour le régime de Bashar al-Assad.
00:52 Alors je m'adresse à vous Ayjawad Kurdodi.
00:55 Comment peut-on expliquer ce revirement de la position de l'Arabie Saoudite envers le régime de Damas ?
01:01 Alors écoutez, j'ai une théorie personnelle.
01:04 J'espère que mon ami Serhassan sera d'accord avec moi.
01:08 Moi je crois que tout ça provient de MBS, Mohamed Ben Salman,
01:15 qui avait été humilié, n'oublions pas, qui avait été humilié par Biden.
01:21 Et donc j'ai l'impression qu'il ne supporte plus les relations telles qu'elles étaient établies
01:31 depuis le pacte de Kinshi en 1945.
01:35 Et donc il veut s'en débarrasser, et il veut aussi être une puissance régionale.
01:45 Et c'est pour cela qu'il a tout d'abord, le 10 mars 2023, signé un accord à Pékin
01:55 rétablissant les relations diplomatiques avec l'Iran.
02:00 Qui aurait pu penser que l'Arabie Saoudite allait s'allier avec l'Iran ?
02:04 Donc Mohamed Ben Salman, MBS, a été très fort.
02:10 Et donc il veut aussi le retour de la Syrie au sein de la Ligue Arabe,
02:18 toujours pour être une puissance régionale.
02:23 Et enfin, il faut aussi le dire, l'Arabie Saoudite a demandé son adhésion au BRICS,
02:30 c'est-à-dire Brésil, Russie, Inde.
02:34 Et ça c'était aussi inimaginable.
02:37 Donc moi j'explique tout ça par un renversement des alliances
02:42 pour que l'Arabie Saoudite puisse devenir une puissance régionale
02:49 et s'éloigner de l'Occident, puisqu'en allant vers les BRICS,
02:53 évidemment, elle s'éloigne de l'Occident.
02:56 - A présent je m'adresse à vous, M. Hassan El Ghaoui.
03:00 Alors, Jawad Kurdodi a cité l'accord qui a été signé à Pékin,
03:05 le 10 mars, là où tout a commencé, on va dire.
03:08 Alors, aujourd'hui on se demande, est-ce que l'Arabie Saoudite
03:11 n'est pas en train d'aller sur les marches de la Chine
03:14 et de la politique étrangère chinoise,
03:16 qui est en quelque sorte, qui noue des alliances pour des coopérations
03:23 assez bien déterminées, sans faire attention aux conflits d'antan et aux anciens conflits.
03:32 - Alors, je voudrais d'abord commencer par une petite précision,
03:35 que cette visite, si vous voulez, du chef de l'état iranien en Syrie,
03:41 c'est la première depuis 2010.
03:44 2010, c'est un contexte particulier, c'est une révolution totale au Moyen-Orient,
03:49 voire au Maghreb, puisque c'est à partir de cette date aussi
03:53 que les choses ont changé en Libye.
03:56 Et donc, en même temps, il y avait, si vous voulez, ce qu'on a appelé la guerre civile
04:03 très très longue et dure en Syrie,
04:07 et que le régime de Bachar el-Assad a été placardé, isolé, combattu même.
04:16 Et donc, aujourd'hui, il a vécu dans l'isolement total,
04:19 et c'est seulement l'Iran, la seule puissance iranienne régionale,
04:23 qui l'a soutenue sur tous les plans.
04:25 Humain, politique, économique, social, diplomatique, et tout et tout.
04:31 Aujourd'hui, donc, c'est une consécration pour Bachar el-Assad.
04:34 Non que ça résoudra tout de suite le problème, si vous voulez,
04:38 du statut personnel de Bachar el-Assad, et par conséquent de la Syrie,
04:44 mais il y a des enjeux.
04:45 C'est comme d'habitude, c'est comme au Liban,
04:47 il y a des interférences inter-arabes,
04:51 qui, je veux dire, qui atterrissent dans cette région et dans ce pays particulier.
04:55 Comme autrefois.
04:56 Aujourd'hui, ce sont donc ces pays de la région qui s'interfèrent,
05:00 et qui, évidemment, impliquent la Syrie, je dirais, presque malgré elle.
05:05 Et l'Iran est le premier, donc, à arriver.
05:09 L'Iran vient de reconquérir un petit peu un statut de normalisation,
05:13 comme vous disiez, grâce à l'Arabie Saoudite et à la Chine, bien sûr.
05:16 Ça change beaucoup.
05:18 Mais, personnellement, moi, je trouve que, je suis d'accord avec ce que dit Jean-Marc,
05:23 il y va aussi de l'effet personnel du prince héritier saoudien,
05:27 qui, lui, bien sûr, veut normaliser tout,
05:30 mais peut-être, moi, je pense qu'il y a une vision personnelle
05:35 que, forcément, les autres ne peuvent pas,
05:37 je veux dire, à laquelle ils ne peuvent pas adhérer, forcément.
05:42 Donc, il y a aussi une rivalité sourde dans la grande normalisation,
05:48 malgré tout, la Chine, évidemment, elle est le maître des jeux,
05:53 elle va intervenir bientôt, même, peut-être ailleurs, en Libye ou je ne sais quoi,
05:57 n'est-ce pas, parce que maintenant, elle est devenue la clé en Ukraine aussi.
06:00 Donc, une fois que la normalisation a été bâtie,
06:04 c'est, entre guillemets, la normalisation,
06:06 il y a maintenant le sommet arabe qui va arriver,
06:10 que l'Arabie Saoudite va absolument organiser avec succès, n'est-ce pas ?
06:13 - Le 19 mai, il me semble. - Tout à fait.
06:16 Et que, évidemment, il ne veut laisser à personne, si vous voulez,
06:20 ni l'autorité, ni la capacité d'intervenir.
06:23 Et je vise par là, je vise l'Algérie,
06:26 qui, évidemment, a organisé le dernier sommet,
06:29 mais avec, je veux dire, un échec patent,
06:32 à telle enceinte que l'Arabie Saoudite veut récupérer les morceaux
06:35 de ce qui reste de ce sommet arabe,
06:37 et elle veut donc concilier la nation arabe,
06:41 ou les pays arabes, entre eux, y compris la Syrie.
06:44 Maintenant, il y aura à voir la position du Maroc,
06:46 peut-être qu'on va en parler après.
06:48 - Bien sûr, justement.
06:50 Alors, Riyad, justement, vous avez tous les deux mentionné
06:53 que Riyad était en train de préparer
06:56 une éventuelle réintégration de Damas dans la Ligue arabe.
07:00 Donc, je rappelle que la Syrie a été évincée
07:04 de cette organisation pan-arabe en 2011,
07:08 suite, comme vous l'avez dit, Hassan El Aoui,
07:11 suite à la chute du régime.
07:13 Aujourd'hui, quelle incidence aura un éventuel retour
07:18 de la Syrie dans cette organisation ?
07:20 - Toi, même chose, oui.
07:23 - Allez, il y a votre cartodige, je vous donne la parole.
07:26 - Alors, il y a, comme je l'ai dit tout à l'heure,
07:28 une volonté de puissance de l'Arabie Saoudite.
07:31 Ça, il faut bien le comprendre.
07:33 Et d'ailleurs, on va parler du Maroc.
07:35 Le Maroc voit ça, je pense, avec...
07:40 Bon, c'est l'allié, bien sûr, historique de l'Arabie Saoudite.
07:46 Mais je pense que le Maroc voit que l'Arabie Saoudite
07:49 va un peu trop loin, et trop vite.
07:51 Et donc, le fait qu'il y ait ce sommet du 19 mai,
07:59 où, je tiens à le dire, tout le monde n'est pas d'accord.
08:03 Il y a certains pays, comme le Koweït,
08:08 comme le Yémen, comme un peu aussi le Maroc,
08:13 qui ne sont pas très chauds.
08:15 Notamment, notre pays, il faut en parler,
08:18 parce que la Syrie a toujours soutenu le Polysarion.
08:26 Et nous, notre cause nationale, qui est le Sahara marocain,
08:31 évidemment, nous agissons, notre diplomatie agit
08:36 vis-à-vis du positionnement, comme d'ailleurs l'a dit Sa Majesté,
08:40 il a dit que c'est le prisme avec lequel le Maroc
08:44 établit ses relations internationales.
08:47 Donc, on va voir ce 19 mai, comment tout cela va se passer,
08:53 mais je peux dire d'ores et déjà que ce sera laborieux.
08:57 - Je précise, si vous permettez,
09:00 aujourd'hui, la Syrie, c'est devenu un enjeu.
09:03 Comme autrefois, en se jouant, permettez-moi l'expression,
09:08 de la cause palestinienne, qui en faisait le plus,
09:12 qui voulait absolument guider la diplomatie au nom des Palestiniens.
09:18 - Surtout le giron arabe, permettez-moi.
09:20 - Aujourd'hui, la Syrie, c'est exactement,
09:23 cela illustre caricaturalement peut-être cette situation.
09:27 C'est-à-dire que tout le monde maintenant se jette,
09:29 dans cette zone de pays arabes,
09:31 se jette sur le problème de la Syrie.
09:33 N'est-ce pas ?
09:34 Et évidemment, c'est déjà moins de l'exprimer,
09:37 le Maroc a une position vis-à-vis de la Syrie.
09:40 Le Maroc avait des relations, Hassan II avait des relations avec le père,
09:46 malgré un petit peu la différence d'options des régimes et tout.
09:53 Le père, il ne faut pas l'oublier, c'était quand même un dictateur assez violent.
09:58 C'était quelque chose, le fils aussi,
10:03 il a mené la guerre civile contre son propre peuple,
10:07 d'où évidemment cette volonté de l'isoler,
10:09 d'où si François Mitterrand a failli intervenir en 2016,
10:15 je crois, les Etats-Unis exactement.
10:18 Et donc, aujourd'hui se posera le problème de la position du Maroc,
10:22 mais je ne pense pas que le Maroc ira tout de suite,
10:25 je veux dire, se bousculer, comment dire, au portillon,
10:28 comme le font aujourd'hui.
10:30 On verra, après le sommet arabe du 19 mai, on pourra en parler.
10:34 - Oui, voilà, donc je vous interromps,
10:37 on va céder la parole à Karim Droneh,
10:39 qui vient de nous rejoindre au studio pour présenter les infos en français.
10:43 Nous vous retrouvons, chers auditeurs,
10:45 pour la deuxième partie de votre émission "Les Décodeurs",
10:48 et je rappelle qu'avec moi au studio, Hassan El Aoui,
10:51 cofondateur du titre "Maroc diplomatique"
10:53 et Jawad Khaldodi, président de l'Institut marocain des relations internationales.
10:57 Et nous étions justement en train de parler des relations internationales
11:00 dans le Moyen-Orient.
11:02 Aujourd'hui, nous avons parlé d'un éventuel retour de la Syrie
11:05 dans l'organisation pan-arabe, la Ligue arabe.
11:10 Jawad Khaldodi, vous avez parlé de l'opposition de certains pays,
11:14 cinq pays membres, dont le Maroc.
11:17 Donc, si on peut justement parler de ces pays
11:21 qui s'opposent à un accord,
11:23 que peut-on dire sur leurs conditions ?
11:26 - Absolument. Alors, il y a le Maroc aussi, comme on l'a dit,
11:31 il y a l'Egypte, il y a le Koweït, le Qatar, le Yémen.
11:35 Alors, tous ces pays-là posent des conditions,
11:38 et je trouve que c'est tout à fait normal.
11:41 Alors, la première condition,
11:44 c'est des garanties que le régime syrien
11:48 doit accorder aux opposants.
11:50 C'est-à-dire, comme l'a dit aussi Séhassène,
11:53 il ne s'agit pas que Bachar el-Assad considère que c'est une victoire,
11:58 et qu'il va continuer à faire comme il faisait avant.
12:02 Donc, ils vont le rappeler à l'ordre
12:04 pour donner des garanties aux opposants,
12:08 pour certainement exiger des élections libres et transparentes
12:14 pour que le peuple syrien, si vous voulez, se prononce.
12:21 Voilà, donc ça c'est la première chose.
12:24 Ensuite, il y a une question très épineuse,
12:28 c'est les forces étrangères.
12:30 N'oublions pas qu'après qu'Obama, rappelez-vous,
12:34 n'avait pas voulu intervenir en Syrie,
12:39 la Russie a immédiatement réagi en 2015.
12:44 En apportant des attaques aériennes monstrueuses,
12:49 comme ils font d'ailleurs maintenant en Ukraine,
12:52 et on peut dire que c'est la Russie qui a sauvé le régime syrien.
12:58 Donc, quid de cette armée russe ?
13:00 Est-ce qu'elle va encore rester sur le sol syrien ?
13:05 Elle a obtenu aussi une deuxième base,
13:07 elle avait déjà Tartus et elle a maintenant une deuxième base,
13:10 donc c'est un problème.
13:11 Il y a le problème de la Turquie,
13:14 vous savez que la Turquie a intervenu aussi au nord du Syrie
13:21 contre le PKK, le parti des travailleurs kurdes,
13:25 parce que la Turquie, et surtout Erdogan, a horreur !
13:29 - Il est considéré comme des terroristes d'ailleurs.
13:31 - Absolument !
13:32 Donc quid aussi de la Turquie ?
13:35 - De la position turque ?
13:36 - Il y a les 6 millions de réfugiés,
13:39 il faut qu'il y ait un droit de retour,
13:43 comme on avait parlé, droit de retour en Palestine,
13:45 il faudrait que ces 6 millions puissent être accueillis.
13:50 Et puis n'oublions pas que l'Occident reste inflexible,
13:55 que ce soit les Etats-Unis ou l'Europe,
13:58 ils ne veulent pas, en tout cas pour le moment,
14:01 de rétablir leurs relations.
14:03 Donc il y a beaucoup de problèmes,
14:06 et donc on va voir avec ce sommet
14:09 comment il va agir pour essayer de voir
14:14 quel sera l'avenir.
14:16 Et je voudrais terminer s'il vous plaît,
14:18 ça me tient beaucoup à cœur,
14:20 c'est la situation catastrophique du monde arabe.
14:24 Alors que le printemps arabe
14:26 voulait justement créer la démocratie,
14:30 réduire les inégalités,
14:32 et bien à quoi on assiste maintenant ?
14:35 On assiste à un retour des régimes autoritaires,
14:39 en Algérie avec les militaires,
14:42 en Tunisie avec ce monsieur,
14:44 le président Kays, qui a repris tous les pouvoirs,
14:49 en Libye qui est toujours dans un chaos politique,
14:54 au Liban aussi,
14:56 en Syrie on vient d'en parler, en Irak,
14:59 en Égypte avec le retour également
15:02 de régimes militaires avec Sisi.
15:06 Donc je déplore en tant que simple citoyen marocain et arabe
15:12 cette situation,
15:14 et il faudrait qu'on réfléchisse
15:16 pourquoi le monde arabe est arrivé à ce stade,
15:20 et qu'est-ce qu'il faudrait faire pour s'en sortir,
15:24 pour que le monde arabe puisse,
15:26 dans le nouvel ordre mondial
15:28 qu'on est en train de voir se construire,
15:31 il puisse avoir sa place.
15:33 - Alors j'aimerais rebondir,
15:36 Jawad Kerdoudi a parlé de cette instabilité dans le monde arabe,
15:40 moi j'aimerais aller vers le Moyen-Orient plus précisément.
15:43 Est-ce que le retrait des États-Unis
15:46 n'est pas pour quelque chose
15:47 dans cette mouvance des forces et des positions ?
15:54 - Écoutez, par la force des choses,
15:59 ce n'est pas un retrait,
16:01 c'est simplement, je dirais,
16:04 une petite éclipse,
16:05 peut-être parce que les intérêts américains
16:09 au Moyen-Orient, comme vous dites,
16:11 remontent à longtemps, bien sûr, à très très très longtemps,
16:14 et pendant tout ce qu'on a vu comme la guerre au Irak et tout ça,
16:20 c'est les interventions américaines qui étaient là,
16:23 donc qui ont provoqué tout un choc,
16:26 un démembrement du pays,
16:28 et donc par conséquent,
16:29 je veux dire, des retombées sur la région,
16:32 mais l'intervention aussi en catimini,
16:36 mais de plus en plus puissante en Syrie,
16:39 notamment de la Russie,
16:40 pour remplacer les Américains,
16:42 donc il y a une éclipse.
16:44 On ne peut pas la juger,
16:45 parce que vous savez, l'histoire c'est des phases cycliques.
16:49 Pendant les premières décennies,
16:52 si vous voulez, après la guerre mondiale,
16:54 ce sont les Américains qui ont quand même refaçonné
16:57 le Moyen-Orient, évidemment.
17:00 Maintenant, il y a un élément dont il faut tenir compte,
17:03 que je voudrais donc attirer votre attention,
17:05 c'est Israël.
17:07 C'est Israël qui ne s'attendait pas du tout, pardonnez-moi,
17:12 à ce que l'Arabie Saoudite entreprenne ce virage extraordinaire avec l'Iran,
17:18 et donc qu'il isole.
17:20 Mais là non plus, Israël ne s'isole pas.
17:23 Il a des frontières avec le Liban,
17:25 avec la Syrie, les proches de la Turquie, la Jordanie et Togito.
17:29 Et c'est un élément central, si vous voulez, du jeu,
17:32 ou de l'enjeu stratégique.
17:34 Quoi qu'il arrive, quoi qu'il en soit, de toute façon,
17:37 ce sommet qui va avoir lieu à Riyad,
17:42 on se pose la question, qu'est-ce qu'il va faire,
17:43 qu'est-ce qu'il va refaçonner, qu'est-ce qu'il va donner ?
17:46 N'est-ce pas ?
17:46 Nous en sommes aujourd'hui aux hypothèses, aux préparatifs.
17:50 Et les préparatifs, il y a tout un programme, un agenda,
17:52 et l'agenda il est si lent, comme on dit,
17:55 parce qu'on ne peut pas résoudre en quatre jours,
17:57 même pas en deux jours,
17:59 tout un magma de questions graves, dramatiques,
18:05 qui sont ce que va devenir la Syrie,
18:08 exactement qu'est-ce qu'on aura comme statut,
18:12 quel gouvernement va-t-il entreprendre
18:14 son adhésion encore à la Ligue arabe,
18:19 parce qu'il faut quand même, si j'avais de l'aide,
18:21 il faut quand même démocratiser un peu,
18:23 saupoudrer, si vous voulez, cette situation,
18:25 ne pas arriver comme ça, Bachar al-Assad tout seul,
18:29 après avoir mis 100 000, il y a eu 100 000 morts,
18:32 ou plus que ça.
18:33 - On parle d'un demi-million.
18:35 - 500 000.
18:35 - Voilà, un demi-million de Syriens normalisés.
18:39 - Des élites qui sont exilées à l'étranger,
18:44 qui sont menacées, un peuple qui souffre,
18:47 que va devenir la Syrie sur le plan intérieur ?
18:49 Et c'est la condition, c'est l'équanone,
18:51 qu'il faudra bien entendu poser clairement
18:55 lors de ce sommet.
18:56 Et donc, je veux dire, tout dépend, si vous voulez,
19:00 des réponses que va donner Bachar al-Assad,
19:03 pour qu'évidemment, il puisse être accepté
19:05 dans la communauté arabe,
19:07 et que la communauté arabe se dise,
19:10 je veux dire, pour répondre au vœu de l'Arabie saoudite,
19:13 enfin, voilà, une nation arabe unifiée.
19:16 Ce qui ne sera jamais, je le dis dans cette antenne,
19:20 ce qui ne sera jamais le cas, ni possible non plus.
19:23 Parce que les divergences sont telles
19:25 qu'il y a maintenant une nouvelle cassure qui se dessine.
19:28 Et une nouvelle cassure, c'est-à-dire
19:31 un Moyen-Orient ou un monde arabe occidentalisé,
19:35 et puis enfin, un autre monde arabe,
19:38 qui, évidemment, qui penche vers le côté, si vous voulez,
19:42 de l'Iran et au-delà de la Chine.
19:45 Voilà.
19:46 - Très bien. Donc, in fine, je m'adresse à vous,
19:49 Jawad Kerdodi, vous avez parlé des 6 millions de réfugiés,
19:53 un demi-million de morts syriens.
19:56 Alors, aujourd'hui, ce Bachar al-Assad
19:58 qui revient dans la scène politique,
20:01 est-ce qu'on peut le poursuivre ?
20:04 Est-ce qu'il peut faire l'objet de poursuites
20:07 de la justice internationale ?
20:09 - Pas normalement, oui.
20:10 - Moi, j'aimerais bien.
20:11 J'aimerais bien, en tant que démocrate,
20:13 et tout simplement, parce que comme l'a dit Syrah Hassen,
20:17 c'est catastrophique ce qu'il a fait, ce monsieur.
20:20 Et c'est pour cela qu'il faut que l'Occident,
20:23 qu'on critique, etc.,
20:26 les Occidentaux sont inflécibles.
20:29 Ils disent, nous, tant qu'il y a ce monsieur-là,
20:32 nous, on ne le rétablit pas.
20:33 Donc, ce que j'aurais souhaité,
20:36 c'est qu'évidemment, il soit arrêté et jugé
20:40 pour les crimes.
20:41 Vous savez qu'il a même utilisé les armes chimiques.
20:43 - En effet.
20:45 - D'ailleurs, Obama avait dit, si jamais il utilise,
20:48 je n'ai pas intervenu.
20:50 Donc, moi, je suis bouleversé
20:56 par cette situation, et surtout,
20:59 par le fait que finalement,
21:01 c'est les régimes autoritaires,
21:04 dans le monde arabe, qui reviennent partout.
21:07 Et donc, si demain la Syrie revient,
21:11 si les conditions sont acceptées,
21:15 on peut encore l'accepter,
21:18 mais il faut que les membres du pays arabe
21:22 soient très exigeants vis-à-vis de la Syrie.
21:25 - Alors, on passe sans tarder à notre deuxième sujet.
21:30 C'est à propos de la guerre au Soudan.
21:32 Je rappelle que c'est une guerre de rue
21:35 qui a éclaté le 15 avril dernier,
21:38 entre les combattants de l'armée soudanaise
21:41 et sa rivale paramilitaire,
21:43 la force de soutien rapide.
21:45 Aujourd'hui, la crise humanitaire
21:47 s'exacerbe au Soudan.
21:49 Les opérations d'évacuation se poursuivent,
21:51 mais les Nations Unies craignent un exode massif.
21:53 330 000 personnes ont déjà été forcées
21:55 de se déplacer à l'intérieur du pays.
21:57 100 000 ont été déplacées
21:59 à l'extérieur du Soudan,
22:01 vers des pays voisins.
22:03 Et toujours d'après les Nations Unies,
22:05 ces déplacés de guerre devront se rendre en majorité
22:07 au Tchad, en Égypte
22:09 ou au Soudan du Sud.
22:11 Je m'adresse à vous, Hassan Alawi.
22:13 Quel est l'enjeu ou l'impact géopolitique
22:15 de cet exode massif ?
22:17 - Écoutez, c'est la même chose.
22:19 Nous sommes en train de vivre
22:21 tout ce qui reste
22:23 un petit peu du schéma
22:25 de guerre froide d'antan.
22:27 Et encore une fois,
22:29 pour être précis dans ce dossier saoudien,
22:31 le dossier soudanais,
22:33 c'est encore peut-être l'Arabie saoudite
22:35 qui se propose
22:37 d'intervenir pour régler le problème.
22:39 N'est-ce pas ? À côté de l'Égypte,
22:41 qui est évidemment très proche plutôt.
22:43 Et l'enjeu est là encore.
22:45 L'Arabie saoudite est au centre
22:47 si vous voulez de tout ce tourbillon.
22:49 Arrivera-t-elle
22:51 à faire
22:53 rencontrer les deux rivaux ?
22:55 Je ne le pense pas dans l'immédiat.
22:57 Mais toujours est-il que la situation
22:59 elle est dramatique encore.
23:01 Parce que vous avez cité, donné les chiffres.
23:03 Je profite
23:05 de cette occasion pour
23:07 féliciter, je veux dire, le Maroc
23:09 et rendre hommage à Sa Majesté le Roi
23:11 qui a été très, comme d'habitude,
23:13 très prospectif et donc qui a devancé
23:15 les choses et les enjeux
23:17 et qui a donné ses
23:19 hautes instructions pour que
23:21 nos concitoyens puissent
23:23 regagner leur patrie, n'est-ce pas ?
23:25 Dans les très très très bonnes et les grandes conditions.
23:27 Et donc, après nous,
23:29 qu'est-ce qui nous reste maintenant ? C'est évidemment déplorer,
23:31 c'est assister à ce qui se passe
23:33 dans ce pays qui est en train de
23:35 s'entre-déchirer. Que peut-être
23:37 nous assisterons
23:39 à
23:41 une partition encore, c'est possible,
23:43 qui sera, on aura donc
23:45 trois Soudan. - Oui, un Soudan,
23:47 un Soudan du Sud. - C'est déjà arrivé
23:49 en Afrique dans les années 60,
23:51 avec le Biafra,
23:53 et puis d'autres pays qui ont été déchirés.
23:55 - Le Congo.
23:57 - L'application, c'est la réplique
23:59 des tracés coloniaux. Quand les
24:01 colonialistes, à l'époque, il y a un siècle,
24:03 prenaient un crayon, un papier,
24:05 et traçaient des frontières artificielles.
24:07 Nous subissons d'ailleurs
24:09 cette question, je veux dire, ce drame
24:11 avec l'affaire du Sahara,
24:13 n'est-ce pas ? Où bien sûr,
24:15 nos territoires de l'Est
24:17 ont été confiés,
24:19 je veux dire octroyés,
24:21 arbitrairement à l'Algérie.
24:23 Et donc, c'est un peu ces schémas,
24:25 si vous voulez, post-coloniaux,
24:27 que nous tardive, que nous sommes en train
24:29 de revivre, avec l'impression
24:31 d'une
24:33 impossibilité d'agir,
24:35 d'impatientité. - Exactement.
24:37 Justement, j'aimerais rebondir sur ça.
24:39 Il semble qu'il n'y a pas d'issue.
24:41 Des trêves ont été
24:43 instaurées, n'ont pas été respectées.
24:45 Il y a eu deux trêves
24:47 entre la semaine dernière et ce week-end.
24:49 Les combats font toujours rage.
24:51 Aujourd'hui,
24:53 il me semble que sans
24:55 intervention étrangère,
24:57 je parle notamment d'une
24:59 intervention occidentale,
25:01 est-ce qu'il faut craindre
25:03 un scénario tel que
25:05 l'Irak, l'Afghanistan,
25:07 - La Libye ! - La Libye,
25:09 plus récemment ? Est-ce qu'il faut craindre
25:11 justement une ingérence
25:13 occidentale qui peut mener au chaos ?
25:15 - Absolument.
25:17 La situation est dramatique.
25:19 Et encore une fois,
25:21 je déplore que deux généaux,
25:23 dont la mission,
25:25 le serment,
25:27 est de servir le pays. Parce que
25:29 l'armée, c'est pour servir le pays.
25:31 Voilà deux généraux
25:33 qui font une
25:35 catastrophe dramatique
25:37 pour que l'un d'eux garde le pouvoir.
25:39 Ça, c'est vraiment
25:41 la pire des choses
25:43 qu'on voit en politique. L'armée,
25:45 normalement, doit rester dans ses
25:47 casernes, comme je le dis toujours,
25:49 et doit défendre le pays s'il est
25:51 attaqué. Voilà le rôle de l'armée.
25:53 Et bien là, ils prennent le pouvoir.
25:55 Vous savez qu'effectivement,
25:57 il y avait un passage
25:59 par un gouvernement
26:01 civil, mais en octobre
26:03 2021, il y a eu
26:05 un putsch militaire,
26:07 et donc ils ont pris le pouvoir.
26:09 Ils ne se sont pas mis d'accord.
26:11 Et donc, ils ont
26:13 créé cette
26:15 situation catastrophique.
26:17 Alors maintenant, pour répondre à votre
26:19 question, quels sont
26:21 les... quels sont les...
26:23 l'issue ? Bon, il y a,
26:25 on vient d'annoncer hier, une nouvelle
26:27 trêve du 4 au 11 mai,
26:29 de 7 jours,
26:31 avec l'espoir
26:33 qu'elle soit respectée.
26:35 Et il y a,
26:37 j'ai entendu que peut-être des pourparlers
26:39 vont commencer dans
26:41 les Émirats
26:43 Arabes Unis, parce que les Émirats
26:45 Arabes Unis sont très actifs dans ce
26:47 domaine, et donc...
26:49 Et puis,
26:51 le Soudan, c'est quand même un pays
26:53 africain, et un pays arabe.
26:55 Comment se fait-il
26:57 qu'il n'y ait pas une réunion extraordinaire
26:59 de l'Union
27:01 Africaine et de la Ligue Arabe
27:03 pour essayer de trouver une solution ?
27:05 C'est nous,
27:07 le Soudan, c'est nous. Donc,
27:09 il faut, et moi je préconise,
27:11 une réunion extraordinaire
27:13 de l'Union Africaine
27:15 et de la Ligue Arabe, avec ce seul
27:17 problème, pour qu'il n'y ait pas toujours
27:19 des divergences. Ce problème,
27:21 comment le résoudre ?
27:23 - Moi je vais, juste parce que
27:25 tout à l'heure vous avez parlé de la nécessité
27:27 et de l'impératif d'une intervention
27:29 occidentale.
27:31 Vous savez, je ne crois pas
27:33 qu'il puisse y avoir une intervention. Pourquoi ?
27:35 Pour...
27:37 Premièrement, parce que l'Occident
27:39 maintenant, on l'a vu,
27:41 les grandes puissances, se retirent de tous
27:43 les conflits. La France se retire de l'Afrique,
27:45 n'est-ce pas ? - Du Sahel,
27:47 notamment. - Du Sahel et tout.
27:49 L'Occident, les Etats-Unis se sont
27:51 retirés de l'Afghanistan, n'est-ce pas ?
27:53 En laissant, évidemment,
27:55 la voie libre à tout ce qui
27:57 est grave et dangereux.
27:59 En Afrique, c'est la Russie,
28:01 par l'intermédiaire de ses mercenaires,
28:03 de Prégogier, - Wagner.
28:05 - Wagner, qui veut absolument prendre
28:07 le relais. Et
28:09 elle se zette sur des pays fragilisés, comme
28:11 contre Vries, comme le Tchad,
28:13 comme partout, etc.
28:15 Donc, l'organisation,
28:17 si vous voulez, d'une réponse internationale,
28:19 elle ne peut pas exister aujourd'hui,
28:21 au Soudan. C'est pas possible. Il faudrait
28:23 que ce soit, comme à Nijerwad, moi je dirais
28:25 mieux que l'Union africaine
28:27 ou que la Ligue arabe, il faudrait
28:29 que le Conseil de sécurité, il va se réunir,
28:31 il se réunit, il fait des déclarations,
28:33 se réunissent, fait un moment, n'est-ce pas,
28:35 pour ne s'occuper que... - C'est raison, je crois
28:37 pas que le Conseil de sécurité va être
28:39 quelque peu efficace.
28:41 - Non, mais je veux dire, rien que pour justifier,
28:43 il ne l'a pas été en Irak, de toute manière,
28:45 on sait. - Ah bah oui. - Parce que la Russie
28:47 va mettre son véto. - Oui, bah c'est ça.
28:49 - Oui, en plus, voilà, les membres du Conseil,
28:51 il y a des rivalités au sein
28:53 du Conseil. - Oui, et la Russie
28:55 préside aujourd'hui le Conseil de sécurité. - Bah justement.
28:57 - Non, mais moi je veux dire, le Conseil
28:59 de sécurité, il faut qu'il y ait un dépassement
29:01 et la Russie aussi est également invitée
29:03 pour que, pour la forme,
29:05 simplement, justifier s'il y a lieu
29:07 d'un groupement
29:09 de pays pour organiser,
29:11 c'est pas facile, des forces,
29:13 les armées,
29:15 les faire voyager,
29:17 je veux dire, voyager, et les ramener
29:19 sur les lieux de la guerre.
29:21 Ce n'est pas possible aujourd'hui.
29:23 Nous allons assister encore à
29:25 démembrement progressif
29:27 du Soudan,
29:29 je veux dire, qui est dans un désastre
29:31 infernal,
29:33 et on va rester les bras croisés
29:35 sans pouvoir rien faire,
29:37 et vous verrez, mon analyse, elle sera là.
29:39 Donc on va peut-être se réunir
29:41 sous l'égide des Émirats,
29:43 comme vous disiez,
29:45 ou de l'Arabie Saoudite encore,
29:47 n'est-ce pas ? Mais
29:49 on va invoquer l'unité arabe
29:51 et le langage, mais ce langage,
29:53 on l'a connu depuis pratiquement 60 ans,
29:55 c'est la même chose,
29:57 on a connu les conflits partout,
29:59 et les conflits partout, mettons, ne se suffisent
30:01 plus, si vous voulez,
30:03 de langage diplomatique,
30:05 ou de résolution, ou de pacte,
30:07 de quoi que ce soit. Il faut régler
30:09 les problèmes en interne, c'est-à-dire, en fait,
30:11 le problème, il est économique,
30:13 c'est les ambitions... - Il faut être même idéologique.
30:15 - Idéologique, bien sûr, mais c'est les ambitions.
30:17 - On a toujours ce problème. - Les politiques aussi.
30:19 - C'est les ambitions personnelles de deux généraux,
30:21 qui sont vraiment...
30:23 Et comme je disais, on risque d'avoir
30:25 trois Soudans, bientôt, c'est clair.
30:27 - Alors, pour
30:29 terminer, dernière question, c'est par rapport à
30:31 cette crise humanitaire,
30:33 c'est très triste, on a atteint
30:35 plus de 500 morts,
30:37 les blessés sont plus de 5000, la plupart
30:39 sont des civils, ils sont
30:41 pris au piège, dans des combats
30:43 de rue. Alors,
30:45 comment doivent se comporter
30:47 les pays limitrophes, ou même les
30:49 pays... parce que ça nous concerne, comme africains,
30:51 comme arabes, ça nous concerne directement,
30:53 comment doivent les pays se
30:55 comporter avec cette crise migratoire qui va
30:57 avoir lieu incessamment ?
30:59 - Il faudrait qu'ils les accueillent,
31:01 ce sont des africains,
31:03 ce sont des arabes,
31:05 donc il faut qu'ils...
31:07 et vous avez bien fait de poser cette question,
31:09 humanitaire, il faut que ces...
31:11 il y a huit pays qui
31:13 entourent le Soudan,
31:15 il faut qu'ils les accueillent,
31:17 il faut qu'ils les mettent dans des
31:19 conditions favorables,
31:21 en attendant... - Une issue.
31:23 - ... qu'il y ait une solution
31:25 au problème. - Ou pas.
31:27 - Nous arrivons à la fin de cette émission,
31:29 je vous remercie infiniment
31:31 nos décodeurs,
31:33 Jawad Kardodji et Hassan Alaoui, d'être
31:35 là pour nous, et donc
31:37 à nos chers auditeurs, je vous remercie de
31:39 votre écoute et je vous souhaite une
31:41 bonne après-midi.
31:43 ...