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Vanessa Krycève directrice de "La table du RECHO", présidente du collectif pour une convention citoyenne sur la migration qui demande l'accueil et l'inclusion des personnes exilées, revient sur l'annonce du gouvernement d'ajourner son projet de loi sur l'immigration. Elle est l'invitée de 6h20. Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter

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Transcription
00:00 A 8h19, pas de projet de loi sur l'immigration dans l'immédiat.
00:03 Il devait pourtant faire partie des 100 jours d'action pour relancer le quinquennat.
00:06 Mais la première ministre a annoncé hier son report.
00:09 Ce ne sera pas avant l'automne.
00:10 Bonjour Vanessa Chryssev.
00:11 Bonjour Mathilde Munoz.
00:12 Vous dirigez l'entreprise d'insertion La Table du Réchaud.
00:15 Pour le dire en quelques mots, c'est quoi ? C'est un restaurant engagé qui fait travailler
00:18 à la fois des restaurants...
00:19 Ce sont des restaurants et un traiteur engagés qui font travailler des personnes réfugiées
00:22 en insertion dans la cuisine, donc durable.
00:25 Et vous êtes également la présidente du collectif qui réclame une convention citoyenne
00:29 sur la migration.
00:30 Alors Elisabeth Borne a expliqué que ce n'était pas le moment de lancer un débat sur un sujet
00:34 qui pourrait diviser le pays.
00:35 Vous êtes d'accord, ce n'est pas le bon moment ?
00:37 Alors moi j'ai entendu les annonces comme vous hier.
00:40 Tout d'abord je voulais juste revenir sur le fait que cet hiver on a beaucoup travaillé
00:45 depuis qu'on s'est vu en décembre, qu'aujourd'hui on a 35 000 personnes qui ont signé notre
00:50 appel pour une convention citoyenne, qu'on a aussi rassemblé la recherche, qu'on a rassemblé
00:55 des personnes de tous bords politiques.
00:57 On a entendu les annonces d'Elisabeth Borne qui annonce finalement trois choses.
01:01 D'une part que ce n'est pas le bon moment parce qu'elle n'aurait pas la majorité à
01:07 l'Assemblée Nationale ni au Sénat, que c'est un débat qui va être clivant et que ce n'est
01:13 pas le moment d'avoir un débat clivant à l'Assemblée et enfin qu'on pourrait renforcer
01:18 la politique migratoire et sécuritaire sans pour autant changer la loi et donc que ça
01:22 allait être reporté en automne.
01:24 Nous ce qu'on dit encore une fois c'est qu'il est temps, si ce n'est pas le temps pour le
01:29 débat législatif, d'avoir un débat citoyen éclairé sur cette question-là.
01:33 Donc finalement tant mieux, il vaut mieux reporter, ça laisse le temps de discuter
01:37 à nouveau et de mettre ce débat sur la table avec tout le monde.
01:40 Tout à fait, nous ce qu'on pense c'est que 22 lois en 30 ans, encore une fois, ça vient
01:46 confirmer qu'il y a un nœud démocratique sur ce sujet-là et que la politique ne réglera
01:50 pas ni aujourd'hui ni demain le sujet migratoire.
01:54 Donc par contre c'est un fait de société qui doit être regardé et traité par les
02:00 citoyens et les citoyennes et donc la Convention citoyenne est le dispositif idéal et a fait
02:05 ses preuves ces dernières années pour que l'on puisse s'asseoir et avoir un débat
02:10 ensemble sur ce sujet-là.
02:11 Une convention citoyenne plus qu'un référendum ? Un référendum c'est par exemple ce que
02:15 réclament les républicains, vous préférez la convention ?
02:18 Une convention citoyenne c'est un processus d'éducation populaire en fait.
02:21 C'est vraiment un temps long avec une formation au préalable des citoyens et des citoyennes
02:27 qui sont tirés au sort par un processus aléatoire, donc représentatif de la diversité de l'opinion
02:32 des Françaises et des Français et qui sont accompagnés par des experts de la question
02:36 et qui donc, même si au départ ils sont tout à fait néophytes sur des sujets et
02:40 qu'ils ne sont pas experts, vont pouvoir débattre parce qu'ils ont été formés.
02:46 Un référendum c'est oui ou non sur une question qui n'a pas de formation au préalable.
02:51 Et c'est une idée d'extrême droite qui séduit l'extrême droite et une certaine
02:56 partie de la droite, encore une fois, nous rencontre vraiment des élus de tout bord
03:00 politique et on a un soutien sur la convention citoyenne de la part de tous les partis, y
03:06 compris de la majorité.
03:07 Alors pour le moment ce projet de loi en lysée a été repoussé, la droite elle compte bien
03:10 occuper le vide et va proposer son propre texte.
03:13 Le patron des Républicains, Éric Ciotti, résume les propositions à l'air.
03:17 Il y en a trois.
03:18 Plus aucun droit pour les clandestins, plus de prestations sociales dès le premier jour
03:22 pour les réguliers et traiter les demandes d'asile à la frontière.
03:25 Ça vous inspire quoi ?
03:26 Ça m'inspire toujours la même chose finalement, c'est qu'on traite la chose comme étant,
03:33 enfin la question migratoire comme étant un problème et comme étant la source de
03:38 tous les maux.
03:39 Donc on renvoie une image des personnes migrantes comme étant des délinquantes.
03:42 Or, concrètement, la source de tous nos maux, est-ce que c'est à cause de la migration
03:51 que la précarité augmente en France et que les files d'attente augmentent devant l'aide
03:57 alimentaire ? Est-ce que c'est à cause de la migration que le système d'éducation
04:01 nationale est en train de s'effondrer ? Est-ce que c'est à cause de la migration
04:05 que le système de santé publique est en effondrement aussi et est proche de l'implosion ? Est-ce
04:10 que c'est à cause de la migration que la France a été condamnée par la Cour de justice
04:16 européenne pour inaction en matière de changement climatique ? Est-ce que c'est à cause de
04:20 la migration que les Françaises et les Français vont devoir travailler jusqu'à 64 ans ?
04:23 C'est un bouc émissaire.
04:24 C'est un bouc émissaire, c'est traité comme un problème.
04:28 Je ne dis pas, aujourd'hui, je ne suis pas là pour dire que c'est une richesse pour
04:30 la France, mais je dis que c'est un fait.
04:32 C'est un fait de société qui mérite aujourd'hui un apaisement parce que c'est quand même
04:38 globalement le fond de commerce des débats politiciens d'extrême droite et de la droite
04:44 sécuritaire et que ça implique un repli identitaire qui est dramatique pour notre société.
04:50 Mais il n'y a pas que la droite.
04:51 J'imagine que vous avez vu cette étude de la Fondation Jean Jaurès qui a été publiée
04:54 il y a deux semaines et qui constate que l'opinion publique s'est clairement durcie sur le sujet,
04:58 y compris à gauche.
04:59 Un sympathisant de gauche sur deux estime désormais qu'il y a trop d'immigrés en
05:04 France.
05:05 C'est 21 points de plus en quatre ans.
05:07 Oui, mais en fait, à force, encore une fois, d'avoir le même biais lorsqu'on parle du
05:11 sujet avec des ressentis et des pressentiments, on arrive à une dissonance où finalement
05:19 les Français surestiment de 20 points la présence des immigrés et des étrangers
05:24 en France.
05:25 Il y a 10% d'étrangers dans la population française.
05:26 10%.
05:27 On a globalement 30 ou 35% des Français qui ont des origines immigrées à trois générations.
05:38 C'est un sujet qui concerne tout le monde.
05:40 Mais même la gauche aujourd'hui finit par avoir peur du sujet et ne sait plus comment
05:45 s'en saisir.
05:46 Donc à nouveau, il faut pouvoir regarder ce sujet-là à la lumière de la recherche
05:53 et des experts.
05:54 On a 400 chercheurs qui ont signé une tribune qui est parue dans le monde et qui déplorent
05:58 le fait que leurs études ne sont pas considérées, ne sont pas regardées, ne sont pas écoutées,
06:03 qui appellent de leur vœu à une convention citoyenne sur la migration, qui souhaitent
06:06 être entendues.
06:07 Pourquoi est-ce que ce sujet ne peut pas être posé sur la table ? Pourquoi est-ce que M.
06:12 Darmanin se prononce contre la tenue d'une convention citoyenne ? Ce qu'on demande,
06:17 c'est un débat apaisé, éclairé par des faits, un débat citoyen.
06:22 Les gens avec qui vous travaillez, les réfugiés, les demandeurs d'asile, est-ce qu'ils
06:26 ressentent dans leur quotidien que le regard a changé justement ? Qu'est-ce qu'ils
06:29 vous en disent ?
06:30 En fait, je suis témoin au quotidien d'une solidarité et d'une bienveillance depuis
06:37 2016, que nous avons monté d'abord l'association et l'entreprise d'insertion ensuite,
06:41 d'une bienveillance de la part de la population française d'où qu'elle vienne et où
06:45 qu'elle soit.
06:46 Même dans des régions qui connaissent une très forte précarité comme à l'époque
06:51 de la Grande-Synthe, avec 38% sous le seuil de pauvreté, les gens souhaitent contribuer
06:57 à un accueil digne des personnes réfugiées.
06:59 Les gens sont humains et humanistes en France.
07:02 On a implanté un restaurant d'insertion dans un centre d'accueil dans le 16e arrondissement
07:06 de Paris.
07:07 Évidemment, quand les portes d'une caserne sont fermées, c'est la porte ouverte vers
07:12 tous les fantasmes.
07:13 Mais il se trouve qu'après 3 ans et 18 000 repas servis aux habitants du 16e, 20% de
07:18 nos donateurs sont des habitants du 16e à l'association.
07:22 Donc il n'est pas vrai que la France est raciste.
07:28 Par contre, l'atmosphère française, l'atmosphère politique et les polémiques légitiment des
07:34 actes de plus en plus violents.
07:36 Et on l'a vu avec les polémiques des différentes villes accueillantes, qui légitiment des
07:45 actes de violences envers les élus, ne le dénoncent pas.
07:48 Et c'est un vrai problème.
07:50 Vanessa Chrissev, j'aimerais qu'on termine par cette opération Wambushu à Mayotte,
07:53 qui vise à expulser un grand nombre de Comoriens en situation irrégulière.
07:57 Quel regard vous portez sur cette opération ?
07:58 Voulu par le ministre de l'Intérieur.
08:00 Moi, je ne suis pas du tout spécialiste de Mayotte.
08:03 Par contre, ce que je vois, c'est que là encore, on a un biais de départ.
08:07 On pointe du doigt la situation comme étant un problème.
08:10 Et qu'il y a deux jours, précisément, un représentant de l'État, qui est sous-préfet
08:15 à la migration Mayotte…
08:17 Vice-président du conseil départemental de Mayotte.
08:20 Non, je ne parlais pas de lui.
08:21 Je parlais d'une interview d'un médiapart du sous-préfet de la migration, qui a dit
08:26 qu'il n'y avait pas une surreprésentation de la délinquance parmi les personnes immigrées,
08:31 que c'était vraiment à part égale.
08:34 Et en effet, une politique aussi violente légitime les propos du vice-président, qui
08:39 annonce qu'il faut en tuer quelques-uns.
08:41 Et qui après s'est excusé, effectivement.
08:43 Il est revenu sur ses propos.
08:44 Merci, Vanessa Chryssev.
08:46 Vous dirigez l'entreprise d'insertion La Table du Réchaud et vous soutenez cette
08:50 convention citoyenne sur la migration.
08:52 Vous êtes la présidente du collectif qui appelle à cette convention.

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