La Première ministre Élisabeth Borne est l'invitée du Grand Entretien de France Inter, au lendemain de l'adoption du très controversé projet de loi immigration de son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mercredi-20-decembre-2023-5687120
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00:00 Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin la Première Ministre dans le grand entretien du 7-10.
00:05 Question réaction 0145 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:10 Elisabeth Born, bonjour.
00:12 Bonjour.
00:13 Et bienvenue à ce micro.
00:14 Le texte issu de la commission mixte paritaire a donc été voté hier au Sénat et à l'Assemblée.
00:20 À l'Assemblée, 349 voix pour, 186 contre, avec les voix du Rassemblement National et DLR.
00:28 Marine Le Pen se félicite d'une victoire idéologique.
00:31 Bruno Retailleau se réjouit, lui, d'un texte qui est, je le cite, à 98% LR.
00:39 Madame la Première Ministre, comment vous sentez-vous ce matin ?
00:42 Écoutez, moi j'ai le sentiment du devoir accompli.
00:45 On voulait faire voter un texte sur des mesures utiles, efficaces, attendues par nos concitoyens,
00:53 avec deux objectifs, éloigner plus rapidement, plus efficacement ceux qui n'ont pas le droit d'être en France
01:01 et mieux intégrer ceux que nous choisissons d'accueillir.
01:05 C'est ce texte qui a été voté hier et, je le dis, il a été voté sans les voix du Rassemblement National.
01:12 C'est un principe que nous nous étions donnés, que le texte soit adopté sans les voix du Rassemblement National.
01:19 Je les écarte, nous ne voulons pas de ces voix, sans les voix du Rassemblement National, c'est 261 pour, 186 contre.
01:27 Madame la Première Ministre, si le Rassemblement National avait voté contre, s'il ne s'était pas abstenu,
01:31 dans ce cas-là, le texte ne passait pas sans les voix du Rassemblement National.
01:35 C'est arithmétique, il s'est fait à 4 voix près.
01:36 Vous savez, la grosse manœuvre du Rassemblement National, Jordan Bardella, était hier, ici même.
01:43 Jordan Bardella vous a expliqué que ce texte, ça n'allait pas,
01:46 que c'était un texte de, en même temps, précisément ce que j'ai évoqué.
01:51 A la fois, éloigner plus rapidement ceux qui n'ont pas à être là,
01:54 et mieux intégrer ceux que nous choisissons d'accueillir.
01:57 Hier matin, ça ne lui convenait pas.
02:00 Il nous avait expliqué que la mesure permettant la régularisation des travailleurs sans-papiers,
02:06 qui sont depuis longtemps sur notre territoire, qui respectent nos valeurs,
02:09 il n'en voulait pas.
02:11 Si le Rassemblement National fait la girouette, on ne va pas faire la girouette dans l'autre sens.
02:16 Le Rassemblement National se félicite avec ce texte d'une victoire idéologique.
02:21 Non mais attendez, c'est une manœuvre grossière.
02:23 C'est ce que j'ai dit, la manœuvre grossière.
02:26 Le Rassemblement National veut démontrer qu'on ne sait pas répondre
02:29 aux préoccupations des Français sur ce sujet.
02:32 Ils ont bien compris qu'on avait un texte qui avait été adopté en commission paritaire,
02:36 sur lequel j'ai passé des heures à négocier avec les Républicains
02:41 pour garder ce qui était utile, sortir ce qui n'était pas conforme à nos principes.
02:46 Ils ont vu que nous allions faire voter un texte, et là ils font le coucou dans notre texte.
02:51 Donc vous ne demandez pas à l'article 10 une deuxième délibération,
02:55 à partir du moment où si le Rassemblement National votait contre, il ne passait pas votre texte ?
02:59 Mais attendez, avec des "si", vous savez, on refait l'histoire.
03:03 Un certain nombre de nos députés ont été gênés
03:07 parce que le Rassemblement National vienne voter ce texte.
03:11 Si le Rassemblement National n'avait pas voté ce texte, avait voté contre,
03:15 je pense qu'on aurait eu des voix en plus. Donc on ne va pas refaire l'histoire.
03:18 Ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que je ne tiens pas compte des voix du RN.
03:23 Sans ces voix, ce texte a été adopté.
03:26 On va essayer tout de même de comprendre ce qui s'est passé ces dernières heures.
03:30 Le projet de loi immigration était un des textes les plus importants du quinquennat.
03:34 Il a été porté depuis 18 mois avec Gérald Darmanin.
03:37 Et finalement, ce n'est plus votre texte, mais celui réécrit et durci en commission mixte paritaire.
03:42 Non, non, pas durci en commission mixte paritaire.
03:45 C'est un texte qui a été voté au Sénat.
03:49 Durci au Sénat ?
03:51 Qui a été durci au Sénat et qui, dans sa version issue du Sénat,
03:56 comportait des mesures dont nous ne voulons pas.
03:59 Je vous cite un exemple, la suppression de l'aide médicale d'État.
04:04 Du fait de la nuppesse du RN qui, une fois de plus, ont uni leur voix,
04:11 il y a eu une motion de rejet qui a été votée au début de la semaine dernière.
04:16 De ce fait, il n'y avait pas de texte à l'Assemblée nationale.
04:19 Moi, j'ai négocié pendant des heures pour garder les mesures importantes pour nous.
04:25 Je le dis par exemple, pouvoir éloigner les étrangers délinquants
04:30 ou qui présentent une menace pour notre pays.
04:33 Garder la possibilité de régulariser sans la demande de l'employeur
04:38 des gens qui sont en France depuis longtemps et qui travaillent.
04:42 Sur tous ces points, on va revenir sur tout ce que vous dites.
04:44 Sur les régularisations, on va revenir parce qu'ils sont très très loin aujourd'hui
04:48 dans le texte de la CMP de ce que vous aviez proposé au Conseil des ministres il y a quelques jours.
04:52 On va y revenir les uns après les autres.
04:54 La ME, si on en parlera dans un instant, devant nous, à ce micro, il y a quelques semaines,
04:59 vous étiez là et vous nous aviez dit "je me porte garante, moi la première ministre,
05:03 de ne pas supprimer la ME".
05:04 Vous vous êtes engagé par écrit dans une lettre à Gérard Larcher à la réformer en janvier.
05:11 Donc on repart. Il y avait un texte au Sénat d'Ursy qui ne nous convenait pas.
05:16 La négociation que j'ai menée ces derniers jours, c'est de garder les mesures auxquelles nous tenions dans ce texte
05:22 et de sortir les mesures qui n'étaient pas conformes à nos principes et d'en atténuer d'autres.
05:27 Donc c'est ce résultat. Il n'est pas question de supprimer la ME.
05:31 Je le dis très clairement, il n'est pas question de supprimer.
05:34 Vous allez la réformer à partir de janvier ?
05:35 Nous avons voulu poser les choses calmement, avec méthode.
05:40 On a demandé un rapport à deux personnalités, une issue de la droite, une issue de la gauche.
05:46 Ils concluent que la ME est nécessaire.
05:50 Donc nous allons garder la ME.
05:52 Nous avons retiré du texte la mesure qui supprimait la ME.
05:56 Mais quand vous engagez à réformer la ME, ça veut dire que ça va devenir la MU ?
06:01 Non mais clairement, nous avons supprimé du texte du Sénat la mesure qui faisait disparaître la ME
06:10 au profit d'un dispositif qui ne nous convient pas.
06:13 Et le rapport sur lequel nous nous appuyons ne propose pas de le faire, nous ne le ferons pas.
06:18 Elisabeth Borne, confirmez-vous qu'hier en réunion à l'Elysée, vous avez plaidé pour ne pas voter le texte issu de la CMP,
06:26 constatant que la majorité n'était pas unie derrière vous ?
06:30 Ah non mais je ne sais pas du tout qui dit ça, je n'ai jamais dit ça.
06:33 On a un objectif, faire voter un texte attendu par les Français qui respectent les principes que j'ai évoqués
06:41 et avec le Président de la République, bien évidemment, on souhaite que ce texte soit voté rapidement.
06:47 C'est maintenant le cas, on a d'autres sujets de préoccupation pour les Français, la santé,
06:52 il y a des choses qui me tiennent à cœur, vous savez, l'égalité des chances, la lutte contre les discriminations,
06:58 la transition écologique, donc maintenant il faut qu'on passe à autre chose.
07:02 C'est inédit depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir, un quart de votre majorité n'a pas voté le texte que vous avez présenté.
07:09 Est-ce que vous estimez que votre majorité a explosé ?
07:13 Non mais je vous confirme, vous savez, j'ai passé des heures avec notre majorité, près de 80% de nos députés ont voté ce texte
07:20 et moi je veux remercier ceux qui l'ont voté, c'est grâce à eux qu'on peut faire adopter un texte sans les voix du RN,
07:28 c'est grâce à eux qu'on n'est pas tombé dans le piège tendu par le RN. Ensuite, je ne juge pas ceux qui n'ont pas voté ce texte.
07:36 Vous savez, il faut être conscient de ce qu'on a demandé à nos députés.
07:40 Après le vote de la motion de rejet, il n'y avait pas de texte, pas de texte qui a été débattu.
07:45 Et en quelques jours, on a dû partir d'un texte du Sénat qui ne nous convenait pas et le modifier profondément.
07:52 On est sur des sujets extrêmement sensibles, sur lesquels un certain nombre de députés avaient besoin de prendre un temps que nous n'avions pas.
07:59 Donc moi je dis à ces députés que nous allons évidemment nous parler et continuer à nous parler et surtout porter ensemble des combats.
08:09 Vous savez, j'ai passé, je vous dis, des heures avec les députés. Je peux vous assurer, il n'y a pas de crise dans la majorité.
08:15 On souhaite avancer, continuer à avancer dans le cap fixé par le Président de la République et continuer à apporter des réponses à notre pays et aux Français.
08:25 Aurélien Rousseau, le ministre de la Santé, a-t-il présenté sa démission dans la nuit et l'avez-vous accepté ?
08:29 Attendez, moi j'ai échangé très tard dans la nuit avec le Président de la République. Il n'a pas reçu la démission d'Aurélien Rousseau, donc c'est un non-sujet.
08:35 Aurélien Rousseau, ni d'autres ministres n'ont pas démissionné à cette heure.
08:38 Alors, moi j'entends n'importe quoi.
08:40 Justement, c'est pour ça qu'on vous demande de clarifier.
08:42 Moi j'ai échangé avec des ministres qui sont concernés par les dispositions de ce texte que j'ai associé au maximum.
08:51 Forcément, il est légitime que les ministres se posent des questions. La ministre de l'Enseignement supérieur me dit qu'il y a des dispositions qui posent des problèmes.
09:02 On va les regarder. Le cas échéant, on les adaptera. Le ministre du Logement me dit que le travail qu'on a fait pour ne pas retenir la version du Sénat sur les aides personnalisées au logement, il y a des choses qui nous ont échappé.
09:15 On va le regarder. Le cas échéant, on le corrigera. On est dans un rôle normal, dans une situation normale.
09:21 Mais de démission, il n'est pas question concernant ces gens.
09:23 Non mais attendez, je veux dire, on a encore échangé hier avec notamment les deux ministres que je suis en train d'évoquer.
09:29 Vous n'avez pas reçu d'Aurélien Rousseau précisément, parce qu'Aurélien Rousseau ne s'est pas au conditionnel.
09:34 Mais on va arrêter de commenter des choses qui n'existent pas. Maintenant, on a un texte qui est voté. On va passer aux autres dossiers qui préoccupent les Français.
09:44 En espérant qu'Aurélien Rousseau clarifie ce qu'il a dit ou pas dit dans les minutes qui viennent.
09:49 On aura l'occasion d'échanger. Voyez, on a terminé tard hier. On aura l'occasion d'échanger. Concentrons-nous sur les sujets de préoccupation des Français.
09:56 L'un des députés Renaissance qui n'a pas voté ce texte, Eric Bottorel, a déclaré hier pour expliquer qu'il voterait contre quand il y a un texte sur l'immigration qui est voté par l'ERN.
10:04 Moi, je m'inquiète. Pas vous ?
10:06 Moi, je ne tombe pas dans les manœuvres du Rassemblement National.
10:10 Le Rassemblement National a voté un certain nombre de textes depuis le début du quinquennat.
10:15 Mon cap, ma ligne ne change pas parce que le Rassemblement National fait la girouette.
10:20 C'est des manœuvres grossières. Je le disais, il était ici même, Jordan Bardella, hier, à nous expliquer pourquoi jamais l'ERN ne voterait un texte qui contenait,
10:31 qui inscrit dans la loi, la possibilité de régularisation pour des gens qui sont sur notre territoire, qui travaillent depuis des années.
10:40 Jordan Bardella nous a expliqué que c'était une ligne rouge. S'il change d'avis, mon cap reste le même.
10:45 Convenez-vous qu'avec cet épilogue, c'est la fin du « en même temps », du dépassement macroniste,
10:50 ou alors que le « en même temps » est devenu « en même temps la droite et l'extrême droite ».
10:55 Je rappelle qu'Emmanuel Macron, en 2017, avait pris l'engagement politique de faire baisser le FN.
11:01 En 2022, il avait déclaré « vous m'avez élu pour faire barrage à l'extrême droite, ce vote m'oblige ».
11:07 Et aujourd'hui, vous votez une loi, on ne va pas y revenir, avec l'ERN qui revendique sa victoire idéologique.
11:14 Vous ne pouvez pas dire ça, on ne vote pas une loi avec l'ERN.
11:17 Que dites-vous à ceux qui ont voté Macron il y a un an et demi, pour faire barrage à Marine Le Pen ?
11:22 Qu'on continue à être déterminé à faire barrage à Marine Le Pen, en apportant des réponses aux préoccupations des Français.
11:29 Vous savez, j'ai échangé avec la députée d'Arras. C'est une députée qui vient du Parti Socialiste.
11:36 Elle dit que sans état d'âme, elle vote le texte parce qu'elle veut pouvoir rentrer dans sa circonscription en disant à ses électeurs qu'on va les protéger pour que plus jamais Arras.
11:50 Qu'on fait le maximum pour protéger les électeurs et ce texte, il comprend des mesures pour répondre à ces préoccupations.
11:57 Donc on va continuer à répondre aux préoccupations des Français.
12:01 On veut le faire le plus efficacement possible, s'attaquer demain aux problèmes du logement.
12:07 Répondre dans la durée aux préoccupations de nos concitoyens et de nos entreprises qui ont vu des flambées du prix de l'énergie.
12:15 On répond aux préoccupations des Français. C'est comme ça qu'on combat le Rassemblement National.
12:21 Et on garde notre cap, on garde nos principes, on garde nos valeurs.
12:24 Elisabeth Borne, vous avez dit que la députée d'Arras venait de la gauche, vous également.
12:29 Vous qui venez de la gauche, vous qui estimez que le Rassemblement National est l'héritier du pétennisme.
12:33 Est-ce qu'à un moment, ces derniers jours, vous avez pensé vous-même à démissionner ?
12:36 Absolument pas. Moi j'ai un objectif, faire voter un texte qui réponde aux préoccupations des Français.
12:45 On ne va pas se déterminer en fonction des manœuvres de garçons de bain du Rassemblement National.
12:52 Il y a des mots dans ce texte et il y a des failles qui n'existaient pas dans notre République jusque-là.
13:03 Et qui sont désormais inscrits dans l'esprit et dans le texte de cette loi.
13:07 Jordan Bardella hier s'est réjoui d'y voir consacrer la préférence nationale.
13:11 Le regroupement familial y est restreint.
13:13 Vous ouvrez la voie à la déchéance de nationalité pour ceux qui commettent un crime contre les forces de l'ordre.
13:18 Vous remettez en cause... Attendez, vous remettez en cause... Non, non, je vais vous interroger.
13:22 Ce sont ces mots-là qui, depuis trois jours, font réagir votre majorité et en tout cas l'aile gauche.
13:28 Vous remettez en cause le droit du sol. Vous demandez...
13:30 Mais étudiant, tout ce que vous dites est faux. Je suis désolée.
13:33 Alors on va y venir. Une caution. Vous ne demandez pas aux étudiants une caution ?
13:36 Attendez, tout ce que vous dites est faux. On ne remet pas en cause le droit du sol.
13:40 Où y a-t-il dans le texte une remise en cause du droit du sol ?
13:43 Où y a-t-il dans le texte...
13:45 Je vais vous le dire. Désormais...
13:48 Madame la Première ministre, je vais vous répondre très simplement.
13:50 Désormais, dans le texte, un jeune qui est né en France de deux parents étrangers ne sera plus automatiquement français,
13:55 comme c'est le cas aujourd'hui, c'est-à-dire le droit du sol.
13:57 Désormais, il devra en exprimer le désir à la préfecture.
14:00 Ça, c'est une remise en cause...
14:02 Non, ça n'est pas une remise en cause du droit du sol.
14:04 Nous avons changé le texte issu du Sénat qui disait "ce jeune peut acquérir la nationalité française".
14:11 Il est écrit dans notre version "ce jeune acquiert la nationalité française".
14:16 Mais ce qu'on dit, c'est qu'aujourd'hui, vous voyez, après, par exemple, ce qu'on a pu voir à Arras,
14:23 avec des personnes qui peuvent être installées sur notre sol,
14:26 qui ne partagent pas nos valeurs, qui n'aiment pas la France,
14:30 qui ne croient pas à la liberté d'expression,
14:33 qui ne croient pas à l'égalité entre les femmes et les hommes,
14:36 je pense que c'est important qu'on acquiert la nationalité française en confirmant qu'on aime notre pays et qu'on croit à ses valeurs.
14:47 Sur la préférence nationale, puisque c'est le point d'achoppement,
14:50 elle est désormais inscrite dans la loi concernant les allocations.
14:52 Mais de quoi on parle ?
14:53 Les Français auront un avantage sur les étrangers en situation régulière.
14:56 C'est ça que demande le RN.
14:58 Mais vous savez...
14:59 Pardon, je vous pose la question...
15:01 Attendez, Léa Salamé.
15:02 Est-ce qu'on peut dire que Michel Rocard a fait la préférence nationale ?
15:06 Est-ce que François Hollande a fait la préférence nationale ?
15:09 Pour bénéficier de la prime d'activité, un étranger doit attendre 5 ans.
15:14 Est-ce que c'est ça la préférence nationale ?
15:16 Madame la Première Ministre, désormais avec cette loi...
15:18 Est-ce que François Hollande et Michel Rocard ont défendu la préférence nationale ?
15:22 Désormais, avec cette loi, les étrangers qui travaillent,
15:24 les étrangers qui cotisent, qui sont en situation régulière,
15:27 on ne parle pas des sans-papiers,
15:28 devront attendre 2 ans et demi pour toucher les allocations familiales,
15:31 contrairement aux Français qui le touchent immédiatement.
15:33 Convenez que ça change profondément les valeurs et les principes.
15:36 Vous pouvez l'assumer ?
15:38 Nous sommes partis d'un texte qui ne correspondait pas à nos principes,
15:43 qui disait que parce que vous étiez étrangers,
15:46 on vous distinguait dans l'accès aux aides des Français.
15:50 Ce que nous avons transformé dans le texte qui a pu être voté hier,
15:54 c'est qu'on distingue les gens, non pas parce qu'ils sont Français ou étrangers,
15:58 mais parce qu'ils viennent étudier chez nous,
16:01 parce qu'ils viennent travailler chez nous,
16:03 ou qu'ils ne travaillent pas.
16:04 Et pour nous, c'est très important, ça correspond à ce qu'on porte,
16:08 l'intégration par le travail.
16:10 C'est ça qui est porté dans le texte.
16:12 Une mère célibataire avec un enfant ne pourra pas toucher les allocations sociales
16:16 avant 2 ans et demi ?
16:18 Je ne vais pas rentrer dans le détail.
16:20 Les détails sont importants quand même.
16:22 Moi, je suis parti d'un texte.
16:24 À cause de la nuppesse et du rassemblement national,
16:27 on n'a pas pu avoir le débat à l'Assemblée nationale.
16:30 Donc, il n'y avait pas de texte de l'Assemblée nationale.
16:32 Je vous ai dit, on a sorti des mesures dont on ne voulait pas.
16:35 La fin de l'hébergement d'urgence pour des personnes
16:38 qui nous valent le droit de se maintenir sur notre sol,
16:41 on les héberge jusqu'à ce qu'elles soient éloignées.
16:44 On a sorti la remise en cause de l'AME.
16:47 Il y a des mesures qu'on a adaptées.
16:49 En quelques jours, s'il y a des situations qui sont mal prises en compte,
16:53 on va les évaluer et on les corrigera.
16:56 En tout cas, la préférence nationale dans ce cas-là,
16:59 sur les cas des allocations...
17:01 Vous ne pouvez pas appeler ça de la préférence nationale
17:04 où vous nous dites que Michel Rocard et François Hollande,
17:07 en donnant 5 ans pour bénéficier de la prime d'activité,
17:10 portaient la préférence nationale.
17:12 Ce que nous, nous portons, c'est qu'il peut y avoir des situations
17:15 dans lesquelles, selon que vous travaillez ou que vous ne travaillez pas,
17:18 selon que vous venez étudier, quand vous venez étudier,
17:21 vous bénéficiez immédiatement...
17:23 Même quand vous travaillez, madame la Première ministre,
17:25 il faut attendre 2 ans et demi, c'est ça qui change dans le texte.
17:28 Quand vous venez pour travailler dans notre pays,
17:31 vous devez attendre pour faire le regroupement familial.
17:34 Quand vous n'avez pas votre famille, vous n'avez pas les allocations familiales.
17:37 Mais si votre famille n'est pas là, vous ne touchez pas les allocations familiales.
17:42 Je pense que ce sont des débats qui sont compliqués.
17:45 Ce que je peux vous dire, c'est que notre ligne, elle est claire.
17:48 Nous ne nous inscrivons pas dans les thèses du Rassemblement National.
17:52 Comme Michel Rocard, comme François Hollande,
17:55 il peut y avoir des distinctions entre les Français et ceux qui ne le sont pas.
17:59 Il n'y a pas d'avantage aux Français.
18:01 Mais on n'est pas du tout...
18:02 Dans cette loi, il n'y a pas un avantage aux Français par rapport aux étrangers.
18:05 Est-ce que la prime d'activité, au bout de 5 ans,
18:08 deux personnes qui font le même métier,
18:11 l'une qui la touche, l'autre qui ne la touche pas,
18:13 vous appelez ça de la préférence nationale ?
18:14 Est-ce que les allocations familiales, il y a un avantage pour les Français par rapport aux étrangers ?
18:18 Ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes partis d'un texte,
18:20 il y a peu de temps, sur lequel nous avons supprimé
18:23 ce qui ne correspondait pas à nos valeurs,
18:25 et nous avons atténué.
18:27 Et peut-être qu'on devra y revenir,
18:29 les mesures du type de celles que vous évoquez,
18:33 par exemple sur les aides personnalisées au logement.
18:35 Il y a aussi la question de la caution demandée aux étudiants étrangers,
18:39 les présidents, caution qui leur est demandé,
18:43 qui leur sera restitué au moment où ils s'en vont et quittent la France.
18:47 Les présidents des grandes universités de notre pays ont dénoncé des mesures indignes.
18:54 HEC, ESSEC, EESEC dénoncent un texte qui fait une croix sur l'apport de talents étrangers,
19:00 menace gravement notre compétitivité nationale.
19:04 La Sorbonne dénonce des mesures indignes,
19:07 contraires à l'esprit des Lumières,
19:09 qui nuisent à l'ambition de l'enseignement supérieur.
19:12 Que répondez-vous sur ce point ?
19:14 Je réponds qu'ils n'ont sans doute pas eu le temps de lire le texte,
19:17 dans lequel nous disons très clairement qu'on peut dispenser de cette caution,
19:22 le ministre de l'enseignement supérieur peut dispenser de cette caution,
19:26 des étudiants en fonction de leurs ressources,
19:30 en fonction de leur parcours scolaire et universitaire.
19:34 Est-ce que c'est le meilleur système ?
19:36 Pas forcément. Est-ce qu'il faut y réfléchir ?
19:39 Peut-être.
19:40 C'est-à-dire, pardon, qu'on ne comprend pas bien.
19:43 Cette caution, elle va être mise en place ?
19:46 Cette caution, elle n'est pas...
19:50 Le ministre de l'enseignement supérieur peut en dispenser des gens,
19:53 en fonction de leurs revenus,
19:55 et en fonction de leur parcours méritant, scolaire ou universitaire.
20:02 Et vous savez, moi j'entends effectivement les réactions.
20:05 Quand on est en Allemagne, pour pouvoir faire ses études,
20:09 on doit déposer 11 000 euros sur un compte bloqué.
20:13 Est-ce que c'est le meilleur système ?
20:15 Peut-être qu'on pourra en redébattre.
20:17 Vous semblez mal à l'aise avec cette disposition de la caution étudiante.
20:21 Vous dites vous-même est-ce que c'est le meilleur système.
20:24 Je vous le dis très clairement, on est en majorité relative.
20:28 Le texte tel qu'il a été adopté hier,
20:31 moi j'ai veillé à ce qu'il porte les mesures auxquelles nous tenions,
20:34 je l'ai dit, pouvoir éloigner des étrangers délinquants,
20:37 des gens qui ne respectent pas nos valeurs, qui présentent une menace.
20:41 Pouvoir régulariser des personnes qui travaillent, qui s'intègrent dans notre pays.
20:48 Ensuite, sur ce texte, comme sur tous les textes,
20:52 comme sur les près de 60 textes adoptés depuis le début du quinquennat,
20:56 on doit trouver des compromis.
20:58 Est-ce que c'est une bonne formule ? On va en reparler et on verra.
21:01 Elle sera de combien la caution ?
21:02 Ça peut être 10 euros, 20 euros.
21:05 Vous avez écrit un texte pour une caution de 10 euros ?
21:07 Non, c'est renvoyé à un texte réglementaire.
21:10 Hier, au Sénat, Gérald Darmanin a déclaré que des mesures du texte
21:13 étaient manifestement contraires à la Constitution.
21:16 Oui, je vous confirme.
21:17 Lesquelles ?
21:18 Par exemple, il est prévu que vous ne pouvez pas,
21:22 si vous épousez demain matin un Canadien ou un Japonais,
21:27 il ne peut pas rejoindre la France s'il ne parle pas bien français.
21:33 Ça ne passera pas au Conseil constitutionnel.
21:36 On va interroger le Conseil constitutionnel.
21:38 On a fait part de nos doutes aux Républicains avec lesquels on a discuté.
21:43 Donc le Président de la République va saisir le Conseil constitutionnel.
21:47 Le Conseil constitutionnel dira ce qu'il en est.
21:49 Vous appelez vos députés à voter un texte qui a des dispositions
21:53 qui ne sont pas constitutionnelles.
21:54 Nous avons appelé nos députés à voter un texte
21:57 parce que nous avons besoin de répondre aux préoccupations des Français.
22:01 Il peut y avoir des dispositions sur lesquelles nous avons alerté
22:04 sur nos doutes à deux titres.
22:06 À la fois sur le fond et sur le fait que normalement
22:09 quand on débat un texte de loi, on ne peut pas y rattacher des amendements
22:13 qui n'ont pas de rapport avec le texte.
22:15 Nous l'avons dit.
22:16 Nous allons saisir le Conseil constitutionnel.
22:18 Elisabeth Borne, vous vouliez initialement régulariser
22:22 tous les travailleurs dans les métiers en tension,
22:24 les métiers où la main-d'œuvre manque.
22:26 C'est bien ce qui est prévu dans le texte.
22:30 Rien n'a changé ?
22:32 La démarche n'est pas la même.
22:35 Mais pour la première fois dans la loi, la gauche ne l'a pas fait.
22:38 Tous ceux qui sont en train de nous donner des leçons
22:40 n'ont jamais inscrit dans la loi la possibilité
22:44 de régulariser des travailleurs sans papier.
22:46 Tous ceux qui nous donnent des leçons n'ont jamais levé
22:49 l'impossibilité de régulariser un salarié
22:53 sans l'accord de son employeur.
22:55 Entre l'article 3 du Puyetex et le 4 bis ?
22:58 Ce n'est pas exactement la même rédaction.
23:02 Je note que jamais la gauche n'a inscrit dans un texte
23:06 la possibilité de régulariser.
23:08 Ça s'est fait discrètement dans une circulaire
23:11 avec moins de garantie pour les personnes concernées.
23:14 Et je note qu'aujourd'hui, on ne peut pas régulariser
23:18 un salarié, même s'il est depuis 10 ans en France,
23:22 même s'il a travaillé 5 ans,
23:24 si son employeur ne le demande pas.
23:26 Aujourd'hui, ce n'est pas possible. Demain, ça le sera.
23:28 - Aujourd'hui, dans le nouveau texte,
23:30 pas le texte initial que vous avez écrit,
23:32 que vous avez présenté en consigne ministre,
23:34 ce sera des régularisations exceptionnelles
23:36 au cas par cas sur décision du préfet.
23:38 Pouvez-vous nous dire, parce que Gérald Darmanin
23:40 disait que grâce à cette mesure,
23:42 on va doubler le nombre de régularisations
23:44 dans le métier en fonction.
23:46 - C'est bien ce qu'on va faire.
23:48 Mais il l'a dit hier dans les débats.
23:50 - C'est quoi ? C'est 10 000 ?
23:52 - Mais c'est 10 000 déjà aujourd'hui.
23:54 On va doubler. Il y a 10 000 d'aujourd'hui
23:56 et il y en aura 10 000 de plus.
23:58 - Donc chaque année, il y aura 20 000 régularisations.
24:00 - Et Jordan Bardella, vous expliquez
24:02 à quel point c'était insupportable pour lui.
24:04 C'est dommage, ils ont voté le texte hier.
24:06 On comprend bien leur manœuvre.
24:08 - Madame la Première ministre,
24:10 il n'y a pas eu un moment où vous vous êtes dit,
24:12 après la motion de rejet,
24:14 et si on retirait le texte
24:16 et on revenait avec un autre texte,
24:18 une page blanche, est-ce que ce ne serait pas mieux ?
24:20 Est-ce que vous ne vous êtes pas posé cette question-là ?
24:22 - Forcément, on se pose la question
24:24 des différents chemins.
24:26 Ce qu'on s'est dit avec le président de la République,
24:28 c'est qu'il y a des mesures qui sont attendues
24:30 par les Français.
24:32 Ça fait un an qu'on parle de ce texte,
24:34 qu'il faut qu'on puisse passer à autre chose,
24:36 qu'il y a des sujets de préoccupation des Français
24:38 dont on doit pouvoir s'occuper.
24:40 Et moi, je suis contente
24:42 aujourd'hui qu'on ait pu faire adopter
24:44 un texte qui sera amené
24:46 à évoluer peut-être
24:48 après l'examen du Conseil constitutionnel,
24:50 dont on va regarder chacune des mesures...
24:52 - Vous en remettez au Conseil constitutionnel ?
24:54 - Non, pas du tout.
24:56 Chacune des mesures qui pourront être adaptées,
24:58 le cas échéant,
25:00 mais on a pu avancer et maintenant,
25:02 on va passer à autre chose.
25:04 - Il y a de la colère chez les auditeurs de France Inter
25:06 ce matin, notamment sur l'application.
25:08 Colette vous demande
25:10 « Comment avoir été de gauche et cautionner
25:12 un tel projet ? C'est incompréhensible. »
25:14 Élodie, que répondre à ceux
25:16 qui ont fait barrage en votant pour vous
25:18 en 2017 puis en 2022 ?
25:20 Le RN est fier de vous.
25:22 Bernard, plus directement, n'avez-vous
25:24 pas honte, Elisabeth Born ?
25:26 - Attendez, je pense que beaucoup
25:28 de vos auditeurs ne savent pas ce qu'il y a
25:30 dans le texte. On a le Rassemblement national
25:32 qui fait le tour des plateaux en disant
25:34 « C'est notre texte ». Le même Rassemblement national
25:36 qui expliquait hier pourquoi
25:38 ce texte, ils ne pouvaient pas le voter.
25:40 Donc je pense qu'il faut qu'on prenne le temps
25:42 d'expliquer ce qu'il y a dans le texte. Je vous le dis
25:44 très clairement, j'ai des valeurs.
25:46 Je suis profondément humaniste.
25:48 Je suis moi-même, fille
25:50 de quelqu'un qui est arrivé
25:52 comme apatrite dans notre pays, qui a acquis
25:54 la nationalité française. C'est quelque chose
25:56 qui me tient à cœur. J'ai veillé tout au long
25:58 des discussions, et je peux vous assurer
26:00 que j'ai mouillé la chemise pendant les
26:02 dix derniers jours. J'ai veillé à ce que ce texte
26:04 respecte nos valeurs. Le Conseil
26:06 constitutionnel dira ce qu'il en est
26:08 sur un certain nombre de mesures sur lesquelles
26:10 nous avons alerté les Républicains.
26:12 Ce texte, il protège les Français,
26:14 il permet d'éloigner des gens qui représentent
26:16 une menace pour notre pays,
26:18 il permet de régulariser ceux qui
26:20 le méritent, et c'est ce texte
26:22 que j'ai porté,
26:24 que nous avons voté.
26:26 Ce n'est pas le texte que nous aurions
26:28 fait en majorité. - Vous l'assumez ce matin.
26:30 - Ce n'est pas le texte que nous aurions voté en majorité
26:32 absolue. C'est le texte qui nous
26:34 permettait d'avancer. - Gérald Darmanin a présenté
26:36 sa démission, Emmanuel Macron l'a refusé.
26:38 S'il vous l'avait présenté à vous, vous l'auriez
26:40 accepté ? - Vous avez bien vu que
26:42 nous avons avancé, nous avons passé
26:44 quasiment tout notre temps ensemble
26:46 avec Gérald Darmanin, nous avons pu
26:48 ensemble faire bouger
26:50 un texte qui ne nous convenait
26:52 pas pour nous permettre de faire
26:54 voter un texte qui répond
26:56 aux préoccupations des Français. - La méthode Darmanin
26:58 elle a marché ?
27:00 - C'est clair que le
27:02 vote de la motion de rejet,
27:04 c'était une forme de détonation,
27:06 il fallait sortir de Saint-Impasse, j'ai mouillé
27:08 la chemise, aujourd'hui nous avons un texte qui
27:10 respecte nos principes. - Vous lui gardez votre confiance ?
27:12 - J'ai évidemment
27:14 pas d'état d'âme, aucun doute sur le sujet,
27:16 nous avons avancé avec Gérald Darmanin, nous avons
27:18 un texte qui a été voté conforme à nos
27:20 principes. - Merci madame la Première ministre. - Merci, merci
27:22 Elisabeth Borne d'avoir été au micro d'Inter
27:24 ce matin, il est 8h48.
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