Nouvelle loi immigration : "Faire une loi pour une loi, ça n'a pas de sens", selon Gabriel Attal
Alors que le gouvernement annonce une nouvelle loi sur l'immigration en début d'année prochaine, l'ancien Premier ministre et président du groupe Ensemble à l'Assemblée nationale, Gabriel Attal, assure qu'elle "n'a pas de sens" tant que son contenu n'est pas précisé. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-14-octobre-2024-3121404
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00:00Sonia Devillers, votre invitée ce matin, est présidente du groupe Ensemble à l'Assemblée
00:06Nationale et députée des Hauts-de-Seine.
00:09Et ancien Premier ministre, bonjour Gabriel Attal.
00:12Bonjour Sonia Devillers.
00:13Dominique Bernard, professeur de français, a été assassinée par un ancien élève radicalisé.
00:18Vous étiez alors ministre de l'Éducation Nationale.
00:21Un an après, vous vous tenez face à sa famille, vous vous tenez face à ses élèves, face
00:26à ses collègues.
00:27C'est hier à Arras, qu'avez-vous ressenti ? D'abord, je dirais que je me tenais à
00:32leur côté et avec eux.
00:35C'était un moment bouleversant qui était important d'abord pour eux et je veux redire
00:41à la famille de Dominique Bernard, comme à la famille de Samuel Paty, l'admiration
00:46qui est la mienne pour leur courage, qui va aussi à ses élèves et à ses collègues.
00:51C'est important pour l'école, parce que si on accepte la banalisation, ça veut dire
00:56qu'on accepte quelque part que ce type d'acte ne nous bouleverse plus.
01:01Or, c'est profondément révoltant et choquant de se dire qu'un professeur peut être tué
01:06aujourd'hui parce que professeur, parce qu'il enseigne et parce qu'il transmet.
01:09Et puis, c'est important pour notre pays, parce qu'on le voit, notre pays est continuellement
01:14testé sur ses valeurs et sur les valeurs de la République.
01:17On a un ennemi qui est l'islam radical.
01:21J'entends et j'échange avec les Français et j'entends parfois des Français qui disent
01:26« mais finalement, est-ce qu'on peut venir à bout de cet ennemi ? ». Et moi, je crois
01:28profondément que 66 millions de Français, un État intransigeant, quand ils sont unis
01:33et déterminés, oui, peuvent venir à bout de cet ennemi.
01:35Et quand la nouvelle ministre de l'Éducation nationale annonce ce week-end une baisse très
01:39nette, ce sont ces termes, du nombre d'atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires
01:44en cette rentrée 2024, avec des chiffres qui sont même flagrants, ça signifie quoi,
01:48que le combat est en train d'être gagné ?
01:49Il y a encore du chemin, mais ça veut dire qu'il y a une détermination qui est très
01:53forte.
01:54J'ai parlé avec la ministre Anne Geneté que c'est notamment dû à la diminution
01:58des atteintes à la laïcité sur le port de tenue religieuse.
02:00Vous savez qu'il y a un an, quand j'étais ministre de l'Éducation nationale, j'avais
02:04pris la décision d'interdire le port de l'abaya et du camis dans nos établissements
02:08scolaires.
02:09Il vient d'être validé par le Conseil d'État.
02:10Il y a à peine deux semaines, le Conseil d'État a validé cette décision que j'avais prise.
02:14Je m'en réjouis.
02:15Je m'en réjouis pour l'école et pour la République.
02:16Et effectivement, on a vu depuis cette décision une diminution très forte des atteintes à
02:21la laïcité s'agissant du port de tenue.
02:23Maintenant, on n'est pas au bout du problème.
02:24Il y a des atteintes à la laïcité en permanence dans nos établissements scolaires, des contestations
02:29d'enseignements.
02:30Un enseignant sur deux déclare s'être déjà auto-censuré dans ses enseignements
02:34par crainte de représailles ou de réactions.
02:37Ce sont des professeurs de SVT, ce sont des professeurs de français, des professeurs
02:41de musique, de philosophie, de sport.
02:44Et donc, c'est là où on doit absolument continuer à agir et être à leur côté.
02:48J'avais annoncé en tant que ministre le déploiement de cellules pédagogiques d'accompagnement
02:52à ces enseignants.
02:53Je pense qu'il y a d'autres mesures qui seront prises par la ministre et par le gouvernement
02:57et je les soutiendrai.
02:58Alors, enseignants, justement, le ministère de l'Éducation nationale annonce supprimer
03:024035 postes au nom de l'évolution démographique française, de la baisse du nombre d'élèves.
03:09Vous auriez fait la même chose ? Vous auriez pris la même décision ?
03:12C'est un débat qu'il y a chaque année.
03:13Vous savez que chaque année, on perd du fait de la démographie des élèves.
03:16Entre 2017 et 2027, 700 000 élèves de moins dans nos établissements scolaires.
03:22Chaque année, quand vous regardez le nombre d'élèves par classe que vous voulez, vous
03:25vous posez la question du nombre de postes d'enseignants qu'il faut créer, vous vous
03:28adaptez.
03:29Maintenant, la ministre l'a dit, le débat parlementaire commence et on aura des échanges
03:33avec le gouvernement sur ce sujet.
03:35Vous savez, cette année…
03:36Est-ce que les syndicats parlent de saigner ?
03:37Il y a 850 000 postes d'enseignants, c'est 4000 postes.
03:41Moi, j'entends évidemment les inquiétudes qui sont formulées.
03:44Je pense que l'important, c'est d'avoir des priorités pédagogiques.
03:49Je vous donne un exemple.
03:50Cette année, en 2024…
03:51La question du nombre de postes, vous ne m'avez pas répondu.
03:53La question, c'est quel est le projet pédagogique ? Cette année, en 2024, vous avez 80 000
03:58élèves de moins.
03:59Quand j'étais ministre de l'Éducation nationale l'an dernier, j'avais obtenu
04:022500 postes en plus.
04:04Donc, vous avez des élèves en moins, mais vous avez 2500 postes en plus.
04:08Pourquoi ? Parce que j'ai mis en place les groupes de niveau en 6e et en 5e pour le français
04:12et les mathématiques, pour à nouveau faire progresser les élèves au collège.
04:16Ça signifie quoi ? C'est que votre successeur va être obligé de s'y coller ?
04:19Non, pas du tout.
04:20Ça veut dire que ma successeur, je le crois très profondément, elle l'a dit, Anne
04:24Jeunetet, elle a une priorité et je la partage, c'est d'élever le niveau de nos élèves.
04:28Je pense que pour cela, elle déploiera des projets.
04:32Il y a les groupes de niveau qui vont être étendus, autre chose.
04:34Et que j'imagine que pour ces projets, il y aura besoin de postes supplémentaires
04:38et qu'on sera là pour l'accompagner.
04:39Vous savez, les postes que j'avais obtenus, je les avais obtenus après la discussion
04:42du PLF, du budget.
04:44Et donc, comme elle l'a dit, la discussion commence et on les accompagnera.
04:47La discussion commence, mais l'État va bien dépenser 834 millions d'euros de plus
04:52qu'en 2024 pour l'éducation nationale, mais l'éducation nationale avait été
04:56amputée en février dernier d'environ 700 millions d'euros dans le cadre d'un plan
05:01d'économie d'urgence.
05:02Vous étiez Premier ministre.
05:04Est-ce que vous vous sentez comptable ? Est-ce que vous vous sentez responsable de la situation
05:09dont hérite le nouveau gouvernement ?
05:11J'ai été nommé Premier ministre en janvier dernier.
05:14Et effectivement, la première chose que j'ai faite face à l'état budgétaire de notre
05:18pays, c'est de prendre un décret pour annuler 10 milliards d'euros de crédit budgétaire
05:22en cours d'année.
05:23Un frein d'urgence face à la situation budgétaire.
05:27Donc, heureusement que vous étiez là.
05:28Le ministère de l'Éducation nationale était le ministère, en proportion de son budget,
05:31le moins touché par ses économies, mais j'ai assumé de demander à tous les ministères
05:35de se serrer la ceinture.
05:36Ensuite, tout au long de l'année, j'ai gelé 17 milliards d'euros de crédit.
05:40C'est-à-dire que j'ai demandé aux ministères de les mettre de côté et de ne pas les dépenser
05:43pour qu'on puisse les annuler en fin d'année.
05:45Et enfin, en septembre dernier, ce n'est pas ce que je dis.
05:47Ce que je dis, c'est que j'ai pris des mesures pour identifier ou réaliser 40 milliards d'euros
05:52d'économies pendant huit mois où j'occupais la fonction de Premier ministre.
05:56Maintenant, il faut évidemment poursuivre.
05:58C'est pour ça qu'on soutient le Premier ministre et le gouvernement dans son objectif
06:02de rétablir les comptes.
06:03Mais ce que je voudrais comprendre dans ce que vous m'expliquez, Gabriel Attal, c'est
06:05que quand Éric Coquerel, député insoumis et président de la Commission des finances,
06:10veut transformer sa commission en commission d'enquête pour comprendre d'où viennent
06:14les responsabilités sur ce dérapage dont hérite aujourd'hui Michel Barnier, est-ce
06:19que vous trouvez que c'est une bonne chose ou une mauvaise chose ? Puisque vous êtes
06:21en train de me dire « moi, j'ai pris les mesures nécessaires à ce moment-là ».
06:25Moi, je trouve ça toujours positif, évidemment, quand le Parlement fait son travail d'évaluation.
06:28D'ailleurs, il y a déjà eu des auditions qui ont été faites des ministres.
06:32Si la Commission des finances souhaite en faire d'autres, ils en feront d'autres.
06:36Moi, ce que je dis, c'est que ça fait 50 ans que la France dépense plus que ce qu'elle
06:39gagne.
06:40On le sait.
06:41En 2017, il y a des réformes qui ont été engagées pour réduire notre déficit et
06:44on était d'ailleurs repassé sous les 3%.
06:46Ensuite, il y a eu des dépenses, certaines, je le crois, totalement justifiées sur le
06:50« quoi qu'il en coûte » face au Covid, le bouclier tarifaire face à la crise de
06:54l'inflation pour limiter la progression de la facture des Français, probablement des
06:58dépenses qui étaient moins prioritaires.
07:00C'est important de faire ce bilan-là aussi.
07:02Aujourd'hui, l'enjeu, et je crois qu'on est très largement rassemblés là-dessus,
07:06c'est quand même de rétablir nos comptes.
07:07Ce week-end, Elisabeth Borne, selon Var Matin, que j'ai lu attentivement, a griffé votre
07:13bilan à Matignon, a dit que les finances publiques se sont dégradées ces six derniers
07:18mois.
07:19Moi, d'abord, ça ne m'intéresse pas de répondre à ce type de propos.
07:23Ce que je rappelle, vous m'avez invité à le faire en rappelant que j'avais fait
07:26des économies en arrivant à Matignon, c'est qu'en huit mois, 40 milliards d'euros
07:31d'économies identifiées ou réalisées.
07:33Je ne suis pas certain, quand on regarde dans le passé, il y a eu un tel bilan en
07:37matière d'économies sur un temps si court.
07:39Mais encore une fois, je pense qu'on est tous convaincus qu'il faut rétablir nos
07:42comptes.
07:43On vous entend.
07:44Le gouvernement, sous l'impulsion de Bruno Retailleau, nouveau ministre de l'Intérieur,
07:46veut une nouvelle loi immigration.
07:49Une trentième loi immigration.
07:51En ligne de mire, les mesures voulues par la droite, mais retoquées l'année dernière
07:54par le Conseil constitutionnel.
07:56Qu'en pensez-vous ?
07:57Moi, je pense qu'avant de dire qu'il faut une nouvelle loi, il faut peut-être nous
08:00expliquer ce qu'il y aurait dans la loi en question.
08:03Ce qui compte, c'est moins de savoir si on fait ou pas une loi.
08:05Ce qui compte, c'est peut-être de savoir ce qu'on veut mettre dedans.
08:08Faire une loi pour une loi, ça n'a pas de sens.
08:10On partage un objectif, je crois, là aussi, c'est de mieux maîtriser notre politique
08:15migratoire.
08:16Allonger la durée de rétention, par exemple.
08:18Ce qui ne veut pas dire, comme certains le poussent, l'immigration zéro.
08:21Ça, personne n'y croit.
08:22Parce qu'on a besoin d'une partie d'immigration, évidemment, pour une partie de nos services
08:26publics.
08:27Allonger la durée de rétention dans l'étranger.
08:28On l'a fait.
08:29On l'a fait.
08:30C'était, je crois, 45 jours.
08:32On a adopté une loi, il y a moins d'un an, sur l'immigration, avec des mesures dont
08:37certaines ne sont pas encore en vigueur, puisque les décrets ne sont pas encore sortis.
08:40Donc, je le dis...
08:41Donc, une 30e loi, ça ne sert à rien ?
08:42Je ne peux pas vous répondre, parce qu'on ne nous dit pas ce qu'il y aurait dans cette
08:46loi.
08:47Donc, moi, je suis prêt à avoir un débat, une discussion sur des mesures qui seraient
08:49proposées, et à ce moment-là, se poser la question d'une loi.
08:51Mais faire une loi pour une loi, sans nous expliquer ce qu'il y aurait dedans, ne me
08:55semble pas totalement prioritaire.
08:57Ce qui est prioritaire, c'est d'agir pour que l'État puisse véritablement maîtriser
09:01qui rentre et qui sort.