Merci Mesdames

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Merci Mesdames

L'histoire de la navale est bien connue à Nantes. Mais celle de la place des femmes et des famille beaucoup moins. Elles représentent la part de l'ombre, la part intime, cachée de la mémoire ouvrière. Mais bien souvent les femmes ont été très partie prenante de la vie de leur mari, elles ont connu, les cadences, les accidents, les moments de solidarité, les grèves qui ont fortement impacté leur famille. Elles ont été témoins des grande mutations Pour la première fois 3 d'entre elles ont accepté de témoigner auprès des 4 étudiantes solidaires de leur conditions.

Un film de Iris Hutin, Juline Huchet, Marie Moreau, Anäis Petorin.

Ce projet pédagogique, a été monté en partenariat avec la Maison des Hommes et des Techniques et l'IUT de la Roche sur Yon. Conçu comme une rencontre entre deux mondes, celui des étudiants et des ouvriers de la construction navale, ce projet a permis de collecter des témoignages sur des sujets peu évoqués jusqu'à aujourd'hui autour de la mémoire ouvrière à Nantes. Ils rejoignent une collection de 11 documentaires visibles au musée permanent de la Maison des Hommes et des Techniques.à Nantes

Intervenant réalisateur : Xavier Liébard
Coordination pédagogique : Zeineb Touati
Maison des Hommes met des Techniques : Elise Nicolle, Dorian Cougot, Coralie Magaux.

Contact : xavier.liebard@univ-nantes.fr

Playlist la navale
https://dailymotion.com/playlist/x7fd46
Transcript
00:00 -Ce serait des femmes d'ouvriers alors.
00:02 -Ah ça ? Ici, oui, c'était la réunion qu'on faisait.
00:05 -Ah oui ? T'es pas venue ?
00:06 -Bah non, j'ai pas fait de réunion. -En 77 ?
00:09 -Non, j'étais avec, oui, les enfants.
00:12 ...
00:14 -Si, si, j'en connais plusieurs. -Ah oui, oui.
00:16 -Ce qu'il faut savoir, c'est que les chantiers navals,
00:20 il y en avait notamment trois grands,
00:22 ça a été jusqu'à 7 500 salariés.
00:24 Donc c'était vraiment une petite ville dans la ville.
00:27 Et puis, à partir des années 1960,
00:30 petit à petit, il va y avoir
00:32 les premières grandes vagues de licenciements.
00:34 Donc petit à petit, on voit que l'activité va être émaillée
00:39 de grands mouvements de grève, de grands mouvements de lutte,
00:41 notamment contre ces licenciements.
00:42 Les effectifs ont fondu.
00:44 De trois chantiers, on est à un seul chantier,
00:47 donc Dubigeon-Normandie.
00:49 Et le mouvement de la fermeture va s'étaler de 1983 à 1987.
00:55 -Coup de colère de l'intersyndicale, le travail cesse immédiatement.
00:59 L'usine est fermée, la grille principale est cadenassée.
01:03 -Quand on parle du conflit de la fermeture,
01:05 on parle surtout des ouvriers eux-mêmes.
01:07 Et effectivement, ils ont mené le mouvement,
01:09 mais il y a un angle mort de l'histoire
01:11 et qui est vrai dans un certain nombre de conflits sociaux,
01:13 c'est qu'on oublie la place des familles.
01:15 Effectivement, quand quelqu'un perd son travail, c'est terrible,
01:18 mais ça a un impact sur toute la vie familiale.
01:21 On voit, par exemple, que la décision de militer,
01:25 c'est souvent une décision qu'on négocie aussi en famille.
01:28 De même, quand on milite,
01:31 souvent, c'est toute la famille qui milite.
01:33 Donc ces femmes aussi, elles étaient amenées à se rencontrer
01:35 lors de ces sorties d'entreprise, lors de repas.
01:39 Il y avait aussi des liens de camaraderie très, très forts,
01:42 donc forcément, ces femmes, elles étaient amenées
01:44 à se connaître entre elles
01:45 et par extension, effectivement, à discuter entre elles
01:49 et pourquoi pas à mener des actions ensemble.
01:52 -Pour moi, c'est Marek Le Bizarre.
01:55 Je suis mariée à Jean-Baptiste Bizarre.
01:57 -Bernadette Vallière, mariée avec Michel Vallière.
02:00 -Moi, c'est Marianne Couvrant.
02:02 Donc je suis mariée avec Claude Couvrant.
02:06 ...
02:09 -Nous, on a appris à se connaître par les mouvements, en fait.
02:13 -Oui, c'est ça. -On s'est connus.
02:16 Quand il y a eu toutes ces grèves et qu'on se retrouvait en tant que femmes,
02:19 du coup, c'est comme ça qu'on s'est connus.
02:21 ...
02:23 -Yannick, là. -Oui, c'est Yannick.
02:25 ...
02:34 -Dès le début du XXe siècle,
02:36 lors de mouvements de grève dures,
02:38 les épouses vont recevoir des courriers pour dire
02:41 "Eh oh, il va peut-être falloir parler avec votre conjoint
02:45 "pour qu'il arrête la grève."
02:46 -Monsieur le directeur, en tant que femme de travailleur
02:49 de votre entreprise,
02:51 nous nous étonnons et nous nous indignons à plus d'un titre
02:54 de la mesure d'intimidation à l'encontre de nos foyers.
02:58 La désorganisation est plus de votre fait
03:01 que celui des travailleurs dont nous sommes solidaires.
03:03 -C'est un peu gros de leur part de demander à des femmes
03:07 à qui on demandait pas grand-chose, parce que c'était l'évolution.
03:09 La femme commençait à prendre sa place dans la société.
03:13 Et là, on allait lui demander...
03:15 Tout d'un coup, on en avait besoin. C'était quand même curieux.
03:18 -Ah ben là, il a bien mis de l'huile sur le feu,
03:21 parce qu'il y en avait aucune qui était d'accord.
03:24 Du coup, elle est dans le sens.
03:26 On était solidaires du mouvement de nos maris.
03:29 C'était l'avis de nos familles aussi.
03:32 -En particularité, c'est d'être des épouses
03:36 de militants très, très actifs.
03:38 -La guerre reste au Royaume-Uni !
03:40 -C'est un peu non-croyant !
03:43 -Je pense que le fait d'avoir nos maris un peu militants,
03:47 ça nous aussi, quelque part.
03:49 -Le chantier Naval, en fait,
03:51 ça ne se résumait pas non plus qu'à l'action du travail.
03:54 Il y avait notamment le comité d'entreprise.
03:57 Donc, le comité d'entreprise organisait des voyages
04:01 pour les familles, organisait un certain nombre de choses,
04:04 dont bénéficiait toute la famille.
04:06 -Il y avait les distributions, il y avait la cantine,
04:10 il y avait la caisse de solidarité.
04:13 -Les voisins. -La famille.
04:14 Et puis, on faisait des démarches auprès des municipalités aussi
04:18 pour avoir la cantine gratuite, peut-être,
04:21 des trucs comme ça.
04:23 ...
04:35 -Il y avait des voisins qui nous apportaient à manger.
04:39 On a dit "Mais non, on y arrive !"
04:41 Mais ils étaient vraiment... Ils voyaient que c'était quand même dur.
04:45 -Les femmes, notamment lors des grèves de 77,
04:47 ont organisé des réunions entre elles
04:51 pour discuter des difficultés que le mouvement engagait
04:55 pour leurs familles, mais aussi pour soutenir ce mouvement.
04:58 -C'est partager, en fait, ce que chacune savait,
05:01 dans différents domaines.
05:03 Et ça, c'était important aussi pour rompre un peu l'isolement,
05:06 peut-être, de certaines familles.
05:08 Quand on se retrouve avec pas de moyens,
05:12 on voit Marie sans doute préoccupée aussi.
05:15 Donc ça permettait de discuter, de partager.
05:19 -Dans les années 80, c'est la même chose.
05:22 Et notamment quand on étudie les documents d'archives
05:25 des grèves de 1983 à 1987,
05:28 il n'est pas rare de les trouver avec les enfants sur les photos.
05:33 -Je sais que moi, j'étais avec mes enfants une fois,
05:36 et on a eu très, très peur, parce que les CRS, ils chargeaient.
05:38 Ils n'avaient pas peur.
05:40 Il y a quelqu'un qui nous a fait rentrer dans un couloir,
05:43 et ça, ça m'a marquée.
05:44 Mais...
05:46 -Ils ont été sensibilisés quand même.
05:48 Mon fils aîné, il aime bien,
05:51 maintenant qu'il est revenu dans la région,
05:52 il aime bien venir partager l'exposition.
05:56 Enfin, il a quand même vécu,
06:01 même de loin, parce qu'il était petit,
06:03 mais sans doute qu'il a été imprégné.
06:05 Il a voulu adhérer à l'association
06:08 des hommes d'osée technique.
06:10 Il a voulu continuer, sans doute, ce que...
06:14 Ça fait partie de son histoire.
06:15 C'était un moment joyeux aussi, le chantier.
06:17 C'était le lancement de l'émeute aujourd'hui.
06:20 C'était la fête d'aller visiter le bateau,
06:27 et puis de voir le bateau, de lancer,
06:29 de voir le monde de l'entour.
06:31 Enfin, c'était la fête sur montre.
06:33 -Moi, j'aime bien que ça te donnait des frissons d'entendre...
06:38 -Les baccords, la corde de brume.
06:40 -Toute la préparation.
06:42 (musique douce)
06:44 (...)
06:58 -On est assistés au lancement avec les enfants.
07:01 On montrait ce qu'on avait fait.
07:03 C'était des moments importants.
07:05 Et donc, la fermeture de ces chantiers,
07:07 ça a été un moment aussi de crise identitaire pour la ville,
07:11 mais peut-être un petit peu aussi pour les ouvriers et les familles,
07:15 parce que, tout d'un coup, on était toujours de la navale,
07:19 mais la navale n'existait plus.
07:20 -La section syndicale CMDT était une grande famille.
07:25 Oui, et puis, quitter quelque chose qui se passait bien, aussi.
07:29 Tu dois partir avec un peu...
07:31 T'as des regrets, donc...
07:33 Pour s'ouvrir à autre chose, il a fallu un temps, après.
07:37 -Ça fait 31 ans que je suis dans la navale.
07:39 Pour moi, c'est les trois quarts de ma vie.
07:42 Vraiment, là, je suis navré, quoi.
07:45 Et puis j'attends son départ,
07:47 parce que pour moi, ça sera vraiment une tristesse.
07:48 J'y crois pas.
07:50 Jusqu'à présent, j'y crois pas.
07:51 Tant qu'il sera pas parti, j'y crois pas.
07:53 -Donc, Claude a été pratiquement tout le temps délégué au CHSCT,
08:00 au comité d'hygiène, sécurité.
08:03 Il s'est bagarré comme un chiffonnier
08:05 pour les protections contre l'amiante et tout ça.
08:09 Et puis, il est mort de l'amiante.
08:12 -Ah, c'est...
08:13 -À 58 ans.
08:15 -Hum, hum, hum.
08:17 -Malheureusement.
08:18 -C'est vrai que c'est terrible,
08:20 parce qu'il s'est toujours battu pour avancer,
08:24 et puis c'est lui qui en meurt,
08:27 comme malheureusement d'autres copains.
08:30 Même si c'est une femme de l'ombre,
08:33 parce que c'est souvent des femmes de l'ombre,
08:36 eh bien, quand même, elles ont une place importante,
08:39 je pense, dans le soutien,
08:42 dans tout ces moments-là,
08:44 je pense qu'elles ont une grande place.
08:47 Beaucoup de patience,
08:49 beaucoup d'écoute sans parler, mais...
08:53 -Oui, oui.
08:54 Moi, je sais que même si on n'avait pas beaucoup de sous,
08:57 je l'ai jamais empêchée de faire la grève
09:00 et de soutenir les ouvriers à droite et à gauche,
09:05 parce que, bon, forcément que c'était des heures pas payées,
09:08 donc les payes, elles étaient déjà pas bien grosses,
09:12 alors si on en pute une demi-journée par-ci,
09:14 une demi-journée par-là,
09:16 il y a eu des années où, franchement,
09:18 ils étaient tout le temps en train de manifester.
09:21 -Je pense qu'on est des grandes femmes.
09:24 (Rires)
09:25 ...
09:46 ...

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