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La transition dessin papier au dessin numérique dans la navale

Entre les années d'après guerre et les années 1980, les outils des dessinateurs de la navale à Nantes ont considérablement évolués. Ces métiers sont passés d'immenses plans de bateaux consultés à même le sol à des ordinateurs numériques infiniment plus précis et plus complexes. Pour ces métiers, cette révolution numérique a bousculé la manière même de concevoir le métier. Avec l'arrivée des ordinateurs, ce sont toutes les étapes de la construction d' un bateau qui ont été profondément modifiées ainsi que le lien entre les différents corps de métiers, la notion de lien a été remplacée par une plus grande vitesse d'exécution. Deux dessinateurs issus de la navale témoignent de ces bouleversements.

Les étudiants de la Licence Tic Arc ont enquêté sur cette révolution des pratiques dans la navale à Nantes.

Un film de Hyllona Hubert, Inès Leclair, Camille Leclerc, Louisa Letrouit-Kauffman.

Les témoins: Gérard Tripoteau et Michel Lefeuvre

Ce projet pédagogique, a été monté en partenariat avec la Maison des Hommes et des Techniques et l'IUT de la Roche sur Yon. Conçu comme une rencontre entre deux mondes, celui des étudiants et des ouvriers de la construction navale, ce projet a permis de collecter des témoignages sur des sujets peu évoqués jusqu'à aujourd'hui autour de la mémoire ouvrière à Nantes. Ils rejoignent une collection de 11 documentaires visibles au musée permanent de la Maison des Hommes et des Techniques.à Nantes

Intervenant réalisateur : Xavier Liébard
Coordination pédagogique : Zeineb Touati
Maison des Hommes et des Techniques : Elise Nicolle, Dorian Cougot, Coralie Magaux.

Contact : xavier.liebard@univ-nantes.fr

Playlist la navale
https://dailymotion.com/playlist/x7fd46
Transcription
00:00 [Musique]
00:26 Alors cette photo, c'est une photo de la crèche qui date de 1952.
00:31 Et moi je me trouvais donc ici.
00:34 Je suis entré à 16 ans et demi à la crèche.
00:36 Je suis un ancien dessinateur des chantiers navals.
00:41 Je me suis retrouvé dans la construction navale et je ne regrette pas.
00:45 Je commençais donc dans la construction navale, avec bonheur aussi,
00:50 mais c'était au chantier de la Gironde à Bordeaux,
00:53 et comme traceur de coque.
00:56 Et de traceur de coque, on m'a envoyé ici, à l'école des dessinateurs, à la crèche.
01:01 J'étais aussi traceur.
01:03 C'était la classe au-dessus un petit peu.
01:05 Puis après c'était dessinateur, puis après il y avait...
01:08 Au-dessus il y avait les ingénieurs.
01:09 Les ingénieurs, tout ça quoi.
01:11 Pour les ouvriers, on était les chiens savants.
01:14 [Bruit de machine à tour]
01:19 Est-ce que c'était encore là ?
01:21 On peut en parler, on a...
01:24 C'est peut-être encore avec les moins chers, non ?
01:26 Ok.
01:27 Donc, le plan d'ensemble, il y a le plan longitudinal,
01:34 le plan horizontal du pont supérieur,
01:39 et le plan du pont deuxième pont.
01:42 Lorsqu'on a commencé à faire des bateaux en fer et en acier,
01:46 il fallait préparer avant.
01:48 Et donc préparer avant, ça veut dire qu'il fallait tracer en vraie grandeur
01:52 toutes les pièces des bateaux,
01:54 et puis les plans de formage et les gabarits de formage.
02:00 Pour que les gens après, quand ils ont l'atoll,
02:03 prennent l'atoll qu'il faut en dimension,
02:05 et après la forment suivant les plans de formage et tout ça.
02:08 [Bruit de machine à tour]
02:13 Ce qu'il fallait aussi, c'est avoir l'imagination
02:18 lorsqu'on changeait de bateau, parce qu'il y avait des carfairies,
02:21 il y avait des transports de produits chimiques,
02:23 il y avait des chalutiers, etc.
02:25 La première étape, c'est le plan, comme ici,
02:27 on a un petit peu le plan d'ensemble,
02:29 avec toutes les parties et tout ça,
02:31 et après, c'est dans des bureaux, il y a les bureaux coques,
02:34 je faisais, donc qui prennent toute la charpente et tout ça,
02:37 qui font en détail, les bureaux machines,
02:40 les bureaux électricité, les bureaux d'aménagement, etc.
02:44 On pouvait dessiner au dixième,
02:47 et après c'était projeté en vraie grandeur sur des espaces.
02:52 Il y a des normes, des normes de représentation,
02:55 des normes d'écriture,
02:57 de façon à ce que, c'est comme une écriture,
03:01 les plans puissent être lus par d'autres à l'extérieur
03:05 qui connaissent donc les normes de dessin.
03:08 [Bruit de planchette]
03:15 J'ai commencé au chantier de Bretagne, c'était très vieillot,
03:20 on travaillait sur des tables avec des équerres,
03:23 et c'était pas évident quand on avait des grands plans,
03:25 il fallait se tourner de l'autre côté,
03:27 enfin, on se mettait à plavanque même des fois.
03:29 Au départ, on faisait au crayon, et après on faisait à l'encre.
03:33 À l'encre, c'était ce qu'on appelait un tire-ligne,
03:36 c'est-à-dire c'était un genre de bec dans lequel on pouvait régler,
03:41 on mettait de l'encre, alors c'était fastidieux
03:44 parce qu'il y avait une petite bouteille avec un genre de compte-gouttes,
03:47 et puis on traçait un trait.
03:49 Et puis en plus, ça ne sèche pas tout de suite,
03:51 alors si on fait un trait et puis qu'on fesse le machin,
03:54 on va "poum" !
03:56 Il fallait gratter !
03:58 On avait des piles de plans sur la table qu'il fallait consulter,
04:01 c'était encombrant, et puis c'était pas facile.
04:04 Mais avec le numérique, ça n'existait pas.
04:07 À partir des années 75-80,
04:18 on a commencé à avoir des postes,
04:21 ici aussi des postes informatiques.
04:23 Alors là, le numérique, ça a été différent
04:26 parce que d'abord il fallait s'adapter à l'outil,
04:30 parce que là, c'est du concret.
04:34 C'est-à-dire qu'on touche le papier, on tire, voilà.
04:39 Alors que le numérique, c'est un écran.
04:42 Et d'abord, regardez derrière, il n'y a rien qui se passe.
04:46 Et en numérique, on peut faire des zooms,
04:48 et alors là, on est perdu. Au débat, moi j'étais perdu.
04:51 Parce qu'ici, il y a des inscriptions,
04:54 il y a des inscriptions spécifiques qui ont une certaine grandeur,
04:59 qu'on puisse lire.
05:01 Tandis qu'en numérique, si on fait un zoom, et on marque,
05:05 et puis quand le plan est tiré,
05:08 on voit que c'est tellement tout petit qu'on ne voit rien.
05:10 Donc la difficulté, ça a été de faire par partie
05:15 ce qu'on faisait dans un ensemble.
05:17 Il fallait tracer, donc c'est bien joli avec le machin.
05:22 Alors là, ici, moi je trace.
05:24 Je prends ça, je vois la courbe, je l'adapte là.
05:27 Tandis que là, je trace un trait, où est-ce qu'il s'en va ?
05:30 Des fois c'était ça d'ailleurs.
05:32 J'ai tracé un trait, on fait un zoom,
05:34 où est-ce qu'il est parti ? Où est-ce qu'il est montré ?
05:37 Et donc, ça a été toute une adaptation définitive
05:40 d'avoir dans la tête à la fois le détail et à la fois l'ensemble.
05:45 Ici, à Dubigeon, dans les chantiers,
05:51 on allait voir les copains, il y avait une relation.
05:56 Alors qu'au chantier atlantique, c'était vraiment cloisonné.
06:00 Il y avait le bureau coq, le bureau machine,
06:04 le bureau électricité, le bureau aménagement.
06:07 Et si on voulait voir, un gars qui voulait voir,
06:11 "Ah ben tiens, je veux voir par exemple des aménagements,
06:14 "la mine, les pontilles et tout ça",
06:16 il fallait dire au chef d'aller voir.
06:19 Et pendant ce temps-là, il se tournait les pouces
06:21 puisqu'il n'y avait pas d'anciennement.
06:23 Alors que nous, on allait directement voir les copains.
06:25 Il y avait une osmose complète entre tous les bureaux d'études
06:31 ou chantiers ici, tandis que là-bas, c'était complètement cloisonné.
06:34 (Générique)
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07:35 - Je pense que dans le métier de dessinateur,
07:38 suivant l'évolution des techniques et les différents navires,
07:42 on apprend toute sa vie.
07:44 - Bravo. - Ça, c'est très intéressant.
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