Réforme des retraites : il y a "un problème de viabilité et de compétitivité avec le système actuel", explique Patrick Martin, candidat à la présidence du Medef

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Patrick Martin, président du groupe Martin Belaysoud Expansion et candidat à la présidence du Medef, était l'invité éco de franceinfo me 21 mars 2023.

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00:00 *Musique*
00:04 Bonsoir à tous, ce soir je reçois le numéro 2 du MEDEF, Patrick Martin, bonsoir.
00:09 Bonsoir.
00:09 Vous êtes candidat à la présidence de l'organisation patronale pour succéder à Geoffroy Roux de Bézu, on va y revenir bien sûr.
00:16 Mais avant cela, j'aimerais avoir votre sentiment sur la réforme des retraites.
00:20 Après demain jeudi se tient une nouvelle journée de mobilisation contre cette réforme.
00:25 La neuvième, est-ce que ce sera la dernière selon vous ?
00:27 Il faut le souhaiter. Je rappelle que cette réforme, qui n'est pas la réforme du MEDEF, nous paraît malgré tout nécessaire
00:33 pour pérenniser nos régimes de retraite par répartition.
00:37 Les alternatives c'est quoi ? C'est diminuer les pensions ou augmenter les cotisations.
00:41 Je le rappelle à 40% à la charge des salariés, c'est la moins mauvaise solution, il faut en passer par là.
00:46 Donc vous dites comme le gouvernement, même si ce n'est pas votre réforme, que cette réforme elle est nécessaire, elle est indispensable pour sauver
00:52 notre système de retraite par répartition.
00:54 Bien sûr on peut prendre les chiffres dans tous les sens, on peut tout leur faire dire.
00:57 Mais il faut avoir en tête par exemple que la France, toute proportion gardée,
01:02 consacre 60 milliards d'euros de plus par an à ses retraites que les autres pays.
01:06 Donc ça pose un problème de viabilité, ça pose un problème de compétitivité.
01:11 Et donc aussi désagréable que ce soit pour les intéressés, dont je fais partie, je le signale, il faut en passer par là.
01:18 Mais vous voyez qu'il y a une partie des français qui ne veut pas travailler deux ans de plus et qui se mobilise depuis deux mois.
01:24 Comment est-ce que vous expliquez que ces français disent "on ne veut pas travailler deux ans de plus" ?
01:29 Alors peut-être que cette réforme a été mal amenée.
01:32 Il y a un chiffre qui est assez intéressant et un peu perturbant d'une certaine manière.
01:36 Oui il y a cette opposition assez massive à la réforme.
01:38 Et à ce point particulier, du recul de l'âge légal ?
01:41 En même temps si je ne me trompe pas, peut-être par résignation, je pense plutôt par rationalité,
01:48 une majorité de français sait dorénavant que cette réforme est incontournable.
01:52 Alors venons-en au fond du texte.
01:55 Parmi les mesures, il y a celle de l'index senior qui oblige les entreprises,
01:59 alors cette année de plus de 1000 salariés, l'année prochaine plus de 300 salariés,
02:03 à publier la place réservée aux seniors en entreprise.
02:07 Cette mesure, le patronat n'en voulait pas. Est-ce que vous allez l'appliquer ?
02:12 C'est plus nuancé que ça, si vous me permettez.
02:13 On ne demande pas cet index senior, mais j'allais dire on s'en accommode,
02:18 avec y compris une sanction s'il n'est pas publié.
02:20 Sous forme d'amende ?
02:21 Voilà, à hauteur de 20% de la masse salariale, c'est quand même considérable.
02:25 Ce contre quoi, enfin ce pour quoi on n'est pas d'accord,
02:29 c'est de fixer un standard en définitive de taux d'emploi de senior dans une entreprise,
02:35 parce que toutes les entreprises sont différentes.
02:36 On cite volontiers le cas d'une start-up créée il y a 5 ou 6 ans dans le digital,
02:40 on peut imaginer qu'il n'y a pas beaucoup de seniors dans cette entreprise.
02:43 Faudra-t-il la sanctionner ? Ou à l'inverse, une entreprise,
02:45 c'est le cas de la mienne, très active en matière d'intégration d'apprentis,
02:49 mécaniquement ça dégraderait la proportion de seniors dans son effectif.
02:53 Faudrait-il la sanctionner au motif qu'elle accueille beaucoup de jeunes ?
02:56 - Donc c'est compliqué, c'est la mise en oeuvre ? - Voilà.
02:58 - Et donc on ne peut pas avoir la même règle pour tout le monde ?
03:00 Des décisions par branches, que ce soit décidée par branches,
03:04 ça vous conviendrait ? Ou là aussi c'est compliqué ?
03:06 - À nouveau à l'intérieur d'une branche, l'histoire de l'entreprise n'est pas la même.
03:09 Il y a des entreprises qui se portent bien, d'autres pas,
03:11 des entreprises qui recrutent beaucoup, d'autres qui au contraire,
03:14 réduisent leurs effectifs.
03:16 Ça nous paraît très objectivement impossible à mettre en oeuvre,
03:19 sauf à créer des iniquités massives entre les entreprises elles-mêmes.
03:22 Autant ne pas le faire.
03:23 - Alors, mise en oeuvre difficile, qu'en est-il du CDI senior,
03:26 qui fait partie du texte final ?
03:29 Il doit inciter les patrons à embaucher des demandeurs d'emploi
03:33 de plus de 60 ans, sous forme expérimentale,
03:36 avec des exonérations de cotisations à la clé.
03:39 Est-ce que c'est une bonne mesure ?
03:41 - Écoutez, pourquoi pas ?
03:42 On est bien conscients qu'il ne faut pas que ça crée des effets d'aubaine.
03:45 C'est-à-dire que des entreprises renoncent à embaucher un candidat de 59 ans
03:49 en disant "je l'embauche dans un an, ou dans quelques semaines d'ailleurs,
03:52 puisque je bénéficierai d'exonérations".
03:54 Après, le chiffrage du coût de cette mesure,
03:56 qui a été publiée par le gouvernement, est assez élevé.
04:00 Il faut qu'on regarde plus en détail, mais dans le principe, pourquoi pas ?
04:03 - Alors, vous êtes donc candidat à la présidence du MEDEF.
04:07 Quelles sont vos principales propositions ?
04:10 Sur quel thème précisément allez-vous faire campagne ?
04:12 - Alors, je voudrais d'abord rappeler un panorama général.
04:15 Le panorama général, c'est qu'on a un enjeu massif de décarbonation,
04:19 et les patrons sont très déterminés à aller vers cette décarbonation,
04:22 mais que ça va coûter très cher.
04:24 Et deuxième point, qu'il y a une compétition internationale qui s'intensifie.
04:27 Je voudrais juste vous citer deux chiffres.
04:28 Les Etats-Unis et l'Europe, c'est à peu près 25% du PIB mondial.
04:33 À ce jour, les Etats-Unis représentent 30% de l'investissement mondial,
04:36 l'Europe, 13%.
04:38 Donc, il va falloir générer de la richesse,
04:39 générer de la richesse pour équilibrer nos régimes sociaux, j'y reviens,
04:44 mais également pour financer cette décarbonation,
04:46 40 milliards d'euros d'investissement de plus pour les entreprises chaque année.
04:49 Et donc moi, mon objectif, c'est qu'on ait une mobilisation collective
04:54 autour d'une ambition, une ambition pour la France, une ambition pour le MEDEF,
04:58 parce que c'est à travers la croissance qu'on générera de l'emploi,
05:01 qu'on équilibrera donc nos régimes sociaux
05:03 et qu'on pourra investir pour la décarbonation.
05:05 Ça veut dire quoi derrière ?
05:06 Ça veut dire d'abord qu'il faut qu'on aille beaucoup plus loin sur les compétences,
05:09 depuis le primaire jusqu'au senior,
05:11 puisqu'il est convenu que nous formerons beaucoup plus nos seniors,
05:14 et je suis d'accord.
05:15 - Et on en prend acte.
05:16 - Et on en prend, eh bien, très bien en acte,
05:18 parce qu'il y a des études très intéressantes.
05:21 Patrick Artus, qui est un économiste reconnu,
05:23 a établi une corrélation, une causalité
05:26 entre les niveaux de formation et le niveau de performance d'un pays
05:28 en termes de croissance, en termes d'emploi, en termes de création de richesse.
05:31 Moi, je ne me résigne pas à ce que la France décroche,
05:34 soit reléguée en deuxième catégorie.
05:36 En 20 ans, le pouvoir d'achat des Français
05:39 a décroché par rapport à celui des Allemands, singulièrement.
05:42 Donc, il va falloir que nous produisions de manière sombre, frugale,
05:45 en ayant une préoccupation constante sur les enjeux de RSE,
05:48 de responsabilité sociale et environnementale.
05:50 - Donc, favoriser les compétences,
05:52 favoriser également les investissements
05:54 pour améliorer cette décarbonation,
05:55 ça passe par quoi ? Par des subventions, par des crédits d'impôt ?
05:58 Et ce sera ma dernière question.
05:59 - Non, alors, il faut qu'on aille encore plus loin
06:00 dans ce qu'on appelle la politique de l'offre.
06:03 C'est-à-dire qu'on a encore un gros différentiel,
06:04 par exemple, sur les impôts de production,
06:06 même si des efforts importants ont été consentis par le PV.
06:08 - Donc, vous demandez encore des baisses d'impôts ?
06:11 - Oui, et qu'on réglemente beaucoup moins,
06:13 parce que, quoiqu'on en dise, ça coûte très cher en temps
06:16 et en argent, par voie de conséquence.
06:19 Et puis, qu'on fasse confiance aux partenaires sociaux.
06:20 Moi, je m'honore, avec Geoffroy Roudbézieux,
06:23 d'avoir restauré une qualité de dialogue
06:24 qui s'est traduite encore récemment par cet accord
06:26 sur le partage de la valeur.
06:28 Dans la turbulence, je dirais, du pays
06:30 autour de cette réforme des retraites,
06:31 les partenaires sociaux démontrent leur sens des responsabilités
06:34 et leur capacité à co-construire.
06:36 Je m'emploierais à ce que cette qualité de dialogue exigeante,
06:39 personne ne reniant ses convictions,
06:41 perdure et au contraire se renforce.
06:43 - Donc, baisse d'impôts, plus de dialogue social.
06:45 Patrick Martin, candidat à la présidence du MEDEF,
06:49 invité, écho de France Info ce soir. Merci beaucoup.
06:51 - Merci.
06:52 [Musique]

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