Doit-on faire appel à des sociétés militaires privées comme la Russie ?

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Parlons Vrai chez Bourdin avec Colonel Peer de Jong, ancien chef de corps du 3e régiment d'infanterie de marine, aide de camp de deux présidents de la République et fondateur de l'institut Thémiis.

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Transcript
00:00 - Sud Radio Parlons Vrai chez Bourdin, 10h30, midi 30, Jean-Jacques Bourdin.
00:06 - Il est 12h05, je reçois le colonel Pierre de Jong, ancien chef de corps du 3ème RIMA,
00:11 Régiment d'infanterie de marine, aide de camp de deux présidents de la République, François Mitterrand et Jacques Chirac.
00:15 - Exactement, c'est un miracle.
00:17 - Fondateur de l'Institut Temis, bonjour. Merci d'être avec nous, vous publiez "Agir entre les lignes".
00:23 - Pareil, Editions nous a parlé de ces sociétés militaires privées qui finalement, peut-être, permettent aux États de faire la guerre par personnes interposées.
00:33 Nous allons en parler, mais c'est très très intéressant.
00:36 Évidemment, Blackwater, Wagner et autres sociétés privées.
00:40 Mais, ça tombe bien, aujourd'hui, enfin ça tombe bien, il y a 20 ans, oui aujourd'hui, il y a 20 ans, 2003, c'était la guerre en Irak.
00:50 Le début de la guerre en Irak, une guerre en Irak, 2003, vous étiez à l'Élysée en 2003.
00:57 - Pas du tout, en fait, j'avais quitté l'armée déjà, j'étais dans une société, j'ai suivi ça de très très près.
01:04 J'avais un petit contrat avec France Inter, j'ai fait le 7-9 de Paoli pendant un mois et demi, j'ai suivi cette guerre millimètre par millimètre.
01:12 - Millimètre par millimètre, Pierre de Jong. Alors, Irak 2003, 4500 soldats américains morts, 200 000 civils irakiens morts,
01:21 pour une guerre qui finalement n'a servi, on ne sait pas trop, une guerre dont personne n'est sorti gagnant.
01:28 - On a passé une guerre préventive, en fait, les américains ont projeté sur l'Irak une espèce de fantasme, d'une menace, et en fait, c'était une destruction.
01:37 Et malheureusement, avec l'Afghanistan et l'Irak, ça a créé un énorme problème, parce qu'ils sont restés en Irak presque 10 ans,
01:43 et ils ont laissé derrière eux une espèce de pays complètement déstructuré, complètement détruit.
01:48 - Oui, totalement détruit. C'est un régime, le régime irakien, qui n'est ni pluraliste, ni répressif.
01:56 C'est un qui est tenu par des islamistes chiites, mais sans qu'il soit trop islamiste.
02:01 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, c'est un pays où les influences sont nombreuses.
02:07 L'Iran, la Turquie, l'Arabie Saoudite, il y a plusieurs influences, conflits de toutes les influences.
02:12 L'Irak, aujourd'hui, il y a beaucoup de personnes qui souffrent, alors que l'Irak est producteur de pétrole, évidemment.
02:18 Les américains sont partis sans rien finalement laisser derrière eux.
02:23 - Ils devaient théoriquement ramener la démocratie, mais évidemment, elle n'est pas là,
02:25 parce qu'au-delà des sunnites qu'il y a dans le nord, vous avez les chiites qui sont dans le sud, à Bassoura.
02:29 Donc le pays est profondément divisé, avec deux pressions majeures, l'une du sud de l'Iran,
02:35 et l'autre du nord, par la Syrie et par tous les pays sunnites.
02:39 Donc encore une fois, le pays est fortement déstabilisé, et malheureusement, si vous voulez,
02:43 la fin de Saddam Hussein, aujourd'hui, est encore, si vous voulez, est resté,
02:47 ou même, on va dire, presque son assassinat, quelque part.
02:50 Et c'est resté quand même une marque indélébile sur la politique américaine au Moyen-Orient.
02:54 - Alors, colonel de Young, justement, aucun compte à rendre ?
02:57 Les Etats-Unis n'ont rendu aucun compte de leur intervention en Irak,
03:01 et le droit international a été bafoué ?
03:04 Je vous pose la question ?
03:06 - Alors, c'est l'avantage des mondes unipolaires,
03:08 que depuis le bipolaire, en 1990, on est passé au monde unipolaire,
03:11 vous êtes le roi du monde, donc évidemment, qui peut vous embêter ?
03:13 Pire que ça, rappelez-vous aux Nations Unies, lorsqu'ils ont essayé de démontrer que,
03:16 avec la petite captule d'Entrade, ils ont essayé de démontrer que,
03:19 il y avait une espèce de danger, de danger majeur provenant d'Irak.
03:23 Eh bien, évidemment, on peut faire tout ce qu'on veut, quand vous êtes le maître du monde,
03:25 vous faire ce que vous voulez.
03:26 Ça a changé.
03:27 - Ça a changé aujourd'hui, c'est multipolaire.
03:29 - Exactement, depuis le 24 février, vous avez un vrai retournement,
03:33 et là, on assiste à une espèce d'émergence des pays...
03:35 - Mais même avant le 24 février 2022,
03:37 même avant, avec la montée en puissance de la Chine,
03:39 avec un monde multipolaire, même avant.
03:43 - Oui, mais en même temps, vous savez, les Européens, on aime bien les dates, on aime bien les moments.
03:46 Et c'est vrai que ce moment fait qu'aujourd'hui, le problème, c'est que la Russie,
03:49 elle n'est plus européenne, réellement, et c'est le cœur du problème.
03:52 Et en faisant ce choix chinois, puisque aujourd'hui, Xi Jinping est à Moscou,
03:56 vous avez une espèce de stratégie, si vous voulez, presque anti-occidentale,
04:00 qui va se mettre en place, parce que c'est ça, la force de Poutine,
04:03 au-delà de l'échec, bien évidemment, de l'invasion de l'Irak,
04:05 c'est le fait qu'il a réussi, en fait, quelque part, à fédérer l'ensemble des pays du Sud contre l'Occident.
04:11 L'Afrique, le Moyen-Orient, la Chine, etc.
04:13 - Plus largement, oui, plus largement, ce qu'on peut dire aussi,
04:17 c'est que toutes ces tentatives, parce que la Russie aussi a essayé de maîtriser l'Afghanistan,
04:25 de la même manière, et a échoué aussi l'Union soviétique,
04:29 toutes ces pays, ces grandes puissances qui ont essayé de s'imposer sur des territoires lointains,
04:37 ou proches de ces territoires, qui souhaitaient leur indépendance,
04:41 ces grandes puissances n'ont jamais réussi.
04:43 - La guerre injuste fuise toujours mal, de toute façon, quoi qu'il en soit.
04:46 - Ce qui risque d'arriver, d'ailleurs, en Ukraine.
04:49 - Ah, ça me parait assez mal parti, comment dire ?
04:53 - Oui, indéniablement. - Le prix à payer va être énorme.
04:56 - Les dégâts seront énormes, la guerre va durer, les dégâts seront énormes.
05:00 - D'autant que la Russie a quand même 7000 logives nucléaires,
05:03 et donc on ne s'amuse pas trop avec quelqu'un qui a 7000 têtes,
05:06 même si aujourd'hui, il semble être sur le rail qui l'amènerait directement au TPI,
05:10 mais c'est pas demain la veille qu'il va y aller, ça c'est certain.
05:12 - Bien, il est 12h10, allez, nous allons observer une petite pause,
05:17 et nous parlons des sociétés militaires privées, l'objet de votre livre.
05:20 Pierre de Jonghe, 12h10.
05:22 - Jean-Jacques Bourdin.
05:23 - Bien, Pierre de Jonghe, il est 12h14, alors, ces sociétés...
05:28 On parlait de la guerre en Irak, on a découvert, beaucoup, le grand public,
05:33 pas vous, mais le grand public a découvert Blackwater,
05:35 à l'occasion de la guerre en Irak, rappelez-nous ce qu'était Blackwater.
05:38 - Ah, mais les chiffres sont énormes, Blackwater, c'est une société qui a été créée
05:41 sur le concept suivant, c'est-à-dire qu'en fait, après 90, il y a eu une chute
05:45 des budgets de la défense dans le monde entier, baisse des armées,
05:48 baisse des activités, etc., donc il a fallu compenser.
05:51 Et donc le soldat devenait cher et devenait rare.
05:53 Donc en fait, à l'époque, c'était Dick Cheney, qui était à l'époque le ministre de la défense,
05:57 qui a dit "faisons des économies, le soldat va être consacré à la guerre,
06:00 exclusivement à la guerre, et tout l'environnement va être pris en compte
06:03 par des sociétés militaires privées", et Blackwater est arrivé dans le dispositif.
06:08 Eric Prince étant un homme d'affaires, un ancien officier des SILS,
06:11 mais surtout un homme d'affaires, par sa famille et globalement assez riche,
06:14 il a investi, il a créé une très grosse société, mais à l'époque, il faut savoir
06:17 qu'il y avait en gros un contracteur, comme on dit, pour un soldat américain.
06:22 - Pour un soldat américain, ah oui, c'est énorme !
06:24 - Le ratio est absolument énorme. - C'est énorme !
06:25 - L'Irak, par exemple, que vous citiez à la seconde, c'était un contracteur pour 100 soldats.
06:30 - Ah oui, oui. Alors, il y a Blackwater côté américain, il y a Wagner,
06:35 pas tout à fait pareil, Wagner, c'est vraiment un engagement très militaire, Wagner.
06:40 - Wagner, c'est une excroissance, en fait. - C'est une excroissance, oui.
06:43 - On est quasiment en 1921 avec la création des sections d'assaut du parti nazi.
06:48 C'est un outil militaire agressif, au profit du pouvoir.
06:52 Et ça, c'est vraiment un objet volant non identifié, quelque part.
06:57 Ils répondent à aucune norme, alors que Blackwater répondait à des normes américaines extrêmement strictes.
07:02 Il y a eu des bavures, mais autant que l'armée américaine en a eu en Irak.
07:07 Donc, c'est le problème du conflit, c'est le problème du stress des soldats, c'est le problème de la guerre.
07:12 Donc, encore une fois, Blackwater, il y a eu assez peu de dérive,
07:14 alors que Wagner a dépassé totalement les limites, on est dans un autre monde.
07:18 - Oui, dans un autre monde. Et Wagner, qui est influent aussi en Afrique, maintenant, vraiment ?
07:23 Vraiment ou... ?
07:25 - Ah non, non, non, c'est un truc extrêmement sérieux.
07:27 Pourquoi ? Parce qu'en fait, Wagner n'est que la tête de gondole de la politique étrangère russe.
07:32 Et très concrètement, Wagner, c'est le troisième pied d'un triptyque qui est fondé,
07:36 un, sur la sécurité, c'est Wagner, ça c'est la partie visible, etc.
07:39 Sachant que Wagner n'a aucun bureau dans le monde entier, donc non contactable, non touchable, non vérifiable.
07:45 Deuxième truc, c'est tout ce qui concerne la guerre de l'information,
07:48 avec une structuration, avec des usines à trolls, etc., qui fonctionnent très bien,
07:51 parce que c'est eux, entre autres, qui en 2016 ont déstabilisé, comment dire, l'élection américaine.
07:56 Et puis le troisième, qui est extrêmement puissant, c'est une myriade, je dis bien une myriade de sociétés,
08:00 extrêmement techniques, dédiées à une activité, encore une fois, d'accès, si vous voulez, à la ressource naturelle,
08:06 aux matières premières, etc. Le lord, le pétrole, etc., etc.
08:09 Et ça, c'est du business normal, entre guillemets, ces sociétés sont russes, détenues en partie par Prigojin,
08:16 ils négocient des contrats avec les Etats, et bien sûr, ces flux financiers remontent sur Wagner,
08:20 qui remonte, enfin, sur Concorde, parce que la holding s'appelle Concorde,
08:23 Concorde Management, qui est à Saint-Pétersbourg.
08:25 Donc vous avez une holding qui est haut placée, avec toute une série de filiales en bas.
08:28 Donc Wagner n'est qu'une des filiales du système.
08:30 - Voilà, du système. Alors, évidemment, cet engagement de Wagner crée quelques tensions au sein du pouvoir russe,
08:41 on les a remarquées, évidemment, notamment avec l'armée traditionnelle russe, qui n'aime pas trop.
08:48 Est-ce que les armes, parce qu'il y a d'autres... Bon, on a parlé de Blackwater, Wagner, c'est pas tout à fait pareil,
08:53 mais est-ce que d'autres Etats possèdent comme ça des sociétés paramilitaires privées ?
08:57 - Oui, le Turc, ils ont une boîte qui s'appelle Sadat, par exemple,
09:00 qui est une boîte qui est très influente, qui a fait la guerre en Libye dans les années 2016-2017,
09:04 et qui a participé à ces combats, mais du côté des forces de Tripoli, contre Haftar, ça c'est un point,
09:12 mais on les voit aujourd'hui en Afrique, même concept que Wagner, ils sont derrière les ventes d'armes.
09:18 Alors, ils sont beaucoup plus discrets, et ils font de la relation avec les Etats sur l'islam,
09:23 et sur le fait qu'étant musulmans, il est normal qu'on les fasse travailler.
09:26 Les chinois, avec une boîte qui s'appelle le Frontier Service Group,
09:29 qui a été créé d'ailleurs à l'origine, il y a 5 ans, par Prince, qui était d'ailleurs à l'origine le créateur de Blackwater,
09:35 les affaires n'ont pas de frontières, il n'y a pas de problème, donc les chinois sont extrêmement présents,
09:40 et vous avez vu d'ailleurs qu'il y a eu un assassinat de 5 ou 8 chinois il y a quelques jours au Nord Mali,
09:46 et vous allez voir que les sociétés militaires privées chinoises vont arriver au Mali extrêmement rapidement.
09:50 Donc aujourd'hui, ces sociétés ont deux missions, la première sont des missions de sécurité au profit des entreprises,
09:56 protection des chinois, etc., dans les mines, etc., et le deuxième volet, c'est un volet d'action complémentaire
10:02 ou d'action périphérique au profit des armées.
10:05 - Il y en a d'autres, d'autres pays ? Israël, non ?
10:08 - Ah ben non, le Canada, Israël, Israël c'est extrêmement prudent, ils ne sont pas du tout "visibles",
10:13 on va dire que c'est plutôt les services de renseignement israéliens qui sont très présents.
10:16 Par contre, les autres pays, c'est les canadiens, évidemment les britanniques,
10:19 qui ont un énorme programme actuellement dans le LACCHAD, qui s'appelle ASI,
10:22 donc c'est l'association qui s'appelle Adam Smith International, donc ils ont un très gros contrat.
10:26 - LACCHAD ?
10:27 - Oui, autour du LACCHAD, sur les 4 pays, concrètement le Tchad, le Cameroun, le Niger, le Nigeria.
10:32 - Ils chargent de quoi ?
10:33 - De sécurisation, mettre en place des programmes, des programmes d'influence,
10:36 puisqu'en fait l'État britannique, si vous voulez, investit sur ce genre de sociétés pour être présent,
10:41 et bien évidemment pour développer, et de la sécurité, qui développe la sécurité ?
10:44 C'est l'influence par la sécurité, c'est ce que fait Wagner d'ailleurs.
10:46 - C'est l'influence par la sécurité.
10:48 - Et oui, derrière vous avez l'objet de votre livre, évidemment,
10:50 et puis derrière vous avez le service après-vente, qui est les ventes d'armes, de la présence, de l'influence.
10:54 - C'est passionnant.
10:55 - C'est une nouvelle manière de faire de la politique, les français ?
10:59 - Oui, c'est une nouvelle manière de faire de la politique et de faire la guerre.
11:02 Remarquez, pardon avant de parler des français,
11:05 les mercenaires de tout temps dans l'histoire, on a connu des mercenaires,
11:09 on a connu des hommes qui ont toujours eu la science et le goût du combat,
11:14 et qui sont allés se battre contre de l'argent.
11:17 - Alors depuis le départ, pour les français, depuis le départ de Bob Denard en 95,
11:21 le mercenariat d'État, et c'est fini, on a clairement tourné la page.
11:25 Autant que la France a mis en place une loi anti-mercenariat,
11:28 qui date d'avril 2003, et qui est extrêmement restrictive,
11:31 et à un point tel, c'est que cette loi empêche, si vous voulez, le développement de sociétés comparables,
11:35 pas à Wagner, parce que Wagner c'est un modèle incomparable et indépassable,
11:38 mais sur un modèle, je dirais, un modèle qui permettrait aux armées
11:41 d'avoir, si vous voulez, une espèce de système de logistique,
11:44 ou un environnement, si vous voulez, avec d'anciens militaires.
11:47 Parce que les ESSD, parce qu'en France on ne dit pas SMP,
11:50 il y a deux mots en trop, il y a le mot "sécurité", il y a le mot "militaire" et le mot "privé".
11:54 Sécurité, militaire, privé, il y a le mot "militaire", le mot "privé".
11:56 Donc vous savez, les français, la sémantique, on n'aime pas trop ça.
11:58 Donc on appelle ça ESSD, ce qui ne veut rien dire, sauf pour les français,
12:01 "Entreprise de services de sécurité et de défense".
12:04 Il n'y a que nous qui disons ça.
12:06 Vous voyez qu'en disant ça en anglais, le gars il vous regarde comme si on était sur la planète Mars.
12:09 Et on voit que ces sociétés-là ne sont pas développées, et malheureusement,
12:12 dans un cadre qui est extrêmement compliqué. Pourquoi ?
12:15 Parce que nous on a trois grands chocs.
12:16 - Mais pourquoi on n'y arrive pas ?
12:17 - Parce que, vous savez, on a un modèle...
12:18 - Pourquoi on ne veut pas ? Il y a une volonté politique ?
12:20 - Il y a un modèle "guerre d'Algérie contre un bal" depuis les années 60,
12:23 qui est un modèle très confortable, très embourgeoisé,
12:25 et malheureusement ce modèle convenait.
12:27 Et si vous voulez, la lutte contre le terrorisme était très pratique,
12:31 parce qu'on avait un ennemi qui était taillé à la taille de nos armées.
12:34 Un ennemi en mobilette, Barkhane c'est 5000 hommes qui courent derrière 300 mecs en mobilette.
12:37 Donc c'est pas plus que ça, c'était pratique.
12:39 Et là, patatras, 24 février, vous avez les Russes qui rentrent en Ukraine.
12:43 Et là on découvre la haute intensité.
12:45 Mais nous on a une armée qui n'est pas prévue pour ça.
12:47 On avait 80 Césars, on en a donné la moitié déjà.
12:50 On n'a plus d'artillerie solaire, il nous reste 200 avions.
12:53 Et on en avait 600 quand j'étais commandant.
12:55 A l'époque on avait 1400 Leclerc, il nous en reste 222.
12:58 Donc notre armée est totalement pas au niveau.
13:00 Enfin pas au niveau, je m'entends.
13:02 En termes de taille, en termes de stock, on n'est pas capable de mener une guerre de haute intensité.
13:06 Et ce qu'on voit aujourd'hui, c'est pour ça qu'il y a...
13:08 - Une guerre traditionnelle de haute intensité.
13:10 - Conventionnelle. - Parce que conventionnelle, oui.
13:12 - Et on voit bien qu'aujourd'hui, un exemple concret.
13:14 Il y a 48 heures, l'OTAN a annoncé qu'ils allaient renforcer avec 300 000 hommes sur la frontière.
13:18 La frontière reste en Europe.
13:20 On va envoyer qui en France ? On est toute petite armée, t'as 110 000 hommes.
13:23 On voudrait être le leader.
13:25 Alors en Roumanie on est présent, mais avec combien d'hommes ? Avec 1000 hommes.
13:27 Donc on voit bien qu'il va y avoir une espèce de transfert.
13:29 Et ça c'est le premier grand choc.
13:32 C'est cette guerre en Ukraine qui fait qu'on est obligé de faire effort quelque part et donc de désengager.
13:36 - Mais on fait effort, j'ai vu les luttes, les guerres de Yong.
13:40 - Effort partout, effort nulle part.
13:42 C'est-à-dire en fait, quand on étale une armée qui est faible en effectif sur l'ensemble de la planète,
13:46 vous faites effort nulle part.
13:47 Et on voit bien qu'aujourd'hui l'effort, il doit se faire en Europe.
13:49 Et concrètement, les ESSD, c'est ça mon combat, entre guillemets, mon combat ou ma guerre quelque part.
13:54 - Vous pensez qu'il faut créer ?
13:55 - Ben elles existent déjà.
13:56 - Oui mais qu'il faut les développer, qu'il faut les encourager ?
13:59 - Mais bien sûr, Thémis, on fait de la formation, on n'a pas d'armes.
14:00 Vous voyez ce que je veux dire ? C'est pas un problème d'armes.
14:01 On fait de la formation.
14:02 Donc ce que je dis aux armées françaises, tout ce qui est formation, laissez-nous faire la formation.
14:06 En Afrique, en Roumanie, en Pologne, en France, etc.
14:10 Gagner des effectifs, c'est une logique, je dirais, une logique d'économie des moyens.
14:15 - Vous pourriez attirer aujourd'hui des jeunes ou moins jeunes pour venir...
14:20 - Thémis, on a 80 experts qui travaillent dans toute l'Afrique depuis 10 ans.
14:24 - Je parle pour former des jeunes qui seraient formés pour participer, qui seraient payés pour aller faire la guerre.
14:34 - Alors non, non, justement, là il y a une limite.
14:36 C'est que les lois mondiales...
14:37 - Quelle limite ?
14:38 - La loi mondiale, c'est simple, c'est le mercenariat.
14:41 On ne peut pas faire une boîte privée.
14:42 - Mais Gagner, c'est...
14:43 - C'est pour ça qu'ils sont indépassables et infréquentables.
14:46 - Mais les Turcs aussi sont payés pour aller faire la guerre, non ?
14:49 - Oui, parce que c'est les services de renseignement qui sont derrière.
14:52 - Mais les Anglais aussi ?
14:53 - C'est compliqué, non, non, non.
14:54 Encore une fois, les Anglais sont beaucoup plus discrets.
14:56 Encore une fois, vous avez une limite.
14:58 La limite officielle qui fait qu'une ESSD ou une SMP ne fait pas la guerre.
15:02 Pourquoi ? Parce que vous êtes justiciables d'une façon ou d'une autre.
15:04 Ça c'est régalien.
15:05 Le régalien, l'usage des armes, l'usage de la violence, ce sont les États.
15:09 Tout ce qui est l'usage des armes dans l'autre moment, c'est soit les services de renseignement...
15:13 - Oui, enfin, vous savez bien que beaucoup de pays contournent ces règles.
15:17 - Oui, mais il faut être plus malin.
15:18 Aujourd'hui, la France, on n'en est pas là.
15:19 On est sur un modèle gentil garçon.
15:21 Et donc, même s'ils confiaient des missions de logistique ou des missions de formation aux ESSD,
15:28 ce seraient déjà des milliers d'hommes d'économiser.
15:30 Rien que de faire ça.
15:31 - Mais à la limite, la Légion étrangère, c'est presque...
15:34 On pourrait presque...
15:35 Bon, la Légion étrangère n'est pas engagée sur des terrains, ou très rarement.
15:39 Mais on pourrait presque penser qu'on pourrait constituer avec la Légion étrangère une milice comme ça...
15:45 - Beaucoup de gens le pensent.
15:47 En fait, non pas du tout.
15:48 Pourquoi ? Parce qu'en fait, ces hommes nous rejoignent.
15:50 Ils prennent un nom XYZ.
15:52 Ils se transforment.
15:53 Ils sont français par le fait qu'ils sont français par le sang versé.
15:56 C'est qu'ils deviennent soldats français quand ils servent le drapeau français.
15:59 Alors qu'encore une fois, une ESSD ou une SMP, ce sont les entreprises.
16:02 Elles fonctionnent comme les entreprises.
16:04 Donc, c'est tout le sujet.
16:05 Aujourd'hui, c'est ce qui fait que l'armée française n'est pas habituée...
16:07 L'armée française n'a pas de vocation, si vous voulez, à comprendre le monde des affaires.
16:11 Ce n'est pas leur monde.
16:12 D'autant qu'en France, on est sur un modèle qui dit que...
16:14 Comment dire ?
16:15 Un USAR de 30 ans est un Jean Froude parce qu'il n'est pas mort.
16:18 Donc, on est sur un modèle extrêmement opérationnel.
16:20 Donc, l'armée française a encore un regard un peu distancié par rapport au monde des affaires,
16:24 mais par rapport à ses relais de croissance et ses relais d'action qu'elle pourra avoir sur le terrain.
16:27 - Mais qui freine ?
16:29 - Je pense que les militaires eux-mêmes.
16:31 - Les militaires eux-mêmes ?
16:32 - Oui, parce qu'ils sont extrêmement stressés par le fait qu'ils se disent que, un,
16:34 les sociétés comme les miennes qui pourraient éventuellement leur prendre démission,
16:37 et ça c'est le truc, c'est très embêtant, c'est régalien, c'est à moi, c'est très franco-français,
16:41 c'est très précaré, vous voyez ce que je veux dire.
16:43 Ils se disent, si Bercy réalise qu'on donne démission à des sociétés comme Temis par exemple,
16:47 ça veut dire que Bercy pourrait nous récupérer les budgets qu'on aurait éventuellement concédés à des sociétés privées.
16:53 C'est tout le problème. Encore une fois, il y a un vrai problème entre le public et le privé.
16:57 Il y a de beaux discours, il y a de beaux colloques qui sont faits autour du sujet,
16:59 mais c'est rarement mis en oeuvre.
17:01 Et on voit qu'aujourd'hui, si vous voulez, cette guerre en Ukraine nous oblige, quelque part,
17:04 à revoir les choses totalement.
17:06 Encore une fois, les militaires ne sont pas totalement réfractaires.
17:09 Je vois moi les contacts que j'ai au meilleur niveau, si vous voulez, dans cette armée,
17:11 parce que la plupart des généraux d'aujourd'hui qui sont aux affaires,
17:14 ils sont remarquables au passage, ils étaient mes capitaines, mes lieutenants quand j'y étais,
17:18 et je les connais très bien, c'est moi qui les ai notés en partie.
17:20 Et je sais qu'aujourd'hui, il y a une vraie réflexion autour du...
17:22 - C'est vrai que l'état-major français est de grande qualité aujourd'hui.
17:26 - Ils sont extraordinaires. Je le dis, il y a un grand professionnel,
17:28 et très ouvert, très communiquant, et on a affaire à des gens de très très bonnes dignités.
17:32 - On les côtoyait de temps en temps, indéniablement.
17:34 - Indéniablement.
17:35 - En tout cas, ça permet de comprendre votre combat,
17:38 et ça permet de comprendre ce que font ces sociétés militaires privées ou autres,
17:43 puisque en France, il faut employer d'autres mots.
17:48 Agir entre les lignes, le colonel Pierre de Jong, l'Isée, Maraï Editions.
17:53 Merci beaucoup.
17:54 - Merci d'être venu nous voir. Merci beaucoup.
17:56 - Merci. André Vercoff.

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