Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent des actions des syndicats suite au silence du gouvernement.
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00:00 Bonsoir à tous. On commence évidemment par cette mobilisation, les suites de la mobilisation contre la réforme des retraites, les blocages, les actions coup de poing se multiplient.
00:07 Comme dans l'énergie, l'intersyndicale demande à être reçu par Emmanuel Macron mais trouve la porte fermée pour l'instant du côté de l'exécutif.
00:14 On fait le point avec Vincent Farandez et on en débat.
00:16 En quelques minutes seulement ce matin, des salariés arborant gilets et drapeaux de la CGT coupent l'électricité au nord de Paris.
00:24 Le chantier du village olympique ainsi qu'une zone commerciale sont touchés. Malgré leurs tentatives, le stade de France a été épargné par la coupure selon Enedis.
00:34 Une action sous forme d'avertissement pour le secrétaire général de la CGT énergie.
00:39 Nous sommes déterminés. Les agents des industries électriques et gazières sont prêts à tout.
00:46 Dans le tout, imaginez une France dans le noir, je pense que personne n'en a envie.
00:51 Les actions monteront crescendo, demain, après demain et jusqu'au retrait.
00:56 L'ensemble des organisations réunies en intersyndicales ont de leur côté réitéré leur volonté de retrait de la réforme des retraites.
01:03 Dans une lettre adressée au président de la République, il demande à être reçu à l'Elysée.
01:08 Vous et votre gouvernement restez silencieux devant l'expression de ce puissant mouvement social.
01:14 Pour nos organisations, cette absence de réponse constitue un grave problème démocratique.
01:18 Il conduit immanquablement à une situation qui pourrait devenir explosive.
01:23 De son côté, Bruno Le Maire met l'accent sur la nécessité de respecter les débats au Parlement.
01:29 Maintenant, c'est le temps du Parlement, c'est-à-dire que c'est au parlementaire qui représente le peuple français,
01:34 de prendre les décisions sur cette réforme des retraites.
01:36 Élément de langage similaire pour Elisabeth Borne, la première ministre insiste sur les négociations qui ont déjà eu lieu avec les syndicats.
01:44 Il y a eu trois mois de concertation avec les organisations syndicales et patronales.
01:48 Comme on est à l'écoute des groupes parlementaires, cette réforme se construit dans la concertation et ça c'est mon état d'esprit.
01:54 En attendant la fin de l'examen du texte à la fin du mois, d'autres journées de mobilisation sont prévues les 11 et 15 mars prochains.
02:02 Pavien Vildieu, vous êtes représentant Sud Rail.
02:04 On entend les mots employés par vos collègues syndicalistes.
02:07 Nous sommes prêts à tout, ça va crescendo, la situation est explosive.
02:10 Le mouvement va se radicaliser dans les prochains jours ?
02:13 Je n'aime pas trop ce mot, mais en tout cas il va se durcir.
02:16 On a eu une mobilisation qui a commencé le 19 janvier et c'est vrai que si on avait vu les images qu'on voit aujourd'hui le 19 janvier,
02:22 ça aurait paru un petit peu décalé.
02:25 Sauf que voilà, ça fait un mois et demi qu'on fait des mobilisations, qu'on fait des grèves de 24 heures, qu'on fait des manifestations pacifistes
02:32 et au bout d'un mois et demi, rien ne bouge.
02:34 Et on se rapproche de l'essience.
02:36 Qu'est-ce qui se passe ? Là, il y a effectivement un durcissement de la mobilisation.
02:39 Alors à la SNCF, ça prend la forme d'une grève reconductible.
02:42 Ça peut prendre la forme de blocages dans les facs,
02:46 mais en tout cas, il y a la volonté et l'énergie justement de faire reculer le gouvernement sur cette situation
02:52 où on a l'impression qu'il joue le pourrissement et qu'à un moment donné, lorsque vous n'avez pas le choix,
02:56 lorsque vous n'êtes pas écouté, lorsque vous faites des démonstrations de force,
02:59 on passe un peu vite, les manifestations, c'est vraiment des manifestations historiques.
03:04 On utilise souvent le mot "manifestation historique", mais c'est vrai.
03:06 Quand bien même vous prenez les chiffres de la police,
03:09 pas forcément les chiffres avec lesquels je me retrouve, mais les chiffres de la police du ministère de l'Intérieur,
03:13 on est dans les plus hauts taux de participation jamais enregistrés depuis que les chiffres de la police existent.
03:20 J'ai regardé, depuis 40 ans, il n'y a jamais eu autant de personnes enregistrées par la police.
03:26 Donc à un moment donné, si vous n'écoutez pas les gens, au bout d'un mois et demi de mobilisation,
03:31 avec un Front syndical unitaire, avec un Front syndical qui va de la CFTC à Solidairne,
03:35 qui est assez large avec toutes ces différences, eh bien qu'est-ce qui se passe ?
03:38 Logiquement, au bout d'un mois et demi, il y a un durcissement de la mobilisation,
03:42 surtout lorsqu'on se rapproche de l'échéance.
03:43 - Charles Consigny, on entend cette tension du côté des syndicats,
03:47 ils demandent d'être reçus par Emmanuel Macron, qui ne dit pas question,
03:50 c'est du ressort, même pas de la Première ministre, du ministre du Travail.
03:53 Il y a une possibilité que les choses se tendent dans les prochains jours, jusqu'au vote ?
03:58 S'il a lieu, s'il y a vote ?
03:59 - Oui, je crois tout à fait que la personnalité d'Emmanuel Macron,
04:04 l'image qu'il renvoie d'être le président des inclus,
04:08 son certaine désinvolture dont il est capable,
04:12 le fait que cette Macronie a donné fort peu de gage de son souci des plus faibles,
04:21 prête le flanc à des débordements.
04:26 On a vu les Gilets jaunes, qui étaient quand même un mouvement social extrêmement violent,
04:33 d'ailleurs réprimé très violemment, par un pouvoir qui était aux abois.
04:37 - Mais qui a léché beaucoup d'argent aussi.
04:39 - Et qui a finalement, ils ont essayé de sortir de la situation dans laquelle ils étaient.
04:44 Mais en effet, ils ont été obligés de faire ça.
04:46 Et donc, moi je pense que les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets,
04:51 c'est-à-dire que, d'autant que je les trouve hypocrite, moi,
04:55 dans leur manière de présenter cette réforme,
04:57 c'est-à-dire dire que c'est une réforme de gauche,
05:00 dire que c'est un progrès, c'est faux.
05:04 Il faut la présenter comme elle est, ça reste du sang et des larmes,
05:08 de travailler deux ans de plus que ce qui était le cas avant la réforme.
05:13 Il ne faut pas faire croire que c'est un progrès social.
05:15 Donc le fait à la fois de prendre un peu les jambes pour des gens qui ne comprennent rien,
05:20 de les traiter un peu par-dessus la jambe, comme le fait Macron,
05:24 un peu comme il a fait avec la dernière présidentielle d'ailleurs,
05:26 où il a refusé tout débat, là il refuse de recevoir les organisations syndicales,
05:31 il donne un sentiment de distance qui peut être interprété comme du mépris,
05:36 je crois que ça crée en effet des conditions de réaction violente.
05:43 - Éric Nolot, vous êtes du même avis ?
05:44 - La radicalisation c'est un peu un double tranchant,
05:46 parce que la radicalisation va être appréciée par l'opinion publique.
05:50 Je veux dire, est-ce que, à la fin, justifie tous les moyens ?
05:53 Ça c'est le grand...
05:54 Tant que vous êtes dans une action syndicale, je dirais, classique,
05:57 il n'y a pas de problème, même si ça peut un peu déborder, les Français suivent.
06:00 À partir du moment où vous entrez dans les coups d'éclat, dans les menaces,
06:04 c'est quand même la France dans le noir,
06:06 je ne sais pas, même quand vous êtes très opposé à la retraite,
06:09 vous vous dites "Est-ce que la contrepartie c'est la France dans le noir pendant 15 jours ?
06:12 Il n'y aura pas beaucoup de gens pour soutenir."
06:13 Donc il y aura un moment de basculement,
06:16 c'est au syndicat d'apprécier jusqu'où ils peuvent aller,
06:19 mais si vous franchissez la ligne de l'égalité,
06:23 encore une fois, en justifiant la fin par tous les moyens,
06:25 peut-être que ça ne passera pas auprès de l'opinion publique.
06:27 - Marc Twati, économiste ?
06:28 - Je pense que je suis assez inquiet de ce qui se passe aujourd'hui.
06:31 Déjà, l'économie française souffre,
06:33 on nous sort des chiffres, 0% de croissance,
06:37 ou même 0,4, ce n'est pas énorme,
06:38 on est sur une croissance très faible,
06:40 le taux de défaillance d'entreprise ne cesse d'augmenter,
06:42 on gargarise avec le taux du chômage qui baisse,
06:45 mais si on voit le chômage global, il reste quand même très élevé,
06:48 il y a quand même une tension qui est là,
06:49 et surtout l'inflation qui ne cesse d'augmenter,
06:52 qui va continuer d'augmenter,
06:53 d'ailleurs, on n'arrête pas de nous dire "le plus dur est passé",
06:55 ça fait un an qu'on nous dit ça et on voit bien où on en est aujourd'hui,
06:58 donc c'est extrêmement dangereux,
06:59 et là, ce qui m'inquiète dans ce durcissement,
07:01 c'est que ça peut complètement déraper,
07:04 et c'est vrai que le fait de ne pas recevoir ou de ne pas vouloir recevoir les syndicats et autres,
07:08 cette image un peu de mépris, je suis assez d'accord,
07:11 là, ça peut cristalliser des nouvelles tensions,
07:14 et justement, on voit des gilets jaunes qui réapparaissent
07:17 dans certains rond-points, etc.,
07:19 et c'est là où ça peut faire mal à l'économie,
07:21 dans la mesure où on a déjà un coût très élevé de ces blocages,
07:24 et si ensuite on a évidemment une situation qui s'envenime,
07:27 alors là, le coût va être durable,
07:28 et j'ai envie de dire, le gouvernement est pris dans un piège,
07:31 quoi qu'il arrive, ça va nous coûter cher,
07:33 que si effectivement il ne se passe rien et que les blocages continuent,
07:35 on va peut-être rentrer en récession,
07:37 et puis si le gouvernement enlève effectivement cette réforme des retraites,
07:40 on va, de toute façon...
07:41 - Et ça ne sera pas de la faute des blocages ?
07:43 - Ah non, non, non, que non !
07:44 Non, alors, ça dépend, parce qu'on ne sait jamais, bon...
07:45 - Ça ne sera pas de la faute des blocages ?
07:47 - Ça va aggraver, mais quand même, encore une fois,
07:49 il faut le dire, si jamais il enlève cette réforme des retraites,
07:52 alors là, il y aura un autre type de sanction,
07:54 c'est-à-dire que, eh bien, comme on sait très bien que nous sommes sur-endettés,
07:57 eh bien, tous ceux qui financent notre dette publique
07:59 vont demander des taux d'intérêt plus élevés,
08:00 parce que ça nuit à notre crédibilité,
08:03 et si les taux d'intérêt augmentent, ça casse l'activité,
08:05 ça casse l'investissement à la consommation,
08:07 et donc finalement, on va vivre...
08:09 Il faut le dire, je pense qu'il faut prévenir les Français,
08:10 il faut arrêter le déni des réalités,
08:11 on est entouré bien dans le meilleur des mondes,
08:13 dans une situation où aujourd'hui, on va vivre quelques mois compliqués
08:16 pour l'économie française.
08:17 - Et notamment la place... Un tout petit mot, Jean-Sébastien, avant la période...
08:19 - Oui, c'est pour ça que cette réforme n'a pas de sens en soi,
08:21 il aurait fallu l'intégrer dans une réflexion globale sur les finances publiques.
08:24 Quand vous voulez gérer un déficit à...
08:26 Alors, on ne sait même plus, un jour c'est 18 milliards,
08:28 l'an demain, 13 milliards, peut-être 5,
08:30 Olivier Dussopt qui dit "on ne sait même pas si ça fera des économies".
08:32 Bref, et que vous avez, l'année dernière, 165 milliards,
08:36 165 milliards de déficit sur 508 milliards de dépenses de l'État,
08:40 vous voyez bien que le sujet, il n'est pas là-dessus.
08:42 Il y a un sujet sur l'enjeu démographique,
08:45 il y a un sujet sur la place du travail, l'emploi des seniors, etc.
08:48 Mais si vous raisonnez en termes de finances publiques,
08:50 de soutenabilité de la trajectoire des finances publiques françaises,
08:52 c'est totalement idiot de s'être engagé.
08:54 C'est vraiment un truc de technocrate.
08:56 Ça n'est pas une réforme de gauche certainement,
08:57 mais c'est certainement pas non plus une réforme de droite.
08:59 Parce qu'une réforme de droite, elle aurait intégré de la liberté...
09:01 - C'est les biais de droite et de gauche à votre retard.
09:03 - Non, mais elle se serait préoccupée de croissance, justement.
09:05 Et là, c'est juste un truc de technocrate qui regarde un tableur Excel,
09:08 qui fait varié tas de trucs, ça fait tas de résultats.
09:10 Et voilà, en ignorant la réalité de la vie et le fait qu'il y a des citoyens au milieu.
09:14 - Petite pause, on continue ce débat dans un instant.
09:16 On parlera des blocages, des pénuries d'essence et aussi de l'inflation.
09:18 À tout de suite.
09:20 Europain. Punchline.
09:22 Laurence Ferrari.