L'inflation va t-elle handicaper la mobilisation du 7 mars ?

  • l’année dernière

Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent de l'influence de l'inflation sur la mobilisation du 7 mars.
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Transcript
00:00 Alors ma question à Laurent Pietraszewski, qui est ancien secrétaire d'Etat aux retraites,
00:03 c'est est-ce que finalement, cette crise du pouvoir d'achat, le fait que les Français se serrent la ceinture,
00:07 ça va pas jouer en défaveur des mobilisations du 7 mars contre la réforme des retraites ?
00:12 - Alors il y a un risque de cristallisation, effectivement, on a un certain nombre de mécontents.
00:17 - Alors défaveur, moi je pense. L'action que je vous pose c'est défaveur.
00:19 Vous me dites, ça peut au contraire les favoriser ?
00:21 - Je comprends votre question au sens, est-ce que sur le fond je vais aller faire grève
00:27 parce que j'ai quand même besoin d'argent et Mark Twatty vient de nous expliquer
00:31 combien ça sera utile pour accéder à des produits alimentaires.
00:34 Bon, j'entends cette remarque-là. Je pense aujourd'hui que c'est un argument qui ne fonctionnera que dans le temps.
00:40 Sur les manifestations à venir, c'est-à-dire celle de la semaine prochaine notamment, je n'y crois pas.
00:46 Je pense que ça aura plutôt un effet inverse, une cristallisation des attentes.
00:50 A la fois, je souhaite voir, moi, une augmentation de mon pouvoir d'achat
00:55 et je me mets à la place de l'ensemble de nos concitoyens.
00:57 Et puis, je suis inquiet au regard de ce que je deviendrai dans ma fin de carrière
01:01 puisque je dois travailler jusqu'à peut-être 64 ans pour certains et certaines d'entre nous.
01:06 Donc je vois plutôt ça comme une forme de cristallisation à court terme
01:09 et je pense que le levier que vous évoquez n'interviendra que si on est dans un phénomène de grève durable.
01:14 - Durable. En tout cas, il y a des grèves qui sont déjà reconductibles côté SNCF et RATP.
01:19 - Oui, parce que les partenaires sociaux savent bien que les transports, la chimie et l'éducation nationale,
01:26 quand on regarde ces trois secteurs-là, ce sont les secteurs clés
01:29 pour créer un rapport de force durable avec le gouvernement
01:33 et je pense que c'est ce qu'il faut faire.
01:35 - On s'achemine vers un mardi noir, une France complètement à l'arrêt.
01:38 C'est ce que veut l'intersyndical, Laurent Pietraszewski.
01:40 - C'est ce que l'intersyndical annonce. Moi, je ne suis pas Manon Mirma.
01:44 - Vous y connaissez un peu.
01:46 - Oui, mais ce que je vois moi quand j'échange chez moi à Armentière, dans le Nord, à Lille, à Lomme,
01:53 je vois des concitoyens qui travaillent. J'ai pris le train pour venir, j'ai pris le TER, j'ai pris le TGV.
01:59 Moi, je ne peux pas vous dire que j'ai senti une mobilisation intense à tous les coins de rue en venant.
02:05 Maintenant, je vois aussi, je connais la réalité. On est aussi, pour certains endroits, encore en vacances scolaires.
02:12 Pour d'autres, on vient de reprendre. Je crois que le pari des syndicats, c'était de dire le 7 mars, c'est justement après les vacances.
02:18 J'entends quand même, moi, j'en veux vous dire, pardon, ça fait un peu café du commerce,
02:22 mais moi, je continue à aller boire ma bière au sporting à Armentière.
02:25 Au final, oui, oui, ça surprend un hypnologue, mais je l'inviterai moi la prochaine fois.
02:31 En réalité, beaucoup de nos concitoyens disent, écoutez, franchement, votre histoire de retraite,
02:38 je continue à me parler un peu comme si j'étais le représentant du gouvernement, votre histoire de retraite, ça ne nous convient pas.
02:43 Mais bon, de toute façon, ça va se passer. Et comme vous aurez la majorité pour le voter, est-ce que c'est la peine d'aller manifester ?
02:49 Je connais beaucoup, parce que je sors dans l'air, au contraire, une détermination comme on ne l'a pas sentie depuis des années.
02:56 Et puis, il y a le fait que les syndicats en font un point d'honneur, tout comme le gouvernement, d'ailleurs,
03:00 mais un point d'honneur à faire partie. Donc, j'ai l'impression qu'il va y avoir même un bras de fer psychologique
03:05 parce que celui qui cédera perdra beaucoup. Emmanuel Macron, il a fait comprendre que tout son quinquennat se jouait là-dessus.
03:11 Et les syndicats, ils veulent reprendre la main. Ils ont un peu cédé du terrain par rapport à la rue, l'épisode des Gilets jaunes, etc.
03:17 Et j'ai l'impression que l'aspect psychologique va jouer beaucoup. Donc, moi, je suis un peu surpris par votre analyse.
03:21 On verra, réponse le 7 mars.
03:23 Avec l'IFOP, pour le JDD, nous sondons les Français depuis le début de la réforme sur sont-ils favorables ou défavorables à cette réforme des retraites.
03:30 Ils sont défavorables et le camp des défavorables s'agrandit quasiment de semaine en semaine.
03:36 En revanche, il y a un indicateur qui ne bouge pas, c'est que, est-ce de la résignation ou de la lucidité ?
03:41 Les Français disent "de toute façon, ça va passer".
03:43 Et c'est vrai que ce deuxième indicateur est un peu démoralisant pour les syndicats ou pour ceux qui veulent mobiliser
03:50 puisqu'ils se disent "on n'aime pas cette loi, mais on a conscience que quoi qu'il en soit, politiquement, elle va passer".
03:55 Et cet indicateur-là, il ne bouge pas depuis un mois et demi.
03:58 Marc Twaty ?
03:59 Je pense qu'on est vraiment pris au piège.
04:01 Je suis très inquiet pour ce mardi et pour les jours à venir.
04:06 Et surtout, l'économie française, aujourd'hui, ne peut pas se permettre d'être bloquée.
04:10 On est très proche de la récession.
04:12 Olivier Véran l'a dit avec tellement d'images.
04:14 Non, non, c'est de la politique.
04:16 On comprend que la Terre va tourner à l'envers à partir du 7 mars.
04:19 Encore une fois, le problème, c'est que...
04:21 Et que les 10 plaides d'Egypte n'étaient rien à côté de ce que nous sommes tombés dessus.
04:23 Justement, si on est arrivé là, c'est qu'on a laissé faire.
04:26 On a laissé cette situation s'envenimer, malheureusement.
04:28 Et moi, je pense qu'effectivement, comme disait Laurent,
04:30 c'est qu'il y a cette cristallisation.
04:32 C'est-à-dire que les Français, aujourd'hui, sont presque résignés.
04:35 Mais ils sont beaucoup plus en colère, je pense, par rapport à l'inflation.
04:38 Et là aussi, ils dénient l'égalité.
04:40 Les dirigeants français, depuis des mois...
04:42 Ils nous disent qu'il n'y a pas d'inflation.
04:43 Oui, oui, ça fait deux ans que j'annonce l'inflation, je ne suis pas devin.
04:45 Je fais mon métier, je vois simplement que l'inflation arrive.
04:47 Ils n'ont pas voulu nous écouter.
04:48 Je me souviens d'une réunion à Bercy, où j'ai annoncé cette inflation.
04:50 On me rionnait.
04:51 Les économistes qui étaient là, d'autres, on ne va pas donner de nom non plus.
04:54 Et les politiques, ils nous rionnaient.
04:56 Mais non, l'inflation...
04:57 C'est ça le problème, c'est qu'il y a ce déni de réalité.
04:59 Et on continue.
05:00 Du moment au moment où on trouve un moyen...
05:01 Et pourquoi ils se font couper ? Ils sont hors sol ?
05:02 J'ai l'impression qu'ils sont hors sol.
05:03 En fait, ils ne font pas leurs courses.
05:05 C'est-à-dire qu'ils n'écoutent pas les bonnes personnes.
05:07 C'est ça le gros problème.
05:08 Ou alors, ils écoutent celles qui vont écouter.
05:09 Ils ont pensé que les banques centrales régleraient le problème de l'inflation elles seules.
05:12 Or, moi, c'est impossible.
05:13 Rappelez-vous, Mme Lagarde, présidente de la Banque Centrale Européenne,
05:16 il y a quelques mois, nous dit "l'inflation vient de nulle part".
05:19 C'est quand même énorme.
05:20 C'est la présidente de la Banque Centrale Européenne, dont l'objectif,
05:22 c'est de lutter contre l'inflation.
05:24 Elle nous dit "je ne sais pas d'où ça vient".
05:25 C'est incroyable.
05:26 Non, mais ils font leurs courses, ces gens-là, ils font leurs courses.
05:28 Vous allez dans un supermarché, vous voyez la différence, ça saute aux yeux.
05:32 C'est, encore une fois, ce déni de réalité.
05:34 C'est cet écape par rapport, justement, à la réalité du concret, finalement.
05:38 Mais, par contre, ce qui est dangereux, c'est là où il y a le piège.
05:41 C'est que si, effectivement, on laisse la situation sans bonne aimée,
05:44 la récession sera là.
05:45 Mais si Macron retire sa réforme, alors là, on le voit depuis deux jours,
05:48 en jour, les taux d'intérêt sont en train d'augmenter.
05:50 Alors là, ça sera la catastrophe sur la dette publique.
05:52 Et là, les taux d'intérêt vont fortement augmenter.
05:54 Et ça peut être très dangereux.
05:55 - Un petit mot ?
05:56 - Oui, café du commerce contre café du commerce.
05:58 Moi, je ne partage pas votre point de vue du tout, mais plutôt celui de Nolot.
06:03 Moi, mon coiffeur, plutôt un mec de droite, vous voyez,
06:06 il n'a jamais fait grève.
06:07 Il m'a dit, moi, le 7 mars, j'arrête de bosser, je vais défiler.
06:10 Et il m'a dit, ça sera la première fois.
06:12 Ça sera la première fois.
06:13 Pourquoi ? Parce qu'il y a deux choses qui l'intriguent.
06:16 Un, sa retraite, qu'il défrise sa retraite.
06:19 Et deux, la hausse des prix.
06:22 La hausse des prix.
06:23 - Mais oui, mais tout se combine.
06:24 - C'est-à-dire que la cristallisation dont parle Laurence Ferrari,
06:26 à mon avis, risque de jouer.
06:28 C'est-à-dire qu'il peut y avoir beaucoup de monde dans les rues, en réalité,
06:31 parce qu'il y a des soucis majeurs pour la société française.
06:35 Et d'ailleurs, regardez quand même l'effondrement de la Code de popularité
06:38 du président de la République, qui n'a pas été épargnée par les crises,
06:41 je suis d'accord.
06:42 Là, il perd 6 points, je crois, dans un dernier sondage.
06:45 Il est à son niveau quasiment le plus bas depuis...
06:48 - Pas encore tout à fait les Gilets jaunes.
06:50 - Donc, ça veut dire quoi ?
06:51 Ça veut dire qu'en réalité, il y a une défiance, aujourd'hui,
06:54 qui est totale face au pouvoir, et surtout à la capacité du pouvoir
06:57 de résoudre les problèmes du quotidien des Français.

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