Le salon de l’agriculture a ouvert ses portes ce week-end à Paris, porte de Versailles. Alors qu’un quart des agriculteurs partira à la retraite dans les prochaines années, qui sont les nouveaux agriculteurs qui reprendront ces terres et les exploitations. C'est le sujet du Talk franceinfo. Tous les soirs à partir de 18 heures, Ludovic Pauchant et ses invités débattent avec les internautes de la chaîne Twitch de franceinfo.
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00:04:14 Salut, bonjour à toutes et tous,
00:04:16 bonsoir, on est ensemble comme tous les soirs
00:04:18 sur Twitch de 18h à 19h
00:04:20 en direct de notre chouette petit studio
00:04:22 du troisième étage de la Maison de la Radio à Paris.
00:04:24 Je vois que vous êtes déjà nombreux
00:04:26 sur le chat, il y a déjà nos
00:04:28 internautes habituels et puis aussi des nouveaux.
00:04:30 Salut Adaddy, salut Max, salut Mars, salut Samouraï,
00:04:32 salut Marité.
00:04:34 On est ensemble
00:04:36 pour une heure pour parler d'actu,
00:04:38 de ce qui se trame en France et par-delà
00:04:40 nos horizons hexagonaux, de ce qui se passe
00:04:42 sur Terre et dans la Terre, dans le foin,
00:04:44 la paille, les champs, la nature, chez vos primeurs,
00:04:46 dans votre frigo. Aujourd'hui, on va parler d'agriculture.
00:04:48 D'agriculture parce que ce week-end
00:04:50 s'est ouvert le salon de l'agriculture
00:04:52 avec plein de gens heureux, des gens qui
00:04:54 avaient parfois un peu trop picolé aussi,
00:04:56 qui avaient fait un peu tiquer pas mal d'exposants.
00:04:58 Des exposants qui étaient venus des quatre coins de la France
00:05:00 pour montrer comment ils font leur métier,
00:05:02 pour présenter leurs produits, pour dire
00:05:04 pourquoi ils en sont fiers, pour les goûter
00:05:06 aussi parce qu'à la fin, il y a toujours une bouche quelque part.
00:05:08 Et puis aussi pour faire connaître un peu leur profession,
00:05:10 une profession qui est parfois méconnue
00:05:12 ou qui souffre parfois d'une mauvaise image,
00:05:14 de quelques mauvais clichés. Et pourtant,
00:05:16 la profession, elle a quelques arguments à faire valoir
00:05:18 pour séduire un corps.
00:05:20 Alors aujourd'hui, on va se poser la question
00:05:22 qui sont les agriculteurs et les agricultrices aujourd'hui
00:05:24 et puis pourquoi ça ne pourrait pas
00:05:26 susciter des vocations. Aujourd'hui,
00:05:28 les agriculteurs, ce sont surtout des agriculteurs,
00:05:30 pas des agricultrices,
00:05:32 c'est-à-dire des hommes en grande majorité, puisqu'on ne compte
00:05:34 que 27% de femmes.
00:05:36 Et les chiffres montrent que le métier ne se féminise
00:05:38 pas vraiment. Ils ont plus de 45 ans
00:05:40 pour deux tiers d'entre eux. Un tiers d'entre eux a plus de 60 ans
00:05:42 et le métier ne rajeunit pas.
00:05:44 Ils sont aussi de plus en plus diplômés.
00:05:46 Près de 26% ont au moins le bac,
00:05:48 le niveau bac,
00:05:50 et un peu plus de 26% sont diplômés
00:05:52 de l'enseignement supérieur. Leur activité
00:05:54 est de moins en moins familiale et
00:05:56 un ménage sur cinq vit sous le seuil de pauvreté,
00:05:58 c'est-à-dire 1063 euros mensuels.
00:06:00 C'est un tableau qui n'est pas très réjouissant
00:06:02 et pourtant le métier donne à voir aussi d'autres
00:06:04 images. Ces images, ce sont
00:06:06 celles d'une agriculture jeune et dynamique,
00:06:08 une agriculture qui est impliquée dans les défis
00:06:10 qu'ils vont devoir relever pour l'agriculture de demain,
00:06:12 une agriculture qui prend en compte l'environnement,
00:06:14 les nouvelles façons de consommer. Ce sont
00:06:16 ces sujets qu'on va aborder ce soir avec nos trois
00:06:18 invités qui sont avec moi en studio.
00:06:20 Et que vous voyez.
00:06:22 Bonsoir à
00:06:24 tous les deux, et en fait nous sommes trois, je vais y
00:06:26 venir. Alors avec d'abord dans un premier
00:06:28 temps Étienne Fourmont. Étienne,
00:06:30 tu es agriculteur dans la Sarthe, éleveur
00:06:32 de vaches laitières, tu es aussi YouTuber,
00:06:34 pardon. Tu diriges
00:06:36 l'exploitation familiale,
00:06:38 une exploitation qui est dans ta famille depuis cinq
00:06:40 générations. Tu es très présent sur les
00:06:42 réseaux sociaux et tu as par ailleurs
00:06:44 commis un livre qui s'appelle
00:06:46 "Peace and Food" qui est paru chez Hugo Dock,
00:06:48 où tu déconstruis, c'est comme ça
00:06:50 que je l'ai écrit en tout cas, les idées reçues sur ton métier.
00:06:52 - C'est ça. - On va en parler
00:06:54 bien sûr pendant cette belle heure ensemble.
00:06:56 A tes côtés, et au mien aussi,
00:06:58 pour la première partie de l'émission,
00:07:00 Coline Sauvran. Salut Coline. - Bonjour.
00:07:02 - Donc toi, tu es du mouvement Terre de Liens.
00:07:04 Tu vas présenter
00:07:06 après peut-être un peu le mouvement, mais tel que
00:07:08 j'ai compris, donc ça a œuvre pour préserver
00:07:10 les terres agricoles et ça aide les paysans
00:07:12 bio à y accéder, c'est ça ?
00:07:14 Et tu es aussi la co-auteur d'un rapport qui est paru
00:07:16 lundi, je crois, qui s'appelle "L'état
00:07:18 des terres agricoles en France, tout doit disparaître".
00:07:20 On va voir ça dans un petit instant.
00:07:22 Et en deuxième partie de l'émission,
00:07:24 vous ne la voyez pas, mais elle est juste en face de moi.
00:07:26 Elle va switcher après avec Coline.
00:07:28 On aura Jade Jourdain, qui est chargée de mission
00:07:30 accompagnement à l'installation bio pour Abiosol.
00:07:32 Salut Jade. - Coucou.
00:07:34 - Jade qui prendra la place de
00:07:36 Coline vers 18h30 à peu près, si ça vous convient
00:07:38 à toutes les deux, bien sûr.
00:07:40 Et puis bien sûr, il y a vous aussi derrière votre
00:07:42 écran, sur le chat, nos invités préférés
00:07:44 bien sûr. N'hésitez pas à poser vos questions
00:07:46 à Etienne, Coline et Jeanne.
00:07:48 On va les relayer, peut-être pas dans le bon
00:07:50 ordre, mais on va essayer de le faire en tout cas.
00:07:52 Etienne, une première question pour toi.
00:07:54 On dit paysan ou agriculteur ?
00:07:56 - Ah, on dit ce qu'on veut. On dit comme ça vous
00:07:58 arrange. Il n'y a pas de...
00:08:00 Moi, je n'ai pas de préjugés par rapport
00:08:02 à ça ou quoi que ce soit. - Pourquoi il y en a qui s'appellent
00:08:04 paysans ? - Très honnêtement...
00:08:06 - Avant qu'on entre dans le vif du sujet. - Pourquoi
00:08:08 il y en a qui s'appellent paysans ? Je ne sais pas, parce qu'ils aiment peut-être ça.
00:08:10 Je ne sais pas, je ne sais pas.
00:08:12 Non, honnêtement, moi je suis paysan, je suis agriculteur,
00:08:14 je suis chef d'entreprise,
00:08:16 un peu entrepreneur.
00:08:18 Je n'ai pas du tout de... Alors là, si on veut
00:08:20 m'appeler paysan, on m'appelle paysan. Quand je me présente,
00:08:22 souvent je dirais que je suis paysan.
00:08:24 C'est comme ça que je me présente. Je suis agriculteur, paysan,
00:08:26 voilà. - D'accord. Donc on va dire agriculteur pour ce soir.
00:08:28 Alors, j'ai reçu ton livre
00:08:30 hier, que j'ai eu beaucoup de plaisir à parcourir,
00:08:32 où tu tentes un peu de raccommoder
00:08:34 le lecteur avec ta profession. - Oui.
00:08:36 - En démontant un certain nombre de
00:08:38 clichés, grâce aussi à ta chaîne YouTube.
00:08:40 - Oui. - Alors,
00:08:42 il y a deux questions, mais en fait c'est un peu
00:08:44 la même question, c'est pourquoi ce livre ? C'est-à-dire que tu en as
00:08:46 souffert, toi, des clichés ?
00:08:48 - Oui, alors, oui, si, souffert, évidemment.
00:08:50 Alors, souffert, enfin, c'est pas non plus
00:08:52 péjoratif, mais en fait,
00:08:54 je me suis rendu compte en étant
00:08:56 sur les réseaux sociaux, voilà,
00:08:58 au quotidien, sur Twitter, vraiment,
00:09:00 sur Twitter, je suis au quotidien, j'ai un compte
00:09:02 Twitter où j'explique au quotidien mon métier, où je réagis
00:09:04 à l'actualité,
00:09:06 voilà, environnementale, sociétale,
00:09:08 évidemment sur les sujets plutôt agricoles
00:09:10 quand même. Je me suis rendu compte
00:09:12 que les gens avaient beaucoup d'a priori
00:09:14 sur l'agriculture, beaucoup de clichés,
00:09:16 voilà, sur l'agriculture, et
00:09:18 du coup, j'ai commencé à
00:09:20 échanger avec, voilà,
00:09:22 les gens qui parlaient de ça, sur Twitter,
00:09:24 sur Instagram, et puis
00:09:26 je voulais leur montrer, Twitter et Instagram,
00:09:28 enfin, Twitter surtout, c'est vrai que c'est quand même des messages
00:09:30 assez courts, et donc je me suis dit
00:09:32 je vais créer une chaîne YouTube où je vais vraiment, voilà,
00:09:34 me mettre, moi, face à mes
00:09:36 vaches ou dans mes champs,
00:09:38 pour expliquer mon métier, et
00:09:40 puis, parce que, voilà,
00:09:42 les préjugés en agriculture, on les préjuge dans la vie dure,
00:09:44 et
00:09:46 on a trop souvent, nous, agriculteurs,
00:09:48 je pense aussi, laisser
00:09:50 la communication
00:09:52 ou la façon d'expliquer notre métier aux autres,
00:09:54 parce qu'on avait, pour vivre heureux,
00:09:56 vivons cachés, je pense que ça marche très bien en agriculture,
00:09:58 on était bien
00:10:00 chez nous, on faisait notre boulot, et puis,
00:10:02 voilà, on ne nous demandait pas autre chose,
00:10:04 et puis on s'est rendu compte maintenant que la société,
00:10:06 aujourd'hui, elle a quand même beaucoup évolué, et que
00:10:08 il faut
00:10:10 qu'on réexplique aux gens
00:10:12 comment on travaille. - Alors quand tu n'es pas
00:10:14 à la maison de la radio,
00:10:16 nous sommes, quel jour nous sommes ? - Mardi.
00:10:18 - Mardi soir,
00:10:20 c'est quoi ta journée ?
00:10:22 - Ma journée, alors, ma journée, moi j'ai la chance d'avoir
00:10:24 des robots de traite, c'est-à-dire que
00:10:26 les vaches se font traire
00:10:28 à 24h/24, 7h/7, donc c'est la vache
00:10:30 qui décide, elle rentre dans sa boxe
00:10:32 quand elle a envie, donc ça peut être à 2h du matin, ça peut être
00:10:34 14h, 11h, peu importe,
00:10:36 c'est elle qui choisit.
00:10:38 Donc j'ai des vaches laitières,
00:10:40 j'ai 100 vaches laitières, avec 2 robots de traite,
00:10:42 donc je n'ai plus la traite du matin,
00:10:44 fixe, genre à 6h ou 7h,
00:10:46 et le soir,
00:10:48 pardon, à 17h ou 18h, je n'ai plus
00:10:50 ces deux astreintes-là. Donc moi,
00:10:52 mon travail, ça va consister
00:10:54 à les surveiller beaucoup,
00:10:56 à les nourrir, à les soigner,
00:10:58 donc à cette heure-là,
00:11:00 18h, je fais un petit tour avec
00:11:02 les vaches en général, c'est la fin de journée, je fais un petit tour avec les vaches,
00:11:04 je regarde si elles vont bien,
00:11:06 je regarde sur mon téléphone ou mon ordinateur
00:11:08 si elles sont toutes bien passées aux robots de traite, ça peut arriver
00:11:10 qu'une ou deux, des fois, elles soient un peu flémardes,
00:11:12 donc elles n'ont pas envie d'y aller,
00:11:14 et donc je regarde sur mon téléphone
00:11:16 si, voilà, je vois une ou deux vaches
00:11:18 qui sont à mettre, moi, je vais les pousser
00:11:20 dans les robots de traite pour être sûr qu'elles soient traites,
00:11:22 et puis, voilà,
00:11:24 et puis c'est être sûr que les veaux
00:11:26 ont à manger, repousser
00:11:28 un peu le foin, la paille, dans les bâtiments.
00:11:30 C'est un peu ça.
00:11:32 Mes journées, et surtout le soir à 18h.
00:11:34 - Colline,
00:11:36 on change de sujet, mais en fait,
00:11:38 on n'en change pas réellement, puisqu'après,
00:11:40 puisqu'on y reviendra sur ce
00:11:42 quotidien, en réalité,
00:11:44 mais je vais revenir sur le rapport que
00:11:46 vous avez publié hier, il y a plus de 5 millions d'hectares,
00:11:48 soit près de 20% de la surface agricole française
00:11:50 qui va changer de main d'ici 2030,
00:11:52 c'est ce que j'ai lu,
00:11:54 en tout cas, est-ce que nos agriculteurs vont disparaître ?
00:11:56 - Alors, ça c'est une très bonne question,
00:12:00 effectivement, aujourd'hui,
00:12:02 on a une démographie agricole qui est assez
00:12:04 inquiétante, dans le sens où
00:12:06 un quart des agriculteurs a plus de 60 ans,
00:12:08 donc on peut imaginer que d'ici
00:12:10 une dizaine d'années, eh bien, ils décident de cesser
00:12:12 leur activité, et donc, ces
00:12:14 agriculteurs, aujourd'hui, ils cultivent,
00:12:16 ils travaillent 5 millions
00:12:18 d'hectares, et donc la question qui se pose, c'est
00:12:20 qu'est-ce qui va se passer avec ces 5 millions d'hectares, parce qu'aujourd'hui,
00:12:22 on sait que plus de la moitié
00:12:24 des hectares qui sont libérés
00:12:26 par une session d'activité agricole
00:12:28 part à l'agrandissement d'une ferme voisine,
00:12:30 et n'est pas reprise
00:12:32 comme une activité indépendante,
00:12:34 alors, pourquoi
00:12:36 ça peut poser problème ?
00:12:38 Eh bien, ça fait perdre, en fait,
00:12:40 des agriculteurs,
00:12:42 et sur les 10 dernières années,
00:12:44 on sait qu'on en a perdu
00:12:46 près de 80 000,
00:12:48 ce qui est quand même un
00:12:50 chiffre assez important, vu qu'il nous en
00:12:52 reste 496 000, il me semble,
00:12:54 en 2020. Voilà,
00:12:56 on est sur juste les chefs d'exploitation,
00:12:58 oui, parce qu'on pourrait rajouter
00:13:00 dans la déclinaison
00:13:02 du mot "paysan", "agriculteur",
00:13:04 le ministère parle de "chefs d'exploitation",
00:13:06 alors on pourra revenir sur le terme "exploitation"
00:13:08 également, c'est vrai que
00:13:10 souvent, les agriculteurs et les paysans
00:13:12 préfèrent se définir comme paysans
00:13:14 aussi, parce qu'il y a un lien aussi au travail
00:13:16 de la terre qu'on perd avec la
00:13:18 terminologie d'exploitation.
00:13:20 Donc, ces 5 millions d'hectares, qu'est-ce qu'il va se passer
00:13:22 avec ? A priori,
00:13:24 ils vont rester agricoles, on espère en tout cas,
00:13:26 mais par contre, ils risquent de partir
00:13:28 à l'agrandissement d'une ferme, ça veut dire qu'on perd de l'emploi
00:13:30 sur le territoire, parce qu'un agriculteur qui perd la retraite
00:13:32 qui n'est pas remplacé sur sa ferme,
00:13:34 même si les terres continuent à être exploitées,
00:13:36 finalement, il n'y a pas de renouvellement
00:13:38 de l'emploi, donc en termes de dynamisme
00:13:40 sur le territoire, ça peut
00:13:42 faire perdre de la vie sociale sur
00:13:44 un territoire, et
00:13:46 certaines campagnes peuvent avoir des problématiques,
00:13:48 notamment avec des services publics,
00:13:50 des médecins, etc.,
00:13:52 des écoles qui ferment.
00:13:54 Le second élément, c'est que ça ne permet
00:13:56 pas une diversification
00:13:58 du territoire.
00:14:00 Si Étienne s'agrandit,
00:14:02 est-ce qu'il va se lancer dans le maraîchage ?
00:14:04 Je ne suis pas sûre, peut-être qu'il n'en aura pas envie.
00:14:06 C'est un projet pour l'instant.
00:14:08 A priori, il va plutôt conforter
00:14:10 son exploitation, ce qui est tout à fait
00:14:12 logique, mais on ne va pas avoir une opportunité
00:14:14 de diversifier les productions sur le
00:14:16 territoire, et aujourd'hui en France, on a vraiment un problème
00:14:18 de spécialisation des territoires, parce qu'il y a
00:14:20 des territoires qui vont être très centrés sur les
00:14:22 céréales, d'autres qui vont être très centrés sur l'élevage.
00:14:24 Alors certes, il y a des conditions
00:14:26 climatiques. Pourquoi ça pose problème pour ceux qui
00:14:28 ne connaissent pas cette économie-là ?
00:14:30 Aujourd'hui,
00:14:32 il y a quand même beaucoup de consommateurs
00:14:34 et consommatrices qui
00:14:36 aimeraient connaître d'où viennent leurs produits,
00:14:38 qui voudraient s'alimenter avec
00:14:40 des produits qui sont produits plus ou
00:14:42 moins sur leur territoire. - Des circuits courts ?
00:14:44 - Quand on parle de circuits courts, on parle
00:14:46 de produits localement, mais aussi
00:14:48 on parle de minimiser
00:14:50 le nombre d'intermédiaires, ce qui permet
00:14:52 de mieux rémunérer les agriculteurs,
00:14:54 puisqu'il y a moins d'intermédiaires
00:14:56 qui vont prendre une petite marge au passage.
00:14:58 Donc ça, c'est important.
00:15:00 Et donc, plus les territoires vont être spécialisés
00:15:02 et plus on va s'orienter vers
00:15:04 de la production massive d'un
00:15:06 ou de quelques produits, qui vont être
00:15:08 plutôt destinés à du gros,
00:15:10 à du commerce de gros, voire à de l'exportation.
00:15:12 Et donc, on va finalement
00:15:14 réduire la part qui est destinée
00:15:16 à l'alimentation locale. Alors qu'aujourd'hui,
00:15:18 on est vraiment dans une dynamique où les gens
00:15:20 demandent de l'alimentation locale, savoir d'où
00:15:22 viennent leurs produits, voire connaître les agriculteurs
00:15:24 et les paysans qui les produisent.
00:15:26 Et de plus en plus de collectivités
00:15:28 territoriales, des communes, des mairies,
00:15:30 vont s'attaquer à alimenter les cantines scolaires
00:15:32 avec des produits locaux, etc.
00:15:34 - Juste avant, il y a Obie
00:15:36 sur le chat qui dit "Si les fermes s'agrandissent,
00:15:38 la plupart du temps, ils ont besoin de salariés.
00:15:40 Donc même s'il y a moins de chefs d'exploitation,
00:15:42 tout l'emploi ne disparaît pas non plus."
00:15:44 - C'est différent.
00:15:46 C'est différent, quoi, entre un agriculteur
00:15:48 paysan ou un chef
00:15:50 d'exploitation installé
00:15:52 sur des terres ou avec un troupeau.
00:15:54 Enfin, les deux vont ensemble.
00:15:58 Donc, globalement,
00:16:00 c'est pas la même chose. L'engagement est pas
00:16:02 le même, même si les salariés agricoles
00:16:04 - moi j'ai une salariée, elle fait très bien son travail,
00:16:06 elle est très engagée -
00:16:08 mais c'est vrai que
00:16:10 il faut quand même plutôt globalement
00:16:12 essayer de garder un maximum d'agriculteurs
00:16:14 sur le territoire.
00:16:16 Je trouve que c'est plus intéressant.
00:16:18 - Pourquoi c'est plus intéressant ?
00:16:20 De ton point de vue, d'un point de vue
00:16:22 affectif et d'histoire familiale,
00:16:24 je l'entends parfaitement.
00:16:26 - C'est plus intéressant parce que, comme je disais tout à l'heure,
00:16:28 on est plus impliqué.
00:16:30 On va mettre
00:16:32 notre vie
00:16:34 dans la ferme.
00:16:36 Alors qu'un ouvrier,
00:16:38 s'il va changer de travail, il peut changer de travail,
00:16:40 il est un peu moins impliqué.
00:16:42 C'est pas pour ça qu'ils font mal leur travail, surtout pas.
00:16:44 Mais je préfère avoir
00:16:46 des collègues agriculteurs autour de moi.
00:16:48 - Un vivier de compétences local.
00:16:50 - Autour de moi plutôt que d'avoir
00:16:52 des salariés, en fait.
00:16:54 C'est très bien, mais je vois moins l'intérêt.
00:16:56 - Alors effectivement,
00:16:58 il y a une petite compensation, mais quand même,
00:17:00 si on parle en équivalent temps plein,
00:17:02 on ne va pas parler en nombre de personnes
00:17:04 qui travaillent, parce qu'en fait, en agriculture,
00:17:06 il va y avoir des saisons avec beaucoup de travail
00:17:08 et d'autres avec moins de travail, donc il va y avoir plus ou moins de salariés,
00:17:10 mais en équivalent temps plein,
00:17:12 on a perdu 55 000 actifs agricoles
00:17:14 sur les 10 dernières années,
00:17:16 on a créé 8 000 emplois.
00:17:18 Donc en fait, la compensation,
00:17:20 55 000 chefs d'exploitation en équivalent temps plein,
00:17:22 et on a créé 8 000 emplois salariés.
00:17:24 Donc en fait,
00:17:26 la compensation ne se fait pas du tout.
00:17:28 Pourquoi ? Parce que
00:17:30 si on s'agrandit un petit peu,
00:17:32 on ne va pas forcément employer quelqu'un en plus
00:17:34 pour faire un travail qu'on connaît déjà.
00:17:36 Ça, c'est le premier élément.
00:17:38 Et puis derrière, il y a quand même
00:17:40 une idée de déqualification
00:17:42 de l'emploi. Effectivement,
00:17:44 quand on est agriculteur,
00:17:46 et bien Étienne pourra nous en parler,
00:17:48 on fait plein de choses.
00:17:50 On fait un peu de comptabilité,
00:17:52 on observe les vaches pour voir si elles vont bien,
00:17:54 on gère la traite
00:17:56 ou avec un robot. Il y a beaucoup d'éléments.
00:17:58 On fait de la culture pour nourrir, etc.
00:18:00 Il y a beaucoup d'éléments.
00:18:02 Alors qu'un salarié agricole,
00:18:04 finalement, on va lui donner
00:18:06 des tâches à exécuter.
00:18:08 Et nous, on n'a pas envie
00:18:10 de rentrer dans cette économie-là
00:18:12 en agriculture. On a envie d'avoir des personnes
00:18:14 qui connaissent leur métier, qui savent observer la terre,
00:18:16 qui savent observer les animaux, qui les connaissent,
00:18:18 qui sont en capacité d'adapter aussi leurs pratiques
00:18:20 et d'avoir
00:18:22 cet investissement. Alors l'idée, c'est pas d'avoir
00:18:24 des gens qui se tuent à la tâche
00:18:26 pour leur
00:18:28 entreprise, mais c'est quand même de conserver
00:18:30 des savoir-faire. Et je pense
00:18:32 que si on interrogeait des ouvriers agricoles
00:18:34 qui rêvent de s'installer,
00:18:36 peut-être qu'ils se diraient "oui,
00:18:38 je travaille dans l'agriculture,
00:18:40 mais quand même, c'est pas la même chose d'être
00:18:42 chef de son entreprise et de décider
00:18:44 des orientations".
00:18:46 C'est vraiment ça. Elle parle bien.
00:18:48 Elle a bien résumé le...
00:18:50 - Dans ce
00:18:52 problème de la transmission,
00:18:54 est-ce qu'il n'y a pas une inadéquation
00:18:56 entre l'offre et la demande ?
00:18:58 C'est-à-dire que...
00:19:00 il y a peut-être des gens qui voudraient se lancer, mais qui
00:19:02 ne veulent pas se lancer dans des choses trop grandes, peut-être ?
00:19:04 Toi, ton exploitation,
00:19:06 elle est dans ta famille
00:19:08 depuis cinq générations, je crois ? - Oui, je suis la cinquième génération.
00:19:10 - Alors quand tu vas prendre ta retraite,
00:19:12 il va se passer quoi ? - Ah bah, c'est pas tout de suite,
00:19:14 on verra bien. Non, honnêtement,
00:19:16 qu'est-ce qui va se passer quand je vais prendre ma retraite,
00:19:18 c'est une question qui est assez loin
00:19:20 pour l'instant de mes préoccupations, parce que
00:19:22 j'ai encore beaucoup de temps devant moi. - Mais elle va l'être,
00:19:24 il y en a beaucoup qui... - Oui, ah non, mais
00:19:26 elle va l'être. Après, la réalité aujourd'hui, c'est que
00:19:28 oui, évidemment, les exploitations sont plutôt
00:19:30 à l'agrandissement, puisqu'on est de moins en moins
00:19:32 nombreux et qu'on produit...
00:19:34 Les cheptels sont plutôt en baisse en France,
00:19:36 où on perd quand même des animaux dans les cheptels,
00:19:38 enfin globalement, je veux dire, sur le territoire.
00:19:40 Donc...
00:19:42 Il faut
00:19:44 qu'on ait derrière cette génération
00:19:46 qui continue de reprendre le boulot,
00:19:48 qui continue de reprendre les fermes,
00:19:50 et qui s'installe pour être agriculteur, quoi.
00:19:52 Donc...
00:19:54 C'est primordial pour assurer
00:19:56 derrière la sécurité alimentaire du pays. Quand je vois aujourd'hui
00:19:58 qu'on apporte de plus en plus de nourriture
00:20:00 de l'étranger pour se nourrir,
00:20:02 je trouve ça quand même... Enfin, c'est quand même
00:20:04 catastrophique, quoi, de se dire ça, qu'on est obligé
00:20:06 d'importer de la nourriture pour pouvoir, nous,
00:20:08 se nourrir aujourd'hui en France, alors qu'on a quand même
00:20:10 une agriculture formidable, on a des territoires formidables,
00:20:12 et...
00:20:14 Il manquerait pas grand-chose
00:20:16 pour qu'on soit...
00:20:18 plus sécurisés au niveau alimentation, quoi.
00:20:20 - Pauline, je te vois tiquer. - Peut-être pour rappeler... Non, non,
00:20:22 je confirme, pour rappeler, il y a quand même
00:20:24 26 millions d'hectares de terre agricole, c'est la moitié
00:20:26 du territoire français qui est agricole.
00:20:28 Et on importe, on importe aujourd'hui
00:20:30 la moitié des fruits et légumes qu'on consomme.
00:20:32 Quand même, hein. - Qu'on marche un peu sur la tête, c'est ça ?
00:20:34 - Ouais, après c'est vrai que...
00:20:36 Mais maraîchage et...
00:20:38 Maraîchage surtout, c'est des métiers très pénibles, souvent,
00:20:40 c'est des métiers où il faut se baisser,
00:20:42 où même s'il y a des cerfs, on est dehors,
00:20:44 tout le temps, donc...
00:20:46 C'est des métiers très très physiques, le maraîchage.
00:20:48 Donc, bah évidemment,
00:20:50 ça attire aussi plus
00:20:52 difficilement les jeunes. - Et c'est ce que j'allais dire,
00:20:54 est-ce qu'il n'y a pas un déficit d'images ?
00:20:56 Mais qu'on peut expliquer.
00:20:58 Il y a une part d'isolement,
00:21:00 c'est une population qui vieillit pas mal,
00:21:02 avec des revenus qui sont...
00:21:04 Ça dépend des exploitations, bien sûr, mais avec des revenus
00:21:06 qui sont dans l'ensemble pas très élevés.
00:21:08 L'image de l'agriculteur, aujourd'hui,
00:21:10 est peut-être à tort, mais elle est pas très glam, en réalité.
00:21:12 Pour quelqu'un qui ne vient pas
00:21:14 de la ruralité...
00:21:16 - Alors, peut-être, avant d'aller là-dessus,
00:21:18 je voudrais rappeler qu'il y a 20 000 départs par an,
00:21:21 il y a 21 000 personnes qui se présentent
00:21:23 tous les ans pour
00:21:25 porter un projet agricole,
00:21:27 et au final, il n'y en a que 13 000 qui s'installent,
00:21:29 et un tiers qui sont aidés
00:21:31 avec une dotation jeune agriculteur,
00:21:33 donc il y a des financières. - Mais donc on en perd 8 000,
00:21:35 et dans ces 8 000, il n'y a qu'un tiers qui est aidé.
00:21:37 - Oui, et parmi ces 21 000 personnes
00:21:39 qui se présentent avec un projet agricole,
00:21:41 il y en a quand même 60 % qui ne sont pas issus
00:21:43 du milieu agricole, donc qui n'ont pas grandi
00:21:45 dans une famille d'agriculteurs et d'agricultrices,
00:21:47 et pourtant qui ont envie d'exercer ce métier,
00:21:49 donc c'est quand même qui l'attire.
00:21:51 - Et c'est eux qu'on retrouve à la fin, ou pas ?
00:21:53 Ou on ne sait pas, en réalité ?
00:21:55 - Oui, bah une partie. Il y a ceux qu'on a perdus en route.
00:21:57 - Et en fait,
00:21:59 c'est que...
00:22:01 On a, depuis des années et des années,
00:22:03 dit que le métier d'agriculteur, c'était dur,
00:22:05 que c'était compliqué, que on ne gagnait pas notre vie...
00:22:07 - C'est pas faux non plus ?
00:22:09 - Ouais, alors c'est pas faux...
00:22:11 - Ça correspond à une certaine réalité ?
00:22:13 - C'est pas faux, non, non.
00:22:15 Evidemment, mais je...
00:22:17 - Mais pas toute la réalité ? - Mais non, c'est ça que je veux dire.
00:22:19 C'est-à-dire qu'à un moment donné, je connaissais beaucoup d'éleveurs
00:22:21 comme moi, qui s'en sortent bien,
00:22:23 qui ont des bonnes conditions de travail,
00:22:25 qui sont très heureux, et je connais beaucoup d'agriculteurs qui sont très heureux
00:22:27 de faire leur métier, au final.
00:22:29 Mais je pense aussi qu'on a aussi ce côté, en France,
00:22:31 déjà on est français, donc...
00:22:33 Et on aime bien se plaindre.
00:22:35 Et voilà, j'ai toujours ce...
00:22:37 J'ai fait beaucoup de syndicalisme agricole, moi,
00:22:39 chez les jeunes agriculteurs.
00:22:41 - Donc les jeunes agriculteurs,
00:22:43 c'est la FNSEA ?
00:22:45 - C'est la... - C'est ceux qui le regardent ?
00:22:47 - C'est un syndicat... Oui, c'est...
00:22:49 En général, quand on est jeune agriculteur,
00:22:51 après, quand on est responsable des jeunes agriculteurs,
00:22:53 on a souvent, après, on peut continuer à la FNSEA.
00:22:55 Mais...
00:22:57 Voilà, on a toujours ce côté
00:22:59 revendicatif dans la culture agricole.
00:23:01 Voilà, très revendicatif, très manif,
00:23:03 parce que voilà, il y a des difficultés aussi.
00:23:05 Mais il n'y a pas que des difficultés non plus, quoi.
00:23:07 Je veux dire, il y a des périodes où ça se passe bien,
00:23:09 heureusement.
00:23:11 Et si on fait... Si on dit aux jeunes
00:23:13 que vous n'allez que être,
00:23:15 entre guillemets, dans la merde tout le temps,
00:23:17 et que vous n'allez que avoir du mal, et que vous n'allez que être malheureux,
00:23:19 et que vous n'allez jamais prendre de vacances, et que vous n'allez faire 70 heures par semaine,
00:23:21 évidemment, on ne va pas
00:23:23 en encourager beaucoup. Mais comme tu disais,
00:23:25 je suis quand même... Enfin, moi, je trouve ça génial
00:23:27 qu'il y a énormément de jeunes dans les lycées agricoles aujourd'hui.
00:23:29 Les lycées agricoles sont pleins,
00:23:31 il y a énormément de jeunes. Maintenant, après, voilà,
00:23:33 c'est plutôt une autre question politique et économique,
00:23:35 où il faut qu'on les aide
00:23:37 à s'installer, il faut qu'on les
00:23:39 accompagne dans l'installation, il faut qu'on aide
00:23:41 à financer, parce que tout à la fin, c'est toujours une question
00:23:43 d'argent, au final,
00:23:45 pour qu'on soit de plus en plus nombreux
00:23:47 et à être agriculteurs, quoi.
00:23:49 - On a fait un petit sondage dans le chat,
00:23:51 donc la question, c'était "Avez-vous une bonne image
00:23:53 des agriculteurs ?" Ça n'était pas de demander
00:23:55 si on les aimait ou pas. On adore,
00:23:57 on aime nos agriculteurs, mais en tout cas, il y a
00:23:59 58% qui disent parfois
00:24:01 oui, 25% parfois non,
00:24:03 et...
00:24:05 Non, le sondage, c'est pas ça. Attendez.
00:24:07 Je lis mal mon sondage.
00:24:09 - Ne se prononce pas. - Oui.
00:24:11 Alors, 58% parfois oui,
00:24:13 non... Pardon.
00:24:17 Bon, 25% parfois non,
00:24:19 et oui, 17%.
00:24:21 - Mais globalement... - 25% oui, 17% pas vraiment.
00:24:23 C'est un sondage qui veut pas dire grand-chose, ça va pas t'imposer
00:24:25 à beaucoup de gens. Hugo, tu me dis...
00:24:27 68% parfois oui, parfois non,
00:24:31 25% oui,
00:24:33 17% pas vraiment.
00:24:35 Bon, c'est relativement équilibré. On a
00:24:37 encore 35 minutes pour changer
00:24:39 tout ça. - Bien sûr, il y a des gens
00:24:41 sur la population d'agriculteurs. - Vous voulez devenir agriculteur.
00:24:43 - Ou agricultrice. - Il y a un
00:24:45 problème d'isolement aussi, peut-être, un peu ?
00:24:47 - Dans certaines zones, oui. C'est compliqué.
00:24:49 Dans certaines zones, en France,
00:24:51 ça va être... Moi, j'ai la chance
00:24:53 d'être agriculteur dans l'ouest de la France,
00:24:55 où on est encore nombreux, et
00:24:57 où on a des zones
00:24:59 très actives en agriculture, donc
00:25:01 j'ai pas trop ce souci-là. Moi,
00:25:03 j'ai beaucoup de voisins agriculteurs, on s'entraide beaucoup,
00:25:05 on a beaucoup de CUMA, des coopératives d'utilisation
00:25:07 du matériel agricole, entre nous.
00:25:09 On a des coopératives...
00:25:11 Voilà, donc moi, j'ai vraiment, vraiment...
00:25:13 Je vois cette chance-là d'être dans un secteur
00:25:15 dans une zone agricole
00:25:17 très diversifiée
00:25:19 et très riche, et donc...
00:25:21 Enfin, de ces activités.
00:25:23 Donc c'est super motivant.
00:25:25 Mais j'imagine que oui, je connais des agriculteurs
00:25:27 dans la Creuse ou dans le Cantal, où là, c'est plus
00:25:29 compliqué, qui font un travail merveilleux.
00:25:31 Mais c'est vrai que
00:25:33 la densité de population est beaucoup plus faible, les voisins sont
00:25:35 de plus en plus loin, et c'est vrai que ça
00:25:37 motive moins, quoi. - On dit dans la presse
00:25:39 qu'il y a deux agriculteurs qui se suicident tous les jours en France.
00:25:41 - Deux tous les jours ? Non,
00:25:43 ça fait un peu beaucoup. On va plutôt être sur...
00:25:45 Alors, ce qui est toujours... Evidemment, toujours trop,
00:25:47 mais on va plutôt être sur un tous les jours, ce qui est
00:25:49 énorme.
00:25:51 Ce qui est très grave.
00:25:53 Mais oui, oui, c'est...
00:25:55 - C'est une manière de dire qu'il y a tout de même un malaise
00:25:57 dans la profession. - Oui, ah oui, oui, non mais je...
00:25:59 - Il y a un vrai malaise, et
00:26:01 je pense que c'est un des enjeux
00:26:03 qu'on n'a pas soulevé tout à l'heure sur l'idée de renouveler
00:26:05 les générations, c'est effectivement
00:26:07 d'être des agriculteurs et des agricultrices
00:26:09 nombreux et nombreuses. C'est aussi
00:26:11 de l'entraide, de mettre du matériel en commun,
00:26:13 et donc c'est important de garder des territoires avec
00:26:15 de l'activité agricole diverse.
00:26:17 Ça, c'est un premier élément.
00:26:19 Après, nous, on a
00:26:21 travaillé un petit peu avec des réseaux,
00:26:23 notamment Solidarité Paysan, qui accompagnent
00:26:25 justement des agriculteurs
00:26:27 et les agricultrices qui peuvent être en difficulté.
00:26:29 C'est important aussi de replacer
00:26:31 ces personnes-là dans
00:26:33 une chaîne de production qui est
00:26:35 un peu globale, et où
00:26:37 l'agriculteur n'est pas toujours la personne
00:26:39 qui gagne le plus, évidemment.
00:26:41 On a l'amont de la production, avec les machines,
00:26:43 les semences, etc. On a l'aval
00:26:45 avec toute la partie transformation,
00:26:47 distribution, qui fait que l'agriculteur
00:26:49 est parfois pris en étau, qu'on a
00:26:51 beaucoup mis de pression sur les agriculteurs.
00:26:53 Et là, c'est vraiment l'histoire de
00:26:55 l'agriculture sur les dernières
00:26:57 décennies. C'est vraiment cette pression, avec la
00:26:59 concurrence internationale, donc
00:27:01 de toujours être obligé de
00:27:03 produire moins, parce que sinon on va aller acheter ailleurs,
00:27:05 de produire plus,
00:27:07 d'avoir des
00:27:09 industriels qui vont imposer
00:27:11 des pratiques, des normes, etc.
00:27:13 qui fait qu'aujourd'hui, il y a des agriculteurs
00:27:15 qui sont effectivement dans une grande
00:27:17 difficulté financière, parce qu'en fait
00:27:19 on les a poussés à s'endetter.
00:27:21 Parce qu'il y a un moment,
00:27:23 en France, on s'est dit "l'agriculture, ça doit être comme ci,
00:27:25 comme ça", et on n'a pas laissé
00:27:27 les paysans et les paysannes
00:27:29 développer leur activité, comme ils l'entendent.
00:27:31 - Avec en plus de ça, une forme d'agribashing, où
00:27:33 vous êtes ceux qui dispersez les pesticides,
00:27:35 qui maltraitez les bestiaux.
00:27:37 - C'est-à-dire que mes grands-parents...
00:27:39 - Oui, mais mes grands-parents ou mes parents,
00:27:41 ils n'avaient pas ce qu'on appelle aujourd'hui la "pression sociétale".
00:27:43 Ils ne connaissaient pas ça à l'époque.
00:27:45 - C'est un métier noble, il y a 20 ans, très noble.
00:27:47 - Oui, on va dire
00:27:49 après-guerre, les Trente Glorieuses, où il a fallu
00:27:51 produire, produire, donc on a demandé aux paysans de produire,
00:27:53 produire pour nourrir la France. - Toujours un métier noble.
00:27:55 - Oui, donc...
00:27:57 - Les mentalités ont malheureusement un peu évolué dans le mauvais sens.
00:27:59 - Du coup, ils ont fait ce qu'on leur a demandé de faire.
00:28:01 Ils ont produit, il fallait nourrir les Français,
00:28:03 ils ont produit à fond, donc c'était hyper
00:28:05 important et on leur demandait rien d'autre que de produire.
00:28:07 Et puis la société a changé,
00:28:09 ce qui est normal, j'ai aucun souci avec ça,
00:28:11 mais c'est vrai que la pression sociétale,
00:28:13 la pression environnementale est
00:28:15 devenue de plus en plus forte. La concurrence
00:28:17 avec les pays européens qu'on ne connaissait pas il y a
00:28:19 50 ans, elle est là aujourd'hui.
00:28:21 Et il suffit que tu sois un petit
00:28:23 peu financièrement un petit peu compliqué.
00:28:25 Si en plus,
00:28:27 tu vois un reportage à la télé où on te dit "ouais, vous
00:28:29 maltraitez vos animaux, vous êtes des pollueurs,
00:28:31 c'est dégueulasse ce que vous faites, vous faites de la merde",
00:28:33 tu te dis...
00:28:35 - Quoi bon ? - Ouais, c'est ça.
00:28:37 - Il y a quand même
00:28:39 des sociologues qui ont travaillé sur cette
00:28:41 question du malaise en agriculture et du
00:28:43 suicide et qui se sont rendus compte qu'en fait, quand on
00:28:45 redonnait du sens au métier et à l'activité
00:28:47 agricole, notamment par exemple dans la
00:28:49 production en circuit court, donc le fait d'être plus
00:28:51 au contact aussi des personnes qui vont consommer
00:28:53 les produits qui
00:28:55 viennent des fermes, ça redonnait
00:28:57 vraiment de l'estime de soi aux agriculteurs
00:28:59 et c'est pour ça qu'aujourd'hui aussi, on essaye
00:29:01 de trouver d'autres
00:29:03 modèles agricoles, mais quand on dit "modèles agricoles",
00:29:05 c'est vraiment pas qu'une question de pratique, c'est vraiment
00:29:07 un ensemble sociétal qui fait que
00:29:09 plutôt que d'aller au supermarché, on va aller directement
00:29:11 voir les producteurs
00:29:13 et acheter des produits
00:29:15 qui sont produits localement, aller à la rencontre
00:29:17 de ces personnes qui nous nourrissent, parce que finalement
00:29:19 sans elles et sans eux,
00:29:21 on mangerait pas grand-chose.
00:29:23 - Tu parles des supermarchés, justement, il y a des négociations
00:29:25 entre les
00:29:27 supermarchés et le gouvernement qui
00:29:29 sont en train de...
00:29:31 qui s'étaient en train de déboutir, c'était...
00:29:33 - Euh...
00:29:35 Il y a des lois égalis... Enfin, je sais pas
00:29:37 si c'est ça... - Les négociations entre les distributeurs
00:29:39 et le gouvernement qui s'est achevée, vous en attendiez
00:29:41 quelque chose ou c'est... - Alors,
00:29:43 c'est pas tellement des négociations,
00:29:45 en fait, c'est plutôt des règles
00:29:47 du jeu, en fait, pour commercialiser
00:29:49 nos produits
00:29:51 quand on passe par les GMS, par les grandes surfaces.
00:29:53 Euh...
00:29:55 Ouais, alors ça fait des années et des années qu'on parle
00:29:57 de la même chose, donc...
00:29:59 On verra bien comment ça va se passer,
00:30:01 mais comme on dit, les promesses
00:30:03 n'engagent que ceux qui y croient, quoi.
00:30:05 Euh... Je pense que surtout, là,
00:30:07 le changement, il se fera par
00:30:09 les agriculteurs et les agricultrices
00:30:11 qui, soit, voilà,
00:30:13 changeront le modèle en faisant
00:30:15 de la vente directe, des marchés de producteurs,
00:30:17 des choses comme ça, ou comme moi,
00:30:19 à la limite, moi, je fais pas de marché,
00:30:21 je fais pas de vente directe et ça me dérange pas du tout,
00:30:23 je suis très heureux dans mon mode de
00:30:25 fonctionnement et de commercialisation, il en faut aussi,
00:30:27 tous les gens n'iront pas chez les producteurs
00:30:29 ou dans les marchés pour acheter leurs produits, hein,
00:30:31 c'est une évidence. Donc, mais il faut
00:30:33 de tout et il faut encourager,
00:30:35 mais oui, cette négociation-là
00:30:37 ou c'est plutôt cette loi-là,
00:30:39 euh...
00:30:41 Est-ce qu'elle facilitera
00:30:43 les échanges ou les négociations,
00:30:45 on va dire, entre, plutôt, les agro-industriels
00:30:47 qui achètent nos produits,
00:30:49 enfin, dans mon cas, moi, et
00:30:51 qui le revendent aux GMS, bah, on espère tous, quoi.
00:30:53 Maintenant, euh...
00:30:55 Enfin, maintenant, les GMS, c'est quand même
00:30:57 le monde du business et de l'argent,
00:30:59 et donc, euh, si vous voulez, eux, ils vont acheter,
00:31:01 euh, 4 millions de litres de lait dans la journée,
00:31:03 euh, les...
00:31:05 les 50 ou les 100
00:31:07 paysans derrière, ils s'en foutent un peu, quoi.
00:31:09 - Tu parles du prix, il y a Citron qui nous dit dans le chat
00:31:11 "Certains élevages ont l'air un peu discutables sur les conditions
00:31:13 de vie des animaux, il faut le reconnaître, mais faut-il
00:31:15 blâmer les agriculteurs au prix où on
00:31:17 les paie ?" Et donc, in fine,
00:31:19 au prix où on achète aussi le produit, je crois,
00:31:21 c'est ce qui veut dire. - Bah, en fait, euh,
00:31:23 on... nous, agriculteurs,
00:31:25 euh, on jongle avec, euh,
00:31:27 l'environnement, le sociétal,
00:31:29 l'économique, évidemment, parce que c'est un métier
00:31:31 donc il faut qu'on gagne notre vie, euh, l'économique.
00:31:33 Donc on essaye de trouver un équilibre
00:31:35 entre tout ça quand on travaille avec nos
00:31:37 animaux ou avec les cultures dans les champs.
00:31:39 Donc, bah, cet équilibre-là,
00:31:41 euh, il va se faire en fonction
00:31:43 de ce que le consommateur va acheter. Voilà, si
00:31:45 il va acheter des produits en direct, euh, chez le maraîcher
00:31:47 ou chez le... ou chez le producteur de lait,
00:31:49 bon, bah, il va le payer, j'ai envie de dire,
00:31:51 au juste prix, donc où l'agriculteur
00:31:53 va pouvoir le vendre au juste prix.
00:31:55 S'il va aller en GMS, bon, bah, faut qu'on, nous,
00:31:57 on adapte nos coûts de production parce que
00:31:59 ça répond à cette demande-là de GMS
00:32:01 "grande surface", je veux dire. Donc on a nos techniques
00:32:03 qui sont, euh, qui évoluent et qui sont
00:32:05 faites en fonction de ce que le consommateur va acheter.
00:32:07 Donc, euh, par contre, euh,
00:32:09 fin, sur le bien-être animal, je vais répéter,
00:32:11 je le répète assez souvent, euh, moi,
00:32:13 quand j'explique mon métier, euh,
00:32:15 meilleures sont les conditions de vie de mes...
00:32:17 meilleurs sont les conditions de vie de mes animaux,
00:32:19 meilleurs vont être mes conditions de travail,
00:32:21 meilleurs va être mon revenu. Pour nous, un animal
00:32:23 qui serait en mauvaise santé, qui serait malade,
00:32:25 euh, qui serait blessé ou quoi que ce soit,
00:32:27 ça coûte très cher en frais vétérinaire, et donc on n'a aucun
00:32:29 intérêt, évidemment, à... à maltraiter les animaux
00:32:31 parce que, bah, du coup, ça... ça... ça pénaliserait
00:32:33 fortement notre revenu, quoi.
00:32:35 - Colline, puisque je vois que l'heure tourne,
00:32:37 et avant que je fasse venir sur le plateau
00:32:39 Jade, est-ce qu'il y a une question que je ne t'aurais pas posée ?
00:32:41 Pour ne pas que tu repartes frustrée,
00:32:43 même si tu vas rester avec nous dans le studio,
00:32:45 tu ne seras plus devant la caméra.
00:32:47 - Eh bah, peut-être parce que je viens d'un mouvement qui travaille
00:32:49 beaucoup sur les terres agricoles et sur l'accès aux terres agricoles.
00:32:51 - C'est le moment d'en parler. - On peut...
00:32:53 - Bien sûr. - On peut parler de ça parce qu'on est parti
00:32:55 en fait de la question de ce défi démographique
00:32:57 qui guette l'agriculture. - Absolument.
00:32:59 - Et de... est-ce qu'on va réussir à renouveler
00:33:01 euh... cette... cette génération
00:33:03 agricole qui... qui va partir
00:33:05 en retraite. Euh...
00:33:07 Nous, on y croit. Et on dit même
00:33:09 il faut qu'on installe un million de paysans
00:33:11 et de paysannes d'ici 2050.
00:33:13 Euh... alors, ma...
00:33:15 ma collègue Jade reviendra
00:33:17 un peu sur le... tout le parcours d'installation
00:33:19 sûrement. Moi, j'aimerais parler
00:33:21 de la question vraiment de l'accès aux terres parce que, bon bah,
00:33:23 sans... sans terres, on va pas faire grand-chose
00:33:25 hein, à part de l'apiculture ou de...
00:33:27 des cultures complètement hors-sol.
00:33:29 Et c'est pas du tout ce que je souhaite pour l'avenir de l'agriculture
00:33:31 en France. Mais... mais il y a quand même cet
00:33:33 enjeu de l'accès aux terres dans le sens
00:33:35 où, comme je le disais, hein,
00:33:37 60% des personnes qui se présentent avec un projet
00:33:39 agricole ne sont pas issues du milieu agricole,
00:33:41 donc n'ont pas accès à des terres familiales,
00:33:43 euh... n'ont pas cette chance-là.
00:33:45 Alors, comment on fait ? Euh... bah en France,
00:33:47 on peut accéder aux terres soit en les louant,
00:33:49 hein, la majorité des agriculteurs louent tout...
00:33:51 tout parti de... des terres qu'ils travaillent,
00:33:53 soit en les achetant. Alors, le problème, c'est que le marché
00:33:55 est extrêmement fermé. Euh...
00:33:57 en moyenne, une terre revient sur le marché agricole
00:33:59 tous les 75 ans. Donc, autant dire
00:34:01 qu'on n'a pas beaucoup de chance d'avoir une terre
00:34:03 qui se libère. Et même des fois, elles sont...
00:34:05 elles sont vendues, mais elles sont déjà louées à quelqu'un d'autre
00:34:07 qui est protégée par un bail rural,
00:34:09 qui permet à l'agriculteur d'avoir...
00:34:11 de continuer à... à cultiver,
00:34:13 même s'il y a un changement de propriétaire.
00:34:15 Donc le... et puis les terres sont assez chères,
00:34:17 hein, on est autour de 6 000 euros l'hectare.
00:34:19 Quand on s'installe en moyenne sur 35 hectares
00:34:21 en France, c'est quand même 200 000 euros
00:34:23 d'investissement à l'entrée, plus
00:34:25 tous les outils, etc.,
00:34:27 le bâti...
00:34:29 Ça peut être très très compliqué. On est en moyenne
00:34:31 sur un demi-million d'euros
00:34:33 sur l'actif global d'une ferme,
00:34:35 en toute production confondue, donc je sais pas,
00:34:37 il y a pas beaucoup de personnes qui sont en capacité
00:34:39 d'aligner un demi-million d'euros pour s'installer
00:34:41 en agriculture. - On va y revenir après avec Jade,
00:34:43 sur l'installation et comment les accompagner.
00:34:45 - Et donc ça, c'est vraiment sur l'achat,
00:34:47 et puis sur la location, bah, il y a toute la problématique
00:34:49 qu'aujourd'hui, on a quand même une propriété agricole,
00:34:51 et donc c'est l'objet de notre deuxième rapport
00:34:53 qui est sorti aujourd'hui. Le premier est sorti l'année
00:34:55 dernière sur l'état des terres agricoles. Cette année,
00:34:57 on s'intéresse à la propriété.
00:34:59 Et on s'est rendu compte que la propriété, bah, est
00:35:01 extrêmement morcelée. En moyenne, un propriétaire possède
00:35:03 5 hectares. Encore une fois, une ferme moyenne en France,
00:35:05 c'est 70. Donc un agriculteur,
00:35:07 aujourd'hui, quand il loue des terres, il a pas affaire à
00:35:09 un propriétaire, il a affaire à une quinzaine de propriétaires.
00:35:11 Donc quand on est
00:35:13 nouvel entrant, bah, il va falloir aller les convaincre
00:35:15 un par un de louer leurs terres,
00:35:17 et s'ils veulent pas, rien ne les oblige, en fait,
00:35:19 à louer leurs terres à un nouvel arrivant.
00:35:21 Quand on n'est pas issu du milieu agricole, c'est difficile
00:35:23 de convaincre qu'on ait un candidat sérieux,
00:35:25 en plus. Et donc,
00:35:27 c'est pour ça que nous, on a
00:35:29 créé le mouvement Terre de Liens, qui fête
00:35:31 ses 20 ans, aujourd'hui, avec l'idée
00:35:33 de portage foncier. Alors, c'est
00:35:35 un gros mot qui veut dire, en fait,
00:35:37 on assure
00:35:39 la propriété pour louer
00:35:41 les terres à des agriculteurs
00:35:43 et des agricultrices. Alors,
00:35:45 on les achète pas pour faire de la spéculation et pour
00:35:47 revendre, on les sort du marché. L'idée, c'est vraiment
00:35:49 de conserver... - De les fixer en dehors du marché,
00:35:51 de les conserver. - De conserver la vocation
00:35:53 agricole de ces terres à long terme,
00:35:55 avec un bail rural
00:35:57 qui permet à un agriculteur de rester toute sa
00:35:59 carrière, si on le souhaite, sans investir
00:36:01 dans les terres, et au moment
00:36:03 où cette personne part,
00:36:05 cesse son activité, on trouve
00:36:07 un gain pour reprendre
00:36:09 la ferme. Et donc,
00:36:11 ce portage foncier, il est citoyen,
00:36:13 parce qu'il est... Fin, financièrement,
00:36:15 c'est de l'épargne citoyenne
00:36:17 qui nous permet de financer cette
00:36:19 activité. Ça a permis
00:36:21 à plus de 300 agriculteurs
00:36:23 et agricultrices de s'installer
00:36:25 sur des terres en France.
00:36:27 - Voilà. - Merci,
00:36:29 Coline Sauvran, pour tes explications.
00:36:31 Alors, on ne te voit plus, mais
00:36:33 tu es toujours avec nous dans le studio.
00:36:35 Si vraiment tu veux
00:36:37 intervenir, saute-nous dessus.
00:36:39 Donc, j'accueille avec grand joie Jade Jourdan.
00:36:41 Salut Jade,
00:36:43 bonsoir. - Salut, bonsoir. - Tu es chargée
00:36:45 de mission accompagnement à l'installation bio pour
00:36:47 AbioSol. - Exactement. - Est-ce que tu peux
00:36:49 expliquer un peu ton activité, l'activité
00:36:51 d'AbioSol, pardon ? - Complètement. Alors,
00:36:53 mon travail... - Alors parle bien dans le micro,
00:36:55 il faut parler un peu autour... Ils sont
00:36:57 très directionnels. - Alors, très concrètement,
00:36:59 mon travail, c'est d'accueillir des candidats et des
00:37:01 candidates à l'installation agricole et de les guider
00:37:03 dans leur processus.
00:37:05 C'est des process qui sont assez
00:37:07 longs, ça peut durer en moyenne entre 3 et 5
00:37:09 ans. Et il y a différentes grandes
00:37:11 étapes dans ces projets-là.
00:37:13 Alors, nous,
00:37:15 déjà, pour dire un petit peu à quoi ressemblent nos candidats
00:37:17 et nos candidates, comme l'a dit Coline plusieurs fois aujourd'hui,
00:37:19 on a à peu près 60% de ces personnes
00:37:21 qui sont non-issues du milieu agricole, on les appelle
00:37:23 les NIMA. Ça veut dire qu'ils n'ont pas grandi
00:37:25 comme soi, par exemple, sur la ferme
00:37:27 qu'ils ont reprise, donc ils ont eu...
00:37:29 Ils n'ont pas hérité de tous les savoir-faire
00:37:31 de leur famille, etc.
00:37:33 Et puis surtout, ils n'héritent pas de la terre
00:37:35 et de la ferme à la sortie,
00:37:37 donc ça nécessite vraiment un accompagnement qui est spécifique
00:37:39 et sur lequel, nous, on a beaucoup
00:37:41 travaillé, parce qu'en Ile-de-France,
00:37:43 moi, dans les profils que j'accompagne, on a à peu près 90%
00:37:45 qui ont ce profil-là, et ça soulève
00:37:47 plein d'enjeux qui sont nouveaux.
00:37:49 Et donc, ces enjeux-là, en fait, c'est
00:37:51 déjà de faire naître des vocations,
00:37:53 parce que, comme on l'a expliqué auparavant, il y a un vrai enjeu
00:37:55 à renouveler les actifs agricoles pour maintenir
00:37:57 des paysans sur le territoire.
00:37:59 Et du coup,
00:38:01 ces personnes, il faut que... Déjà, elles aient l'idée
00:38:03 que devenir paysan-paysanne, c'est possible.
00:38:05 C'est pas forcément quelque chose qu'on nous présente dans les parcours scolaires.
00:38:07 Et ensuite, il faut qu'elles rencontrent,
00:38:09 qu'elles découvrent ce monde qui est totalement
00:38:11 éloigné de leur vie, parce qu'on parle plutôt
00:38:13 de personnes qui, potentiellement, habitent en ville,
00:38:15 ont un travail salarié,
00:38:17 travaillent dans le tertiaire,
00:38:19 qui sont éloignées. Donc, pour nous, la première étape,
00:38:21 c'est de les accueillir avec leur envie,
00:38:23 et puis de leur permettre de rencontrer le monde paysan,
00:38:25 faire des stages, mettre les mains dans la terre,
00:38:27 venir confronter un peu le fantasme qu'ils peuvent avoir
00:38:29 aussi du retour à la terre,
00:38:31 et de venir le confronter à une forme de réalité
00:38:33 pour leur permettre d'affiner leur projet, de le confronter au réel,
00:38:35 etc. Une fois que cette étape-là
00:38:37 est validée ou invalidée,
00:38:39 il se passe le moment où il va falloir
00:38:41 venir vraiment faire
00:38:43 un diplôme, monter techniquement en compétences,
00:38:45 choisir un mode de production,
00:38:47 et puis ensuite s'y former. Donc, apprendre
00:38:49 à élever des chèvres, à faire pousser des légumes,
00:38:51 etc. Et puis apprendre aussi tous les aspects
00:38:53 entreprenariaux
00:38:55 du fait de devenir agriculteur, agricultrice,
00:38:57 donc gérer sa comptage, gérer une entreprise agricole,
00:38:59 comme on l'a dit précédemment, c'est un métier
00:39:01 qui est très divers, penser sa commercialisation,
00:39:03 enfin voilà, il y a énormément de choses,
00:39:05 qui viennent souvent dans le cadre d'un BPREA,
00:39:07 qui est un brevet pour devenir exploitant agricole,
00:39:09 checker un peu toutes ces cases-là.
00:39:11 - Alors, ce brevet, il passe
00:39:13 par un institut de formation ? - Un lycée agricole,
00:39:15 - Un lycée agricole, oui. - Oui, souvent, classiquement,
00:39:17 ça existe,
00:39:19 on peut le faire en lycée agri, puis après en formation
00:39:21 secondaire, quand on est adulte, c'est des formations
00:39:23 qui durent entre 1 et 2 ans, en fonction
00:39:25 de la modalité qu'on choisit.
00:39:27 Donc voilà, nous on les accompagne dans le choix
00:39:29 de leur formation, dans le fait
00:39:31 d'affiner leur projet, de commencer à avoir
00:39:33 des pistes, des éléments pour réfléchir
00:39:35 au type de projet qu'ils ont envie de défendre.
00:39:37 Et ensuite, nous, ce qu'on a constaté, c'est que
00:39:39 il y a quand même un enjeu
00:39:41 assez crucial, à bien sûr
00:39:43 acquérir des savoirs théoriques
00:39:45 qu'on va apprendre au lycée agricole, mais
00:39:47 ensuite à le confronter à de la pratique.
00:39:49 Et donc nous, chez AbioSol, ce qu'on a mis en place, à travers
00:39:51 un espace test qui s'appelle "Les champs des possibles",
00:39:53 c'est la possibilité de faire du test d'activité.
00:39:55 Donc, c'est un test
00:39:57 qui s'adresse surtout aux personnes qui sont
00:39:59 non issues du milieu agricole, mais
00:40:01 qui ont un projet d'installation, et qui va leur
00:40:03 permettre de venir tester dans un cadre sécurisé,
00:40:05 et en bénéficiant d'un encadrement,
00:40:07 leur projet
00:40:09 est un peu grandeur nature.
00:40:11 Donc, ils sont accompagnés
00:40:13 sur un plan technique, mais aussi sur un plan
00:40:15 socio-économique, et ça limite
00:40:17 la prise de risque. Et entre autres, ce que ça limite, c'est
00:40:19 l'endettement, parce qu'en fait, on va les placer dans des endroits
00:40:21 où l'outil de production est déjà en place.
00:40:23 Donc typiquement, il y a déjà des cerfs, il y a déjà un tracteur,
00:40:25 il y a déjà éventuellement un labo de transformation, s'ils veulent
00:40:27 faire des confitures, des conserves, enfin voilà,
00:40:29 il y a tout. Et on s'appuie
00:40:31 sur un type de contrat qui s'appelle un "contrat cap",
00:40:33 ça veut dire "contrat à l'appui
00:40:35 au projet d'entreprise".
00:40:37 Ça dure trois ans maximum, et donc
00:40:39 pendant ces trois ans, ces personnes vont venir se tester,
00:40:41 affiner leur projet, monter en compétences,
00:40:43 vraiment
00:40:45 venir peaufiner leur projet,
00:40:47 et à l'issue de ce test, ils peuvent
00:40:49 soit s'installer tout seuls en créant
00:40:51 leur propre structure, soit rester au sein
00:40:53 de la coopérative parce que c'est un projet qui leur plaît,
00:40:55 que ça génère de la coopération, que ça évite
00:40:57 l'isolement, justement, comme on a évoqué avant,
00:40:59 que ça permet de travailler en commun, de l'entraide, etc.
00:41:01 Ou aussi décider que finalement,
00:41:03 c'est pas pour eux, que ça ne correspond pas à leurs
00:41:05 aspirations. - Alors justement, dans le chat,
00:41:07 le chat a défilé, attendez,
00:41:09 on a Téchani qui disait,
00:41:11 puisque
00:41:13 "Avez-vous déjà du recul pour savoir combien de personnes
00:41:15 ainsi accompagnées ont pérennisé
00:41:17 leur exploitation, et ceux qui ont abandonné
00:41:19 car c'est un métier difficile ?" - Oui, complètement.
00:41:21 Alors dans les candidats à l'installation, bien sûr,
00:41:23 il y a à peu près 20... - Et puis aussi, moi,
00:41:25 j'ai une autre question, mais tu y répondras après,
00:41:27 tout de suite parce que j'y pense,
00:41:29 c'est "le profil type,
00:41:31 c'est qui ?" - Ouais, c'est qui, ok.
00:41:33 Alors, nous,
00:41:35 ça fait à peu près 10 ans qu'on est ici.
00:41:37 - Et Etienne, tu peux parler aussi,
00:41:39 vous pouvez vous couper, si y'a quelque chose qui te choque
00:41:41 dans ce que Jette te dit,
00:41:43 n'hésite pas à intervenir.
00:41:45 - Nous, on a accompagné l'installation
00:41:47 de plus de 150 femmes sur le territoire de l'Île-de-France,
00:41:49 on travaille exclusivement en Île-de-France, mais on a
00:41:51 des homologues en région, au sein des réseaux
00:41:53 Ardéar, Sivam, etc.
00:41:55 Donc voilà, dans les personnes
00:41:57 qu'on accompagne, on accompagne
00:41:59 grosso modo 200 personnes par an, il y en a 10%
00:42:01 qui s'installent chaque année,
00:42:03 vu la difficulté du parcours, c'est une stat qu'on juge
00:42:05 pas trop mauvaise, et pour le coup, à la sortie
00:42:07 des espaces test, on a plus de 95%
00:42:09 des personnes qui ont décidé de s'installer
00:42:11 sur leur propre activité, qui sont toujours en place
00:42:13 au bout de 5 ans. Ce qui veut dire qu'on a vraiment sécurisé
00:42:15 leur installation,
00:42:17 et qu'en fait, s'ils ont passé les 5 premières années,
00:42:19 qui sont les premières années les plus difficiles
00:42:21 pour sécuriser sa commercialisation,
00:42:23 ses pratiques, etc., c'est des fermes
00:42:25 qui vont pouvoir perdurer globalement
00:42:27 sur la carrière des personnes.
00:42:29 Donc pour nous, c'est hyper central
00:42:31 d'installer des gens sur des projets
00:42:33 viables, vivables pour eux. La question
00:42:35 du bien-être au travail, c'est des questions qui sont hyper centrales
00:42:37 pour nous, parce que, voilà, on voit pas l'intérêt
00:42:39 de pousser des gens dans des burn-out
00:42:41 professionnels et des choses comme ça, donc on est très vigilant
00:42:43 à ça, avec plein d'outils,
00:42:45 justement, la commercialisation
00:42:47 en circuit court pour maîtriser ses coûts,
00:42:49 à travers, entre autres, nous, on a intégré
00:42:51 au sein de notre structure le réseau des Amas Pile de France
00:42:53 qui, justement, travaille
00:42:55 beaucoup sur le juste prix, la juste rémunération
00:42:57 des agris. Et pour répondre
00:42:59 à ta deuxième question, qui sont ces personnes ?
00:43:01 Alors, nous, on a un profil type...
00:43:03 - Après, j'ai une troisième question, en dessous.
00:43:05 - Le profil type,
00:43:07 en Ile-de-France, c'est une moyenne d'âge de 38 ans,
00:43:09 au niveau national, c'est 35.
00:43:11 Donc, voilà, c'est plutôt
00:43:13 des personnes non issues du milieu
00:43:15 agricole à la base, qui n'ont pas grandi dans des fermes,
00:43:17 qui sont pas mal mues par des questions
00:43:19 de sens, par l'urgence climatique,
00:43:21 l'effondrement de la biodiversité,
00:43:23 l'envie de nourrir un territoire,
00:43:25 voilà,
00:43:27 d'être en contact avec les personnes
00:43:29 qui vont nourrir, etc.
00:43:31 Et voilà, et aussi
00:43:35 qui fuit un monde du travail
00:43:37 de plus en plus bureaucratisé, dans lequel
00:43:39 il trouve pas de sens, dans lequel peut y avoir
00:43:41 beaucoup de violence professionnelle, et donc l'agriculture,
00:43:43 c'est aussi une manière de retrouver du sens,
00:43:45 de retrouver de la gentilité sur soi-même, sur son territoire.
00:43:47 - Alors, je vais poser une troisième question. Après,
00:43:49 tu voulais réagir, tiens, vas-y.
00:43:51 Ça correspond à une utopie ou à une réalité ?
00:43:53 Allons-y. - Non, non, non, elle a
00:43:55 très bien expliqué, et je suis complètement...
00:43:57 - Souscrit à tout ? - Ah ouais, non, franchement,
00:43:59 je suis souscrit à tout, parce que,
00:44:01 95% des jeunes
00:44:03 qui s'installent sont encore
00:44:05 agriculteurs au bout de 5 ans.
00:44:07 Globalement, c'est dans toute l'agriculture française,
00:44:09 à peu près, c'est à ce chiffre-là.
00:44:11 Et c'est la profession
00:44:13 qui a le maintien d'activité le plus élevé
00:44:15 en France.
00:44:17 Donc, qui montre que, déjà, quand on s'engage dans l'agriculture
00:44:19 et qu'on devient agriculteur ou paysan,
00:44:21 c'est que vraiment, ou paysanne, c'est que vraiment,
00:44:23 on y croit et qu'on a envie de le faire.
00:44:25 Donc voilà, c'est-à-dire qu'on
00:44:29 pérénise, qu'il faut pérenniser ça,
00:44:31 et que...
00:44:33 L'âge,
00:44:35 ça montre aussi que
00:44:37 quand on devient agriculteur,
00:44:39 on a fait des études de plus en plus longues,
00:44:41 qu'on a travaillé un petit peu
00:44:43 avant de s'installer, pour voir comment ça fonctionne,
00:44:45 et qu'après, ensuite, on a
00:44:47 pris le truc, quoi.
00:44:49 - Alors, Jacques, j'avais ma troisième question, et je sais pas
00:44:51 si tu pourrais y répondre, et si tu peux pas y répondre,
00:44:53 je comprends, parce qu'elle est un peu vicieuse.
00:44:55 Un couple qui voudrait se lancer à deux personnes,
00:44:57 deux urbains, mettons, qui ont 38 ans,
00:44:59 allons-y, et qui n'ont
00:45:01 pas beaucoup d'argent, en réalité, qui n'ont quasiment
00:45:03 pas d'apport, ils peuvent se lancer dans quoi, à Minima ?
00:45:05 - Eh bien, déjà, je leur dirais
00:45:07 de venir chez Abyeusol, ou en tout cas dans
00:45:09 un endroit où on fait de l'accompagnement pour évaluer
00:45:11 leur projet, mais c'est sûr que la question du capital
00:45:13 et de l'accès à l'installation... - Est-ce qu'on peut
00:45:15 y aller sans capital ? Probablement non.
00:45:17 - Alors, avec zéro capital,
00:45:19 c'est compliqué, mais après, nous...
00:45:21 - Ma question, pour ça, elle est pas... - Oui, pour créer une entreprise,
00:45:23 c'est plus cher d'acheter une ferme que d'acheter
00:45:25 un ordinateur portable pour se lancer sur le numéro.
00:45:27 - Oui, c'est sûr. - Mais, donc, voilà.
00:45:29 Mais après, y a quand même des dispositifs qui,
00:45:31 justement, qui tentent de lever ces freins
00:45:33 à l'installation, parce que, d'une certaine manière, là, on l'a dit,
00:45:35 on a besoin de beaucoup de gens, donc si on exclut
00:45:37 toutes les personnes qui ont moins de capital,
00:45:39 on exclut aussi des personnes jeunes,
00:45:41 on fait un tri sur des gens qui sont plutôt CSP+
00:45:43 à la base, c'est pas un projet de société qui nous paraît
00:45:45 souhaitable, nous, on a envie, justement, d'inclure
00:45:47 le plus de personnes possible. Donc, du coup, nous,
00:45:49 au sein d'Abiossol, y a aussi l'association
00:45:51 Terre de Liens Île de France, dont on a parlé
00:45:53 précédemment, qui accompagne
00:45:55 à la recherche foncière, et si le frein
00:45:57 entre la piste foncière
00:45:59 qui identifie les terres qui sont identifiées
00:46:01 et le porteur de projet qui est sur
00:46:03 la piste, c'est
00:46:05 l'argent pour acquérir les terres,
00:46:07 et bien, dans ce cas-là, Terre de Liens
00:46:09 propose à sa foncière
00:46:11 un projet d'acquisition, et donc
00:46:13 la foncière va acheter les terres
00:46:15 et ensuite les louer à cette personne,
00:46:17 ce qui diminue le prix
00:46:19 à l'installation, puisqu'on sort
00:46:21 les terres de la balance des charges financières.
00:46:23 - Elle arrive comme garantie, pas comme apporteur de
00:46:25 capital ? - Elle achète les terres.
00:46:27 Elle achète, et ensuite, elle loue. Donc, vous êtes pas
00:46:29 propriétaire, mais vous n'avez pas eu besoin de débourser
00:46:31 l'argent pour acheter la terre. Ce qui est en
00:46:33 Île de France, qui est un territoire quand même assez tendu,
00:46:35 a permis d'installer, aujourd'hui, 9
00:46:37 fermes sur le territoire, donc c'est pas négligeable.
00:46:39 Y a cette question-là,
00:46:41 après y a aussi la question de se mettre en coopératif,
00:46:43 de se mettre en collectif,
00:46:45 de mutualiser du matériel,
00:46:47 donc tout ça, ça peut
00:46:49 bien sûr aider.
00:46:51 Et puis après, le modèle
00:46:53 des AMAP ou du circuit court, ça permet aussi
00:46:55 de maîtriser son revenu, de
00:46:57 chiffrer de combien d'argent on a besoin, de pas
00:46:59 dépendre d'un marché mondialisé, et du coup
00:47:01 d'essayer de faire des projections sur les 5 premières
00:47:03 années, monter un plan à peu près de financement
00:47:05 qui peut être un petit peu plus stable et un peu moins
00:47:07 soumis aux aléas, que si on commercialise uniquement
00:47:09 en circuit long, et que donc on est extrêmement
00:47:11 sensible aux aléas du marché.
00:47:13 - Alors pour relativiser un tout petit peu,
00:47:15 notamment le prix du foncier en France,
00:47:17 quand on dit, oui,
00:47:19 entre 6 et 8 000 euros,
00:47:21 voilà, on va dire,
00:47:23 l'hectare en France,
00:47:25 faut savoir que ça quand même reste un des fonciers les moins chers
00:47:27 d'Europe en France, voilà. Parce qu'on a des structures
00:47:29 qui, on va dire, contrôlent un petit peu le prix du foncier.
00:47:31 Donc on a
00:47:33 des fonciers, on va dire, des pays agricoles
00:47:35 les moins chers de France,
00:47:37 tu vois, en Allemagne... - C'est deux fois plus cher en Allemagne,
00:47:39 par exemple ? - C'est 10 fois plus cher.
00:47:41 - C'est 10 fois plus cher. - Ouais, ouais, ouais. En Hollande, les terres,
00:47:43 moi j'étais en Hollande en fin d'année dernière,
00:47:45 pour visiter des fermes, quand on discute avec les agriculteurs,
00:47:47 ils nous expliquaient qu'ils avaient
00:47:49 acheté 40 hectares, 68 000 euros l'hectare.
00:47:51 Et qu'ils étaient contents parce que c'était pas cher.
00:47:53 C'est de la folie, quoi.
00:47:55 - Parce que la terre est vraiment meilleure en Hollande ?
00:47:57 - Non, non, déjà la terre, ils en ont beaucoup moins.
00:47:59 C'est des polders, en plus, donc...
00:48:01 - C'est un effet de rareté. - Alors par contre,
00:48:03 en Allemagne, on est aussi sur ce prix-là, un peu moins,
00:48:07 mais on est aussi sur ces tarifs-là,
00:48:09 parce qu'ils ont pas du tout de structure,
00:48:11 ils vont contrôler le foncier, donc le foncier,
00:48:13 il y a beaucoup de spéculation, ça s'est beaucoup envolé,
00:48:15 et donc c'est des... Si, en Allemagne,
00:48:17 ça va être pareil, ça va être les tarifs
00:48:19 70, 80 000 euros l'hectare.
00:48:21 C'est de la folie, quoi.
00:48:23 Donc ce qui permet aussi en France,
00:48:25 on le disait tout à l'heure,
00:48:27 d'installer aussi des hors-cadre familial.
00:48:29 On est un des pays en France qui installent le plus
00:48:31 de gens hors-cadre familial. - C'est-à-dire ?
00:48:33 - Des gens qui sont pas du monde agricole, en fait.
00:48:35 Qui viennent d'autres filières,
00:48:37 ou qui ont pas des parents agriculteurs,
00:48:39 donc ils font des études agricoles,
00:48:41 et ils s'installent... - Ce sont des gens que tu rencontres
00:48:43 dans ton environnement professionnel ? - Ouais, ouais, j'en connais
00:48:45 quelques-uns, deux de plus en plus, maintenant.
00:48:47 Et c'est génial, parce que, en fait,
00:48:49 ces gens-là, qui sont pas du tout du monde agricole,
00:48:51 apportent une autre vision du métier,
00:48:53 et une autre richesse, et c'est super...
00:48:55 Enfin, c'est génial, parce que...
00:48:57 Voilà, leur façon de travailler, leur façon de penser,
00:48:59 elle est différente de la mienne,
00:49:01 et on peut aussi, entre nous, échanger sur les techniques,
00:49:03 s'enrichir des pensées qu'on pourrait avoir
00:49:05 chacun... que si on restait chacun
00:49:07 dans son petit domaine,
00:49:09 fermé dans sa ferme, quoi.
00:49:11 - Chez AbioSol, vous êtes spécialisée dans le bio, il me semble ?
00:49:13 - Oui. - Qui est un modèle qui connaît
00:49:15 une petite crise de croissance en ce moment.
00:49:17 Est-ce qu'elle est circonstancielle,
00:49:19 conjoncturelle ?
00:49:21 - Euh... Oui. - Quel sera l'avenir du bio ?
00:49:23 - Eh ben... - Tu me poses des grandes questions !
00:49:25 Et t'es pas obligée d'y répondre ? - Non, non, non, si,
00:49:27 je peux y répondre. Bah alors, nous, notre...
00:49:29 Evidemment, notre postulat, c'est qu'on a... - Et voilà, ma question,
00:49:31 c'est l'état du bio actuellement, et est-ce que ça vaut
00:49:33 encore le coup d'y aller, et à quelles
00:49:35 conditions, en réalité ? - Yes. Bon, alors, nous,
00:49:37 notre postulat chez AbioSol, c'est qu'on n'est pas du tout en train d'enterrer
00:49:39 la bio, qui a toujours eu des aléas conjoncturels,
00:49:41 et c'est pas un agriculteur
00:49:43 qu'on va la prendre a priori. Aujourd'hui,
00:49:45 c'est pas tant la bio, réellement, qui est en souffrance,
00:49:47 c'est le marché de l'alimentation qui connaît une inflation
00:49:49 très importante, et qui, du coup, impacte
00:49:51 une augmentation de la précarité alimentaire
00:49:53 d'une manière générale, et pour nous,
00:49:55 l'enjeu actuel, il est plutôt lié au pouvoir d'achat,
00:49:57 à l'aval de la... Et c'est pas du tout
00:49:59 l'aval de la filière bio qui est remis en cause,
00:50:01 ses pratiques, ni ses résultats.
00:50:03 Il faut savoir que la France et l'Europe
00:50:05 est toujours dans une volonté
00:50:07 de mettre en avant
00:50:09 et de développer les surfaces
00:50:11 bio, pour répondre aux enjeux
00:50:13 de la protection de la biodiversité, de la protection
00:50:15 des sols, la protection des eaux, etc.
00:50:17 Et donc, la question que nous,
00:50:19 les organisations paysannes, on se pose,
00:50:21 c'est plutôt comment on fait pour accompagner
00:50:23 au mieux les futurs paysans qui s'inscrivent dans les objectifs
00:50:25 définis par la France et par l'Europe.
00:50:27 Pour nous, ça reste un enjeu extrêmement central
00:50:29 d'installer des gens en bio,
00:50:31 et c'est pas tant le bio
00:50:33 qui est en crise, mais la société
00:50:35 qui fait face à l'inflation.
00:50:37 - Et, ouais, je rajoute
00:50:39 que, voilà, c'est vraiment
00:50:41 ces hausses de coûts de production
00:50:43 qui font, en fait, que les gens...
00:50:45 Si vous voulez, le consommateur, quand il est dans
00:50:47 la GMS,
00:50:49 dans la grande surface,
00:50:51 ou dans le marché... - Ou chez le primeur, au marché...
00:50:53 - Ce qui va dicter son acte d'assassin, c'est son portefeuille.
00:50:55 Globalement. Donc,
00:50:57 s'il peut trouver un produit, à un moment donné,
00:50:59 moins cher ailleurs,
00:51:01 il va aller l'acheter. Entre ce que les gens
00:51:03 pensent et disent dans les sondages,
00:51:05 on veut de plus en plus de bio, et à la fin,
00:51:07 c'est le portefeuille qui décide ce que les gens
00:51:09 achètent. Et donc,
00:51:11 il y a toutes les bonnes intentions, puis après, il y a la réalité
00:51:13 parce qu'il y a les difficultés.
00:51:15 La production de la vie, les loisirs,
00:51:17 ce qui est normal, tout le monde a le droit d'avoir des loisirs,
00:51:19 heureusement. - Mais pourtant, un moment,
00:51:21 ça fait maintenant un certain temps que le bio existe, tout de même,
00:51:23 cependant, le bio était déjà
00:51:25 plus cher. Ça n'empêchait pas les gens de l'acheter.
00:51:27 Je pense...
00:51:29 - Le bio, en fait... - Mais là, il y a aussi
00:51:31 une confusion dans les étiquettes, aussi, je crois.
00:51:33 Il y a une...
00:51:35 La confiance pour le bio, c'est un peu
00:51:37 érodée, je crois, aussi. - Je pense qu'il y a...
00:51:39 - Il suffit peut-être juste de la restaurer avec
00:51:41 un étiquetage très clair, ou de nouveaux labels,
00:51:43 peut-être. - Je pense que pour moi, ce n'est pas la confiance
00:51:45 dans le bio, parce que je vous le disais, les pratiques,
00:51:47 elles sont là, elles sont vertueuses.
00:51:49 Voilà, pour moi,
00:51:51 ce n'est pas la question de... Est-ce que les gens
00:51:53 n'ont plus confiance dans le bio ? Je pense...
00:51:55 Pour moi, ce n'est pas toujours le premier critère. Le premier
00:51:57 critère, il est économique, comme tu disais, l'inflation,
00:51:59 les coûts de production qui ont explosé, donc
00:52:01 forcément, l'alimentation est plus chère, et puis
00:52:03 le coût de la vie a explosé aussi, donc
00:52:05 à la fin... Parce que, voilà,
00:52:07 on a aussi incité
00:52:09 beaucoup d'agriculteurs à aller vers le bio,
00:52:11 et que le bio, c'est aussi...
00:52:13 C'est une façon de travailler, quoi, le bio.
00:52:15 Ce n'est pas juste dire "du jour au lendemain, je vais passer en bio
00:52:17 parce que mes productions vont être achetées plus chères",
00:52:19 ce qui, en plus, n'est même pas trop une réalité, parce que
00:52:21 moi, je vis très bien de mon métier en conventionnel,
00:52:23 et je connais des agriculteurs bio qui sont plutôt en difficulté.
00:52:25 Donc, tu vois, c'est
00:52:27 même pas tellement ça, le problème, c'est que
00:52:29 c'est l'acte d'achat,
00:52:31 et que, ben, les gens,
00:52:33 on se rend compte qu'aujourd'hui, c'est conjoncturel.
00:52:35 Peut-être que dans deux ans, trois ans, j'espère que
00:52:37 le bio, la filière va
00:52:39 se remettre en marche, je veux dire,
00:52:41 les gens vont racheter du bio. Mais, voilà,
00:52:43 la réalité économique aujourd'hui, c'est que c'est pas parce que
00:52:45 t'es en bio que tu vas mieux gagner ta vie.
00:52:47 - Et ça serait pas mieux de faire que du bio ?
00:52:49 - Non. Non, parce que
00:52:51 tout simplement, en fait... - Colline, tu tiques.
00:52:53 - Ouais, non, non, mais... - Euh, Jad, pardon !
00:52:55 Colline, tu es là. Jad !
00:52:57 - Non, non, parce que, en fait...
00:52:59 - Je te donne la parole, Jad, immédiatement,
00:53:01 parce que je vois qu'il y a quelque chose qui t'embête.
00:53:03 - On a la chance, en France, d'avoir une agriculture très diversifiée,
00:53:05 qui va aller du bio au conventionnel,
00:53:07 on a des techniques d'agriculture
00:53:09 de conservation des sols, voilà,
00:53:11 on a du labour, du non-labour,
00:53:13 on a plein de choses différentes
00:53:15 en France qui font qu'on a une richesse
00:53:17 d'agriculture hyper diversifiée,
00:53:19 et ça évite
00:53:21 de se refermer dans un modèle, en fait.
00:53:23 Et ça évite de se refermer dans un modèle, et aussi parce que,
00:53:25 le consommateur, si on est là aujourd'hui,
00:53:27 si les agriculteurs sont là aujourd'hui,
00:53:29 et si le modèle est comme ça, c'est parce que
00:53:31 le portefeuille de chaque citoyen est différent.
00:53:33 - Il faut bien continuer à nourrir les gens.
00:53:35 - C'est une réalité, c'est-à-dire qu'on
00:53:37 importe de plus en plus aujourd'hui de nourriture
00:53:39 qui vient d'étrangers, ce qui est quand même
00:53:41 une folie, c'est-à-dire que nous, on va avoir
00:53:43 des normes en France qui vont être
00:53:45 très restrictives sur
00:53:47 l'utilisation des produits phytosanitaires,
00:53:49 sur l'utilisation des antibiotiques,
00:53:51 sur toute l'agriculture,
00:53:53 et à côté de ça, on importe
00:53:55 des produits qui respectent même pas les normes
00:53:57 qu'on a chez nous, ça qui est fou,
00:53:59 et que les gens vont manger, parce que les gens vont l'acheter,
00:54:01 ils vont le manger, parce que les gens continuent de manger, ça va pas les arrêter de manger.
00:54:03 Et nous, on nous interdit des choses,
00:54:05 donc je trouve ça quand même assez incroyable.
00:54:07 - Je te coupe, parce qu'à ce propos,
00:54:09 le bio fait réagir les gens dans le chat,
00:54:11 c'était pas forcément l'objet de l'émission, mais on est arrivé à la fin,
00:54:13 donc c'est peut-être le moment d'en parler.
00:54:15 - Peut-être juste pour répondre,
00:54:17 moi je pense qu'en effet, il y a quelque chose de conjoncturel lié à l'inflation,
00:54:19 il y a aussi de la confusion sur la multiplication
00:54:21 des labels, des choses qui sont pas forcément claires,
00:54:23 je pense que les gens comprennent pas aussi
00:54:25 à quel point l'agriculture biologique, c'est un cahier des charges
00:54:27 extrêmement strict, peuvent se laisser confuser
00:54:29 par des labels beaucoup moins exigeants,
00:54:31 comme la HVE aussi, toutes les démarches
00:54:33 de marketing qui surfent sur des images de nature,
00:54:35 de naturalité, de sûreté, etc.
00:54:37 Parce que les marques ont compris qu'il y avait un marché
00:54:39 pour aller là-dedans, et qu'il y a besoin
00:54:41 aussi d'informer sur ce que ça veut dire
00:54:43 concrètement consommer bio,
00:54:45 d'un point de vue d'impact sur la biodiversité,
00:54:47 etc. et de projets. Pour nous,
00:54:49 bien sûr, nous on est des...
00:54:51 Pour nous, la bio c'est un projet politique,
00:54:53 c'est pas juste une part de marché sur des gens qui voudraient manger bio,
00:54:55 parce qu'ils peuvent, et puis d'autres personnes
00:54:57 qui préfèrent manger autrement.
00:54:59 Pour nous, il y a une volonté politique
00:55:01 à dire quel modèle de société on choisit,
00:55:03 et nous, en tout cas, on trouve que
00:55:05 l'agriculture biologique répond à ces enjeux-là.
00:55:07 Donc c'est pour ça que c'est ce modèle-là
00:55:09 qu'on porte.
00:55:11 - Alors, il y a plein de questions, je suis navré,
00:55:13 je vais pas pouvoir toutes les passer, parce que vous êtes très nombreux
00:55:15 à poser plein de questions sur le bio, mais ça peut faire
00:55:17 l'objet d'une autre émission tout de même.
00:55:19 Alors, attendez.
00:55:21 On a Faux Bourdon qui dit "Il y a de très bons
00:55:23 maraîchers locaux avec de bonnes pratiques qui n'ont pas les moyens
00:55:25 de payer le label bio". Ça, je ne sais pas si c'est vrai ou pas.
00:55:27 - Ça, juste pour répondre à ça,
00:55:29 je trouve un peu un non-sujet.
00:55:31 Il y a beaucoup de régions qui financent, en tout cas en Ile-de-France,
00:55:33 la région finance la certification...
00:55:35 - L'idée n'est pas d'attaquer le bio ce soir.
00:55:37 - Non, non, non. Et après, c'est vrai que
00:55:39 la question de la bio, pour moi, la certification
00:55:41 qui est exigeante et qui répond à un cahier des charges
00:55:43 strict, c'est de pouvoir rendre des comptes
00:55:45 et c'est la rigueur que ça impose
00:55:47 aux agriculteurs, agricultrices,
00:55:49 et qui peut être compliquée,
00:55:51 mais en fait, en réalité, certifier
00:55:53 une exploitation maraîchère de
00:55:55 2 hectares, ça coûte 500 euros par an et ça peut
00:55:57 être pris en charge à 50% par la région.
00:55:59 Donc en réalité, la question du critère économique
00:56:01 n'est pas forcément entièrement... - Elle n'est pas valable.
00:56:03 Oui, d'accord. On a Guigui
00:56:05 qui pose une autre question, qui demande
00:56:07 - donc salut Guigui3484 -
00:56:10 "J'avais une question à vous poser. Quelle est la
00:56:12 différence entre l'agriculture biologique moderne
00:56:14 et les techniques agricoles de 1950 ?"
00:56:16 Donc sa question, c'est un peu, c'est est-ce qu'on faisait pas
00:56:18 déjà du bio avant ? - Ah non, bah...
00:56:20 pas du tout. Enfin, je dis pas du tout.
00:56:22 - Peut-être que 1950, il est un peu tard.
00:56:24 - Ouais ! - Il voulait peut-être dire
00:56:26 1930, peut-être. - Ouais, voilà.
00:56:28 Non, c'est toujours...
00:56:30 Y'a ce côté-là où on dit
00:56:32 l'agriculture de 1950 par an, elle était...
00:56:34 c'était mieux qu'aujourd'hui. Et c'est un gros, gros
00:56:36 fantasme, parce que je suis largement plus
00:56:38 heureux, moi, d'être agriculteur aujourd'hui que mon grand-père,
00:56:40 qui se tuait vraiment, littéralement, à la tâche,
00:56:42 qui avait des techniques de travail très, très compliquées,
00:56:44 enfin, des horaires pas possibles,
00:56:46 et vraiment qui faisait un travail
00:56:48 harassant. Et moi, aujourd'hui,
00:56:50 avec les nouvelles technologies, voilà, les robots
00:56:52 de traite, ou même, voilà, les tracteurs
00:56:54 connectés, les drones... - Je pense que la question, Guigui,
00:56:56 c'était plus sur l'impact environnemental, en réalité. - Ouais, sur l'impact
00:56:58 environnemental, bah... En fait,
00:57:00 faudrait refaire de l'histoire, mais
00:57:02 quand on est sortis de la guerre, il a
00:57:04 fallu nourrir les Français, il a fallu produire, on est arrivés avec
00:57:06 des nouveaux produits... Enfin, des nouveaux...
00:57:08 des nouvelles techniques de travail très intensives, hein, parce qu'il fallait
00:57:10 produire, produire, produire. Et puis, on
00:57:12 a fait comme ça, puis on a réussi à
00:57:14 nourrir les gens. On a monté, monté la
00:57:16 production. Et à un moment donné,
00:57:18 la société a changé. Nous, agriculteurs,
00:57:20 on est toujours la tête dans le guidon à produire, produire, produire.
00:57:22 Et puis, on s'est pas posé la question de savoir si les techniques étaient
00:57:24 bonnes ou mauvaises. Enfin, globalement, hein, je parle, y'en a qui se posaient
00:57:26 la question, mais globalement, on s'est pas posé la question
00:57:28 de savoir si on faisait pas mal les choses.
00:57:30 Et puis, depuis une vingtaine d'années, l'environnement
00:57:32 est un enjeu très important.
00:57:34 Et qu'il faut qu'on le fasse très
00:57:36 attention, parce qu'on travaille avec du vivant. Moi,
00:57:38 je travaille avec des animaux dans les sols, donc
00:57:40 je sais que l'environnement, c'est hyper important. Changement
00:57:42 climatique, ça m'impacte énormément.
00:57:44 Et du coup, l'agriculteur, il s'est
00:57:46 pris en pleine gueule le fait que
00:57:48 vous êtes des pollueurs, toi, cette chose-là.
00:57:50 Et donc, il faut qu'on change les techniques
00:57:52 agricoles, sauf que le monde agricole est très complexe,
00:57:54 que le temps, c'est très long.
00:57:56 Voilà, on travaille pas en deux jours, on fait pas pousser une tomate
00:57:58 en deux jours, on est là pour une vache. - Alors, quel est le temps du changement ?
00:58:00 Parce que, que tout le monde soit
00:58:02 de bonne volonté, ça, on veut évidemment bien l'entendre.
00:58:04 Et bien sûr qu'il y a des contraintes qui sont telles qu'on peut pas
00:58:06 individuellement y répondre, on est en portée de la responsabilité,
00:58:08 ça c'est évident. Jette, tu voulais
00:58:10 peut-être y répondre. Quel est le temps du changement ?
00:58:12 - Je veux bien s'y rendre.
00:58:14 - À l'aune d'autres contraintes qui sont...
00:58:16 - Le changement climatique,
00:58:18 - Le changement climatique, - La sécurité alimentaire.
00:58:20 - La sécurité alimentaire, par ailleurs, bien sûr.
00:58:22 Et l'inflation aussi, enfin...
00:58:24 - Ben justement, cette conversation qu'on a là,
00:58:26 elle s'inscrit dans un cadre politique particulier, parce qu'en ce
00:58:28 moment, on est sur les concertations autour de la nouvelle
00:58:30 loi d'orientation agricole, et du coup,
00:58:32 c'est un moment où on va
00:58:34 concerter beaucoup d'acteurs et d'actrices de l'agriculture
00:58:36 pour essayer de définir les nouvelles orientations
00:58:38 et comment on va répondre aux grands défis
00:58:40 qui nous attendent, comme
00:58:42 le changement climatique, la question de l'eau, la question
00:58:44 de l'installation agricole, comme on a
00:58:46 débattu ce soir.
00:58:48 Et donc nous, avec les structures du
00:58:50 Pôle Impact, qui sont les structures globalement de
00:58:52 l'accompagnement de l'agriculture paysanne, on définit
00:58:54 pas mal de leviers, en fait, pour essayer de répondre
00:58:56 à tous ces enjeux-là. Par exemple,
00:58:58 réviser les parcours de formation agricole pour s'adapter
00:59:00 au profil en reconversion,
00:59:02 favoriser l'apprentissage par la pratique,
00:59:04 l'apprentissage par des pairs, valoriser
00:59:06 les dispositifs d'accompagnement dits à l'émergence de
00:59:08 projets que je vous ai décrits avant, c'est-à-dire permettre à des gens
00:59:10 qui n'ont pas grandi sur des fermes d'aller sur des fermes, rencontrer
00:59:12 des agriculteurs, comprendre ce métier-là,
00:59:14 se sensibiliser et imaginer ça
00:59:16 pour leur futur. Aussi,
00:59:18 accompagner et former des agriculteurs et agricultrices
00:59:20 déjà installés, parce qu'en fait on se rend compte
00:59:22 que c'est un facteur décisif de la pérennité
00:59:24 des fermes, de continuer à se former toute sa vie,
00:59:26 parce qu'on est avec du vivant
00:59:28 dans un monde qui change, et qui change de plus
00:59:30 en plus vite avec la question du changement climatique.
00:59:32 Donc s'adapter en permanence, réfléchir à ses pratiques
00:59:34 et les questionner
00:59:36 collectivement, ça nous paraît être un enjeu
00:59:38 absolument énorme. Et enfin,
00:59:40 adapter les aides à l'installation,
00:59:42 c'est la DGA, la dotation aux jeunes agriculteurs
00:59:44 qui est l'aide qu'on reçoit au moment
00:59:46 de son installation, qui aujourd'hui
00:59:48 exclut les personnes de plus de 40 ans.
00:59:50 On a vu en Ile-de-France en moyenne
00:59:52 les commis d'aide à l'installation... - Il y a pas mal de reconversions, peut-être,
00:59:54 qu'à 40 ans on décide de changer de vie. - On le croit à 28 ans.
00:59:56 Donc potentiellement, si en 2 ans on ne s'est pas
00:59:58 décidé et qu'on n'est pas prêt à signer pour sa
01:00:00 ferme, hop, on perd cette enveloppe-là
01:00:02 qui exclut déjà des personnes qui ont moins de capital,
01:00:04 etc. à la base, ce qui est quand même
01:00:06 dommage, qui exclut aussi des personnes
01:00:08 qui sont minoritaires au niveau des installations,
01:00:10 des gens qui peuvent être pluriactifs,
01:00:12 qui sont moins faciles à obtenir pour les femmes,
01:00:14 ou des gens
01:00:16 qui s'installent sur des statuts un peu innovants
01:00:18 comme les statuts coopératifs qui sont aujourd'hui
01:00:20 pas reconnus comme un statut agricole à part entière.
01:00:22 Et donc voilà, on porte un certain nombre de leviers
01:00:24 d'action pour justement
01:00:26 relever ce défi. Quel est le temps
01:00:28 du changement ? Je ne sais pas,
01:00:30 ça dépend aussi beaucoup des décisions politiques qui sont en train
01:00:32 de se décider en ce moment.
01:00:34 - Oui, je peux me permettre ? - J'en prie.
01:00:36 - Il faut que le citoyen
01:00:38 et surtout le consommateur et le citoyen comprennent
01:00:40 - C'est la nôtre. - C'est les consommateurs
01:00:42 comprennent que
01:00:44 on ne peut pas être,
01:00:46 en ce qui se parle en termes d'environnement,
01:00:48 la France est quand même plutôt
01:00:50 en avance et qu'on ne peut pas être les meilleurs
01:00:52 du monde si on importe toute notre nourriture
01:00:54 de l'étranger. Voilà, c'est ça que je veux dire. Vraiment,
01:00:56 de plus en plus, on importe de la nourriture de l'étranger
01:00:58 parce que, soit
01:01:00 on va nous attarder sur des techniques, des produits,
01:01:02 des choses comme ça. Et je suis,
01:01:04 alors l'environnement, je ne l'ai pas encore, je travaille avec,
01:01:06 donc je sais que c'est important, mais
01:01:08 on ne peut pas être les plus beaux,
01:01:10 les plus propres chez nous en France, si on
01:01:12 importe de la nourriture qui ne respecte pas nos règles. C'est ça que vraiment
01:01:14 je veux dire, qu'on comprenne bien qu'on n'aura pas
01:01:16 une France bio dans 10 ans, ou dans 15 ans,
01:01:18 ou dans 20 ans, je peux vous l'assurer,
01:01:20 je peux bien le signer maintenant, on n'aura jamais
01:01:22 une France 100% bio.
01:01:24 - Est-ce que ce sera le mot de la fin, puisque le retourne ?
01:01:26 Jade, est-ce que tu as ajouté
01:01:28 quelque chose ?
01:01:30 - C'est la pire des questions !
01:01:34 - C'est sûr ! Non, ça va !
01:01:36 - Moi j'ai fini aussi. Etienne, on est bon ?
01:01:38 - Manger français ! - Manger français !
01:01:40 - Manger bio ! Français surtout !
01:01:42 - Et voilà,
01:01:44 et donc il faut qu'il y ait
01:01:46 plein de gens qui deviennent agriculteurs, c'est ça ?
01:01:48 On va les accueillir dans les milieux
01:01:50 ruraux de la meilleure des manières, on va les accompagner
01:01:52 aussi, mesdames, de la meilleure des manières aussi,
01:01:54 quand bien même ils n'en viendraient pas.
01:01:56 Et bien c'est le mot de la fin.
01:02:00 Chers amis,
01:02:02 merci infiniment d'avoir passé cette heure avec nous.
01:02:04 Merci donc à nos trois invités,
01:02:06 merci Etienne, merci Colline, merci Jade.
01:02:08 Merci pour votre patience, on s'est pas engueulés,
01:02:10 c'est super, merci pour vos réponses.
01:02:12 Revenez bien sûr quand vous voulez, merci à
01:02:14 Joé à la programmation, merci à Sébastien
01:02:16 à la rédaction en chef, merci à Hugo
01:02:18 qui est à côté de moi à la régie. Merci à vous
01:02:20 évidemment dans le chat pour vos questions
01:02:22 comme souvent. Alors ce soir on avait
01:02:24 beaucoup plus que d'habitude, et notamment sur le bio,
01:02:26 plein plein plein de questions. On avait déjà fait
01:02:28 une émission sur le bio, mais on peut en refaire une
01:02:30 si vous le souhaitez, comme ça on pourra s'engueuler
01:02:32 tous ensemble, ça va être super.
01:02:34 Donc voilà, on a essayé de répondre à tout le monde,
01:02:36 on n'a pas réussi,
01:02:38 mais je vous assure qu'on a essayé. Pour ceux qui
01:02:40 veulent revoir l'émission plus sérieusement, elle est dispo dans
01:02:42 une minute sur Twitch. Pour ceux qui veulent
01:02:44 la réécouter, vous la retrouverez dans un instant en podcast
01:02:46 sur la plateforme de Radio France
01:02:48 et sur le site de France Info. Le site de France Info
01:02:50 est france.tv/info.fr. Demain
01:02:52 mercredi, on va parler de TikTok, de Chine, de géopolitique
01:02:54 et d'espionnage. Il y a Joey qui nous a préparé
01:02:56 un plateau d'enfer, venez nombreux.
01:02:58 Moi je serai là en tout cas. Ce sera au même endroit
01:03:00 à la même heure, de 18h à 19h
01:03:02 sur Twitch. Pas vraiment de
01:03:04 bonheur, mais bien sûr de bonne humeur.
01:03:06 Je vous souhaite une excellente soirée.
01:03:08 Salut à toutes et tous et à demain.
01:03:10 [Musique]