Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce mercredi, il revient sur le déplacement d'Emmanuel Macron à Rungis.
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00:00 c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet. Bonjour Bruno. Bonjour Philippe.
00:03 Tous les jours Bruno, vous analysez ici les stratégies médiatiques et ce matin
00:06 vous revenez sur une séquence de communication politique qui vous a
00:09 beaucoup intéressé, le déplacement d'Emmanuel Macron hier matin à Rungis.
00:14 Oui alors vous le savez Philippe, pour qu'un épisode de communication
00:17 politique soit réussi, il faut savoir manier les images et les symboles et plus
00:21 c'est gros, plus c'est immédiatement identifiable par les médias, plus ça passe.
00:25 Hier donc, dépôt trombiné, Emmanuel Macron s'est rendu à Rungis. Pourquoi ?
00:29 Eh bien le trésor de TF1 l'a parfaitement compris.
00:32 Emmanuel Macron n'a pas choisi Rungis pour rien. Pour fabriquer une image, une
00:38 image qui nous en rappellerait une autre et ça n'a pas échappé non plus à la
00:42 sagacité de Mathieu Béliard sur France 5. Le président et ses équipes sont
00:46 arrivés vers 5h30 du matin pour un déplacement nous dit-on sur le thème du
00:50 travail et si ça vous rappelle quelque chose c'est normal. Car comme l'émission
00:55 C'est à vous qui a diffusé les archives hier soir, tous les journalistes ont
00:58 immédiatement saisi que l'analogie que recherchait hier Emmanuel Macron c'était
01:03 celle avec un certain Nicolas Sarkozy.
01:05 Ce matin je suis venu à Rungis pour la France qui se lève tôt
01:09 parce que je pense toujours que le problème de la France c'est le travail.
01:13 Les médias ont donc repris la célèbre formule "la France qui se lève tôt" tous
01:17 en chœur comme l'a fait le 20h de France 2.
01:20 À Rungis, au petit matin, ils devaient venir parler à la France qui se lève tôt.
01:25 Mais alors pour quelle raison le président de la République a-t-il voulu
01:28 créer cette ressemblance avec Nicolas Sarkozy ?
01:31 Et bien pour opérer une petite manipulation, un petit glissement
01:35 sémantique extrêmement habile. Je vous explique. Hier matin Emmanuel Macron
01:40 avait un but très précis qu'a parfaitement capté TF1.
01:43 "Après plusieurs semaines de discrétion, le président veut montrer qu'il tient à sa réforme."
01:48 Il avait l'intention de défendre sa réforme des retraites.
01:51 Alors ? Et bien alors devant une forêt de micros et de caméras qui se sont
01:56 empressés de diffuser la séquence, il a expliqué aux travailleurs de Rungis que
02:01 pour que le système perdure, il n'y avait pas 36 solutions.
02:03 "Si on ne travaille pas plus longtemps, quels sont les deux autres moyens de faire ?
02:06 Prendre plus d'argent à ceux qui travaillent, les cotisations.
02:09 Je n'ai pas compris que les gens avaient du gras. Non. Ils veulent mieux gagner leur vie."
02:13 Une explication extrêmement astucieuse dans laquelle Emmanuel Macron a associé
02:18 le temps de travail au pouvoir d'achat. Comme qui ? Et bien comme Nicolas Sarkozy
02:23 qui l'avait fait dans une autre de ses formules restées célèbres.
02:25 "Il faut laisser dans le privé comme dans le public ceux qui veulent travailler plus
02:29 pour gagner plus le faire."
02:31 Et voilà. Hier matin Emmanuel Macron n'est donc pas venu dire qu'il fallait
02:35 travailler plus longtemps parce que c'est impopulaire auprès d'une majorité de Français,
02:39 mais bien qu'il fallait travailler plus pour gagner plus une fois à la retraite.
02:43 Alors c'est très habile Philippe, car ça renvoie les Français à leur problème
02:46 de fin de mois plutôt qu'à leur problème de fin de carrière.
02:49 Et puis ça a aussi une autre vertu extrêmement importante, car se rapprocher du candidat
02:55 Sarkozy de février 2007, ça permet de s'éloigner instantanément du président Macron.
03:00 Celui d'août 2019, celui que je vous ai retrouvé en farfouillant dans mon grand placard
03:05 à casseroles politiques et qui, depuis Biarritz, avait promis ceci.
03:08 "Si on fait une réforme comme d'habitude, on dit on va décaler l'âge de départ à la retraite.
03:13 J'ai dit il y a quelques mois, je ne ferai pas ça."
03:15 Celui qui refusait catégoriquement de faire travailler les Français plus longtemps.
03:20 "Pourquoi ce n'est pas juste de faire ça ? Parce que quand vous avez commencé à travailler à 16 ans,
03:24 si je vous décale votre âge de départ à la retraite, c'est profondément injuste."
03:28 Alors voilà, hier la manœuvre a parfaitement fonctionné, merci, car j'ai vu partout des images
03:33 de Nicolas Sarkozy à Rungis, mais nulle part ses déclarations d'Emmanuel Macron à Biarritz.
03:38 La mémoire des médias n'est pas seulement sélective, elle est aussi influençable.
03:43 Merci beaucoup, Bruno Donnet. À demain.