Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce vendredi, il s'intéresse aux petits micros espions de Laurent Delahousse qui ont valu à certains députés d’être sanctionnés.
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00:00 La suite de Culture Média sur Europe 1, c'est avec vous Philippe Vandel.
00:03 Dans un instant, on sera avec notre camarade du journal L'Équipe, Sacha Nocovitch.
00:06 Ce sera sa chronique sport-média.
00:07 Mais d'abord, c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet.
00:10 Bonjour Bruno.
00:10 Bonjour Philippe.
00:11 Tous les jours, Bruno, vous observez ici la fabrique médiatique.
00:13 Et ce matin, vous avez choisi de pointer votre télescope sur les micro-cravates de Laurent Delahousse.
00:18 Oui, alors Rémi Jacob vous en a dit un petit mot tout à l'heure dans son journal des médias.
00:21 Il y a du rififi à l'Assemblée nationale à cause des petits micros espions de Laurent Delahousse
00:27 qui ont valu à certains députés d'être sanctionnés hier.
00:30 Alors c'est une affaire qui m'a beaucoup intéressé
00:33 parce qu'elle raconte tout à la fois le fonctionnement des médias
00:35 mais également les archaïsmes de la vie politique.
00:38 Je vous explique.
00:39 Il y a 15 jours, dans son 13h15 du dimanche, Laurent Delahousse a annoncé une grande nouveauté.
00:44 Cette fois, ce sont plusieurs caméras qui ont choisi de se positionner au cœur de la bataille des retraites,
00:49 à l'Assemblée, au Sénat, dans les ministères, mais également dans la rue.
00:52 Un reportage d'un genre nouveau qui allait nous montrer les coulisses de la vie politique
00:57 grâce notamment à un petit instrument.
00:59 Plusieurs semaines de tournage, des micros posés avec leur accord sur les protagonistes.
01:03 Des micros cravate posés avec leur accord sur les protagonistes.
01:08 Alors cette information-là était très importante pour France 2,
01:11 tellement importante que dès le début du reportage, la voix off a même tenu à nous la répéter.
01:16 Une petite précision.
01:18 Tous les personnages de cette série ont accepté de porter un micro
01:23 et que leurs propos soient diffusés.
01:26 Et si cette petite précision avait en fait une grande importance,
01:30 c'est parce que les équipes de Laurent Delahousse ont en fait contourné
01:33 une partie du règlement de l'Assemblée nationale
01:35 qui veut qu'il soit totalement interdit aux caméras de télévision de pénétrer dans l'hémicycle.
01:40 Certes, les débats sont filmés et diffusés sur la chaîne parlementaire,
01:44 mais un reporter ne peut pas entrer avec sa propre caméra durant les séances.
01:48 Voilà pourquoi, en temps normal, on ne voit et n'entend que ce qui est capté
01:53 officiellement par le service vidéo de l'Assemblée que préside Yael Brown-Pivet.
01:57 « Et ce sont des règles qui sont les nôtres et que j'entends faire respecter ! »
02:02 Pourtant, froid, partons de deux principes médiatiques cardinaux qui volent
02:05 1) que tout ce qui n'est pas formellement interdit est autorisé
02:09 et 2) que quand on ne peut pas entrer par la porte, il ne faut jamais hésiter à passer par la fenêtre.
02:13 Les équipes de Laurent Delahousse ont essayé une petite astuce.
02:16 Équiper quelques députés d'un micro-cramat, leur envoyer des questions par texto,
02:22 les filmer depuis le haut des gradins de l'Assemblée nationale,
02:25 qui sont accessibles au public, et enregistrer leurs propos.
02:28 France 2 a ainsi recueilli les confidences du député Laurent Panifou
02:32 en plein débat sur la réforme des retraites.
02:34 « L'atmosphère dans l'hémicycle, vous voyez, elle est assez mauvaise, elle est même assez déplorable. »
02:42 La séquence était extrêmement insolite en termes d'image, de cadre,
02:45 car on n'avait encore jamais vu un député répondre à une interview en plein pendant les débats.
02:51 Et elle traduisait donc cette volonté qu'a très régulièrement la télévision
02:55 d'essayer d'inventer de nouvelles écritures, de trouver de nouvelles formes pour nous raconter l'actualité.
03:00 Mais au-delà de la forme, cette petite invention s'est également montrée très payante en termes de fond.
03:06 Car France 2 n'a pas manqué de nous le faire remarquer,
03:08 ces petits micros lui ont permis de capter des propos dont personne n'était moins d'ordinaire.
03:13 « Dans le tumulte, un échange aurait presque pu passer inaperçu
03:18 entre le patron des Républicains, Éric Ciotti, et son député frondeur. »
03:22 Une séquence plus que tendue dans laquelle Éric Ciotti et son challenger Aurélien Pradié
03:28 se sont défiés quasiment physiquement.
03:30 « Ne me montre pas du doigt, Éric. Ne me montre pas du doigt.
03:33 Tu fais ce que tu veux, mais tu me montres pas du doigt.
03:36 Et si tu veux les tirer, tu les tires pour tout le monde.
03:38 Non, non, mais pas comme ça. Il y a des limites. »
03:40 Alors voilà, hier, tous les députés qui avaient accepté de porter les petits micros de France 2
03:44 dans l'hémicycle ont été sanctionnés et c'est dommage.
03:47 C'est dommage car au moment où l'Assemblée nationale a offert à tous ceux
03:50 qui ont regardé ces débats sur la réforme des retraites un spectacle hautement pathétique,
03:55 « Ne hurlez pas, s'il vous plaît. Ce n'est pas parce que vous criez fort que vous avez plus raison. »
03:59 je crois qu'elle s'est trompée.
04:00 Car de la même façon que les micros placés sur la poitrine des arbitres,
04:04 au rugby par exemple, permettent de mieux saisir le jeu,
04:07 ce que France 2 a épinglé sur des élus de la République permettait
04:11 de faire entendre la politique beaucoup plus finement.
04:14 Voilà pourquoi, contrairement à ce qu'elle imagine, l'Assemblée nationale n'a pas été cravatée
04:19 par Laurent Delahousse, elle a tout simplement été invitée à nous offrir davantage de transparence.
04:24 Où l'on comprend, Philippe, qu'en matière de progrès,
04:27 la télévision va quelquefois nettement plus vite que la musique politique.
04:31 Merci beaucoup Bruno Donnet, bon week-end.
04:33 En fait, moi le bruit du texto...
04:35 Quel talent, il a tous les talents cet homme !