Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce vendredi, il revient sur l’enquête publiée par Le Monde, au sujet notamment des fausses informations diffusées par BFM-TV.
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00:00 Mais d'abord c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet. Bonjour Bruno.
00:02 Bonjour Philippe.
00:03 Tous les jours Bruno, vous observez ici la Fabrique médiatique et ce matin,
00:06 vous souhaitiez revenir sur l'enquête qu'a publiée le journal Le Monde avant-hier,
00:09 enquête au sujet notamment des fausses informations diffusées par BFM TV.
00:13 Oui, c'est une enquête absolument passionnante Philippe,
00:15 passionnante parce qu'elle montre tout à la fois le meilleur et le pire de ce que peut produire le journalisme, je vous raconte.
00:22 Alors le meilleur d'abord, c'est ce travail qu'a publié Le Monde avant-hier
00:25 et qu'il a réalisé avec un consortium qui compte pas moins de 100 journalistes.
00:29 Ce collectif a pour nom Forbidden Stories et il a mis à jour l'existence d'une entreprise israélienne baptisée Team George
00:36 qui s'est spécialisée non pas dans l'information mais bien dans la désinformation,
00:41 c'est-à-dire dans la fabrique de fausses nouvelles.
00:43 Une entreprise qui remporte de nombreux succès comme le correspondant de Radio France à Jérusalem,
00:48 Frédéric Métezo l'a expliqué mercredi sur le plateau de France 5.
00:51 Il revendique 33 campagnes présidentielles dont 27 victorieuses.
00:56 Car Frédéric Métezo et deux de ses confrères ont réussi à infiltrer cette officine.
01:01 Ils se sont fait passer pour des clients potentiels, pour des gens qui souhaitaient faire décaler la date d'une élection dans un pays d'Afrique.
01:08 Le patron de la fameuse Team George les a reçus à son bureau, il leur a exposé ses tarifs.
01:13 « Vous voulez écouter quelqu'un sur son smartphone ? 50 000 euros.
01:17 Vous voulez saboter une élection en Afrique ? 6 millions d'euros. »
01:21 Et puis, il leur a montré une vidéo, une sorte de bande démo qui vantait les réussites de sa machine à manipuler les médias,
01:28 et dans laquelle les journalistes ont reconnu des images de la chaîne française BFM TV.
01:33 « La vidéo que nous avons identifiée sur BFM TV, c'est parce que Tal Hanan, donc Rocher, dit
01:41 « Mais vous savez, on a quelqu'un à la télé française et il joue la vidéo. » »
01:44 Alors sur ces images qu'a pu voir Frédéric Métezo, on découvre plusieurs séquences qui sont en fait des extraits
01:50 des journaux de la nuit de BFM TV.
01:52 Et ces extraits Bruno, vous êtes donc parti à leur recherche et vous les avez identifiés
01:56 en allant puiser dans les archives de BFM TV.
01:59 Oui, et c'est là Philippe qu'on en arrive au pire.
02:01 Car le pire a vraisemblablement été commis à plusieurs reprises par l'un des présentateurs vedettes de BFM TV,
02:06 il s'appelle Rachid M'Barkhi.
02:08 Son premier dérapage, il l'a commis le 22 juin dernier.
02:11 Ce soir-là, en présentant une information non validée par sa rédaction en chef,
02:15 sur un obscur forum économique entre l'Espagne et le Maroc, le journaliste a employé une formule très problématique.
02:21 « Forum rendu possible par le réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays
02:26 depuis la reconnaissance par l'Espagne du Sahara marocain. »
02:30 Il a en effet évoqué le Sahara marocain, une tournure hautement politique,
02:35 au profit du Maroc, puisque l'on parle normalement du Sahara occidental.
02:39 Et le second dérapage que j'ai pu retrouver, Philippe, il est encore plus édifiant.
02:44 Il date cette fois du 16 décembre dernier et constitue une prise de position en faveur non seulement de la Russie,
02:51 mais également des intérêts des constructeurs de yachts qu'on n'attendait pas en si bonne place dans un journal télévisé.
02:57 Écoutez.
02:57 « L'Union européenne annonce un nouveau train de sanctions contre la Russie.
03:01 Des sanctions à répétition qui font craindre le pire aux constructeurs de yachts à Monaco.
03:05 10 000 emplois sont en jeu sur la côte d'Azu. »
03:08 Voilà. Alors, suspendu par sa chaîne, Rachid M'Barkhi a plaidé la maladresse.
03:12 Il dit qu'il a été piégé par un informateur.
03:15 Seulement, voilà, d'après l'enquête de Forbidden Stories, confirmée par Frédéric Mettezo,
03:19 le présentateur aurait clairement agi à la demande de l'officine israélienne
03:23 et en dupant le processus de validation des informations qui existe à BFM TV.
03:28 « Quand on sait qu'il a ramené, qu'il a récupéré les images sur une clé USB qu'il a ensuite donnée à son assistant,
03:34 on ne peut pas être piégé dans ce genre de circonstances. »
03:36 Voilà. Et c'est pas tout. Il aurait même été grassement rémunéré pour ses très basses besognes.
03:40 « Des témoignages disent que tous les journalistes qui sont impliqués dans ce genre de désinformation
03:47 prennent 3 000 euros cash. On a trois témoignages qui nous disent ça. »
03:51 Alors voilà, au moment où le premier anniversaire de la guerre en Ukraine nous permet tous les jours
03:55 de mesurer la difficulté de recueillir l'information et le courage qu'il faut aux journalistes sur le terrain
04:01 pour pratiquer leur périlleux métier, on découvre que la désinformation est, elle aussi, un business.
04:07 Un business juteux auquel quelques brebis égarées acceptent parfois de prêter main forte.
04:12 Fort heureusement, elles sont extrêmement rares. Je rappelle, Philippe, que sur BFM TV comme ailleurs,
04:17 99,9% des journalistes qui travaillent font parfaitement et très honnêtement leur métier.
04:23 Merci beaucoup Bruno Donnet. A lundi, à la même heure sur Europe 1.
04:28 9h - 11h
04:29 Europe 1 Culture Media
04:31 Philippe Vandel