Changer le regard sur le handicap et transmettre un message fort en faveur de l’inclusion, c’est l’ambition de "Différent.e.s". Pour l’incarner, qui mieux que Salim Ejnaïni : cavalier de Jumping, sportif, conférencier, entrepreneur… et non-voyant ? Comment vit-on avec une "différence", comment apprend-on à s'accepter soi et à accepter le regard de l'autre ? Parcours cabossés, destins contrariés et incroyables leçons de vie : Salim Ejnaïni recueille les témoignages de nos invités extra-ordinaires. Des histoires fortes et inspirantes autour de la résilience et du vivre-ensemble…Atteinte d’une forme de nanisme, Ghazal Firouzi mesure 1m10, une taille avec laquelle elle a dû apprendre à composer. Pour Yahoo, la jeune femme de 24 ans a accepté de parler de son handicap afin de briser le tabou autour de sa pathologie. Déterminée à libérer la parole, elle est notamment revenue sur la manière dont elle s'est détachée du regard des autres et s’est également exprimée sur son évolution au sein d’une société où la solidarité et la bienveillance ne sont pas toujours les mots d’ordre.Reconnu comme une maladie génétique rare, le nanisme concerne environ 400 naissances par an. La pseudoachondroplasie dont souffre Ghazal est une anomalie du développement osseux. Elle est caractérisée par un ralentissement sévère de la croissance associé à des déformations telles qu'une incurvation des membres inférieurs et une hyperlordose.
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00:00 des sortes de regards qu'on va dire que je ne tolère pas.
00:03 Par exemple, le fait de se faire prendre en photo dans la rue,
00:06 ça, je ne le tolère pas du tout.
00:07 Ça arrive si souvent que ça ?
00:09 Ça arrive souvent, ça arrive très, très souvent.
00:11 Aujourd'hui, on a le plaisir de recevoir Gazal Firouzi.
00:18 Gazal, si je ne me trompe pas,
00:20 tu as une pathologie qui s'appelle la pseudo-achondroplasie.
00:23 Exactement.
00:24 Qu'est-ce que ça implique exactement ?
00:26 Du coup, je suis de petite taille.
00:27 Je mesure 1m10.
00:28 OK. Les médecins, j'imagine, te parlent de nainisme.
00:31 C'est ça.
00:31 Donc, le terme de nain, etc. est assez présent dans ce cas-là.
00:36 C'est ça.
00:36 Est-ce que c'est un terme qui te dérange ?
00:38 Le terme nain, c'est quand même un terme qui est assez péjoratif.
00:41 En fait, de par le nain, on voit toujours quelque chose de mystique
00:45 et de féerique un peu.
00:47 Le regard des autres a été un peu moqueur par moment.
00:49 Quand on sort dans la rue, c'est vrai que les gens regardent.
00:52 Mais moi, je n'ai pas tendance à prêter attention.
00:57 Je l'ai un peu normalisé.
00:59 Après, il y a des sortes de regards que je ne tolère pas.
01:03 Par exemple, le fait de se faire prendre en photo dans la rue,
01:06 ça, je ne le tolère pas du tout.
01:08 Ça arrive si souvent que ça ?
01:09 Ça arrive souvent. Ça arrive très, très souvent.
01:11 Je trouve cette démarche hyper bizarre.
01:12 Tu la comprends, toi ?
01:13 C'est pour eux un amusement, en fait.
01:16 Par exemple, des fois, quand je suis dans la rue,
01:17 je peux entendre aussi "Ah, il y a un nain, il y a une naine".
01:19 Enfin, voilà.
01:20 Et pour eux, c'est drôle.
01:23 OK. Ça, je pense que je le vis aussi.
01:25 Tu vois, ce côté...
01:28 Tu as une différence.
01:28 On pense que, du coup, tu n'entends pas,
01:30 que tu es un peu à côté de la société.
01:32 C'est ça. Exactement.
01:33 Il y a des vannes, des fois, où tu te retournes
01:35 et tu leur fais comprendre que tu les as entendus.
01:38 Exactement.
01:39 Juste avant de venir, il y avait un groupe d'enfants.
01:42 Je les ai tous entendus rigoler aux éclats.
01:45 Et je me suis dit, voilà, c'est des enfants, c'est pas grave.
01:48 Mais il faut quand même éduquer par rapport à ça et sensibiliser.
01:53 C'est ce que j'allais dire.
01:54 Ça dit quelque chose quand même de la société,
01:56 qu'un groupe d'enfants, en te voyant, se mettent tous à rire.
01:59 En fait, le nainisme, c'est quand même une maladie assez rare.
02:02 C'est une naissance sur 20 000.
02:04 Et oui, il n'y a pas assez de sensibilisation autour du nainisme.
02:07 Mais moi, j'aimerais vraiment montrer aux gens que...
02:11 Enfin, voilà, avant d'être quelque chose de divertissant,
02:15 comme on peut le voir à la télé encore aujourd'hui.
02:17 Qu'est-ce qui te choque à la télé aujourd'hui ?
02:19 Qu'est-ce qui me choque à la télé aujourd'hui ?
02:21 Je pense que c'est justement cette image de la personne d'épithaïque
02:26 qu'on donne encore.
02:27 Je pense que l'image encore de Joséphine Ange Gardien, par exemple,
02:31 avec la claque des doigts, hop, elle est où de part ?
02:35 Enfin, voilà, c'est cette image justement mystique
02:38 de la personne d'épithaïque qu'ont les gens.
02:39 -Tu trouves que ça aide pas ? -Ah ouais, non, pas du tout.
02:42 Pas du tout, parce que ça rend justement le truc drôle.
02:45 Pour que le regard de la société change,
02:47 il faudrait supprimer ce genre d'image.
02:51 Que les personnes de petite taille peuvent refléter à la télé.
02:54 Ouais, alors d'un autre côté, si j'ai envie de te titiller un peu,
02:57 on pourrait dire qu'ils aident à la représentation aussi
03:01 des personnes de petite taille à la télé.
03:03 C'est ce que certains pourraient dire, justement.
03:05 Mais en fait, pour les représenter, il faudrait leur donner
03:08 finalement des rôles normaux, si je puis dire.
03:11 Tu me confirmes juste que cette pathologie, tu l'as de naissance ?
03:16 C'est ça. Moi, c'est mon papa qui a également
03:20 la pseudocondroplasie qui m'a refilé en fait le...
03:24 -Ils font ça parfois les parents. -C'est ça, exactement.
03:28 Et alors, ça s'est traduit pour toi à partir de quel âge vraiment ?
03:32 Maternelle, grande section, tu vois, je voyais que
03:34 j'étais plus petite que les autres.
03:37 Quelque chose que je n'ai pas précisé, moi, mon anisme, en fait,
03:39 on ne le découvre pas en fait dès la naissance.
03:43 Enfin, on l'a dès la naissance, mais on ne le découvre pas dès la naissance.
03:46 Toi, à ce moment-là, tu as des souvenirs de la manière dont tu le vis ?
03:50 En fait, je me souviens de beaucoup de choses.
03:51 Et puis, j'ai grandi qu'avec mon père aussi.
03:54 Donc, tu vois, j'ai toujours été vraiment dedans, quoi.
03:58 Ma maman était à la classique, mais je ne l'ai pas connu plus que ça.
04:01 Mais comment je le vivais, petite ?
04:02 J'ai vraiment souvenir que je le vivais normalement.
04:06 Enfin, tu vois, j'ai toujours eu des copines, des copains.
04:08 Je n'éprouvais pas plus de difficultés que ça.
04:12 Au début, c'est plus en grandissant que j'ai commencé à avoir des douleurs,
04:17 à être beaucoup plus grande que les autres.
04:20 Aujourd'hui, tu es venue, tu es en fauteuil, tu es en fauteuil roulant électrique.
04:25 C'est ça.
04:25 Qu'est-ce qui fait que tu te déplaces aujourd'hui en fauteuil ?
04:27 Alors, tu as quand même de la mobilité, tu peux faire quelques pas.
04:30 C'est ça. Pour le fauteuil, en fait, depuis l'âge de 6 ans,
04:34 j'ai toujours été très vite sur les tables d'opération.
04:37 Tu visais à quoi, ces opérations ?
04:38 Pour les gens embarqués, en fait, j'ai eu des opérations pour les redresser,
04:43 ensuite pour retirer le matériel et puis faire de la rééducation, etc.
04:46 Là, mes dernières opérations, elles sont dues à des douleurs très importantes
04:52 puisque j'ai mes hanches qui se sont abîmées très, très, très, très tôt.
04:58 Donc, j'ai des prothèses de hanches,
05:00 chose qu'on n'a pas normalement avant 60 ans, par là.
05:04 Et tu as 24 ans ?
05:05 J'ai 24 ans, voilà.
05:06 Donc, j'ai arrêté de marcher vers l'âge de 17, 18 ans, par là.
05:10 Donc, pendant quatre ans, vraiment, c'était plus du tout possible de marcher.
05:13 Donc, c'est vraiment là que j'ai utilisé mon fauteuil quotidiennement.
05:16 Je l'utilisais déjà avant, donc vers mes 12 ans, par là,
05:20 pour les très longues distances.
05:22 Mais depuis que j'ai eu mes problèmes de hanches, c'est vraiment quotidien.
05:27 À ce moment-là, tu as 17, 18 ans,
05:30 il y a cette décision qui est prise de compter beaucoup plus sur le fauteuil.
05:35 Oui.
05:36 Ça, pareil, comment est-ce que tu le vis ?
05:37 En fait, déjà avant, à mes 12 ans, quand je me suis fait opérer du dos,
05:41 je ne pouvais plus marcher pendant un an.
05:43 C'est là que j'ai commencé à prendre le fauteuil pour l'école.
05:48 Là, en fait, je n'avais pas le choix, on va dire.
05:50 Je ne prêtais pas trop attention à ça.
05:53 Mais c'est après, bizarrement, que ça s'est devenu compliqué.
05:57 C'est-à-dire qu'une fois que j'ai pu remarcher,
06:00 grâce à mes rééducations, etc.,
06:02 j'ai fait un espèce de déni du fauteuil.
06:05 C'est-à-dire qu'il fallait quand même que je le prenne pour les très longues distances.
06:10 Mais je refusais.
06:13 Je refusais, je ne voulais pas du tout le prendre.
06:14 Être en fauteuil à debout quand on est en situation de handicap,
06:17 c'est totalement différent.
06:18 -T'es sûre ? -Ouais.
06:19 C'est vraiment très, très différent.
06:20 Et pour moi, à cet âge-là, être en fauteuil, c'était vraiment me dire
06:24 "OK, là, je suis vraiment en situation de handicap".
06:27 Par rapport à ton regard sur toi ou au regard des autres sur toi ?
06:30 Les deux.
06:32 J'ai fait un long travail dessus maintenant, tu vois.
06:35 Et en n'ayant plus le choix, parce que je ne pouvais plus marcher,
06:38 donc là, je n'avais vraiment plus le choix de prendre mon fauteuil.
06:40 Là, je me suis dit "non, en fait, c'est une béquille pour moi".
06:44 Les roues, c'est comme si c'étaient mes jambes, finalement.
06:47 Donc, je n'ai pas le choix et c'est comme ça.
06:49 Et finalement, maintenant, j'ai compris que c'était un peu l'inverse,
06:52 en fait, aux yeux des gens.
06:52 Quand je suis debout, comme je disais, ça peut paraître drôle aux yeux des gens
06:57 de voir une personne de petite taille.
06:59 Et en fait, quand tu es en fauteuil,
07:00 les gens ont beaucoup plus cette image de personnes vulnérables.
07:04 Donc, en fait, on ne se permet pas trop de critiquer, de juger ou d'en rigoler.
07:09 Les gens vont être beaucoup plus à l'écoute.
07:11 C'est peut-être quelque chose qu'elles connaissent plus,
07:12 si les personnes, de voir quelqu'un en fauteuil.
07:15 Oui, c'est ça.
07:16 Plus habituel, quoi.
07:17 Oui, complètement.
07:18 Ça t'a mis face à d'autres difficultés ?
07:20 Totalement.
07:21 Aujourd'hui, c'est encore difficile de pouvoir se déplacer à plein temps en fauteuil.
07:28 Tu es dans quelle ville, pardon ?
07:30 Là, j'habite à Paris depuis deux ans.
07:32 C'était mon rêve de venir à Paris pour étudier.
07:34 Et en fait, c'est en venant là que je me suis dit "OK, en fait,
07:37 ça va être beaucoup plus compliqué que prévu".
07:40 Et surtout par rapport au métro, au transport en commun,
07:46 enfin, tous types de transports en commun, parce que les gens ont tendance à me dire
07:51 "oui, mais le bus fonctionne".
07:53 Et bien non !
07:54 Par exemple, moi, quand je veux prendre le bus,
07:57 il faut souvent que je sois accompagnée quand même,
08:01 parce que toute seule, c'est extrêmement compliqué.
08:02 Pour ressortir du bus, si t'appuies sur le bouton,
08:05 souvent le chauffeur ne le voit pas.
08:08 Donc, tout le monde se met à crier "la rampe" ou "je dois demander à quelqu'un",
08:12 "d'aller demander au chauffeur devant s'il peut remettre sa rampe".
08:15 Et souvent, le chauffeur répond "oui, mais il fallait appuyer sur le bouton".
08:20 Mais en fait, le bouton ne marche pas.
08:21 Et c'est quand même ça dans quasiment tous les bus.
08:23 Et donc, des fois, voilà, c'est extrêmement compliqué.
08:28 Se déplacer à Paris, c'est le parcours du combattant.
08:31 Là, par exemple, je suis venue, comme je disais, à Paris pour mes études
08:37 et pour aller à l'école,
08:38 je payais plus de 600 euros de taxi par mois.
08:43 - Et ça, les gens ne le soupçonnent pas une seule seconde.
08:47 - Non, non.
08:48 - Parce que ça sort de ta poche.
08:49 - C'est ça, exactement.
08:51 Sans aide, sans rien.
08:52 Surtout, j'habitais en fait à côté de mon école.
08:54 Mais là aussi, il y a un autre truc, c'est que je voulais y aller en fauteuil
08:58 parce que c'était vraiment pas loin et je voulais économiser mes 600 euros de taxi par mois.
09:02 Et en fait, mon école a refusé totalement que je laisse mon fauteuil
09:07 dans l'enceinte de l'école.
09:09 - Ton école a refusé que tu laisses ton fauteuil ?
09:12 - Oui.
09:12 - Et comment est-ce qu'on motive un pareil refus ?
09:14 C'est assez fou, quand même.
09:16 - Sans vraiment trop d'explications.
09:18 - Sans explications ?
09:19 - Pas vraiment.
09:20 - Ah bah, c'est bien, c'est intéressant.
09:22 Donc, en fait, tu pouvais venir.
09:23 - Oui, totalement.
09:24 - Mais pas avec ton fauteuil.
09:25 C'est les locaux qui n'étaient pas adaptés ?
09:26 - Alors déjà, les locaux n'étaient pas adaptés,
09:28 mais voilà, tu vois, je pouvais le laisser dans l'enceinte de l'école
09:30 et après, prendre les escaliers.
09:32 Et puis voilà. Mais non, sans vraiment d'explications.
09:36 - D'accord.
09:36 Bah, c'est comme quoi, on peut toujours être surpris par certains trucs.
09:41 - Ah oui, je comprends.
09:41 - T'as dû être un peu saisie, j'imagine.
09:43 - Ah oui, totalement.
09:43 Surtout que, tu vois, c'est une école sur laquelle je misais beaucoup.
09:47 C'était mon rêve de la faire.
09:48 J'économisais énormément d'argent.
09:50 Mais non.
09:52 - Encore plus de galère dans la vie étudiante.
09:54 - Oui, totalement.
09:56 - Alors, ça me rappelle ce qu'on vit avec les chiens guides, notamment,
09:58 ou les chiens d'assistance.
09:59 T'imagines bien les refus qu'on peut avoir dans les centres commerciaux,
10:02 les trucs comme ça, les gens qui sont pas au courant
10:04 que les lois sont de notre côté.
10:07 Mais à la limite, je me demande même
10:08 quel argument on peut avoir pour un fauteuil roulant.
10:10 Je suis encore plus... Enfin, je sais pas.
10:11 - Ouais, bah... - Incroyable.
10:13 - Ouais, non, c'est incroyable.
10:14 - Comme quoi, il reste du chemin.
10:15 Et effectivement, il reste du chemin à faire.
10:17 Cette école, de quoi il s'agit, de quoi il s'agissait ?
10:19 Quels sont tes rêves ?
10:21 Dis-nous tout. Qu'est-ce que tu fais ?
10:22 - Là, j'ai terminé un bachelor en communication des métiers de la mode.
10:26 - C'est intéressant que tu te sois autant développée
10:28 sur le thème de l'image, du regard, de tout ça.
10:32 - Ouais, je me suis demandé il n'y a pas longtemps,
10:33 mais pourquoi je suis autant fascinée par l'image ?
10:36 Surtout que...
10:38 Enfin, moi, dans la mode, ce qui me fascine le plus,
10:40 c'est le mannequinat et l'image que peuvent renvoyer les modèles.
10:44 Et j'ai compris que c'était certainement
10:48 un moyen de me mettre, moi, en scène, mais différemment.
10:53 Moi, de ce qu'on voit de moi, en fait, c'est mon image.
10:56 La première chose qu'on voit, c'est ça.
10:59 C'est mon animisme.
11:00 Et alors que, au fond, je ne suis pas que ça,
11:04 je ne suis pas définie que par ça,
11:06 mais c'est ce que les gens qui ne me connaissent pas pourraient voir de moi.
11:09 Et je pense que c'est pour ça que l'image, ça m'a toujours fascinée.
11:13 - Tu as eu l'occasion d'expérimenter ça ?
11:17 - Oui, j'ai pu faire différents stages,
11:20 dont un dans le domaine du mannequinat.
11:22 Ils m'ont mis en garde aussi sur le fait que
11:25 le nanisme pouvait avoir,
11:30 enfin, pouvait mettre de grandes barrières, en fait, dans ce domaine-là.
11:35 Mais moi, je ne m'arrête pas à ça.
11:37 J'ai toujours...
11:40 J'ai envie, en fait, de d'avancer.
11:44 J'ai envie de montrer que, non, en fait, on peut faire ce qu'on veut.
11:47 - Justement, il y a de plus en plus de défilés dits inclusifs
11:50 avec la différence en tête de pont, vraiment, où on affiche tout ça.
11:54 Quel regard tu portes là-dessus ?
11:55 Qu'est-ce que tu en penses ?
11:56 Et est-ce que tu crois que, je ne sais pas, que ça va durer, que c'est positif ?
12:01 - Moi, je trouve ça super positif,
12:04 mais j'en ai encore pas assez, je pense.
12:07 - Qu'est-ce qui manque pour qu'il y ait plus d'événements comme ça, d'après toi ?
12:11 - La sensibilisation de...
12:13 Enfin, il faut plus d'ouverture, encore.
12:15 - Il faudrait qu'ils soient un peu plus comme toi,
12:16 qu'ils osent un peu plus se montrer.
12:18 - Ouais, enfin, ouais, il faut oser.
12:20 Et puis, plus d'ouverture de la part aussi des gens qui sont derrière tout ça.
12:25 - Tu me disais tout à l'heure que tu as envie, justement,
12:29 de te mettre au service de ce combat.
12:32 Par quoi est-ce que ça passe ?
12:33 - Je fais partie de l'association des personnes de petite taille française,
12:37 qui a pour but, justement, de sensibiliser, d'aider
12:42 les parents d'enfants de petite taille ou des personnes de petite taille, tout simplement.
12:47 - Le nanisme ou certaines formes de nanisme sont mieux reconnues que d'autres.
12:53 Est-ce qu'il y a cette difficulté-là dans ta pathologie ou dans cette forme de handicap ?
12:57 - Ouais, totalement.
12:58 La forme de nanisme la plus reconnue, justement, c'est la chondroplasie.
13:03 Déjà qu'il y a peu de recherche médicale, on va dire,
13:06 même s'il y a des avancées, mais du coup, tout est misé sur la chondroplasie.
13:12 Du coup, on va dire, même médicalement, c'est une lutte tout le temps au quotidien
13:16 parce que les médecins ne sont pas forcément formés.
13:19 Ils ne sont pas toujours au courant de choses.
13:21 Par exemple, tout à l'heure, je te disais que j'ai passé quatre ans à ne plus marcher.
13:24 C'est parce que les médecins ne savaient pas si c'était ci ou ça.
13:28 Ils se renvoyaient la balle tout le temps.
13:30 J'étais trop jeune pour être opérée.
13:32 Enfin, voilà.
13:33 - Et dans le fait d'avoir des amis, d'avoir une vie sociale, de rencontrer du monde,
13:36 d'avoir une vie amoureuse, tu dirais que c'est des choses qui sont compliquées aussi ?
13:40 - Alors, avoir des amis, je n'ai jamais eu plus de mal que ça, on va dire.
13:45 Effectivement parlant, je n'ai pas eu plus de dessauts que ça non plus.
13:49 Mais c'est vrai que c'est quelque chose qui peut être difficile quand même.
13:55 - Pour quelles raisons ? Tu veux nous en dire plus ?
13:57 - Ouais.
13:57 Par exemple, quand tu veux te mettre sur une appli de rencontre, par exemple,
14:02 comment justifier le fait que tu aies de petite taille ?
14:06 Surtout que moi, sur mes photos, ça ne se voit pas.
14:08 En étant sur les applis de rencontre,
14:10 enfin voilà, tu vois, ça arrivait plusieurs fois que je mettais,
14:12 que je faisais 1m10, tu vois, comme ça.
14:14 - Alors en plus... - Tu le balances, quoi.
14:15 - Ouais, mais pardon, alors, je ne sais pas si je suis mal à droite,
14:18 mais 1m10, en plus, c'est la mesure un peu cliché
14:22 que n'importe qui utilise pour dire qu'il est petit, quoi.
14:24 - C'est ça, c'est exactement ce que j'allais dire.
14:25 - Donc, tu as dû avoir des... C'est vrai ?
14:26 - Ah bah ouais.
14:27 - Tu as dû avoir ce truc-là.
14:28 - Ah mais totalement.
14:29 C'est-à-dire que quand tu regardes les vidéos des gens,
14:31 c'est souvent marqué 1m10, 1m12, alors que moi, je le fais vraiment, tu vois.
14:36 Et donc, les gens ne comprennent pas vraiment.
14:38 Enfin, ça passe pour de l'humour.
14:39 En fait, celle-là, ça ne l'est pas, mais...
14:41 - D'accord. Et tu as vécu des...
14:44 Je ne sais pas, des incompréhensions comme ça,
14:47 et finalement, les gens ont réalisé leur erreur après ?
14:50 - Totalement.
14:51 Bah, ma copine actuelle, justement.
14:53 - D'accord.
14:53 - C'est elle qui m'a envoyé le premier message en me disant
14:55 "On va mettre 10, les bras levés".
14:56 - Elle, du coup, tu me confirmes, elle n'est pas de petite taille ?
15:01 - Ouais, non. Elle n'est pas de petite taille.
15:03 C'est bien pour ça, tu vois, qu'elle n'ait pas compris, quoi.
15:06 Ça peut aussi, des fois,
15:09 donner de la curiosité mal placée aussi, comment dire.
15:14 Il y a ce truc de sursexualisation et de désexualisation aussi, en même temps.
15:17 Pour parler de la sursexualisation,
15:22 ça m'est arrivé, tu vois, de prendre des Uber,
15:24 et qu'un chauffeur Uber me dise "Ah, écoute,
15:28 moi, j'ai toujours rêvé de faire ça avec quelqu'un comme toi.
15:31 Ça a toujours été mon fantasme.
15:32 Est-ce que ça te dirait qu'on se revoit ?"
15:34 Et le gars avait gardé mon numéro et tout,
15:37 pour me rappeler, n'importe quoi.
15:39 - Depuis l'appelé ? - Ouais.
15:40 Déjà au lycée, il s'était passé des trucs comme ça,
15:43 où les gens me répétaient sans cesse
15:45 "Ah, mais tu as la bonne taille pour..."
15:47 Enfin, voilà, je te laisse imaginer quoi.
15:49 Mais puis voilà, c'était parti dans des trucs de fous.
15:53 Ça avait été marqué sur les réseaux, sur Facebook, à ce moment-là.
15:58 Du coup, ils avaient fait fermer le compte.
16:00 Enfin, c'était vraiment n'importe quoi.
16:02 - Ah oui ? - Ouais, c'était parti loin.
16:03 Donc, il y a ce truc-là.
16:05 Mais il y a aussi l'inverse.
16:06 Les gens ont souvent du mal à imaginer
16:08 quelqu'un de non-valide en couple, tu vois.
16:11 Et ça m'est déjà arrivé plein de fois qu'on me dise
16:14 "Mais du coup, toi, t'as le droit..."
16:16 - Ah mais non ! - Ouais, si.
16:17 D'accord. Donc, tu le vis comment, justement, ça ?
16:20 Comment je le vis ?
16:21 Je trouve ça quand même assez choquant,
16:23 mais bon, comme je te disais, j'en veux pas aux gens,
16:25 parce qu'ils sont juste pas informés.
16:27 Mais...
16:28 Moi, j'explique.
16:31 Est-ce qu'il y a des choses que tu voudrais absolument
16:35 voir changer, voir évoluer en priorité,
16:39 genre là, tout de suite, vite ?
16:40 J'aimerais là, tout de suite, maintenant,
16:43 que les transports soient adaptés.
16:45 Ce serait cool.
16:46 Pour être indépendante face à ces trucs-là,
16:48 j'ai passé mon permis, quand même.
16:50 - Très bien. - Mais...
16:52 Mais...
16:55 Les frais d'aménagement sont extrêmement élevés.
17:01 Si tu veux, j'avais déjà fait un premier devis
17:03 pour avoir une voiture,
17:04 et ça revient à 85 000 euros.
17:06 Justement, dis-nous ce qu'il faut aménager
17:08 par rapport à une voiture classique.
17:10 Alors, moi, personnellement,
17:12 par rapport à une voiture classique,
17:13 vu que je veux être autonome à 100%,
17:17 je veux quand même pouvoir mettre mon fauteuil
17:18 à l'arrière de la voiture pour le transporter par-dessous.
17:21 Donc, il me faut une rampe, il faut un coffre assez large.
17:25 Et puis, ensuite, il faut des aménagements au volant,
17:29 puisque moi, j'ai fait le choix de ne pas conduire
17:31 avec des pédales surélevées,
17:32 mais d'avoir tout au volant.
17:35 Donc, c'est une espèce de petite manette
17:37 où on peut appuyer dessus.
17:38 C'est assez drôle, en plus.
17:39 Mais, en fait, ce genre d'aménagement
17:42 coûte extrêmement, extrêmement, extrêmement cher.
17:44 - Tu nous dis 85 000 euros, dans ton cas.
17:46 - 85 000 euros, un premier devis.
17:47 Puis, j'en ai fait un deuxième qui était à 40 et quelques.
17:50 Le premier, c'était justement pour conduire
17:54 carrément au volant avec le fauteuil.
17:56 Et puis, après, je me suis dit, non, écoute,
17:58 on va juste le mettre dans le coffre.
17:59 Mais pareil, tu vois, c'était vraiment moitié prix.
18:01 Donc, 40 000 euros quelques,
18:03 ce n'est pas possible pour moi non plus.
18:04 En sachant que j'ai aussi un père qui est en situation de handicap,
18:07 donc faire un prêt bancaire, ce n'est pas possible.
18:08 - Il y a zéro reconnaissance là-dessus,
18:12 zéro prise en charge possible ?
18:13 - Ainsi, il y a une prise en charge,
18:16 enfin, une, enfin deux,
18:19 mais les frais ne s'élèvent pas.
18:22 - Ils ne prennent pas tout.
18:23 - Un mille euros sur 40 000 euros, ce n'est pas énorme.
18:26 - Il faut que les gens en aient conscience.
18:27 Qu'est-ce qui pourrait faire la différence ?
18:29 Il y a des assos qui peuvent aider, j'imagine,
18:32 ou qui peuvent relayer des choses.
18:34 Il y a la mode des cagnottes un peu en ce moment.
18:36 - Oui, il y a les cagnottes.
18:37 On m'a toujours dit, mais fais une cagnotte.
18:39 Mais il y a aussi ce truc de,
18:41 je ne me sens pas légitime à faire une cagnotte.
18:43 - C'est très bien de le dire.
18:44 Je trouve que c'est important de dire ça.
18:46 Pourquoi tu ne te sens pas légitime ?
18:47 - Je ne sais pas, j'ai toujours été gênée de faire une cagnotte,
18:49 parce que c'était...
18:51 J'avais l'impression de me...
18:52 Enfin, que...
18:53 - Oui, c'est comme si je m'en dis finalement.
18:55 Alors que non.
18:56 Enfin, tu vois, c'est vraiment...
18:58 C'est vraiment, comment dire...
19:00 C'est un besoin pour moi, parce que...
19:02 D'avoir cet argent pour être indépendante au maximum.
19:05 - Je pense que s'il y a une chose que les gens ne supposent pas
19:08 dans le handicap et dans la différence,
19:10 c'est ça.
19:10 C'est cette peur d'être un imposteur dans une demande comme celle-là.
19:14 - Complètement.
19:15 - Parce que tu ne le serais pas.
19:18 Enfin, clairement, c'est un truc dont tu as besoin.
19:20 Est-ce que tu veux nous parler de ta maman ?
19:22 Tu nous as dit qu'elle était plus présente dans ta vie depuis un moment.
19:27 - Oui.
19:27 Ma maman est partie revivre en Iran quand j'avais 8 ans.
19:33 Je pense qu'elle n'était aussi pas trop prête pour cette vie de maman.
19:39 Et je pense que le fait que son enfant soit de petite taille,
19:42 c'était aussi quelque chose pour elle d'encore plus compliqué, certainement.
19:46 Et je pense que ma maman n'a pas les épaules pour ce genre de choses.
19:50 - Et alors toi, de ton côté, tu envisages d'avoir un enfant,
19:56 d'en être un compagnon, sachant que l'association est là éventuellement.
19:59 - J'ai toujours voulu être maman, mais plus j'avance et plus je me dis,
20:04 tiens, j'ai quand même beaucoup de difficultés qui se rajoutent comme ça
20:10 au fil du temps.
20:11 Et beaucoup de douleurs, beaucoup de difficultés physiques.
20:15 Donc, est-ce que j'aurai la force pour porter mon enfant ?
20:19 Je ne sais pas.
20:20 Mais en tout cas, c'est un rêve ancré en moi depuis toujours.
20:24 - Il y a quel pourcentage de risques que tu transmettes justement à ta pathologie ?
20:28 - Non, tu ne sais pas, une chance sur deux.
20:30 - D'accord, donc ça peut arriver. - Oui.
20:32 - Comme ça peut ne pas arriver. - Exactement.
20:34 - Ça t'inquiète ?
20:35 - Moi, c'est sûr que c'est quelque chose que je ne voudrais pas retransmettre.
20:39 Pas au fait du regard des gens, etc.
20:41 Mais plus, je ne veux pas qu'il souffre,
20:45 parce que c'est quand même beaucoup de souffrance au quotidien.
20:47 Moi, ça m'est déjà arrivé plein de fois de dire à mon père,
20:49 comment tu as pu oser me retransmettre le truc ?
20:53 Comment tu as pu oser faire un enfant ?
20:55 Et je disais ça dans les moments très, très difficiles de ma vie.
20:59 Et je sais que des fois, voilà.
21:02 - Et c'est quelque chose que tu disais, comme tu dis, dans les moments de colère, surtout.
21:06 - Oui, ça m'est arrivé quand je ne marchais plus
21:08 et que j'avais des douleurs énormes.
21:13 - Dans le fond, tu le penses ?
21:14 - Moi, je trouve difficile de donner la vie à un enfant
21:21 quand toi-même, tu as eu des souffrances.
21:25 - Qu'est-ce qu'il faut te souhaiter pour la suite ?
21:27 Quel projet est-ce que tu as pour l'avenir ?
21:29 De quoi est-ce que tu as envie ?
21:31 - Écoute, j'ai envie d'avancer dans la vie.
21:35 J'ai envie de tout donner pour y arriver,
21:39 même si c'est parfois compliqué.
21:41 Ouvrir l'esprit des gens et sensibiliser.
21:46 Et puis voilà.
21:48 - En tout cas, tu l'as très bien fait aujourd'hui.
21:51 Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
21:53 Et puis, on te souhaite tout le meilleur pour la suite.
21:57 - Merci beaucoup. - Merci beaucoup. Merci à toi.
21:58 [Générique]
22:00 Merci d'avoir regardé cette vidéo !