Changer le regard sur le handicap et transmettre un message fort en faveur de l’inclusion, c’est l’ambition de "Différent.e.s", notre nouveau format. Pour l’incarner, qui mieux que Salim Ejnaïni : cavalier de Jumping, sportif, conférencier, entrepreneur… et non-voyant ? Comment vit-on avec une "différence", comment apprend-on à s'accepter soi et à accepter le regard de l'autre ? Parcours cabossés, destins contrariés et incroyables leçons de vie : Salim Ejnaïni recueille les témoignages de nos invités extra-ordinaires. Des histoires fortes et inspirantes autour de la résilience et du vivre-ensemble…Suivi par près de 100 000 personnes sur Instagram, l’influenceur Martin Petit est devenu tétraplégique après un mauvais plongeon en 2017. Désormais en fauteuil roulant, le jeune homme a accepté, pour Yahoo, de se livrer sur son histoire. Il s’est notamment confié sur sa nouvelle vie et sur la manière dont il œuvre pour sensibiliser le plus grand nombre à sa cause.La tétraplégie est une paralysie partielle ou totale des quatre membres causée généralement par une lésion de la moelle épinière. Elle résulte généralement de traumatismes (tels qu'un accident de la route, la plongée en eau peu profonde, une chute, une blessure sportive), de maladies (telles que la myélite transversale, la sclérose en plaques ou la polio) ou de troubles congénitaux (tels que la dystrophie musculaire).
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00:00 souvent quand on est handicapé on existe soit parce qu'il y a un peu ce côté misérabilisme
00:04 qu'on veut mettre en avant, qui n'est pas forcément représentatif, et ce côté super
00:11 héros où pour exister en tant qu'handicapé il faut que tu sois le meilleur, il faut que
00:15 tu sois le plus fort, il faut que tu aies gagné des médailles d'or, etc.
00:17 Sauf que non, je pense que tous les gens ont ce son handicap pour moi de toute manière,
00:22 franchement, et c'est pas pour valoriser la cause, mais je pense que par rapport à
00:27 tout ce qu'on vit et ce que les gens ne voient pas, et c'est aussi pour ça qu'on
00:30 se doit d'être sur les réseaux, qu'on se doit de montrer.
00:32 Bienvenue dans Différent, aujourd'hui j'ai le grand plaisir de recevoir Martin Petit
00:40 alias El Martichino, tu es tétraplégique incomplet.
00:43 C'est ça.
00:44 Est-ce que tu peux déjà nous dire en quoi ça consiste ?
00:47 Alors la tétraplégie incomplète c'est que ma moelle elle a été pincée, elle
00:51 n'a pas été violemment sectionnée ou comprimée, auquel cas il me reste encore
00:57 des possibilités, enfin en tout cas des retours sensitifs, on va dire.
01:00 C'est-à-dire que moi j'ai la proprioception, je sens mon corps et j'ai eu un petit peu
01:03 de récupération, alors elle est vraiment infime, j'arrive à bouger le pouce et bouger
01:07 mon orteil, pas de quoi marcher, mais en tout cas voilà, ma tétraplégie incomplète
01:12 se caractérise comme ça.
01:13 Aujourd'hui là t'es en fauteuil manuel, c'est bien ça ?
01:15 J'ai encore l'usage des épaules, des biceps, du releveur du poignet qui me permet
01:21 aussi d'avoir la pince et ça me permet en fait effectivement de garder une autonomie.
01:25 Souvent on pense que la tétraplégie ou la paraplégie c'est juste un corps qui ne
01:29 bouge pas et en fait c'est un petit peu plus complexe, c'est que t'as tout un tas
01:32 de troubles associés.
01:33 L'asbesticité, tu vois ça fait partie des troubles associés, qui peut être gênant,
01:39 mais moi qui joue en avantage.
01:41 Pour la simple et bonne raison c'est que vu que je suis incomplet, j'ai la sensation
01:45 de mon corps, j'ai la proprioception et en fait j'arrive à exploiter mes spasmes
01:50 pour le quotidien.
01:51 Par exemple pour un transfert, j'arrive à me servir de mes jambes comme un appui alors
01:54 que je ne peux pas me servir de mes jambes.
01:56 Mais vu que je me mets dans une certaine position, je sens que ça se contracte et je peux exploiter
01:59 cette contraction-là pour me transférer et notamment pour me mettre debout.
02:03 Tu veux bien revenir sur ce qui s'est passé il y a 5 ans je crois si l'humour est bon ?
02:08 Ouais c'est ça, il y a un peu plus de 5 ans, donc c'était le 21 août 2017.
02:12 Je décide d'aller me changer les idées sur la côte.
02:16 Tu avais quel âge en ce moment-là ? À ce moment-là j'avais 25 ans.
02:19 J'ai plongé, même les mains en avant de mémoire et je ne devais pas avoir une très
02:24 bonne position parce que c'est ma tête qui a pris.
02:25 Je reste 45 secondes, une minute sous l'eau, donc ça a été très très long.
02:29 J'avais conscience de tout ce qui se passait, juste le moment de l'impact je ne m'en
02:34 souviens pas.
02:35 Et heureusement j'ai un copain qui a capté qu'il y avait un truc qui se passait à ce
02:39 moment-là et il m'a sorti de l'eau et je lui explique que je ne peux plus bouger mes
02:44 jambes et là ce qui s'est passé c'est qu'il y a un médecin qui a été sur la
02:48 plage à ce moment-là, donc gros coup de bol, qui a pu faire le diagnostic et au début
02:53 il m'explique que ça peut être un choc médulaire et que ça peut potentiellement
02:57 revenir assez vite.
02:58 Après je sentais que c'était quand même grave et puis bon après il y a eu l'hélicoptère.
03:03 À partir du moment où je suis rentré dans l'hélicoptère et où j'ai atterri à
03:07 l'hôpital je ne me souviens plus des trois jours qui ont suivi.
03:10 Tu dis une minute c'est long, tu arrives à te souvenir, tu nous disais de ce moment-là ?
03:15 Alors à ce moment-là en fait ce qui est assez étonnant c'est que l'instinct il
03:20 est assez ouf.
03:21 Je vois que je suis en train de me noyer et là je me dis ok je vais me noyer, je vais
03:25 mourir.
03:26 Vraiment c'est les premières pensées qui me sont arrivées.
03:28 Bon il y en a eu une autre mais c'est un peu plus perso.
03:30 J'ai le fils de ma belle-mère qui est décédé d'un accident de noyade.
03:35 Malheureusement on n'a jamais retrouvé le corps.
03:37 C'était en Californie.
03:39 Il a fait du bateau avec une tempête.
03:42 Voilà évidemment ça a été un gros choc dans la famille.
03:45 Et à ce moment-là la première pensée que j'ai eue c'était par rapport à lui.
03:49 Et donc ce qui s'est passé en suivant c'est que je me suis dit ok je suis en train de
03:53 mourir, comment je peux survivre ? Et c'est là que l'instinct survie rentre en jeu.
03:57 C'est qu'au secours c'est en deux mots, help c'est un mot.
04:01 Et en fait j'ai réussi à sortir la tête trois fois hors de l'eau.
04:04 Et en fait j'ai crié help de toutes mes forces.
04:06 Parce que si je sortais au secours je perdais un petit peu en secondes.
04:09 Parce que ma tête replongeait dans l'eau si tu veux.
04:11 On entend effectivement souvent parler de ce genre de cas où il y a des périodes d'inconscience,
04:17 des périodes de coma etc.
04:18 Pour toi ça n'a pas été ton cas du coup.
04:20 Tu as été transporté en ayant connaissance d'une partie du diagnostic ou du chemin en
04:25 tout cas qui restait à parcourir ?
04:27 J'ai vite su que j'étais tétraplégique parce que de ce qu'on m'a raconté c'est
04:31 que je le criais dans l'hélicoptère et quand je suis arrivé aux urgences.
04:34 Je t'avoue que là à partir de ce moment là je ne me souviens pas de grand chose.
04:37 J'ai quelques flashs.
04:38 Après je suis resté peut-être deux trois jours avant de reprendre mes esprits.
04:42 Et puis à ce moment là on m'a fait l'annonce que je connaissais.
04:45 Mais le souvenir que j'ai c'est quand je me réveille en réanimation, c'était
04:50 dans la nuit.
04:51 Et en fait je vois que j'ai un bouton rouge là pour appeler l'infirmière ou l'infirmier.
04:59 Et j'appuie et en fait j'arrêtais pas d'appuyer.
05:01 Et à un moment un mec il m'a dit mais on va pas pouvoir.
05:04 Et d'ailleurs je crois que dans le film de Grand Corps Malade il y a une phase un
05:06 peu comme ça.
05:07 Et il me dit on va pas pouvoir rester là toute la nuit quoi.
05:11 Sauf que toi tu as besoin de quelque chose qui te rassure et là je pense que ça a été
05:15 très anxiogène.
05:16 On t'a expliqué assez vite du coup ce qu'il en était quand tu t'es réveillé.
05:20 Tu parles encore une fois du film Patient de Grand Corps Malade où il y a une scène
05:25 qui m'a choqué, je sais pas toi, mais quand il reprend conscience un peu dans les brumes
05:30 tout ça, il y a quelqu'un qui lui passe au-dessus un infirmier ou un médecin et qui
05:33 gueule un truc du genre "il a acquis cet état" ou un truc comme ça.
05:36 Tu vois, des genres d'annonces un peu choc.
05:39 Il y a eu des moments où il y a eu des choses qui m'ont agacé à l'hôpital, je vais
05:41 pas l'igner.
05:42 Après je peux quand même être ultra reconnaissant déjà du travail qui a été fait des chirurgiens
05:48 et de l'ensemble du corps médical parce que tu vois il y a encore des gens qui étaient
05:52 mes aides-soignantes, infirmiers, infirmières à ce moment-là et c'est même resté des
05:56 amis.
05:57 Enfin je leur dois beaucoup, c'était la période la plus difficile et c'est des gens
06:01 qui savent avoir les mots et quand t'attends pas nécessairement des mots ils savent avoir
06:07 les gestes.
06:08 Il y a des petits gestes des fois et ça paraît insignifiant pour eux mais pour nous ça représente
06:12 beaucoup de choses, vraiment.
06:13 Par exemple ?
06:14 Bah moi je me souviens d'une aide-soignante, Anne-Laure, à un moment elle sort de ma chambre
06:19 et tu vois elle sort de la chambre et juste elle me caresse la main tu vois et juste ça
06:33 tu vois genre c'est… ah là là c'est dur hein !
06:38 Un contact avec quelqu'un ?
06:40 Tu vois genre c'est ouf parce que j'arrive à être pris émotionnellement alors que
06:43 je sais même pas que ça me fait ça tu vois.
06:44 À force de raconter tu te donnes peut-être pas des détails comme ça mais c'est des
06:48 choses toutes d'aide c'est que ouais elle m'a caressé la main et genre je me suis
06:51 dit "waouh" genre je sais pas ça m'a fait du bien tu vois et c'était au moment
06:56 où j'en avais vraiment le plus besoin.
06:58 Et après j'ai rencontré aussi un docteur et qui a eu un rôle pareil, ultra déterminant
07:03 je trouve dans ma reconstruction parce qu'il a eu des mots, des phrases qui sonnent encore
07:08 dans ma tête où il me disait "il faut que tu sois attentif, il faut que tu sois ton
07:11 propre médecin" et en fait tout de suite j'ai été hyper attentif à tout ce qui
07:15 m'est arrivé pour déjà comprendre mon corps, comprendre beaucoup de choses et je
07:20 pense que c'était aussi important pour moi d'avoir connaissance de ces choses là
07:25 pour mieux les retranscrire, pour sensibiliser les gens qui connaissent pas et puis peut-être
07:29 aussi aider des personnes qui se retrouvent dans nos situations parce que je pense qu'on
07:34 a ce rôle là aussi de responsabilité de devenir des pairs, P.A.R.
07:39 Tu vois accompagnateur pour aider des gens à se reconstruire de la même manière qu'il
07:43 y a des gens qui ont été des modèles et des exemples pour moi.
07:46 Qu'est-ce que tu as récupéré en mobilité, en sensibilité ?
07:49 On va dire que la tétraplégie incomplète, elle supposait que j'avais des chances de
07:54 récupération donc c'est aussi ce qui a été dur pour moi, c'est que les premiers
07:59 mois j'étais partagé entre évidemment ce qui m'arrivait qui était très difficile,
08:04 voilà, dépressif et l'excitation et l'euphorie et la détermination de me dire "ok je vais
08:11 pouvoir récupérer parce que ça m'arrive à moi, vous allez voir".
08:13 Et finalement le contre-coup il a été 6-7 mois après où j'ai pas eu cette récupération
08:18 escomptée.
08:19 Aucune ? Alors j'en ai eu un petit peu, je peux bouger
08:22 le doigt de pied donc ça peut être bien pour impressionner les filles, c'est comme
08:25 ça que j'ai réussi à draguer ma copine, c'est une blague évidemment.
08:28 Mais ce que je veux dire c'est que j'ai pu un petit peu récupérer et donc des petits
08:34 mouvements, j'ai pu bouger les quadriceps, un petit peu le pouce et je sens d'ailleurs
08:39 le jour de Noël j'ai réussi à bouger mes deux pouces.
08:41 Et en fait mes deux pouces, ça me permet, c'est bête mais le simple petit geste du
08:45 pouce ça me permet d'avoir une bonne pince et pour un tétraplégique c'est essentiel,
08:50 c'est super important.
08:51 Moi j'aimerais que tu nous dises qui tu étais avant que tout ça t'arrive.
08:55 Je suis parti plus dans le sport parce que j'avais un amour profond pour le sport et
09:00 en plus de ça je faisais beaucoup de courses à pied.
09:02 Je m'étais mis à la musculation et ce que j'aimais bien aussi avec la musculation
09:04 c'est que ça m'avait donné un cadre, une rigueur et que j'ai pu transposer en fait
09:09 au monde professionnel, sur le plan scolaire et ça m'a beaucoup aidé.
09:13 Et le fait d'avoir un cadre m'a permis beaucoup d'avancer et la musculation m'a
09:16 beaucoup aidé dans ça.
09:18 Donc loin de la caricature du bodybuilder.
09:21 Après c'est vrai que j'avais peut-être un petit peu une forme de narcissisme ou
09:25 de ce qu'on veut mais à partir du moment où moi tant que ça me fait du bien, ma priorité
09:28 c'est moi.
09:29 Et je pense que la priorité de toute manière pour tout le monde ça doit être soi-même
09:31 et ma vie d'avant, ma vie tournée autour de ça c'était la petite moto que je viens
09:36 de m'acheter, les couchers de soleil, une vie simple mais une vie riche parce que c'était
09:41 celle que je voulais.
09:42 Tu avais déjà cultivé quelque chose sur tes réseaux sociaux où tu montrais pas mal
09:47 effectivement ce que tu faisais.
09:48 Quand tu parlais de narcissisme j'ai un regard assez positif là-dessus, c'est-à-dire
09:53 que pour moi les personnes qui se montrent, quelque part elles montrent le fruit de leur
09:57 travail aussi.
09:58 Et c'est ça qui est le cas de Christophe Midal, il parle du narcissisme, il explique
10:01 de bien faire la distinction entre effectivement le fait d'avoir de l'amour pour soi, et
10:08 c'est important d'avoir de l'amour pour soi parce que quand tu te dévalorises t'as
10:10 du mal à avancer, t'as le syndrome de l'imposteur, t'as plein de choses, et cultiver cet amour
10:15 de soi te permet je pense d'avancer.
10:17 Il faut le décorréler de la fatuité qui est justement quelque chose où c'est la
10:21 mise en avant mais un peu de manière ostentatoire, ridicule.
10:25 Et du coup je pense que cultiver l'amour de soi, l'amour de son corps, d'être
10:30 fier de ses accomplissements, aussi minime soit-il, je pense que c'est important de
10:35 le faire, ça permet de se valoriser, de prendre confiance.
10:38 Et alors justement cet amour de toi, au moment où ton corps a subi justement cet accident,
10:46 au moment où ça a été lui qui était en première ligne là-dedans, comment est-ce
10:49 que t'as fait pour, je sais pas, pour le conserver, pour renouer avec ?
10:53 Je voulais avoir un physique qui soit à la hauteur du mental que j'avais en moi si
10:59 tu veux.
11:00 Et ce qui a été difficile au début c'est que je savais que j'avais ce mental mais
11:03 j'ai perdu on va dire tous les traits physiques un petit peu stéréotypes de la société.
11:09 Je m'étais construit cette image là aussi pour me préserver, pour me prémunir, parce
11:13 que je me suis souvent senti dévalorisé par rapport aux autres.
11:15 Donc effectivement ce qui a été difficile c'est que j'ai perdu on va dire mes skills.
11:23 Je perds mes abdos, je perds mes bras, je perds mes épaules, je perds mon dos, après
11:29 je perds tout ce que j'ai construit.
11:30 Et ce qui a été difficile pour moi, c'était de me reconstruire d'une autre manière.
11:33 Pourquoi ? Et je le dis très souvent, c'est que je me suis reconstruit avec la taille
11:38 d'un mec qui fait 1m30, qui a pris un peu de bidou, qui a pu, on va dire, la musculature
11:43 qu'il avait d'avant, où avant on va dire mon physique faisait un peu barrière, dans
11:47 le sens où c'était mon physique qui en imposait, donc j'avais pas forcément besoin d'être
11:53 bon communicant ou ce que tu veux en société.
11:56 Et tu vois ce qui est paradoxal, c'est que depuis que j'ai eu mon accident, et avec
12:00 toute la reconstruction que j'ai eu depuis, c'est que j'ai plus étonnamment confiance
12:04 en moi depuis que je suis en fauteuil, alors que j'ai moins, je réponds moins aux critères
12:09 physiques que la société "attend", mais j'ai dû tellement m'imposer par rapport
12:14 à des situations, quand tu dois prendre le bus, quand tu dois demander à quelqu'un
12:17 de t'aider, en fait t'es obligé de sortir de ta petite bulle, parce que si on t'aide
12:23 pas, t'es cantonné à rester chez toi, tu vas pas faire de choses, tu vas pas oser.
12:27 Tu as le physique, forcément, dont on vient de parler, qui a beaucoup évolué, tu es
12:33 ressorti de cet accident par contre avec quelque chose qui était là et que tu avais construit,
12:38 tes réseaux sociaux.
12:39 Tu as décidé de les utiliser autrement pour sensibiliser, pour expliquer, comment c'est
12:43 venu ça ? Je pense que je le faisais déjà avant justement
12:46 pour montrer aux gens que c'est pas parce que t'as galéré pendant le bac, etc, que
12:52 tu pouvais pas réussir, et après quand j'ai eu mon accident c'était complètement
12:55 différent, c'est que l'aspect il était tout autre, c'était en fait beaucoup plus
13:00 thérapeutique qu'autre chose.
13:01 La première année j'ai rencontré, j'ai eu des gens qui m'ont témoigné beaucoup
13:06 d'affection, qui m'ont envoyé beaucoup de mots d'amour, et en fait c'est ultra galvanisant
13:10 pour avancer.
13:11 J'ai reçu des messages et j'ai rencontré des gens qui ont vécu la même situation
13:15 que moi des années auparavant, et en fait ces gens là c'était des exemples pour moi,
13:20 parce que d'une certaine manière je pouvais me projeter.
13:24 Parce que je me souviens en réanimation, ils me disaient "Martin tu pourras faire du
13:26 ski, tu pourras conduire ta voiture, tu pourras faire tout ce que tu veux en fait".
13:29 Et toi t'étais un peu incrédule j'imagine ?
13:31 Ouais, bah tu connais pas, t'arrives dans un monde que tu ignores totalement, et en
13:36 fait le fait d'avoir un visuel là-dessus, ça t'aide.
13:39 Et je pense que ma reconstruction elle est aussi passée par les réseaux sociaux, pourquoi
13:46 ? Parce que dans la quête de sens, quand ce que tu vis il n'en a plus, le fait de
13:53 devenir un exemple, non pas que je veuille en être un, mais parce que j'ai la chance
13:57 d'être visible, je me dis que j'ai aussi cette forme de responsabilité de montrer
14:00 ce qu'il existe quand on est en fauteuil, les activités qui sont possibles, les endroits
14:04 qui sont accessibles, les trucs qui sont cool à faire, le fait de le montrer ça permet
14:07 peut-être à des gens qui viennent de le vivre d'avancer plus rapidement, peut-être
14:10 que moi j'ai mis un petit peu plus de temps.
14:13 Le fait de partager tout ça, le fait d'avoir des retours aussi par rapport à ça, dans
14:17 le sentiment d'utilité en société, ça m'a beaucoup aidé.
14:25 Parce qu'en réanimation, encore une fois, la réflexion que je me faisais à l'époque
14:28 c'est que je me sentais inutile à la société, que ma vie avait été fichue, que je pourrais
14:32 plus jamais rien faire, et en fait non, pas du tout.
14:34 Dans la société aujourd'hui, tu parles du handicap, pour moi ça fait résonner deux
14:39 choses, soit le surhomme, soit le sous-homme, entre guillemets.
14:42 C'est-à-dire que soit il y a les paralympiques et c'est l'exploit et c'est incroyable,
14:46 soit c'est plutôt les reportages sociaux et mon dieu c'est incroyable comme c'est
14:50 dur de vivre votre vie.
14:52 Je me trompe peut-être, mais j'ai le sentiment que dans ce que tu montres, là où tu brilles
14:57 aussi, c'est que tu fais la preuve un peu de l'entre-deux, que tu arrives à montrer
15:01 ce qui est possible de faire, aller, dans la juste mesure un peu ordinaire.
15:06 De toute manière, je pense qu'on soit valide ou en situation de handicap, on se doit d'avoir
15:12 des projets, on se doit d'avoir des faits d'armes, entre guillemets, je peux pas faire
15:16 le "entre guillemets", désolé.
15:17 Je t'aurais pas vu de toute façon, donc t'inquiète pas, t'es peinard.
15:21 Ça c'est les blagues entre handicapés.
15:24 Mais du coup, je pense qu'on a besoin d'avoir des projets, des choses qui nous motivent,
15:30 des choses qu'on se doit de faire.
15:31 Tu vois, j'ai fait des choses qui vont peut-être paraître de l'extraordinaire, mais aussi
15:35 je fais des choses extra dans mon ordinaire.
15:39 Effectivement, tu le dis très bien, c'est que souvent quand on est handicapé, on existe
15:44 soit parce qu'il y a un peu ce côté misérabilisme qu'on veut mettre en avant, qui est pas forcément
15:51 représentatif, et ce côté super-héros où pour exister en tant qu'handicapé, il faut
15:57 que tu sois le meilleur, il faut que tu sois le plus fort, il faut que tu aies gagné des
16:00 médailles d'or, etc.
16:01 Sauf que non, je pense que tous les gens se sont handicapés pour moi de toute manière,
16:06 franchement, et c'est pas pour valoriser la cause, mais je pense que par rapport à tout
16:10 ce qu'on vit et ce que les gens voient pas, et c'est aussi pour ça qu'on se doit d'être
16:14 sur les réseaux, qu'on se doit de montrer.
16:15 À un moment donné, t'as eu cette volonté d'utiliser vraiment tes réseaux, tu en vis,
16:19 si je me trompe pas, ou en tout cas t'as boosté l'activité.
16:23 Comment et pourquoi cette envie vraiment de le montrer autant et d'en faire quelque chose
16:28 à ce point-là ?
16:29 C'est simple.
16:30 Déjà, la première partie, c'est ce que je t'ai dit, c'est l'aspect thérapeutique.
16:34 Après, c'était la quête de sens, c'était le fait de sentir utile à la société.
16:38 Trois, c'est que tu te dis, bon, t'as une forme de responsabilité, tu peux sensibiliser.
16:43 Et puis après, on va pas se mentir, la visibilité, je l'ai nourrie aussi, la médiatisation,
16:48 je l'ai nourrie aussi.
16:49 Pour des questions qui sont très simples, c'est que ça me permet de vivre aujourd'hui.
16:52 C'est que si moi, ça peut me permettre de vivre mieux mon handicap, parce qu'on le
16:57 sait, le handicap ça a un coût.
16:58 Le handicap, pour l'accès aux loisirs, pour l'accès à plein de choses.
17:03 Demain, j'ai un handbike à la maison, où est-ce que je le mets ? Si j'ai un appartement
17:06 comme là de 36 mètres carrés, je peux pas l'avoir.
17:08 Pardon, tu nous parlais justement de ce handbike tout à l'heure, tu peux nous donner le prix ?
17:12 Neuf, ça vaut peut-être entre 6 et 7000 euros.
17:14 Et encore, je sais pas si t'as l'assistance électrique.
17:16 Je t'avoue que je me suis pas renseigné.
17:18 Déjà, un, parce qu'ils mettent pas les prix sur Internet.
17:20 Ce qui est très fréquent dans le milieu du handicap, je trouve que c'est un marché
17:24 particulier celui du...
17:25 Alors certains l'appellent un peu de façon péjorative le handicap business.
17:29 J'ai fait mes études avec un appareil, une espèce d'ordinateur braille, dont le Windows
17:34 était complètement obsolète.
17:36 Mais le fait que ça soit en braille, il coûtait 10 000 euros à la vente.
17:40 Avec des prix dont on peut se demander parfois à quel point ils sont justifiés.
17:45 Même si c'est pas toi qui le payes, tu le payes avec le temps.
17:47 T'as des délais pour les obtenir, c'est finançable.
17:49 C'est ça, c'est que t'as des délais pour les obtenir, donc ça fait partie des dossiers
17:52 à faire, à l'AMDPH.
17:53 On a la chance, en vrai.
17:55 On critique, on a la chance d'être en France, on a la chance de plein de choses.
17:59 Mais effectivement, il y a une injustice parce que, comme tu le dis, c'est sûr qu'une
18:03 personne qui touche 900 euros d'AH, ça va être compliqué pour elle d'accéder à
18:07 du loisir, d'accéder à quelque chose qui va être un exutoire pour elle.
18:10 Et c'est aussi pour ça que je te disais que les réseaux sociaux, je m'en sers.
18:13 C'est que si demain, ça me permet de gagner très bien ma vie et de pouvoir m'acheter
18:16 un handbike parce que le handbike coûte trop cher et ça me permet d'aller faire du handbike
18:20 avec ma copine parce que j'ai envie d'en faire et que je peux pas aller dans un grand
18:23 magasin où je peux m'acheter un vélo moyennant, allez, 600 euros.
18:27 Là, tout de suite, ça va me coûter 6, 7000 euros.
18:30 Ça va être avec 3, 4 vélos électriques.
18:31 Tu peux pas.
18:32 Après, tu peux faire des demandes à l'AMDPH.
18:34 Est-ce qu'ils vont estimer que c'est justifié ou pas ?
18:36 Est-ce que c'est justifié ou pas ? Et en fait, ce que je trouve hyper dur pour des
18:40 gens en situation de handicap, c'est que l'accès à l'exutoire va être encore plus
18:45 limité, là où tu en aurais peut-être plus besoin que certaines personnes.
18:47 Et donc, du coup, j'ai acheté un handbike.
18:49 Tu cherches sur le marché de l'occasion et je l'ai trouvé à 600 euros.
18:53 Mais sauf que 600 euros, j'ai eu la chance de tomber sur le handbike qui était disponible
18:57 à ce moment-là.
18:58 Le handbike, il est un petit peu vieux et il n'y a pas d'assistance électrique.
19:02 Et tu vois, j'ai été faire du vélo hier avec ma copine.
19:04 J'ai eu cette frustration parce que tout n'était pas réglé tout de suite.
19:08 Et moi, t'imagines, ça fait 5 ans que j'attends.
19:10 J'ai envie d'aller faire du vélo.
19:11 J'ai ma copine pendant qu'elle est en train de courir.
19:13 J'ai envie de faire du sport avec elle.
19:14 Et non, il y a un truc qui va te faire chier.
19:16 Ce qui devait être un moment de plaisir, finalement, ça t'a pris la tête et ça t'a
19:19 renvoyé à tes capacités, à ce que tu ne peux pas faire ou au fait que tout n'est
19:25 pas accessible tout de suite.
19:26 Tu parles vraiment avec une facilité déconcertante pour beaucoup.
19:30 Et tu arrives vraiment à rendre le sujet facile, le sujet du sondage urinaire, le sujet
19:35 de beaucoup de choses.
19:36 Mais c'est marrant que tu parles de ça parce que tu vois, c'est des choses où j'en
19:40 parle.
19:41 J'ai fait des vidéos dédiées à ça, sur les troubles associés, etc.
19:43 Mais c'est vrai qu'il y a encore ce côté où j'en parle des fois avec un peu de pudeur
19:50 ou difficilement.
19:51 C'est naturel.
19:52 Et tu vois, que ce soit même la sexualité, que ce soit les troubles éco-spectraux, le
19:55 fait de sonder, le fait de ne pas aller aux toilettes, on va dire les termes tels qu'on
20:00 les connaît, d'aller faire caca.
20:02 C'est plus compliqué pour un tétraplégique ou un paraplégique qu'une personne valide,
20:06 évidemment.
20:07 Mais tu vois, c'est des choses dont on ne parle pas.
20:08 C'est vrai qu'il faut aussi, et j'apprends encore, à me dire comment je peux amener
20:13 la chose et comment la répéter.
20:16 Alors tu vois, c'est sûr que parler du caca tous les jours sur les réseaux, je ne vais
20:19 pas le faire tout le temps.
20:20 Mais je pense qu'il faut pouvoir le refaire.
20:22 Je reprends le même exemple de Thibaut Hinshep tout à l'heure.
20:24 Mais tu vois, vous en parliez tout naturellement.
20:26 C'est passé dans la vanne, c'est passé dans le truc.
20:28 Mais ça me l'a reproché.
20:29 De quoi ? D'avoir été aussi naturel là-dessus ?
20:32 On m'a dit, tu nous montres comme des personnes.
20:34 Et en fait, de montrer ce quotidien difficile, tu nous montres comme des gens qui sont inférieurs.
20:41 En tout cas, ils sont limités physiquement.
20:42 Et tu vois, je lui ai répondu, je dis au gars, mais tu sais, on est limités physiquement.
20:47 Que tu le veuilles ou non, c'est une réalité.
20:50 C'est comme les gens qui s'offusent de dire "personne en situation de handicap".
20:53 Les gars, si on dit "personne en situation de handicap", handicapé, je m'en fous.
20:56 Vous dites ce que vous voulez.
20:57 Tu ne dis pas d'une femme enceinte qui est en perte de gestation.
21:00 Tu vois, genre, tu es handicapé.
21:03 En fait, c'est quelle connotation tu associes à ce mot ?
21:05 Si on associe le misérabilisme à "handicapé", forcément, on ne va plus utiliser le mot "handicapé".
21:09 Alors que si on dit "handicapé", c'est un quotidien qui n'est pas facile,
21:12 mais c'est des gens qui sont comme nous,
21:13 déjà, tu vois, le rapport au mot, il change.
21:15 Il y a un truc dans ce que tu dis depuis tout à l'heure qui revient beaucoup.
21:18 Tu dis ce que j'ai, je l'ai construit, je ne l'ai pas volé.
21:21 Et on te le reconnaît volontiers.
21:24 Et tu disais tout à l'heure, j'ai parfois le syndrome de l'imposteur.
21:29 Comment est-ce que ça peut coexister ces deux sentiments ?
21:31 Est-ce que tu essaies de convaincre les autres, de te convaincre que tu n'as rien volé ?
21:35 En fait, je ne sais pas comment l'expliquer, mais je pense que quand tu as atteint un certain stade,
21:37 en tout cas sur les réseaux sociaux de visibilité, ça devient plus facile.
21:41 Parce que c'est les marques qui viennent à toi.
21:43 Tu as le capital sympathy, tu es rentré un petit peu dans les petits papiers
21:46 de pas mal d'agences de communication, etc.
21:48 Je m'organise comme je veux.
21:49 Je n'ai pas le train-train quotidien de tout le monde.
21:52 Et du coup, le syndrome de l'imposteur, je l'ai aussi parce que
21:55 des fois, je me dis que c'est peut-être plus facile pour moi.
21:57 Et si c'est plus facile pour moi, je me dis, je comprends aussi la hargne,
22:05 parce que ce serait un gros mot, mais tu as des gens qui vont me reprocher
22:09 ce côté trop positif ou ce côté où c'est trop facile.
22:12 Pourquoi d'après toi ?
22:14 Parce que je représente pour eux un peu ce côté où tu passes à la télé,
22:21 où tu es comparé à des gens qui ont fait de la télé réalité.
22:24 Mais moi, je ne fais pas partie de ces gens-là.
22:25 Genre moi, il y a une vraie volonté derrière.
22:28 Et après, je ne m'en cache pas encore une fois.
22:29 Si derrière, ça peut me servir mes intérêts personnels,
22:33 je ne vais pas m'en priver.
22:35 Ça serait dommage.
22:35 Et tu vois, encore hier, j'avais cette conversation avec ma copine.
22:38 Elle me dit, mais prends ce que tu as à prendre.
22:40 Arrête de te poser des questions.
22:41 Il y en a qui s'en posent moins.
22:43 Et je dis, à force de te limiter comme ça, tu vas passer à côté de certaines choses.
22:46 Et elle a raison.
22:47 Elle a raison, mais à la fois, je lui dis, tu sais, c'est difficile pour moi
22:50 parce que je sais que je ne suis pas le plus à plaindre,
22:52 alors que pourtant, je n'ai pas encore le confort de vie que j'ai envie d'avoir.
22:55 Si je te dis le handicap, c'est des petites victoires et des petites défaites du quotidien.
23:00 Est-ce que ça te parle, ça ?
23:01 Moi, je te dis une bêtise, mais le fait d'avoir réussi à repérer le chemin,
23:05 un truc que je fais tous les jours, dans la salle de sport, par exemple.
23:08 Le fait de la première fois que je suis arrivé,
23:10 j'étais content comme arrivé d'un marathon.
23:12 J'étais trop fier de moi.
23:13 Un truc, personne dans la rue ne pouvait comprendre ça.
23:16 Mais c'est marrant ce que tu dis parce que ça me fait penser à des choses,
23:20 effectivement, dont je ne parle pas souvent.
23:24 Mais c'est bête, tu vois, c'est les premières fois où j'ai pu me rhabiller seul,
23:27 quand j'ai pris ma douche seule, quand je me suis rendu compte que je pouvais faire tout ça tout seul.
23:31 Là, peut-être pendant 3-4 ans,
23:33 je me suis un petit peu reposé sur mes lauriers.
23:37 Et en fait, je me rends compte qu'il y a plein de choses dont j'étais capable.
23:39 Et encore une fois, je suis hyper vigilant sur ce que je dis
23:44 parce qu'on peut m'attaquer en disant, mais toi, c'est facile parce que tu peux le faire.
23:47 Parce que oui, j'ai conscience que j'ai cette autonomie,
23:49 mais en attendant, je ne vais pas m'excuser de ne pas être autonome.
23:52 Il n'y a pas deux situations qui sont identiques.
23:53 C'est ça. Je trouve qu'il y a une fracture, alors que justement,
23:55 les personnes en situation de handicap, elles devraient être tellement connectées entre elles.
23:59 Des fois, je me dis, il y a ceux qui disent qu'il faut faire comme ça
24:02 et ceux qui vont faire d'une autre manière et ça ne plaît pas forcément.
24:06 Et moi, ça me touche parce que je me dis, on est tellement tous en galère ensemble,
24:11 on n'a pas à se mettre des bâtons dans les roues.
24:14 Et c'est un très bon jeu de mots.
24:16 Moi, j'ai le bâton, toi, tu as la roue.
24:19 On se met beaucoup de bâtons dans les roues.
24:21 Et je trouve que c'est dommage parce que justement,
24:23 il faudrait qu'on soit encore plus solidaires entre nous.
24:26 Alors justement, ça fait cinq ans que ça t'est arrivé.
24:29 Quand je t'ai connu, je t'ai tout de suite perçu comme quelqu'un de très positif.
24:33 Est-ce que depuis les un ou deux dernières années, tu as révisé ton jugement ?
24:41 Tu as appris ?
24:42 Est-ce qu'il y a des choses où tu estimes que la blague a peut-être assez duré ?
24:49 Il y a plusieurs choses.
24:50 Déjà, je pense que quand je suis tout seul, tu n'as personne sur qui râler.
24:53 Et je dis ça parce que tu vois, ça fait aussi partie des choses dont on ne parle pas souvent.
24:56 Les aidants, comme on les appelle, que ce soit nos familles, nos amis.
25:00 Ce n'est pas que des professionnels.
25:01 Tu parles vraiment des personnes autour de nous.
25:03 Des personnes proches.
25:05 Là, ma chérie, clairement, c'est plus facile de râler sur elle que sur moi.
25:11 De râler de la situation sur elle.
25:13 Et tu vois, des fois, je m'en veux.
25:15 Et à la fois, je n'arrive pas à lui dire.
25:17 Tu vois, dans le sens où...
25:17 Que tu t'en veux ?
25:18 Non, que je m'en veux de râler parce que je vais me mettre en colère.
25:23 Des fois, elle va le prendre pour elle.
25:24 Alors des fois, elle le prend pour elle.
25:25 Et ce n'est pas forcément contre elle, c'est par rapport à la situation.
25:27 Et des fois, forcément, ça va retomber sur elle.
25:29 Parce qu'elle n'a peut-être pas fait le truc que moi, j'attendais à ce moment-là.
25:31 Et elle a fait au mieux.
25:32 Et des fois, je trouve ça dur parce que, tu vois, elle va s'en prendre un peu plein la gueule.
25:37 Là où genre...
25:39 Elle fait déjà le maximum pour moi, tu vois.
25:41 C'est difficile parce qu'on a une charge mentale qui est beaucoup plus importante
25:46 que n'importe qui.
25:47 Et pour rejoindre ta question et revenir à ta question,
25:50 je trouve que...
25:51 Bah tu vois, ça fait 5 ans et je m'essouffle.
25:54 Je m'essouffle parce que je fatigue de répéter tout le temps la même chose.
25:57 Mais à la fois, cette récurrence, elle est nécessaire.
25:59 Sinon, ça ne rentre pas dans la tête des gens.
26:00 Il faut systématiquement rabâcher, systématiquement revenir sur nos droits.
26:04 Et à la fois, à mon sens, ne pas être dans l'aspect trop vindicatif
26:08 parce que sinon, ça va être "Ah ouais, lui, c'est le handicapé qui fait chier", tu vois.
26:10 C'est une réponse que personnellement, je n'ai pas.
26:12 Comment trouver...
26:13 - Moi, je ne l'ai pas non plus. - ...la limite entre sensibiliser et agir.
26:19 Tu vois, et exiger que...
26:22 Putain, les droits sont écrits, les lois sont là.
26:24 Forcément, j'ai mes exemples à moi.
26:26 L'exemple du chien guide.
26:28 On sait tous que les chiens guides doivent rentrer dans les magasins.
26:30 J'ai déjà failli me battre avec un vigile qui en est venu aux mains, etc.
26:34 Ça peut aller malheureusement très très loin à ce moment-là.
26:37 Comment on fait ?
26:38 Mais c'est là où il faut se sensibiliser dans l'individu.
26:42 C'est "Qu'est-ce qu'on fait les gars, tous ensemble, pour que ça avance ?"
26:45 Pour que ça change.
26:46 Comment on peut, nous, vous aider à améliorer le truc dont on a observé que ça ne suffisait pas ?
26:51 Quand tu as eu cette annonce de ce qu'elle allait devenir ta vie
26:55 ou de ce que tu pensais qu'elle deviendrait, jusqu'où ont été pensées ?
26:58 Très clairement, est-ce que tu as pensé au pire à ce moment-là ?
27:02 Ouais, j'y ai pensé.
27:03 Après, tu vois, c'est des choses qui sont difficiles à dire en public.
27:06 Mais effectivement, à ce moment-là, tu te dis "Putain, mais ta vie, elle n'a plus de sens."
27:11 Et puis t'es dans une...
27:11 Enfin, moi, j'étais vraiment dans des phases où je me suis senti vraiment à bout.
27:16 Et puis en plus, j'ai fait une grosse erreur, c'est qu'au bout de six mois,
27:18 quand je n'avais plus trop de récupération,
27:20 j'avais des problèmes parce que je faisais des calculs vésicaux.
27:24 Je ne savais pas ce que c'était à ce moment-là non plus.
27:26 Donc, tu te poses 15 000 questions, est-ce que ça va être comme ça toute ma vie ?
27:30 Et en plus, à ce moment-là, j'arrête les antidépresseurs d'un coup.
27:32 Je me dis "J'en ai pas besoin."
27:34 Eh bien, grosse erreur.
27:35 Et je me suis retrouvé au centre.
27:37 Sans mentir, je pense que pendant une semaine, deux semaines, je ne parlais plus.
27:39 Ils ont vu que mon comportement n'était pas celui habituellement.
27:43 Et en fait, ils m'ont remis des antidépresseurs, ça allait un peu mieux.
27:45 Et puis j'ai arrêté progressivement jusqu'à la sortie du centre.
27:47 Quand t'es un homme, tu vois, genre, tu te dois d'être fort, etc.
27:51 Et je pense que c'est aussi, tu vois, un message qu'il faut qu'on arrive à rendre récurrent,
27:55 c'est de te dire "OK, ça va mal, t'es en dépression.
27:57 Va voir un spécialiste, va voir quelqu'un qui t'aide."
27:59 Il n'y a aucune honte à ça, en fait.
28:01 Moi, je n'ai pas éprouvé le besoin de le faire quand j'ai eu mon accident.
28:04 Et tu vois, c'est marrant, c'est qu'à 5 ans post-accident,
28:07 j'y pense de plus en plus, aller voir quelqu'un.
28:09 Parce que je pense que j'ai encore de la colère, j'ai encore de l'irritabilité.
28:13 Et si je veux avancer sereinement dans ma vie,
28:16 et aussi par rapport à cette pression que je ressens dont on parlait,
28:19 sur les réseaux et tout,
28:21 je me dois de m'armer par rapport à ça,
28:24 d'aller bien dans ma tête, et tout se passera mieux pour moi.
28:28 Mais j'ai conscience de plein d'atouts,
28:30 j'ai conscience aussi de compétences que je suis capable de développer,
28:34 même si ça me fait peur.
28:36 Parce que là, on me voit à l'aise et tout.
28:38 Quand on est entre nous, quand je dois parler devant 300 personnes,
28:40 Martin, il s'éteint.
28:41 Il fait comme moi, ferme les yeux.
28:43 Faut pas regarder, ça passe tout seul.
28:45 Et toi, c'est plus facile pour toi.
28:47 T'as pas l'impression.
28:47 T'as pas l'impression du regard.
28:49 C'est ce que tout le monde croit, cher ami.
28:51 Alors, pour finir, j'aimerais te parler d'avenir.
28:53 T'as publié une vidéo que j'aime beaucoup,
28:55 en grand fan d'Iron Man.
28:56 Je suis fou furieux de cette vidéo,
28:58 où tu as été tester un exosquelette.
29:01 Ouais.
29:02 Comment est-ce que tu vois l'avenir,
29:04 que ce soit pour tes capacités physiques à toi,
29:07 ou éventuellement, même, on peut élargir jusqu'aux aides techniques ?
29:10 Bah écoute, je pense que la technologie, elle évolue,
29:12 mais faut être vigilant sur la manière dont on vit les choses.
29:16 Parce que si tu montres des choses qui sont supposées exister,
29:18 mais finalement ça n'existe pas,
29:19 tu peux faire aussi l'effet inverse chez les gens.
29:21 C'est que tu peux porter de l'espoir,
29:22 et finalement, tu vas les enterrer plus qu'ils ne s'enterrent déjà.
29:25 C'est qu'il y a des gens, ils sont tellement en attente de ça,
29:28 que si tu leur fais croire que, ils vont être super mal.
29:32 Pour revenir à l'exosquelette,
29:33 je trouve que c'est quelque chose qui est intéressant sur le plan thérapeutique.
29:36 Ouais.
29:36 Ça peut être peut-être intéressant déjà d'avoir la posture debout,
29:40 tu vois, de reparler face à face avec quelqu'un.
29:45 Ça, je crois que c'est les gens ne se rendent pas compte.
29:47 Ouais, mais j'en parlais tout à l'heure.
29:49 De ne pas être regardé de haut.
29:50 Mais moi, tu sais, ça a été ultra difficile,
29:52 quand t'as quelqu'un qui te parle, qui fait ne serait-ce qu'un mètre soixante,
29:54 t'es obligé de lever la tête.
29:56 Alors qu'avant, c'est moi qui baissais la mienne.
29:57 C'est un truc que tu faisais quand t'étais enfant.
29:59 La reconstruction était super difficile, tu vois.
30:01 Et c'est infantilisant, t'as du mal et tout.
30:04 Pour venir à l'exosquelette,
30:05 je trouve ça bien sur un plan thérapeutique et pourquoi pas au quotidien.
30:08 Après, je t'avoue que je vais plus vite en fauteuil roulant
30:10 que de me déplacer à deux à l'heure dans la rue.
30:13 Moi, j'ai des exemples, je pense à des Théo Curin, des Mickael Jérémias,
30:17 parce que c'est les exemples qui me viennent en tête.
30:19 S'il devait revenir à avant, est-ce qu'il le ferait ?
30:22 Moi, déjà, la question, quand on me la pose,
30:24 je trouve qu'elle est un peu bête,
30:25 parce que tu peux pas revenir et tu peux pas refaire le monde.
30:28 Mais par contre, je t'avoue que si demain on trouve quelque chose,
30:31 moi, je dirais pas non, parce que c'est facilitant pour moi.
30:34 Alors que des Théo Curin, des Mickael Jérémias,
30:36 ils vont dire "Eux, ils reviendraient pas parce qu'ils auraient pas fait tout ça."
30:39 Quoi qu'il en soit, je te remercie beaucoup
30:41 pour ce partage hyper intéressant et plein de sincérité.
30:46 Qu'est-ce qu'il faut te souhaiter pour la suite ?
30:48 Qu'est-ce qu'il faut me souhaiter ? Je sais pas.
30:50 J'ai plein de projets.
30:51 Il faut te suivre pour savoir tout ça, j'imagine.
30:53 Ouais, suivez-moi et je partage au quotidien mes projets.
30:56 Parce qu'il y en a trop.
30:56 On garde la surprise pour les réseaux sociaux.
30:58 Encore une fois, merci beaucoup.
31:00 Merci, Serge.
31:00 Et à très bientôt sur les réseaux, Martin.
31:03 Merci beaucoup.
31:04 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]