Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • aujourd’hui
Sofia Amara
Réalisatrice du documentaire « Syrie, à l’épreuve du pouvoir » sur arte le 22 avril 2025
Sofia Amara était la première journaliste occidentale à couvrir en 2011 la répression par Bachar Al Assad les manifestations prodémocratie. Elle retourne en Syrie après la chute du président syrien et signe un documentaire passionnant sur la difficile transition démocratique en Syrie. Le documentaire est diffusé mardi 22 avril à 22h30 sur arte et disponible aussi sur la plateforme arte.tv

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Votre invité média Laurent Vallière revient de Syrie où elle a tourné un documentaire sur la difficile transition démocratique.
00:08Le documentaire s'appelle « Syrie à l'épreuve du pouvoir » et il est diffusé demain soir sur Arte à 22h30.
00:14Bonjour Sophia Amara.
00:15Bonjour Laurent.
00:16Ce n'est pas la première fois que vous vous rendiez en Syrie.
00:20Vous êtes grand reporter, vous avez couvert les printemps arabes.
00:23Il y a 14 ans, vous étiez la première journaliste occidentale à couvrir la répression par Bachar Al-Assad des manifestants pro-démocratie.
00:32Et votre documentaire passionnant s'ouvre sur les youyou dans les rues de la capitale Damas la nuit du 8 décembre dernier qui accompagnait l'annonce de la chute de Bachar Al-Assad.
00:53Vous en avez suivi d'autres printemps arabes, Sophia Amara, notamment en Égypte.
00:59Qu'est-ce qui vous a marqué lorsque vous êtes retournée en Syrie ce jour-là ?
01:04Ce qui m'a marqué et ce qui m'a fait plaisir, c'est de voir la joie de ces gens-là que j'avais suivis pendant presque 14 ans,
01:13dont il fallait souvent taire le nom, cacher le visage et qui enfin pouvaient s'exprimer, hurler leur joie.
01:20Et c'était aussi pour moi, journaliste, de pouvoir boucler la boucle.
01:26C'est très frustrant quand vous couvrez une guerre et que vous rapportez les souffrances d'une population pendant tant d'années
01:32et que vous constatez que cela ne change rien.
01:35Je ne dis pas par là que nous, journalistes, sommes des activistes, non loin s'en faut.
01:39On fait notre métier et on avance.
01:40Mais humainement, c'est très dur d'avoir côtoyé une souffrance et de voir qu'elle perdure.
01:45Alors tous les signes ne sont pas au vert et c'est ça qui est intéressant dans votre documentaire.
01:48En particulier, vous racontez le parcours du président du pays, Ahmed Al-Shahra,
01:54qui avait auparavant un autre nom, Abu Mohamed Al-Joulani.
01:58Comment passe-t-il du djihadisme à chef de l'État ?
02:03Eh bien, effectivement, c'est une mutation très impressionnante.
02:09Et en fait, il est revenu à ce qui aurait dû être sa personnalité,
02:14puisque ce jeune homme est né dans une famille très modérée, avec un père plutôt à gauche,
02:19qui est économiste, professeur, qui a été...
02:22Cet enfant est né en Arabie Saoudite, donc loin de la Syrie.
02:26Et quand il y est retourné, c'est un petit peu ce qui s'est passé dans les années 2000,
02:32c'est-à-dire l'intifada palestinienne, puis le 11 septembre,
02:36puis l'invasion de l'Irak par les Américains,
02:38qui a provoqué ce qui l'a poussé dans les bras du djihad en Irak.
02:42Et finalement, il revient à ce qu'il aurait dû toujours être,
02:45c'est-à-dire un Syrien qui ne s'occupe que des affaires de la Syrie,
02:48comme le faisait déjà son père.
02:49Mais quand je dis qu'il est djihadiste, c'est qu'il est né dans la nébuleuse de Daesh.
02:54Au départ, ce qu'il crée, c'est le front El-Nosra,
02:57et ce qu'il veut, c'est de faire de l'État syrien un État islamique.
03:00Tout à fait. Et d'ailleurs, dans une interview, il a clairement expliqué,
03:05c'était en 2015, que son but ultime serait de créer un État islamique.
03:10Et d'ailleurs, quand il a rejoint Al-Qaïda en Irak, n'est-ce pas ?
03:14Puis ensuite, les rangs de El-Balgadi, le chef de Daesh,
03:17qu'il a envoyé en Syrie pour créer une succursale,
03:21le front El-Nosra, avant de se disputer avec,
03:24puisqu'ensuite, il a renié cette relation
03:26et s'est jeté à nouveau dans les bras d'Al-Qaïda
03:28avant de renier la nébuleuse terroriste.
03:32Donc vous voyez que c'est un parcours assez chaotique,
03:34mais il a toujours été proche du djihadisme.
03:36Aujourd'hui, il s'est syrianisé, déradicalisé.
03:40On peut le croire ?
03:41On peut l'espérer pour les Syriens,
03:43mais l'histoire nous dira, l'avenir nous dira,
03:47si cette mutation est la dernière.
03:49Parce que c'est ça qui est intéressant dans votre documentaire.
03:52Qui est ce chef militaire ?
03:54En fait, ce président, depuis huit ans,
03:57se prépare à renverser Bachar Al-Achad.
04:00Il est maintenant à la tête de l'État syrien,
04:03mais vous montrez notamment ce chef militaire.
04:05On se rappelle du massacre de 1800 à la 8 en début mars dernier.
04:09Vous en parlez dans votre documentaire.
04:10Il y a un chef militaire qui faisait partie de la milice,
04:13de la police armée du président actuel.
04:16Qui est-il ?
04:18Et est-ce que ce n'est pas du coup la limite de l'actuel président syrien ?
04:22Bien sûr, Mohamed El-Jassem, ce n'est pas le seul.
04:26Enfin, il s'agit de forces armées
04:28qui sont alliées au président et à son groupe HTC,
04:32et dont le président ne peut pas se passer,
04:34le président par intérim ne peut pas se passer,
04:37parce que finalement, lui, il n'a quelques 30 000 hommes au départ, HTC.
04:41Et pour fédérer et arriver jusqu'à Damas,
04:45il a fallu qu'il s'allie à d'autres factions,
04:48dont des factions comme celles qu'on a vues en action,
04:51sévir contre la population à la 8
04:53et faire quelques 1500 morts lors de ces événements graves en mars dernier.
04:58Aujourd'hui, il est sur le fil du rasoir,
05:00parce qu'il doit gérer plusieurs dossiers à la fois,
05:03les extrémistes dans ses propres rangs,
05:05parce que si lui, il s'est déradicalisé,
05:08en tout cas, c'est ce qu'il dit,
05:09sa base n'est pas complètement déradicalisée,
05:12il doit faire face à cela,
05:14mais aussi faire face à toutes les forces
05:15qui sont dans cette coalition
05:17et qui ont d'autres agendas.
05:20Ceux qui sont pro-turcs,
05:21ceux qui, les Kurdes,
05:23qui aujourd'hui, il a signé un accord avec les Kurdes,
05:25c'est quand même 100 000 hommes,
05:27les FDS, les forces démocratiques syriennes,
05:29et donc il doit gérer plusieurs dossiers,
05:32ramener tout ce monde-là vers,
05:34sous le drapeau d'un même État unifié.
05:36Alors, Sofia Amara, vous racontez donc la difficulté,
05:39est-ce qu'il est bien entouré ?
05:40Et puis, vous montrez aussi,
05:42vous êtes aux côtés de la population,
05:44ce qui marque dans votre documentaire,
05:46ce sont les 150 000 disparus dont vous parlez.
05:49Vous en suivez une,
05:51vous suivez une jeune femme
05:53qui est à la recherche de son frère,
05:54elle s'appelle Maram,
05:56quelle est son histoire ?
05:57Son histoire est incroyable,
05:58parce qu'elle est,
06:00comme beaucoup de Syriens rencontrés sur place,
06:02dans un déni absolu.
06:06Tout le monde attendait,
06:07lorsque la Syrie a été libérée du joug des Assad,
06:11à ce qu'il y ait des dizaines de milliers
06:14de prisonniers qui soient libérés.
06:17Et en fait, finalement,
06:19quand les familles arrivaient aux portes des prisons,
06:21personne n'en sortait,
06:22ou quasiment personne.
06:23Et donc, il y a un déni
06:25pour dire,
06:26ils ont été emmenés ailleurs,
06:28ils ont dû les cacher ailleurs,
06:29il faut voir,
06:30il y a peut-être des prisons sous sol.
06:32Il y a même des familles
06:33qui ont demandé au nouveau président
06:35de demander à Bachar el-Assad
06:36les clés
06:37ou les cartes
06:38des prisons secrètes,
06:40s'imaginant qu'il y aurait peut-être
06:41des prisons un peu partout en Syrie.
06:42Mais c'est très émouvant,
06:43parce qu'en fait,
06:44elle vous dit,
06:45à vous,
06:45mais quel serait l'intérêt
06:46de tuer 150 000 personnes ?
06:49Effectivement,
06:50ce qu'elle ne sait pas
06:51ou ce qu'elle ne veut pas entendre,
06:53et ce que nous ont expliqué
06:54plusieurs personnes au pouvoir
06:58aujourd'hui,
06:59dans le ministère de la Justice
07:00et ailleurs,
07:01de nous dire,
07:02en fait,
07:02ces prisonniers,
07:03il y a longtemps qu'ils sont morts,
07:05sauf que pour soutirer
07:06de l'argent aux familles,
07:07il y a des gens
07:07qui se sont endettés,
07:08qui ont vendu des maisons,
07:09qui ont vendu leurs voitures,
07:11pour pouvoir simplement
07:12obtenir des infos
07:13sur leurs enfants disparus
07:14et raflés par la police d'Assad.
07:17Eh bien,
07:18leur intérêt,
07:18justement,
07:19c'était de faire croire
07:20aux familles
07:21qu'ils étaient vivants
07:21pour soutirer de l'argent,
07:23alors qu'ils sont morts
07:24il y a bien longtemps.
07:26Vous êtes rendu
07:27plusieurs fois en Syrie,
07:28Sophia Amara.
07:29Est-ce que l'actuel président
07:30de la Syrie,
07:32Ahmed Al-Shara,
07:34a les moyens
07:34de tenir ses anciens militaires
07:36et ses djihadistes ?
07:37Grâce à qui ?
07:38Il est monté au pouvoir ?
07:39Il a obtenu le pouvoir ?
07:41Il n'a pas pris le pouvoir
07:42seulement grâce à eux.
07:44Il les a reniés
07:45il y a déjà
07:46plusieurs années
07:47et aujourd'hui,
07:47s'il les a reniés,
07:48c'est pour justement
07:49s'attirer et s'allier
07:50les autres factions
07:51qui, elles,
07:51ne voulaient pas
07:52du label Al-Qaïda.
07:54Aujourd'hui,
07:54il aurait les moyens
07:55à une seule condition,
07:57c'est que les sanctions
07:58qui sont imposées
08:01à la Syrie
08:02soient levées
08:03et ce qui permettrait
08:04de reconstruire l'économie
08:05et justement
08:06de pouvoir pacifier ce pays
08:09et d'attirer
08:10sous la bannière
08:11de cette nouvelle Syrie
08:14toutes les tendances
08:15de la population.
08:16Les sanctions occidentales
08:18contre l'ancien président
08:19Bachar Al-Achad.
08:20Merci,
08:21Sophia Amara.
08:22Merci.
08:22Et le documentaire
08:23Syrie à l'épreuve du pouvoir
08:24est diffusé demain soir
08:26à 22h30
08:27sur Arte.
08:28Sous-titrage Société Radio-Canada

Recommandations