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00:00Bonjour Jean-Guy Denis, vous êtes chanteur et parolier, vous êtes dans une famille très peu mélomane.
00:05Vous avez très vite décidé de rythmer votre vie avec vos propres partitions pour l'égayer.
00:10Vos deux seuls et uniques armes, les mots et le verbe.
00:13Et on va en rajouter une, votre passion pour les femmes aussi, en tout cas pour la question sur les femmes on va dire.
00:19C'est votre grand-mère qui vous a offert de quoi nourrir ce rêve avec, en plus du son de la radio de votre logement,
00:24quelques virées à l'opéra de Toulon pour assister à des concerts,
00:27parmi lesquels ceux de Gilbert Bécaud et des spectacles de danse.
00:30Vous avez d'ailleurs longtemps été attiré par les comédies musicales et par Judy Garland.
00:35Votre premier métier était coiffeur.
00:37C'est en l'exerçant que vous avez découvert des personnages haut en couleur et inspirants
00:41au point de vous donner envie de faire davantage partie de la scène et donc de prendre des cours de chant.
00:45C'est aussi comme ça que vous avez pu confier une maquette au directeur artistique de Michel Legrand,
00:50ce qui vous a permis de l'approcher, de signer votre premier contrat
00:52et d'enregistrer votre premier triple album concept écrit par Francis Lemarque et Georges Coulonge
00:59avec de nombreux artistes parmi lesquels, justement Michel Legrand.
01:02De quoi prendre une bonne leçon d'amour.
01:04Ce qui a fait mouche, c'est votre voix au départ avec cet accent fleuri gommé au fil du temps.
01:10C'est votre chanson Le Tétard écrit par Jacques Lanzmann qui va vous permettre de rencontrer le public,
01:15ce qui vous permettra d'ailleurs de monter sur scène en remplacement d'Alain Souchon,
01:18en levé de rideau de Serge Lama, de vaincre votre timidité.
01:22Mais on a quand même le sentiment qu'elle existe toujours un peu.
01:24Vous y serez d'ailleurs sur scène le 24 juin prochain au Café de la Danse à Paris
01:28pour échanter vos titres les plus emblématiques,
01:30mais aussi vos derniers titres issus de votre dernier album, Eldorado.
01:35Vous racontez comme jamais à travers cet album, c'est votre 17e,
01:38votre éternel amour.
01:41C'est-à-dire qu'on a le sentiment que vous êtes un éternel amoureux, Jean Guidoni.
01:45Et ça, ça ne changera jamais.
01:46Oui, parce que j'estime que j'ai beaucoup de chance de pouvoir faire le travail que je fais,
01:57enfin le métier que je fais, et puis surtout de pouvoir perdurer quand même,
02:02malgré le temps, malgré les périodes plus ou moins sombres, plus ou moins gaies.
02:09Donc je sens toujours ça comme un privilège.
02:12On a le sentiment que là, vous aviez besoin de vous mettre quasiment sur la table.
02:17C'est-à-dire que les textes sont écrits sur mesure et de vous livrer sans phare.
02:22Oui, parce que le temps passant, j'ai fait énormément de scènes.
02:29Donc je sais qu'il faut, pour moi-même, ne serait-ce d'amener du vrai sur scène.
02:36Même s'il y a de temps en temps un côté théâtral, j'aime en tout cas mettre le vrai un peu décalé de la vie.
02:46Je crois que c'est assez formidable de pouvoir le faire.
02:50Et surtout, maintenant, vu le temps qui a passé, de pouvoir vraiment apprécier chaque moment d'un spectacle,
02:59que ce soit l'entrée en scène, que ce soit l'attente de l'entrée en scène, les répétitions.
03:04Et puis ce voyage qu'on fait pendant une heure et demie, deux heures, moins de quart,
03:09où on se dit, on est bloqué, on ne peut pas sortir.
03:13Donc il faut s'en sortir à tout prix.
03:15C'est ça qui donne, je pense, l'envie de continuer et de se remettre en question.
03:20C'est vrai.
03:21Ça tangue par moment.
03:22Ça tangue beaucoup.
03:23Sans vilain jeu de mots.
03:25Et on comprend à quel point ce père, avec le recul, a été un élément très fort de votre construction d'homme.
03:32Oui, il a été très fort parce qu'il a été très absent, en fait.
03:36Donc je n'ai fait que fantasmer, parce qu'il partait trois mois, il voyageait vers le Japon, des choses comme ça.
03:42Donc je n'ai pas eu des rapports très affectifs avec lui, en vérité.
03:48Et donc j'ai toujours fantasmé cette relation, voilà.
03:54Donc j'ai trouvé ailleurs, avec des gens avec qui j'ai travaillé, par exemple, avec des gens qui m'ont aimé, sûrement.
04:03Mais c'est vrai que c'est difficile de se faire quand on n'a pas une image masculine à la maison.
04:14Voilà.
04:14Donc moi, je n'ai eu l'image que de ma mère, ma grand-mère et mes tantes, voilà.
04:19J'étais élevé par des femmes.
04:21Vous conservez quoi de cette enfance, alors, Jean ?
04:24Alors, Jean-Conserve, le désir qui m'est venu très tôt d'être moi ailleurs.
04:32Voilà, c'était, je voulais, donc, au départ, je voulais danser, ça ne s'est pas fait.
04:38Et puis, chanter, chanter.
04:42Alors, je ne savais pas quoi chanter, à cette époque-là, je ne savais pas quoi, mais c'était surtout d'être...
04:47J'avais le sentiment, parce que je restais dans ma chambre à chanter sur des chansons pendant des heures et des heures,
04:53que, d'un coup, j'étais libre, libre de pouvoir diriger, me diriger déjà moi-même.
05:00Donc, mon apprentissage, je l'ai fait dans ma chambre d'enfant, en fait, en chantant sur tous les tubes de l'époque.
05:06Dans ce coffret, justement, on découvre des chansons qui ont fait bouger les lignes.
05:11Je pense à l'album Putain, enfin...
05:13Oui.
05:13Où vous êtes adressé aussi à toute une génération impactée par le sida, par les difficultés, par l'exil aussi,
05:21par un certain nombre de choses, par le rejet.
05:23Par le rejet, oui.
05:24Vous avez conscience que vous avez fait, effectivement, que vous avez fait évoluer certains regards ?
05:30Ben, j'aimerais bien que ce soit le cas.
05:32Je voudrais que ce soit le cas.
05:33Alors, conscience...
05:34Je l'ai la conscience quand je suis sur scène, bien sûr, pas quand je vois la réaction du public.
05:41Mais je me dis, est-ce que le public n'est pas déjà convaincu ?
05:46Donc, mais j'aimerais bien, mais c'est très difficile pour un chanteur, quel qu'il soit, de faire bouger les choses.
05:55On peut le faire un petit peu, quand même.
05:57Ça se fait, mais c'est très long.
06:00Il faut vraiment que les choses soient digérées par les gens.
06:03D'un coup, ils se rendent compte que tout ce qu'on peut chanter, dire, soit sur le sadomasochisme, sur la prostitution,
06:11tout ça, c'est des instants de vie et que ce n'est pas forcément que ça.
06:15C'est que ça fait partie de la vie.
06:17Il ne faut pas le rejeter, surtout.
06:19Il ne faut pas s'en cacher, en tout cas.
06:21Comment vous vivez aujourd'hui dans le monde actuel, avec les guerres, vous qui avez chanté « Tout va bien »,
06:27qui racontaient l'errance, effectivement, d'un survivant dans un Paris complètement dévasté ?
06:32Quand je vois ce qui se passe en Ukraine, quand je vois ce qui se passe un peu partout dans le monde,
06:36c'est quand même assez terrifiant.
06:38Ce qui me terrifie surtout, c'est quand même tout cette...
06:42Bon, peut-être que j'exagère un peu, mais quand même l'indifférence dans laquelle ça se passe.
06:46C'est des nouvelles, quoi.
06:49Je ne sais pas si les gens sont conscients de la souffrance que ça peut leur apporter à eux-mêmes.
06:58Mais c'est très difficile, parce que moi aussi, je suis spectateur.
07:01Je ne peux pas trop bouger non plus.
07:03Pourquoi l'écriture a toujours été un problème pour vous, Jean-Guinoni ?
07:08Vous qui aimez tant le verbe ?
07:09Oui, alors je peux écrire, je peux.
07:12Vous l'avez fait ?
07:13Si, oui, j'ai fait pas mal de chansons, mais j'aime beaucoup, j'aime bien avoir dans l'écriture un regard extérieur.
07:27Ça me permet d'asseoir, moi, mon interprétation, ça me permet de bien digérer la chose.
07:35Ce que j'écris tout seul, j'aime bien aussi.
07:37Mais je suis beaucoup plus à l'aise et beaucoup plus excité quand quelqu'un rajoute quelque chose.
07:46Parce qu'une chanson, c'est vrai, c'est une musique, c'est un texte, mais en fin de compte, le texte appartient à l'interprète.
07:53Et c'est ça que je trouve excitant et très agréable, en ce qui me concerne, à défendre.
08:02Et c'est ça que je veux dire.