Emmanuel Macron présidera ce lundi 21 avril depuis l'avion qui l'emmènera à Mayotte un Conseil des ministres en visioconférence afin de présenter un projet de loi programme très attendu sur la "refondation" de l'archipel, quatre mois après le passage dévastateur du cyclone Chido. Regardez le sentiment de Asma Chanfi, infirmière de santé mentale, actuellement à Ouangani (Mayotte).
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 21 avril 2025.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 21 avril 2025.
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00:00RTL Matin
00:02Amandine Bégaud et Olivier Bois
00:058h16 sur RTL et alors qu'Emmanuel Macron est arrivé à Mayotte
00:08il y a moins d'une heure, vous avez choisi Amandine de donner la parole à une maorèse
00:12Asma Chanfi qui est infirmière au centre hospitalier de Mamoudzou
00:16Bonjour Asma
00:17Bonjour
00:17Et merci beaucoup d'être avec nous ce matin depuis Mayotte
00:21Vous faites partie, Asma Chanfi, de ces soignants qui avaient interpellé Emmanuel Macron
00:26lors de sa visite en décembre dernier, c'était 19 décembre
00:29juste après le passage du cyclone Shido
00:314 mois plus tard, quelle est la situation dans le centre hospitalier où vous travaillez ?
00:36Elle est très compliquée, je ne vais pas vous le cacher
00:39Officiellement, il y a 85% des services qui sont fonctionnels
00:45mais concrètement, c'est très compliqué
00:48Moi par exemple, au CMP, au centre médico-psychologique de Mamoudzou, la capitale
00:53notre bâtiment a été détruit
00:56donc du coup, ça fait 4 mois que nous n'avons plus de local
00:58ça fait 4 mois que nous avons un bureau prêté par le service de médecine
01:05pour les infirmiers, les psychologues, les psychiatres, la stand sociale, pour toute l'équipe
01:10Pas de local, ça veut dire que vous les accueillez où les patients ?
01:15On a une salle de consultation justement dans un autre service, donc en médecine
01:19et on les accueille en mode dégradé, c'est-à-dire que sur les 140 patients chroniques
01:26que nous avons chaque mois à peu près, on accueille peut-être 30% de nos patients
01:30parce qu'on n'a pas de lieu physique pour les accueillir concrètement
01:34Et alors les autres, qu'est-ce qu'ils deviennent ? Où est-ce qu'ils vont ?
01:37Les autres, les personnes par exemple que nous n'avons pas de nouvelles
01:39Malheureusement, on n'a pas les moyens, l'effectif pour aller vers eux
01:44Donc on essaye de les avoir au téléphone quand nous pouvons
01:47Et surtout les patients qui ont un besoin post-shido justement de suivi psychologique
01:53ne sont pas en capacité vraiment de les accueillir
01:55Donc du coup, on les met sur liste d'attente
01:58Donc on se retrouve en fait avec une cinquantaine de personnes en liste d'attente
02:02Mais ça veut dire, Asma, qu'il y a des gens qui auraient besoin d'être soignés
02:06qui ont besoin même, que vous aviez l'habitude de soigner
02:09qui ne peuvent pas aujourd'hui être soignés
02:11C'est ça, parce que nous n'avons pas de lieu physique
02:14Mais ça paraît fou quatre mois après ce cyclone
02:16Oui, je suis complètement désemparée
02:19je suis complètement impuissante face à tout ça
02:21Pourtant, nous avons fait des droits de retrait
02:24nous avons interpellé la direction
02:27Moi en fait, je fais des vidéos sur TikTok
02:30justement pour dénoncer ce qui se passe sur Mayotte
02:33et j'ai vu que récemment, il y a deux semaines
02:36le président Emmanuel Macron a fait justement un TikTok
02:39parlant de la santé mentale
02:41en disant que ça allait être un enjeu national
02:43et que c'est une question qui lui est chère
02:45Donc moi, je demande à M. Emmanuel Macron
02:48cette question qui est chère à votre cœur, comme vous le dites
02:52comment se fait-il que justement, nous, ici, la psychiatrie souffre ?
02:55Vous avez l'impression que ce sont des paroles en l'air ?
02:58C'est pas qu'une impression
02:59Clairement, je peux vous dire qu'on est très nombreux
03:02à se sentir complètement abandonnés par l'État
03:06Abandonnés par l'État, ça c'est le sentiment aujourd'hui des Mahorais ?
03:09C'est le sentiment des Mahorais
03:11Parce que j'entends les politiciens qui disent
03:14surtout M. Valls
03:15qui dit qu'il a mis beaucoup de choses en place
03:18qu'ils n'ont jamais mis autant de moyens en place
03:21D'accord
03:22Mais nous, sur place, concrètement
03:24au niveau des actions, il n'y a pas grand-chose qui est faite
03:27Mais pourtant, il y a eu de l'argent débloqué, Asma
03:30des moyens mis en place
03:32Vous ne les voyez pas sur le terrain, vous, aujourd'hui ?
03:35C'est ça qui me choque, justement, qui me surprend
03:38C'est qu'on a vu beaucoup d'argent, beaucoup de cagnotes
03:41beaucoup d'enrées alimentaires, beaucoup de moyens être déployés
03:45Mais je ne sais absolument pas ce qui s'est passé
03:49C'est qu'arrivée sur Mayotte
03:51Je ne pourrais pas vous dire ce qui se passe
03:53Mais non, nous, on n'a rien vu
03:54Moi, concrètement, je peux vous dire qu'aujourd'hui
03:57au niveau, par exemple, de l'aide alimentaire
03:58je n'ai reçu que 2 kilos de riz
04:01et 3 bouteilles d'eau
04:03En 4 mois ?
04:04En 4 mois
04:05Je ne saurais vous dire ce qui s'est passé
04:07Et ça m'étonne de me dire que, voilà, aujourd'hui
04:09je suis dans un département français
04:11Moi, je suis marseillaise d'origine
04:12Je n'aurais jamais pu concevoir que, par exemple, à Marseille
04:15ça se passe comme ça
04:17Donc, c'est des questions qu'on se pose aujourd'hui
04:19La question de pourquoi ça se passe à Mayotte, en fait
04:21Vous parliez de l'eau, Asma
04:23L'eau, on le sait, c'est un problème à Mayotte
04:25C'était le cas avant le cyclone
04:27Ça a été le cas, bien sûr, encore plus après
04:30Aujourd'hui, quelle est la situation ?
04:32C'est difficile de trouver de l'eau ?
04:34Alors, on a eu le mois de ramadan il y a quelques semaines
04:37Comment vous dire que, malheureusement
04:39les conteneurs étaient bloqués au port ?
04:42Ce qui fait que, dans les supermarchés
04:44il y avait des pénuries d'eau
04:46Et il y avait des scènes vraiment de...
04:49Je peux dire d'armageddon
04:50Peut-être j'abuse un peu
04:52Mais les gens se battaient concrètement
04:55pour avoir un pack d'eau
04:56Là, ça fait quelques semaines
04:58que ça commence à se restabiliser
05:01qu'on trouve de l'eau plus facilement dans les magasins
05:03Mais au niveau du robinet
05:05il y a toujours des coupures
05:07C'est-à-dire qu'on est coupé, on a deux jours de l'eau
05:09Un jour, pas d'eau
05:10Deux jours, un jour
05:12Donc, l'eau n'est toujours pas rétablie
05:14tous les jours ?
05:16Non, mais ça, c'est pas lié à Shido
05:18C'était le cas avant
05:20Je refuse
05:21Voilà, je refuse qu'on mette ça sur le dos de Shido
05:23Parce que, je suis désolée, mais Shido a bon dos
05:26Voilà
05:26Bon, vous avez une fille, Asma
05:29Elle a pu retourner à l'école ?
05:31Alors, ma fille, j'ai dû la changer d'école
05:35Pourquoi ?
05:36J'ai dû parce que les choses ont mis du temps à se mettre en place
05:41Ce qui fait que son ancienne école, ça a mis du temps avant de se réparer
05:45Concrètement, c'est pas réparer
05:47Parce qu'il manque de l'immobilier
05:49Il manque beaucoup de choses encore
05:50Et ce qui fait que moi, je suis quand même attachée à la scolarité
05:54Pour moi, l'éducation, c'est vraiment la première chose que je veux donner de mieux à ma fille
06:00Du coup, j'ai dû la changer d'école pour qu'elle puisse avoir une scolarité plus ou moins décente
06:05On va dire
06:06Plus ou moins décente, parce que ?
06:08Parce qu'il y a beaucoup d'élèves et il n'y a pas beaucoup d'école
06:11Ce qui fait que les enfants sont ce qu'on appelle, il y a un système de rotation
06:15Donc, les enfants vont à l'école soit le matin, soit l'après-midi
06:19Et ça, c'était le cas, Asma, aussi avant le cyclone
06:22On se souvient, Estelle Youssoufa, ici, nous avait expliqué ça
06:26Aujourd'hui, en France, à Mayotte, les enfants ne vont pas à l'école tous les jours
06:30C'est ça
06:30Parce qu'après, ça se rétablit, on va dire, entre guillemets, au collège
06:33Mais le mal est fait, déjà
06:34Parce que c'est déjà de la petite enfance
06:37Déjà, la maternelle et la primaire
06:39Où on apprend les bases
06:40Et on s'étend ensuite que le niveau du bac
06:43Le niveau des élèves maorais est bas
06:45Mais comment vous voulez que les enfants puissent avoir un autre niveau
06:48Si déjà, depuis la maternelle et la primaire
06:51On ne leur donne pas accès
06:52En fait, à une éducation normale
06:54Qu'est-ce que vous demandez ce matin, Asma, à Emmanuel Macron ?
06:58J'aimerais qu'Emmanuel Macron puisse nous apporter des solutions
07:02Et un plan d'action concret avec un calendrier
07:04Qu'on puisse vivre sereinement
07:06Ce n'est pas normal qu'on soit dans une île paradisiaque
07:09Dans un petit bout de terre paradisiaque
07:11Et qu'on s'ouvre autant
07:12Dans tous les domaines de la vie
07:14Je n'arrive pas à me dire que nous sommes aujourd'hui en France
07:17Et que Mayotte vit dans les années 70
07:20Je ne sais pas si vous, en tant que personnes qui habitaient en Hexagone
07:23Je ne sais pas si vous auriez pu le supporter
07:26Et nous, à Mayotte, nous sommes très résilients
07:28Mais cette résilience, elle a une fin
07:30Elle a une limite
07:31Et je pense que là, on arrive clairement à notre limite
07:34Parce que Shido a tout détruit
07:36Bon, a détruit ce qu'il y avait
07:37Parce qu'il n'y avait pas non plus grand-chose au niveau infrastructure
07:40Mais voilà, j'aimerais bien que le président prenne ses responsabilités
07:44Que le gouvernement prenne ses responsabilités
07:46Qu'on arrête de nous dire des belles paroles
07:49Et qu'on arrête de nous dire qu'on va faire et qu'on ne fait pas
07:51Est-ce que vous voyez que nous avons l'impression d'être pris pour des guignols ?
07:55Vous avez l'impression aujourd'hui d'être pris pour des guignols ?
07:57Oui, nous avons l'impression d'être méprisés
07:59Nous avons l'impression que les Mahorais
08:01Nous ne sommes pas des Français à part entière
08:03Pendant des années, voilà, moi je n'ai pas connu ça
08:05Parce que moi, ça fait très peu
08:07Ça fait deux ans que je suis sur Mayotte
08:08J'ai vraiment la vision métropolitaine de l'Hexagone
08:12Je me rends compte que les mentalités commencent à changer
08:14Parce que les Mahorais, on a choisi d'être Français
08:16Mais aujourd'hui, je sens cette rupture qui commence à arriver en fait
08:20Les personnes, on a marre
08:23À chaque fois, on entend les mêmes choses
08:25À chaque fois que les gouvernements arrivent
08:27À chaque fois que les présidents arrivent
08:28À chaque fois qu'il y a les municipales qui arrivent
08:30Il y a les présidentielles qui arrivent
08:32On voit beaucoup de gens défiler
08:33Et au final, rien de concret
08:35Rien n'a changé
08:36Ça fait 20 ans que rien n'a changé
08:38Du concret, c'est donc ce que vous demandez à Emmanuel Macron
08:40Qui est arrivé sur place il y a quelques minutes
08:42Merci beaucoup à Sma Chanfi d'avoir été avec nous ce matin
08:46Et on a bien sûr une pensée pour tous les Mahorais
08:49Merci beaucoup
08:50Merci beaucoup à Sma Chanfi d'avoir été avec nous ce qui est
08:50Merci à Sma Chanfi d'avoir été avec nous ce qui est