Responsabilité du fait des produits défectueux : directive avec Sylvie GALLAGE-ALWIS, Associée, Signature Litigation.
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00:00Musique
00:00On poursuit l'émission, on va parler de la directive sur la responsabilité des produits défectueux
00:16avec mon invité Sylvie Galage-Alvis, associée au sein du cabinet Signature Litigation.
00:22Sylvie, bonjour.
00:23Bonjour Arnaud.
00:24Nous allons faire le point sur la directive relative à la responsabilité du fait des produits défectueux
00:30qui date du 23 octobre 2024, publiée en 18 novembre au journal officiel de l'Union Européenne.
00:39Mais tout d'abord, pourquoi il était nécessaire d'adapter la directive de 85 sur la responsabilité du fait des produits défectueux ?
00:49Vous le rappelez vous-même Arnaud, 1985.
00:51Donc ça fait 40 ans.
00:53Alors j'ai un petit peu plus de 40 ans, donc je ne vais pas dire que c'est une directive qui est vieille.
00:58Mais il fallait quand même un certain nombre d'évolutions.
01:01Surtout que vous avez pu le remarquer, les produits ont changé en 40 ans.
01:06Bien sûr.
01:06Si on regarde des exemples très basiques, on est passé pour écouter de la musique, de la cassette, au CD, aujourd'hui à la musique en ligne.
01:13Quand on parle de téléphone, on avait tous un téléphone fixe chez soi.
01:17Aujourd'hui, on a tous, tous les membres de la famille ont leur propre petit ordinateur portable à l'oreille.
01:25Donc il y a eu un changement radical de la connectivité, de la technologie associée à ces produits, mais aussi du type de vente.
01:34Vous avez avant, classiquement, la vente en magasin.
01:38Aujourd'hui, la vente en ligne, depuis même quelques années, explose.
01:42Donc vous avez des modes de vente différents.
01:45Et vous avez aussi des interactions entre produits désormais.
01:48La connectivité n'est pas que dans un produit, elle l'est aussi dans sa façon dont il s'associe à d'autres produits.
01:55Et donc il y a des termes qui se sont démocratisés.
01:57Termes logiciels, termes service annexe.
02:00Par exemple, le service annexe, c'est la possibilité d'être géolocalisé via son produit, d'avoir le trafic en direct, d'avoir sa santé monitorée.
02:10Tous ces termes-là nécessitaient une définition claire.
02:14Il fallait savoir si c'était inclus ou pas dans la définition de produit.
02:17La nouvelle directive vient clarifier tout ça et étend donc la définition de ce qu'est un produit et comment l'appréhender.
02:25Alors justement, on va s'intéresser à cette nouvelle directive.
02:28Quels sont les apports de cette directive, les principaux changements ?
02:32Alors, outre le fait qu'elle étend et clarifie surtout ce qu'est un produit,
02:38cette directive vient essayer d'apporter un peu plus de sécurité aux produits qui sont mis sur le marché dans l'Union européenne.
02:46On est déjà avec un arsenal législatif très complexe, avec énormément de directives en amont.
02:53Comment doivent être fabriqués les produits ?
02:56Cette directive-là vient essayer de s'assurer que la sécurité, elle est aussi reconnue en aval, une fois que potentiellement il y a un problème.
03:04Et par exemple, on est passé d'une poignée de critères de ce qu'est un produit défectueux à plus de neuf critères de ce qu'est un produit défectueux.
03:12Et on va regarder des choses comme par exemple la présentation du produit.
03:17Son étiquetage, s'il n'est pas conforme, va pouvoir demain équivaloir à un produit défectueux.
03:24D'accord.
03:25Est-ce qu'on va regarder pour savoir si l'utilisation est raisonnablement prévisible du produit ?
03:31Alors, les juristes vont s'amuser.
03:33Qu'est-ce qu'une utilisation raisonnablement prévisible d'un produit ?
03:35On va voir ça. Et il y a aussi, on va regarder d'autres exigences en matière de sécurité du produit, comme par exemple la cybersécurité associée au produit.
03:43Donc on est déjà dans un changement de paradigme avec une volonté de rendre tout ça plus sécuritaire.
03:49Un autre changement majeur, c'est qu'il y a une recherche pour avoir toujours quelqu'un de responsable.
03:56Un fabricant qui est situé à l'extérieur de l'Union européenne, il va y avoir tout un mécanisme pour désigner, phase après phase,
04:04qui doit être responsable au sein de l'Union européenne pour le consommateur, afin qu'il ne se retrouve pas sans recours possible, en particulier s'il vendait en ligne.
04:13On va s'intéresser peut-être aux risques pour les fabricants face à ce nouveau cadre juridique.
04:21Quels sont les risques pour les fabricants européens face à ces nouvelles règles ?
04:25Alors le risque, c'est que leur responsabilité va être reconnue de manière très probable.
04:32Tout simplement parce que la directive introduit des nouveaux concepts de procédure, inconnus jusqu'ici, qui vont nous donner beaucoup de travail.
04:40On va voir ce que ça va donner.
04:41Mais il y a notamment l'obligation de divulgation.
04:44On se retrouve avec un système quasiment de discovery à l'américaine,
04:49où à partir du moment où un demandeur va avoir un recours contre un fabricant,
04:54il va pouvoir démontrer qu'il y a un côté raisonnable à ce recours.
04:57Il va y avoir une obligation de divulgation de documents de la part du fabricant.
05:03D'accord.
05:03Et donc c'est une discovery, je dirais même c'est pire, parce qu'en plus il y a deux critères,
05:08c'est-à-dire que la divulgation doit se faire de manière accessible, facilement accessible et compréhensible.
05:16Donc on ne va pas pouvoir juste envoyer des cartons de documents si on va dans le cliché,
05:20il va falloir les expliquer, avoir des mémos, avoir quelque chose qui rend l'information accessible et compréhensible.
05:27L'autre gros danger, c'est le fait que le juge pourra décider si le dossier est excessivement complexe, je cite,
05:36et bien qu'il y aura une présomption de défaut, de lien de causalité et de préjudice.
05:40Alors c'est quoi un dossier excessivement complexe ?
05:42Je vous le demande, et surtout excessivement complexe pour qui ?
05:45Pour le juge, pour un expert désigné par le juge, pour les demandeurs,
05:49pour le commun des mortels qui n'est pas ingénieur par exemple,
05:53ou médecin pour comprendre un produit par exemple pharmaceutique ?
05:58Je ne sais pas.
05:59Et donc là aussi, la crainte qui existe pour les fabricants,
06:04c'est d'être condamné quoi qu'il arrive, parce qu'un dossier produit est par nature complexe.
06:08D'accord. Alors avec ce nouvel arsenal juridique,
06:14est-ce que l'Europe peut devenir une juridiction privilégiée pour les demandes dans le cadre de litiges internationaux ?
06:20Je pense que oui.
06:22L'Europe ne l'était pas jusqu'ici parce que le montant des dommages intérêts n'a jamais été aussi élevé
06:28que ce qui peut exister par exemple Outre-Atlantique.
06:31Donc c'est vrai qu'il y avait toujours cette tendance à commencer Outre-Atlantique pour ensuite venir en Europe.
06:35Ce que je vous expliquais sur la divulgation des documents.
06:39Si la sanction, si jamais on ne divulgue pas les documents, qu'on est de façon accessible et compréhensible,
06:46c'est qu'il y a une présomption de défaut du produit.
06:49Donc entre cette présomption qui peut exister, vous avez donné tous vos documents, vous êtes quand même condamné.
06:55Vous avez donné tous vos documents, mais le dossier est jugé excessivement complexe, vous êtes quand même condamné.
07:00Vous aurez à mon avis plus de facilité à avoir une condamnation de l'entreprise en Europe,
07:08avec en plus je pense un forum shopping entre les différentes juridictions européennes.
07:11On va débattre qu'est-ce que c'est excessivement complexe.
07:14J'imagine que chaque juridiction risque d'avoir quelque chose d'un peu différent.
07:19Du coup, avoir des juridictions européennes qui reconnaissent la responsabilité d'un fabricant,
07:25alors même qu'on a divulgué des informations, alors même qu'on a essayé de se défendre,
07:29va être beaucoup plus simple en Europe.
07:31Que ça ne l'ait, je compare toujours à l'outre-Atlantique, parce que ça commence très souvent aux Etats-Unis, au Canada,
07:36que ça ne va l'être là-bas.
07:39Et ils vont avoir un précédent européen qui va leur permettre, de l'autre côté,
07:43d'avoir moins d'efforts, entre guillemets, pour avoir une condamnation similaire là-bas.
07:48Alors peut-être pour terminer, vous avez souligné les contraintes juridiques qui vont peser sur les fabricants.
07:55Comment ces fabricants doivent-ils se préparer justement à l'application de la directive pour répondre à ces obligations ?
08:04Alors, la bonne nouvelle, c'est qu'il y a quand même quelques défenses qui existent et qui continueront à exister.
08:10Par exemple, la défense du risque de développement.
08:13Quand j'ai mis mon produit sur le marché, est-ce que je pouvais avoir une connaissance scientifique et technique d'un potentiel défaut à l'avenir ?
08:20Donc il faut extrêmement bien documenter toutes les recherches, tout ce sur quoi le produit est conçu,
08:27à l'époque de sa conception et de sa mise sur le marché, pour garder cette défense-là.
08:32Il y a aussi une autre défense qui a été introduite, qui est le fait que ce n'est pas parce que vous avez mis à jour des logiciels,
08:39parce que vous améliorez votre produit, qu'il y a forcément un défaut de votre produit antérieurement.
08:45Donc ça, c'est une bonne chose.
08:46Comment se préparer ? C'est surtout pour les entreprises qui n'ont pas l'habitude d'un processus de discovery ou de disclosure en Angleterre.
08:55C'est vraiment de garder absolument tous ces documents, d'avoir une politique interne de ce fait,
09:01pas de disparition d'email tous les trois mois pour alléger les serveurs, etc.
09:06C'est vraiment une mise en place d'un processus interne pour se préparer à ce type de nouveaux litiges.
09:11On va conclure là-dessus. Merci Sylvie Gala-Jalvis.
09:14Je rappelle que vous êtes associée au sein du cabinet Signature Litigation.
09:18Merci à vous.
09:18Tout de suite, l'émission se poursuit.
09:21On va parler de dénigrement de la direction par mail ou par téléphone.