Yazid Kherfi, médiateurs et directeur de l'association "Médiation nomade", invité d'ici Paris Île-de-France, le 26 mars 2025.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:008h15, faut-il plus de médiation ou de répression après la nouvelle rixe mortelle en Essonne,
00:06lundi, dans la commune de Yers ? On vous pose cette question ce matin, appelez-nous, réagissez
00:10au 01 42 30 10 10. Nous recevons ce matin un ancien délinquant devenu médiateur, il
00:16est aujourd'hui le directeur de l'association Médiation Nomade.
00:19Bonjour Yazid Kharfi, qu'est-ce que vous avez ressenti en apprenant la mort une nouvelle
00:24fois d'un ado dans une rixe ? C'est quoi, de la colère, du désespoir, une forme de
00:28lassitude ?
00:29Il y a toujours une grande tristesse par rapport à ce qui arrive et puis je dis, il y a quelque
00:32chose qu'on a raté en même temps, parce que ces jeunes vont mal, ce sont des jeunes
00:36peut-être qui commettent des actes également, mais derrière il y a vraiment de la souffrance,
00:39un problème psychologique c'est certain, donc ils n'existent pas, ils ont été disqualifiés
00:44peut-être par les scoles, donc c'est souvent parfois des jeunes en échec scolaire et la
00:48façon de retrouver du pouvoir c'est de faire partie d'une bande et d'être violent.
00:51C'est une façon de retrouver du pouvoir, mais c'est aussi derrière un appel au secours.
00:54Vous, vous avez connu la délinquance à Mantes-la-Jolie, après 5 ans de prison, en vous tendant la
00:59main, le maire de l'époque vous tend la main, vous devenez médiateur, des bastons entre
01:03bandes rivales il y en a toujours eu, qu'est-ce qui pousse les jeunes à s'entre-tuer aujourd'hui,
01:06comment vous l'expliquez ?
01:07Oui, d'abord le mal-être, le mal-être, en même temps il y a les réseaux sociaux
01:11qui jouent, il y a une passion aussi qu'à un moment donné, il leur faut un coupable
01:15en face d'eux, puis le bouc émissaire c'est toujours ceux d'en face en même temps, donc
01:18au bout d'un moment ils se reprennent à ceux qui sont en face d'eux et ça, ça répond
01:21par la violence, c'est pour ça qu'il faut vraiment travailler sur une culture de la
01:24non-violence qui est pour moi quelque chose de très important et recréer vraiment des
01:28espaces de parole.
01:29Donc vous dites que la répression ça ne sert plus à rien, les brigades de sécurité
01:32par exemple, qu'est-ce qu'il faut faire, c'est plus de médiation ?
01:34Il faut de la sécurité, mais la sécurité c'est, on arrête les délinquants qui ont
01:38commis des délits, mais la prévention c'est éviter qu'ils deviennent délinquants en
01:43même temps, c'est pour ça que la prévention est absolument nécessaire, plus de médiateurs,
01:47plus d'animateurs, plus d'adultes bienveillants et un peu moins de policiers et un peu moins
01:51de prison en même temps.
01:52Vous sentez que les médiateurs, les autres, je pense aussi aux élus, aux travailleurs
01:55sociaux, ils ont baissé les bras ?
01:56Ils n'ont pas baissé les bras, mais les moyens ont été largement diminués, il y a de moins
02:00en moins d'éducateurs, de moins en moins de médiateurs dans les villes et c'est ce
02:03qui manque en même temps.
02:04La prévention c'est absolument nécessaire, c'est pour ça qu'il est nécessaire de remettre
02:08les moyens dans la prévention et de mettre un peu moins d'argent dans la construction
02:11de prison et de policiers.
02:12Et est-ce que les parents se sentent impuissants ? Qu'est-ce que vous leur conseillez ce matin ?
02:15Les parents sont en difficulté, ce n'est pas les parents des missionnaires, mais c'est
02:18parce qu'ils ont du mal avec leurs enfants, c'est pour ça qu'il faut vraiment travailler
02:21sur la parentalité, aider ces parents qui sont en difficulté avec leurs enfants.
02:25Vous, avec votre association, vous sillonnez les routes avec votre camping-car à la rencontre
02:28des jeunes, notamment le soir, est-ce que vous constatez un regain de tension sur le
02:32terrain ?
02:33Oui, il y a un regain de tension parce que les jeunes vont de plus en plus mal, parce
02:36qu'ils se sentent parfois rejetés, stigmatisés, alors qu'ils ont besoin de valorisation,
02:41ils ont besoin de reconnaissance.
02:42Nous, avec notre camion, on s'installe la nuit dans les quartiers, à la demande des
02:45jeunes, on est soutenu par l'État, le ministère de l'Intérieur et la NCT, le ministère
02:50de la Ville, et on crée des espaces de parole.
02:52À chaque fois qu'on mettra en place des espaces de parole et d'écoute, on fera reculer
02:56la violence.
02:57Mais comment ça se traduit, ce regain de tension ? Vous l'avez vu, vous ?
02:59Oui, on le voit parce qu'il y a de moins en moins de dialogues.
03:02Le monde des jeunes et le monde des adultes est de plus en plus séparé.
03:06Les jeunes vont mal, ils ont besoin de faire des belles rencontres, s'ils ne font pas
03:09des belles rencontres, ils vont faire des mauvaises rencontres, donc ces jeunes sont
03:12en difficulté eux-mêmes en même temps.
03:14Ils ont besoin d'être soutenus à ce moment-là.
03:16Des jeunes de plus en plus jeunes, ça c'est le préfet de Paris, le préfet de police
03:19de Paris qui le dit, vous l'avez constaté aussi, ils sont plus jeunes ?
03:21Oui, c'est des adolescents, parce que c'est l'âge où on essaie de se construire, et
03:25c'est l'âge où on a besoin à un moment donné d'être soutenu, mais c'est souvent
03:29à partir de l'âge, c'est des jeunes d'entre 15 et 18 ans.
03:31Alors, on a un peu tout tenté, les tournois de foot intercités, les rencontres police,
03:36élèves, médiateurs, les boucles WhatsApp, on a l'impression que rien ne marche aujourd'hui.
03:41Non, mais c'est très important, s'il n'y avait pas toutes ces actions, ce serait
03:46largement plus pire.
03:47Donc, il faut un travail, mais c'est peut-être pas suffisant, il y aura toujours des problèmes
03:50comme ça, mais il faut continuer à en faire.
03:52Donc, ça marche quand même selon vous ?
03:53Ah oui, non, mais ça marche, il faut vraiment axer le travail sur la prévention.
03:568h19 sur votre radio locale, ici Paris, Île-de-France, on vous pose la question ce matin concernant
04:00Cérix, ses bagarres au couteau, faut-il selon vous plus de médiation ou de répression ?
04:0401 42 30 10 10.
04:06On a Auchou qui est avec nous, Auchou de Colombes dans les Hauts-de-Seine.
04:09Bonjour Auchou, alors vous, vous avez une solution qui peut être une solution parmi
04:13d'autres ?
04:14Bah écoutez, ça fait plus longtemps que nous sommes dans ce pays-là, et depuis qu'ils
04:19ont supprimé à l'école primaire et à l'école maternelle la morale et l'éducation
04:25physique, les parents sont délaissés.
04:27C'est-à-dire que nos enfants, c'est pas le coup des rois, c'est-à-dire que vous
04:29les fessiez, ou bien vous, vous les portez une petite coque parce qu'il est assez tard.
04:35Mais voilà, écoutez, je vais porter plein.
04:36Voilà.
04:37Merci.
04:38Merci Auchou, merci pour votre réaction.
04:41Et votre solution au 01 42 30 10 10, remettre l'éducation civique à l'école, pourquoi pas ?
04:46Yacine Kerfi, un directeur de l'association Médiation Nomade, l'école, est-ce que c'est
04:50le problème ?
04:51Il faut vraiment se battre.
04:52La plupart des jeunes qui sont par exemple en prison ou dans la violence et tout ça,
04:56ce sont des jeunes en échec scolaire, donc ils se sentent disqualifiés, donc ils retrouvent
05:00du pouvoir, parfois par la délinquance, donc il faut mettre les moyens vraiment sur l'éducation
05:04nationale.
05:05Et il faut faire quoi à l'école alors ?
05:06Pardon ?
05:07Il faut faire quoi à l'école ?
05:09Plus de moyens au niveau de l'école et éviter que des jeunes soient en situation d'échec.
05:14Votre camping-car, vous ne pensez pas qu'il faudrait plutôt l'installer dans les cours
05:17de récré maintenant ?
05:18Ça serait peut-être plus efficace ?
05:19Oui, très bien, y compris dans les cours de prison, moi je l'ai dit également, parce
05:22qu'il faut dialoguer avec ces jeunes, mais pour l'instant nous n'avons pas l'autorisation.
05:25Je dis par exemple, la semaine prochaine, on est à Mantes-la-Jolie, devant le lycée,
05:30à l'entrée du lycée, pour discuter avec les jeunes en même temps, on se met à l'entrée,
05:34à la demande de la mairie et des enseignants.
05:38Qu'est-ce que vous demandez ce matin ? Être plus présent dans les lycées, collèges,
05:42peut-être même dès l'école ?
05:43Oui, vraiment, il faut remettre des adultes bienveillants à côté de ces jeunes en même
05:47temps.
05:48Et vous par exemple ?
05:49Il y a besoin de recréer des espaces de dialogue.
05:50Notre demande, c'est qu'il faut aller à la rencontre de ces jeunes, pour éviter que
05:54d'autres vont les voir et leur monter la tête.
05:56Et alors, il y a les éducateurs de rue qui manifestaient en Essonne, moins de postes,
06:01à la rentrée, j'imagine que ça vous désole ?
06:03Oui, ça nous désole, mais dans toute la France, on est en train de diminuer tous
06:06les postes d'éducateurs.
06:07On va le payer à un moment donné, donc il faut remettre plus d'éducateurs et plus
06:12de médiateurs sur l'espace public.
06:13Comment on va le payer ?
06:14Il faut trouver les moyens, mettre un peu moins d'argent dans la sécurité, arrêtons
06:17de construire sans arrêt des prisons, arrêtons de mettre sans arrêt des policiers.
06:19Et comment on va le payer après ? Quelles sont les conséquences ?
06:21Non, non, mais c'est sûr qu'il y aura des résultats.
06:23À partir du moment qu'il y a plus d'adultes et d'éducateurs et de professionnels sur
06:27l'espace public, forcément il y aura des jeunes qui iront moins vers la violence à
06:31ce niveau-là.
06:32Quel est le risque pour l'Essonne et pour l'Île-de-France ?
06:34Si ça continue comme ça, si on diminue les problèmes de prévention, il y aura forcément
06:38plus de difficultés pour ces jeunes, il y aura peut-être plus de violence.
06:41Est-ce que vous vous intégrez dans votre association des anciens délinquants, des
06:44repentis, des gens qui veulent…
06:45Bien sûr, oui.
06:46L'animateur qui travaille avec moi a fait quelques années de prison, parce que je pense
06:49qu'il faut des gens de la communauté, des gens qui sont échus des quartiers, et parfois
06:54des jeunes qui sont passés par la casse-prison, parce qu'il y a de la crédibilité après
06:59nos travaux, c'est de passer le relais à d'autres personnes, mais il faut des
07:01personnes qui soient crédibles dès le départ, ces personnes qui sont échus de la même
07:04communauté, peut-être qui ont fait de la prison, qui ont été violentes dans le passé,
07:08et qui ont une certaine crédibilité.
07:10Aux Etats-Unis, on appelle ça des interrupteurs de violence.
07:13Ils prennent des anciens délinquants pour intervenir auprès de ces jeunes.
07:15Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau parle d'ensauvagement la société, est-ce
07:19que vous êtes d'accord avec ça ?
07:21Non, je ne suis pas d'accord avec ça, c'est sûr qu'il y a de plus en plus de violence
07:24également, mais à un moment donné, il faut continuer à livrer à ces jeunes en même
07:27temps.
07:28Il faut les stigmatiser pour ressembler à l'image qu'on leur donne.
07:30Plus on va les traiter de sauvages, plus ils deviendront de sauvages.
07:33Il faut plutôt les valoriser et les reconnaître.
07:35Bon, vous serez à Mante-la-Jolie, ensuite, quelles sont les autres villes en Ile-de-France ?
07:38Là, j'interviens la semaine prochaine sur les Rix à Ries-sur-Angis, très prochainement,
07:42je vais intervenir à Mante-la-Jolie, à Vitry-sur-Seine, à Bagnolet, vous voyez, il y a de la demande
07:49en même temps.
07:50Merci beaucoup Ayazid Karfi d'avoir été notre invité, directeur de l'association
07:53Médiation Nomade.
07:54Bonne journée à vous !
07:58Le Réveil 100% local, d'ici matin.