• il y a 3 jours
Grand banditisme, radicalisme, racisme, violences policières : Pour son nouveau roman "La chasse", l'écrivain Bernard Minier s'est inspiré de faits divers de sa région. Pour Brut, il raconte comment passer du réel à la fiction.
Transcription
00:0032 règlements de comptes à Toulouse en l'espace de 2 ans,
00:03et 7 agressions aux goutteaux non liées entre elles en l'espace de 48 heures.
00:08Pour la chasse, je ne me suis pas inspiré d'un seul fait divers, je me suis inspiré de plusieurs.
00:13Alors ce qui m'a interpellé dans ces faits divers, c'est...
00:17c'est pas les faits divers en eux-mêmes, c'est ce qui se cache derrière.
00:31Pour ces faits divers, en général, déjà,
00:34j'ai pas mal de contacts parmi les policiers toulousains et parmi les journalistes,
00:38et puis je reçois tous les matins, dans ma boîte aux lettres, la dépêche du midi.
00:43Je veux que ça ait l'air vrai, je veux que ça somme vrai,
00:45et puis c'est pas parce qu'on écrit de la fiction que ça donne tous les droits,
00:49moi je crois au contraire que ça nous donne une responsabilité supplémentaire vis-à-vis du lecteur.
00:54Parce qu'au fond, un roman, c'est quoi ? Un roman, c'est un mensonge qui dit la vérité.
00:58Or, pour dire quelque chose de vrai, il faut savoir déjà de quoi on parle.
01:01C'est pour ça que, par exemple, pour Une Putain d'Histoire,
01:04je me suis rendu dans les îles San Juan, au large de Seattle,
01:07j'ai rencontré les shérifs du Cru, je les ai interrogés, j'ai visité leur service.
01:12Pour M. Le Bord de la Mime, je suis parti à Hong Kong,
01:14j'ai exploré la ville de Fontencombe, le de jour comme de nuit,
01:17parce que j'ai besoin de m'imprégner.
01:19J'ai eu une démarche comme ça d'aller au plus près,
01:22d'aller chercher des infos qui ne sont pas ni dans la presse ni dans les livres en fait,
01:26des petites choses en plus, que je veux obtenir par des témoignages,
01:31par des gens que je vais rencontrer.
01:33Par exemple, je ne sais pas si c'est une anecdote que je devrais citer
01:38dans un média aussi regardé,
01:41mais j'ai voulu savoir ce qu'il se passait à Hong Kong.
01:46J'ai voulu savoir si on pouvait voler des scellés.
01:50Le scellé en question, c'est du sang.
01:52Je me renseigne auprès de mes contacts dans la police,
01:54chaque fois que j'ai un doute sur la façon de procéder dans l'investigation.
01:58J'ai voulu savoir si on pouvait voler un tel scellé
02:02dans le laboratoire de biologie, là où ça se passe dans la chasse.
02:06J'ai appelé des gens pour essayer d'obtenir l'information
02:10comment faire pour voler un scellé.
02:12La réponse est dans le roman.
02:15Ce n'est pas le genre de truc qu'on trouve dans les journaux.
02:29On est dans une société de plus en plus déchirée,
02:31et c'est ça aussi que montre la chasse.
02:33Je crois que la grande question qu'elle pose,
02:35c'est pourquoi notre société a-t-elle cessé de fonctionner ?
02:38Pourquoi étions-nous devenus incapables de vivre ensemble, de dialoguer ?
02:41Les flics qui sont en première ligne,
02:43ce sont eux les premiers concernés, mais ça concerne tout le monde.
02:46Au fond, les romanciers sont là pour poser des questions,
02:48on n'est pas là pour apporter des réponses.
02:50Dans la chasse, j'oppose les points de vue.
02:52L'esprit du roman, c'est l'esprit de complexité.
02:54Chaque co-roman dit au lecteur, les choses sont plus compliquées que tu ne le penses.
02:57Et c'est vrai.
02:59Depuis le premier grand roman moderne, qui est Don Quichotte,
03:02quand Don Quichotte sort de sa tour,
03:04où il croit tout savoir grâce à ses livres,
03:06comme aujourd'hui ce serait grâce aux réseaux sociaux,
03:08il se fracasse contre le moulin avant du réel,
03:11il s'aperçoit qu'il n'y a pas une vérité, mais qu'il y a mille vérités.

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