Nicolas d’Estienne d’Orves (sous le nom de NéO) signe un roman envoûtant et inquiétant, où réalité et illusion se confondent : "L’Ile d’orgueil".
Et si vous pouviez échanger votre vie contre celle d’un autre ? Antoine Roquenaud, écrivain raté, accepte le pacte que lui propose Marc Haubergier, un auteur à succès. Il prend sa place, son nom… et s’exile sur une île bretonne battue par les vents. Mais ce huis clos insulaire cache de lourds secrets : une femme distante, un majordome silencieux et le spectre d’un enfant noyé qui hante la demeure.
Ce thriller psychologique trouble et oppressant inaugure une série autour des sept péchés capitaux. Pourquoi l’orgueil en premier ? Parce qu’il aveugle, il trompe, il pousse à croire que l’on peut voler un destin… sans en payer le prix. Mais jusqu’où peut-on aller avant que la supercherie ne se retourne contre soi ?
Nicolas d’Estienne d’Orves publie le roman de ce printemps 2025. Osez l’expérience… si vous pensez pouvoir en ressortir indemne.
Et si vous pouviez échanger votre vie contre celle d’un autre ? Antoine Roquenaud, écrivain raté, accepte le pacte que lui propose Marc Haubergier, un auteur à succès. Il prend sa place, son nom… et s’exile sur une île bretonne battue par les vents. Mais ce huis clos insulaire cache de lourds secrets : une femme distante, un majordome silencieux et le spectre d’un enfant noyé qui hante la demeure.
Ce thriller psychologique trouble et oppressant inaugure une série autour des sept péchés capitaux. Pourquoi l’orgueil en premier ? Parce qu’il aveugle, il trompe, il pousse à croire que l’on peut voler un destin… sans en payer le prix. Mais jusqu’où peut-on aller avant que la supercherie ne se retourne contre soi ?
Nicolas d’Estienne d’Orves publie le roman de ce printemps 2025. Osez l’expérience… si vous pensez pouvoir en ressortir indemne.
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00:00On l'avait quitté avec une biographie de l'immense Arletty, on le retrouve avec une
00:10fresque romanesque sur les sept péchés capitaux dont le premier volume s'intitule, je l'ai
00:16entre les mains, l'île de l'orgueil et cet ouvrage est en vente sur tvl.fr dans notre
00:22boutique TVL et je suis très heureux d'accueillir Nicolas Destiendorf alias Néo.
00:27Monsieur Néo au lieu de Nicolas Destiendorf, c'est simplement pour gagner de la place
00:33sur la maquette de la couverture ? On peut dire ça comme ça, Néo en fait c'est
00:37mon acronyme, c'est mon surnom et c'est surtout une sorte de nouvelle identité pour
00:42un nouveau projet littéraire, un nouveau projet romanesque.
00:44J'ai écrit beaucoup de livres dans plein de genres différents sous mon nom qui est
00:49un nom historique très beau mais parfois un tout petit peu encombrant et là je veux
00:52disparaître derrière mon projet, je suis dans le romanesque pur, dans un univers complet
00:57et j'ai envie de m'estomper pour que ce soit vraiment le projet, le roman, les personnages
01:02qui priment.
01:03Alors on sait que c'est moi, je ne le cache pas mais comme Jacques Laurent signait certains
01:06livres difficile Saint-Laurent ou Frédéric d'Aresson-Antonio, j'aime bien cette espèce
01:10de dualité, de bicéphalité romanesque et littéraire qui est aussi un jeu de rôle
01:16et une pirouette mais pour moi c'est important.
01:18C'est pas la volonté de faire table rase, de reporter tout ce qu'on a fait précédemment
01:22aux oubliettes, pas à la poubelle mais aux oubliettes ?
01:25Non, il n'y a pas de table rase mais c'est autre chose, c'est une nouvelle voie, c'est
01:28une néo-voie, j'ai eu une vie qui a, bon je ne vais pas rentrer dans l'état mais
01:33qui a beaucoup changé ces derniers temps donc j'ai eu 50 ans, j'ai eu beaucoup de
01:36changements donc là il y a une espèce de, je ne renie rien de ce que j'ai fait, je
01:39suis très content et très fier de certains livres que j'ai fait, c'est juste cette
01:42autre chose, c'est pour cette série-là, je suis néo.
01:45Vous allez faire un livre sur Simone Signoret dans les prochains mois, est-ce que ce sera
01:50signé Néo ou Nicolas Destiador ?
01:52Nicolas Destiador, Néo, ce sont ces 7 péchés capitaux qui, si Dieu me prête vie et si
01:57mon éditeur me prête plume et à valoir, va durer jusqu'en 2031.
02:02L'île d'Orgueil inaugure donc une série, on vient de le dire, sur les 7 péchés capitaux,
02:06pourquoi avoir choisi de commencer par l'orgueil ? Est-ce que ce thème vous fascine particulièrement ?
02:11On dit que l'orgueil est le père de tous les péchés, on dit que tous les autres péchés
02:14découlent de l'orgueil, ça je ne suis pas théologien mais en fait j'avais écrit
02:19ce roman sans penser à faire une série et ce roman, il manquait quelque chose, j'avais
02:24envie d'aller plus loin, je me suis rendu compte que le thème majeur de l'intrigue
02:27était l'orgueil, je me suis dit non, je ne vais pas m'arrêter là, j'ai imaginé
02:316 autres intrigues dont j'ai rédigé les synopsis, j'ai entièrement retaillé celui-ci
02:36en fonction des intrigues à venir pour que ce soit connecté mais séparé et j'ai proposé
02:41l'ensemble à mon éditeur qui a dit, banco, ça ne s'est jamais fait, c'est original,
02:45on fonce, on y va.
02:46– Alors l'orgueil dans différentes facettes, pour vous l'orgueil, est-ce que c'est toujours
02:49un défaut qui peut même pousser à faire des mauvais choix, on va le voir dans le livre,
02:53ou est-ce que c'est surprenamment une force ?
02:55– Mais l'orgueil est une force et un défaut, on pourra dire que la vanité est un défaut,
02:58l'orgueil c'est une énergie, ce sont des choses qui montent de l'intérieur
03:02mais jusqu'à quel point, d'ailleurs c'est ce que j'étudie dans mon livre, à partir
03:07de quel moment est-ce que l'orgueil quitte, disons la galaxie de la qualité, quitte
03:13la galaxie de positif, pour verser dans le péché même si je ne fais pas de morale
03:19et donc mes personnages sont des écrivains et il n'y a pas plus d'orgueil,
03:22il n'y a pas plus d'hémiurgie qu'un écrivain et donc pour moi c'était évident
03:27si je parlais de l'orgueil, de raconter la vie d'un écrivain.
03:31– Et vous allez donner à un de vos personnages le droit à l'orgueil.
03:34– Absolument.
03:35– Ce roman est un roman à suspense, direz l'Académie française,
03:38quand elle était une bonne Académie française, aujourd'hui c'est un suspense,
03:42vous revendiquez une atmosphère à la croisée, alors j'ai noté
03:45de Daphné Dumouriez, Hitchcock et Roman Polanski,
03:49est-ce que ces trois termes vous conviennent ?
03:50– Absolument, c'est-à-dire que je suis, comme beaucoup de gens de ma génération,
03:54nourri aussi bien de lecture que de films, de livres que de souvenirs cinématographiques,
04:00j'ai écrit un livre sur le cinéma, vous en aviez très gentiment parlé sur ce plateau,
04:05et voilà j'ai été nourri par les films d'Hitchcock,
04:08par l'atmosphère des films d'Hitchcock et il y a quelques années
04:11j'ai découvert les romans de Daphné Dumouriez que je n'avais jamais lus,
04:13et j'ai été vraiment bluffé, notamment par un de ces romans qui s'appelle
04:17Le bouc émissaire, qui est une histoire de changement d'identité,
04:20ces deux personnages qu'ils rencontrent, qui se rendent compte qu'ils sont sosies
04:23et qui échangent leur identité, et je me suis dit,
04:26mais il faut que je fasse un livre sur ce même thème,
04:28et c'est comme ça qu'est née l'intrigue de ce roman précisément,
04:31et je ne pensais pas encore à l'époque faire un livre sur l'orgueil,
04:33et ensuite, vous savez comment ça se passe, on creuse, on réfléchit,
04:36et le livre se déplace, le livre évolue, et ça a donné ce roman.
04:39– On va parler de changement d'identité,
04:41l'écrivain raté Antoine Roqueneau n'a plus rien, il est ruiné, il est oublié,
04:45d'un autre côté, Marco Bergier est un écrivain star,
04:47et lui propose à Antoine Roqueneau l'impensable,
04:51changer de vie, ou plutôt changer sa vie,
04:53et cette question sous-jacente, jusqu'où peut-on aller pour voler un destin ?
05:00– C'est ça qui me passionnait, c'était de mettre face à face
05:04deux écrivains d'obédience totalement différentes,
05:06un écrivain totalement oublié qui a fait un livre,
05:09qui a fait un flop complet et qui ne s'en est jamais remis,
05:11et l'homme, l'écrivain le plus célèbre de son temps,
05:14qui est un écrivain qui est un peu à la Salinger ou à la Thomas Pynchon,
05:17ou même à la Kubrick pour parler d'un cinéaste,
05:19qu'on ne voit jamais, dont on ne connaît pas le visage,
05:22et qui publie une fois par an un livre qui est un sujet colossal
05:25et personne ne sait qui il est, où il vit,
05:27quelle est sa vie, à quoi il ressemble.
05:29Et tout à coup, cet écrivain, disons invisible,
05:33réussit à rentrer en contact avec cet écrivain visible
05:37et il décide d'échanger leur vie.
05:38Et pour moi, c'est une badromanette absolument jouissie et passionnante.
05:42– Vous me dites, Daphné Dumouriez,
05:44c'est l'idée d'échange d'identité entre deux écrivains,
05:47c'est là qu'est née cette idée-là.
05:49Mais est-ce que c'est pour vous une manière de poser aussi la question
05:51de l'authenticité dans le monde de l'édition ?
05:52Est-ce que ça, c'est aussi une question d'actualité ?
05:55Ou de toute actualité ?
05:56– Je ne suis peut-être pas allé jusque-là,
05:59c'est juste qu'en fait, il y a un univers que je connais bien,
06:01c'est l'édition, il y a une activité que je connais bien, c'est l'écriture.
06:05Et j'avais envie de parler un peu de mon métier, de ma vie, de mon quotidien,
06:08mais de façon purement romanesque, de façon purement imaginaire.
06:12J'ai écrit beaucoup de romans avant,
06:13qui sont des œuvres extrêmement denses avec beaucoup de recherches,
06:16beaucoup de documentations où je mets en scène des périodes historiques,
06:19des personnages réels.
06:20Là, je fais table rase de tout, si je puis dire.
06:23Je suis sans filet, on est dans le romanesque pur,
06:25comme chez Daphné Dumouriez, comme dans les films d'Hitchcock ou de Polanski,
06:28d'ailleurs, ce que je raconte.
06:29Donc, ce sont des personnages que je pousse jusqu'au bout,
06:32que je mets dans un sort de bouillon de culture
06:35et auquel j'impose ce thème de l'orgueil.
06:39Et c'est ça qui était très excitant,
06:42parce qu'il y a quoi de plus orgueilleux qu'un romancier ?
06:44Le romancier, il se lève le matin, il se plonge dans son roman
06:47et il a l'impression d'être Dieu le Père,
06:49Dieu le Père pendant quelques heures, quelques jours.
06:51Et en fait, je connais, je connais ce sentiment-là.
06:54Tout à coup, on se réveille, on éteint son ordinateur
06:56et là, on retombe dans le monde réel.
06:58Et là, on redevient juste un petit écrivain dans son coin.
07:01Et donc, pour moi, c'était passionnant d'explorer ce lubris,
07:06si je puis dire, des auteurs qui croient qu'ils peuvent piloter le monde
07:09parce qu'ils pilotent des personnages imaginaires.
07:11Et jusqu'à quel point, à quel moment est-ce qu'effectivement
07:13ces deux mondes rentrent en collision ?
07:15C'est tout le thème de ce livre.
07:16– Et pensez-vous que le succès en littérature
07:18repose davantage sur le talent ou sur l'image que l'on se fabrique ?
07:22Et j'ai pris un autre écrivain, je ne l'en dirai pas de mal,
07:25Amélie Nothomb, à la fois un talent avéré
07:27et puis aussi une image qu'on fabrique, un chapeau.
07:30– Oui, à la limite, tout est bon à prendre.
07:32En même temps, moi, depuis 25 ans, je porte des tenues un peu étranges.
07:35J'ai eu des tenues beaucoup plus colorées à une époque.
07:40On a le droit aussi d'avoir un look, comme on dit maintenant.
07:42Mais l'image, on est dans une période d'images.
07:46Jusqu'aux années 60-70, un écrivain, c'était un monsieur
07:49derrière sa machine à écrire ou son cahier
07:52qui envoyait son livre à l'éditeur et ensuite, le livre était publié, point barre.
07:56Il y avait quelques émissions à la télévision, c'est tout, ou de la radio.
07:59Arrive les années 70, arrive Bernard Pivot
08:01et l'écrivain devient un personnage visuel.
08:04Pivot a été énormément fait pour les livres et en même temps,
08:07il a créé l'écrivain bon client des médias, l'écrivain personnage.
08:11Sans lui, Patrick Modiano n'aurait pas eu, je pense, la renommée qu'il a
08:16parce qu'en tout à coup, on l'a découvert, le public l'a découvert,
08:18il a découvert cet homme qui parlait avec la langue des signes.
08:21Jean Dormeçon, Amélie Nothomb,
08:22tout ça sont devenus des personnages télévisuels.
08:24Tant mieux pour les livres, tant mieux pour leur auteur.
08:26Ensuite, un écrivain qui n'est pas un bon client dans les médias,
08:29et ça c'est un piège, parfois, effectivement,
08:32s'il n'a pas une œuvre suffisamment solide derrière, il perd les pédales.
08:37Donc, ça déplace un peu le curseur mais bon,
08:39je pense que les gens ne sont pas totalement,
08:41les lecteurs ne sont pas totalement idiots.
08:42Quand un livre est bon, il marche, quand un livre n'est pas bon,
08:45ce n'est pas uniquement parce que son auteur n'est pas bon à la télé
08:49que lui va marcher.
08:51– Changement d'identité entre Antoine Rocneau et Marco Bergier,
08:53changement d'identité entre Nicolas Destiendorf et Néo,
08:57à quel personnage du roman vous pourriez avoir les traits de Néo ?
09:03Est-ce que c'est Antoine ou est-ce que c'est Marc ?
09:04Vous répondez, je ne sais plus exactement quel personnage me représente,
09:07ici, en l'occurrence, l'un et l'autre pourraient être les deux parts de ma psyché.
09:11– De toute façon, un écrivain est forcément un peu schizophrène
09:14puisqu'il passe une partie de sa journée dans le monde réel
09:16et une partie dans le monde imaginaire.
09:18Donc, il y a un côté Janus et je suis forcément les deux personnages,
09:21voire l'ensemble des personnages du roman.
09:23C'est même le propre de cette histoire et cette mise en abîme permanente
09:27qui m'amuse beaucoup dans cette série,
09:28c'est que tout ça, c'est une histoire de romancier qui invente des personnages
09:32et qui perd, disons, la ligne de frontière entre le réel et l'imaginaire.
09:35Moi-même, je ne sais plus qui je suis et ce matin,
09:39j'étais encore chez moi en train de plonger à verrouiller la luxure
09:43qui est le suivant et en fait, je suis un peu de tous les personnages.
09:46Et donc, je suis dans la luxure en même temps,
09:48l'après-midi, je suis avec vous dans l'orgueil,
09:50moi-même, je me perds dans mes propres livres
09:51et c'est ça qui est grisant et de se dire
09:53que je vais pouvoir continuer comme ça pendant sept livres,
09:55voilà, c'est de là, il y a ce côté enthousiasmant de l'écrivain
09:59qui sait qu'il a un monde à portée de main,
10:01à portée de plume, à portée de clavier
10:03et c'est un des plus beaux métiers qui soit.
10:06– Sans dévoiler l'intrigue de ce roman, c'est un thriller,
10:09il y a donc peu de possibilités de l'évoquer sans le défleurer.
10:14Donc, on va rester sur des éléments importants du livre,
10:17du roman psychologique, j'ai noté moi l'ambiance
10:20et puis le choix du fantastique.
10:22Alors, l'ambiance, avec deux considérations essentielles,
10:25l'histoire, huis clos, se déroule sur une île
10:28et dans le décor très fort de la Bretagne.
10:31Et ma question est tout de suite, pourquoi ces choix
10:33et notamment celui de l'isolement insulaire ?
10:36– D'abord parce que j'ai un tropismilien,
10:37depuis toujours je passe mes étés dans une île
10:39qui n'a rien à voir avec ça, qui est à la frontière canadienne,
10:41une île lacustre, mais pour moi l'île c'est le décor romanesque parfait,
10:46c'est-à-dire que d'abord tous les éléments sont réunis
10:49et de façon concentrée, il y a la terre, il y a l'eau, il y a l'air,
10:52il y a le feu s'il y a des problèmes d'incendie
10:54ou s'il y a des problèmes d'électricité,
10:56donc c'est quelque chose, déjà ça implique une sorte
10:58de situation dramatique à la base.
11:02Et ensuite, l'idée de la Bretagne, parce que ça parle aux gens,
11:08j'aime le décor, j'aime que les gens soient des émanations des lieux
11:12et qu'effectivement que les lieux imprègnent les personnages
11:16à tel point qu'ils en deviennent le reflet.
11:19Et c'est cette tradition du roman dit d'atmosphère
11:22qu'on voit dans les livres de Daphné du Maurier
11:24ou du roman à suspense, très récemment Gallimard vient de rééditer
11:27les livres de Boulogne-Arseniat qui pour moi aussi sont des références,
11:29c'est-à-dire cette tradition du roman à suspense, du roman mystère
11:34mais bien écrit avec des vrais personnages et avec une exigence littéraire,
11:38ce n'est pas parce qu'on écrit, disons, de divertissement
11:42que ça doit être relâché, amusé avec exigence,
11:49pour moi c'est ma ligne de conduite.
11:50– Et la Bretagne ?
11:52– Et la Bretagne parce que, en plus je ne suis pas particulièrement breton
11:57mais j'aime ces paysages-là parce que c'est une partie de la France
12:00qui me fait rêver parce que c'est une partie très préservée,
12:03c'est des climats très contrastés, c'est des paysages violents,
12:09il y a un côté un peu wagnerien, un côté un peu lyrique dans ce genre de paysages,
12:13c'est juste que ça m'inspire, comme les îles anglo-normandes m'ont inspiré,
12:16comme les îles même de l'Europe du Nord m'ont inspiré,
12:19c'est la confrontation entre les éléments qui pour moi
12:22est une inspiration romanesque immédiate.
12:25– Et le choix du fantastique, bien sûr, alors ça ce n'est pas une nouveauté
12:28pour ceux qui connaissent votre œuvre, mais ce roman flirte là aussi,
12:31lui, avec le fantastique à travers la présence d'un enfant noyé,
12:34ce fantôme est-il une métaphore de la culpabilité des personnages,
12:38ou faut-il y voir un véritable élément surnaturel ?
12:43– Ce que j'aime c'est ne pas répondre à votre question,
12:46tout est dans le mystère, je joue sur la frontière entre le réel et l'imaginaire,
12:54entre le fantasme et la réalité, entre le vrai et le faux,
12:57c'est-à-dire que ces gens une fois qu'ils sont dans cette île
12:59sont dans un monde parallèle, les frontières sont floues,
13:04et ce n'est pas un roman fantastique, mais c'est une sorte de réalisme poétique,
13:09on est toujours à la lisière des genres, comme ce livre est lui-même
13:12à la lisière de la littérature traditionnelle et de la littérature de genre,
13:16je n'aime pas que les frontières soient marquées,
13:18je veux qu'on soit dans une sorte de flou, on est dans le romanesque,
13:21on est dans l'imaginaire, on est dans la promenade littéraire.
13:25– Est-ce que l'affliction permet de mieux connaître,
13:27comprendre le monde, ou au contraire s'en détacher ?
13:31– Les deux, c'est le vieux principe de la fable,
13:34c'est-à-dire que quand on vous démontre une théorie de façon abstraite,
13:38on est perdu, mais dès l'instant qu'on vous l'explique
13:40par l'exemple et par l'imaginaire, ça parle,
13:43La Fontaine a été le premier à nous expliquer le monde,
13:46juste en nous racontant des animaux qui se parlent,
13:48ou plus récemment Marcel Aimé, les contes du chat perché,
13:52qui expliquent plus aux enfants que tous les logarithmes froids
13:57qu'on pourrait leur imposer.
13:58– Bonne nouvelle, après ce roman, il y en aura donc six autres,
14:017 péchés capitaux moins un, 6, le luxure, la gourmandise,
14:05l'avarice, la paresse, l'envie, et puis enfin la colère.
14:08Et vous indiquez que ces sept romans n'ont pas besoin d'être lus
14:11dans un ordre précis, tous se répondent, se font écho,
14:14suivent parfois les mêmes personnages,
14:16ce sont les sept portes d'une même maison.
14:19Comment on s'y prend pour aboutir à cela ?
14:21– C'est-à-dire, on s'y prend en amont, ils ne sont pas tous écrits,
14:24j'en ai écrit environ deux et demi, si je puis dire, voire presque trois,
14:27il m'en reste encore quatre à faire, et c'est sur pas mal d'années.
14:31C'est-à-dire que j'avais écrit le premier, comme vous le savez,
14:33comme je vous l'ai dit, et ensuite j'ai dû tout repenser
14:36en fonction des six histoires que j'ai imaginées.
14:38Donc j'ai les synopsis, pour parler très techniquement,
14:41j'ai les synopsis de toutes les histoires,
14:43avec des personnages récurrents plus ou moins,
14:46c'est-à-dire que le personnage principal de l'un,
14:48on le voit passer de façon fugitive dans un autre,
14:50puis dans un troisième, il peut y avoir une scène de l'un
14:54qu'on voit sous un autre angle dans un roman suivant.
14:56C'est absolument grisant, ça implique beaucoup d'organisation,
14:59pas mal de post-it posés sur les murs, des cartes, des arbres généalogiques.
15:05– On ne peut pas ça sur l'ordinateur, c'est sur un mur.
15:07– Non, j'écris sur l'ordinateur, mais c'est bien d'avoir visuellement
15:10les choses pour, voilà, comme dans le film Usual Suspect,
15:13où il faut qu'ils aient tous les petits post-it pour ne pas se perdre,
15:16et puis c'est important, oui, mais c'est…
15:19et voilà, je bosse un peu comme un flic aussi,
15:22c'est-à-dire que je fais l'enquête sur mes propres personnages,
15:25et tout à coup, je me rends compte qu'en évoluant dans l'intrigue de l'un
15:30qui manque un élément dans l'autre, donc je repars en arrière,
15:32alors sur celui-là, j'espère que tout va bien
15:34parce que là, je ne peux pas revenir dessus,
15:36mais voilà, il faut que tous ces livres soient interdépendants
15:39tout en étant indépendants, c'est-à-dire qu'ils se répondent,
15:43mais ils sont connectés, mais il n'y a pas de suite chronologique,
15:47il faut qu'on puisse les prendre dans tous les sens,
15:49et que même les combinaisons impliquent un ressenti littéraire différent.
15:54– Et si je vous dis, Néo, est-ce que vous savez comment se termine
15:57le septième ouvrage consacré à la colère ?
15:59Est-ce que vous savez ? Ou pas ?
16:02– J'ai toutes mes histoires, le début, le milieu, la fin,
16:04j'ai des synopsis qui font 6 ou 7 pages,
16:07alors ça avait évolué un peu, mais globalement je vais rester là,
16:09maintenant il faut les rédiger, il faut les écrire, il faut les nourrir,
16:12c'est-à-dire que j'ai un début de squelette,
16:15il faut avoir l'être humain parfait à la fin,
16:18mais c'est très excitant,
16:20d'aucuns pensent que c'est une prison pour les livres à venir,
16:23au contraire, il y a une liberté extraordinaire,
16:25se lever le matin, je retrouve mes personnages,
16:27maintenant on va de tel côté du globe,
16:29enfin tout se passe globalement plutôt en France,
16:32et j'invente une géographie parallèle,
16:34j'invente un village un peu d'origine
16:37dont on se rend compte qu'ils viennent tous,
16:39enfin c'est très très amusant.
16:42– Marc Auberger, votre héros, un de vos deux héros,
16:45dans le roman, publie un livre, lui, chaque année,
16:48mais alors il en a déjà rédigé 7 à l'avance,
16:51pourquoi ?
16:52Alors, ma question elle est simple,
16:53est-ce que ce roman de 7 fresques des péchés capitaux
16:56est-il déjà totalement écrit ?
16:58Vous me dites que non,
16:59mais est-ce que c'est déjà totalement écrit
17:02et finalement vous l'auriez caché dans un coffre,
17:04caché dans une maison, caché dans une île ?
17:06– Ça m'arrangerait, mais ce n'est pas le cas.
17:08– Dans le Canada ?
17:09– Ce n'est pas encore le cas, non,
17:11je vous ai dit, il y en a un qui a été publié,
17:14il y en a deux qui sont plus ou moins écrits,
17:16les autres j'ai les synopsis,
17:18mais je m'ennuierais si tout n'était pas…
17:21– Parce que le mélange du vrai et du faux m'amène à douter de tout.
17:25– De toute façon, il y a une mise en abyme permanente
17:27entre le thème du livre, le sujet du livre et ma vie à moi,
17:31et les personnages, et ce que je vis moi,
17:33et au bout d'un moment peut-être que je vais passer dans un monde réel
17:35et c'est un fantôme, c'est un alias qui viendra vous voir
17:37pour le prochain livre si gentiment vous m'invitez.
17:39– C'est ce que Néo dit dans tous les entretiens qu'il a,
17:42il dit, je vais en faire un par an,
17:44mais par contre votre éditeur, lui,
17:45j'ai l'impression qu'il va beaucoup plus vite que ça,
17:47parce qu'il annonce déjà la suite, le deuxième tome,
17:51consacré, on l'a dit, à la luxure, et alors, je lis bien,
17:53apparaître prochainement, alors le prochainement c'est quand même
17:56à l'hiver 2026, le prochainement c'est un prochain moment lointain, non ?
18:00– Oui mais dans un an, ça va vite, vous savez bien que le temps passe vite,
18:02que tout file, moi j'ai mes enfants qui grandissent, c'est effrayant,
18:06donc en fait ça va venir très vite,
18:07entre temps je fais un livre sur Simone Signoret comme vous l'avez dit,
18:10j'ai différents autres projets, mais là ça va être ma colonne vertébrale
18:14pour les années à venir, et si tout à coup mon éditeur me dit
18:16allez, on avance la cadence, on accélère, je peux le faire,
18:19je serai sur les rotules mais je peux y arriver.
18:21– Je crois que les lecteurs vous demanderont de le faire,
18:22ça j'en suis sûr, je suis sûr.
18:25Retour sur le choix du pseudonyme Néo, un jeu sur l'anonymat et l'identité,
18:31ce choix de pseudonyme reflète-t-il une mise en abîme du thème de l'usurpation
18:36ou comme dans le roman, de la transition, de la permutation,
18:40ce sont deux termes qui sont dans l'ouvrage.
18:42– Les deux, je veux dire, je suis l'un et je suis l'autre,
18:45je suis l'un et je suis l'autre, en fait, là vous pointez quelque chose
18:50de laquelle je n'avais pas pensé forcément et ce qui est amusant
18:52c'est de voir à quel point la mise en abîme se met en marche,
18:55se révèle au fur et à mesure que le livre découvre des lecteurs,
18:58rencontre des lecteurs, et c'est la preuve qu'un livre
19:01est une matière vivante et organique et c'est très très excitant,
19:03j'ai vraiment l'impression d'avoir accouché d'un enfant,
19:05et c'est ça qui est merveilleux quand on fait ce métier-là,
19:08ça nous sort de notre tête et tout à coup ça devient vivant,
19:14je vais être Néo pour cette série-là et peut-être que je vais avoir envie
19:18de faire une autre série, mais voilà, Néo c'est mon identité de,
19:23j'allais dire de feuilletonniste, mais ce ne sont pas des feuilletons,
19:25et c'est une série au sens noble et littéraire du terme,
19:29sans vouloir me mettre dans cette même galaxie,
19:33ce principe de livre interconnecté c'est le principe d'une comédie humaine,
19:36c'est le principe d'Hérogon Maca, bien entendu je ne vais pas là,
19:39mais ce n'est pas juste comme le Juifferrand ou les Mystères de Paris,
19:45une histoire qui se suit, c'est un univers cohérent, enfin j'espère.
19:52– Votre roman est accueilli par la critique littéraire
19:54avec beaucoup de bienveillance, même avec beaucoup de sympathie,
19:58vos propos sont très aimables, notamment comme l'a fait dernièrement,
20:04je crois, Tatiana de René dans les colonnes du Parisien,
20:07c'est pour vous un motif d'orgueil ?
20:08– Évidemment, si je n'étais pas orgueilleux, je n'écrirais pas de livre,
20:11je n'écrirais pas un livre sur ce sujet,
20:12je veux dire, l'orgueil c'est un moteur,
20:14c'est ce qui me fait lever le matin, en même temps,
20:17c'est un métier de grand orgueil et d'immense humilité de faire ça,
20:21c'est-à-dire que là je suis en train d'écrire mon livre,
20:26je suis tout plein de mes personnages et de mon univers,
20:28le livre sort, je vais dans un salon du Juif dans une ville française,
20:31je suis derrière une table à tréteaux, je vends 4 livres en 2 jours,
20:34et là tout à coup ça recadre, et c'est très sain,
20:37et en fait la vie d'un écrivain c'est passer de l'un à l'autre,
20:40contrairement à mon personnage de Marco Bergé qui lui,
20:42vit dans sa tour d'ivoire, ne connaît pas ses lecteurs,
20:44moi je vais à la rencontre de mes lecteurs,
20:46et même si il y en a deux, même si il y en a un,
20:48au moins, voilà, j'ai un contact,
20:49et là je suis en contact avec ce monde qu'on dirait…
20:52– Nicolas Destiendorf ne se plaint pas, il a son public, il a ses lecteurs.
20:56– Oui, je ne me plains pas, mais vous savez…
20:57– Il a un nom, tellement un nom qu'il se permet de le supprimer
21:01pour continuer à vendre ses bouquins.
21:03– Absolument, c'est-à-dire… – C'est l'orgueil.
21:04– Oui, une fois de plus, tout ça est une histoire d'orgueil,
21:07mais voilà, vous savez, tout à coup,
21:10on est très, disons, sensible quand on fait ce métier-là,
21:14on est aussi à fleur de peau,
21:16et quand tout à coup on se rend compte de l'immensité du choix de livre,
21:21et tout à coup on se retrouve noyé au milieu de la masse
21:26de nos propres contemporains littéraires,
21:29ça c'est aussi une école d'humilité, vraiment,
21:31et tant mieux parce que ça recadre constamment.
21:34– Et l'école d'humilité, si Netflix vient vous voir en disant
21:37« Néo, ça c'est le premier épisode d'une série qui en aura 7 » ?
21:41– Ah ben, mon orgueil se portera très bien, et…
21:44– Mais ça c'est quand même fait pour.
21:46– Ben, j'aimerais bien, je veux dire…
21:48– Je ne parle pas de la qualité de Netflix,
21:49mais de l'idée de faire un feuilleton.
21:51– Ça pourrait faire un feuilleton,
21:53ça pourrait faire des films unitaires, comme on dit maintenant.
21:55– Ça peut être sur Arte, je n'avais pas de choix précis à vous proposer.
21:59– Mais ce serait, moi j'aimerais beaucoup que ce soit adapté,
22:02c'est des livres qui sont faciles,
22:04en tout cas celui-ci, c'est des intrigues ramassées,
22:06c'est du huis clos, c'est très visuel, je l'ai vu,
22:08moi quand j'écris un roman, je le vois, et cela particulièrement.
22:12Donc voilà, je vois l'écran, je vois les images,
22:15je vois le découpage, mais je ne suis pas cinéaste,
22:17je rêvais de faire ça quand j'étais enfant,
22:19et finalement je suis devenu romancier, peut-être par dépit,
22:21et jamais je me suis senti aussi libre qu'en écrivant des romans,
22:24donc j'adorerais que ça devienne des films bien entendu,
22:27et mon orgueil s'en porterait très bien, pas que mon orgueil.
22:30– Merci beaucoup Nicolas Descendors, merci Néo d'être venu,
22:33et puis donc vous vous êtes invité pour 6 autres entretiens
22:37dans les 6 années à venir.
22:38– Avec plaisir, gageons.
22:40– Avec moi ou d'autres, on verra.
22:41Merci à vous.
22:42– A bientôt.
22:43– Merci.