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00:00Faut-il ouvrir au public les cahiers de doléances ?
00:03Souvenez-vous, ils étaient issus de la consultation citoyenne lancée par Emmanuel Macron du 15 janvier au 15 mars 2019.
00:09C'est en réponse aux manifestations des Gilets jaunes.
00:11La demande, elle émane de l'Assemblée Nationale, demande adoptée à l'unanimité par la France Insoumise et le Rassemblement National,
00:17en passant par les députés macronistes.
00:19Philippe Aretz, l'ancien directeur du Conseil de Développement du Pays Basque et qui est aujourd'hui consultant,
00:23s'est penché sur ces cahiers de doléances du Pays Basque pour le Césaire, c'est le Conseil économique, social et environnemental.
00:29De Nouvelle-Aquitaine, et il est votre invité Yves Tussaud.
00:31Bonjour Philippe Aretz.
00:33Égonol, bonjour.
00:33Qui s'exprime dans ces cahiers de doléances ?
00:36Est-ce qu'on est sur la caricature de personnes d'extrême droite ou d'extrême gauche qui veulent tout casser, tout remettre en cause ?
00:42Pour moi on n'est exactement pas dans la caricature et au contraire, on est dans une expression très simple
00:48d'habitants qui vivent sur le territoire, dans des communes très différentes
00:51et qui ont eu enfin un espace d'expression car sans doute ils ne sont pas écoutés par ailleurs.
00:57C'est un espace dont ils avaient besoin, c'est un espace qui était réclamé, attendu.
01:01En tout cas, qui correspond à un besoin profond.
01:04Moi j'étais très touché en ouvrant les cahiers de doléances quand je suis allé aux archives de peau
01:08parce que déjà on ouvre des cahiers qui sont comme des cahiers scolaires, Clairefontaine,
01:12qui ont été ouverts par la secrétaire de mairie très simplement et les gens l'écrivent comme ça, à la main.
01:18La plupart des contributions sont à la main, avec des mots très personnels,
01:23des expressions, des exemples, des illustrations et en fait c'est l'expression d'une vie réelle vécue par beaucoup de gens.
01:31Et de quoi parlent-ils ces cahiers de doléances ? Du quotidien, du pouvoir d'achat, de la mobilité ?
01:38Pour moi, ils parlent de plusieurs choses.
01:40En première couche, comme ça apparente, ils parlent effectivement de questions assez classiques,
01:45ici comme ailleurs, de pouvoir d'achat, d'injustice fiscale et sociale, qui est quand même le thème central.
01:51Un sentiment que le système français est de moins en moins juste fiscalement et socialement,
01:56donc on parle de revenus, de retraites, de personnes qui ont des problèmes particuliers comme les veuves, les personnes seules,
02:04des situations concrètes comme ça.
02:06D'ailleurs, en fond, pour moi, on parle d'une problématique de ce rapport à ce système qui a changé
02:13et qui les met de plus en plus à l'écart de comment ils fonctionnent.
02:16Le sentiment d'être loin du pouvoir, de ce qui se décide et de qui décide ?
02:21Loin de ceux qui savent, je dirais, fonctionner avec ce système-là, des arcanes en fait.
02:27Donc finalement, il y a derrière, on sent un peu un rejet du système, de ceux qui sont les élites.
02:33Mais finalement, on est tous des élites ici autour de la table.
02:36Il y a des personnes qui ont le capital culturel pour se débrouiller avec les institutions, avec les acteurs différents
02:42et trouver sa place.
02:44Et ils ne trouvent pas leur place dans ce système-là.
02:46Parce qu'il y a peut-être la fracture numérique, parce qu'il y a un certain éloignement
02:51et parce qu'ils ont l'impression que tout arrive d'en haut,
02:54que des sachants leur disent comment ils vont vivre, ce qu'ils vont gagner, ce qu'ils peuvent faire, ce qu'ils ne peuvent pas faire ?
02:59Il y a ça, mais moi je sens une société de plus en plus technique, numérique, qui distance des rapports.
03:06Et comme ce sont des personnes qui ont besoin de liens, de trouver leur place en tant que femmes et hommes,
03:12ce lien est très distancié par ce numérique, ces démarches très distanciées,
03:16des services publics locaux qui disparaissent, certains services publics.
03:20Et du coup, ça crée une société très technique.
03:23Ici P.I. Basquilay, 8h20, nous discutons ce matin avec Philippe Aretz,
03:27qui est consultant, qui a pu regarder les cahiers d'oléance lancés par Emmanuel Macron.
03:31Pour maintenant le contexte, c'était en 2019, donc c'était avant l'Ukraine,
03:34c'était aussi avant la crise du Covid par exemple.
03:36C'était juste après les gilets jaunes. Dans une chronique que vous publiez chez nos confrères de Média Basque,
03:40il y a quelques jours, vous avez écrit en fin de chronique, en résumé,
03:44j'ouvre les guillemets, depuis 40 ans, ils ont écrit une histoire sans nous, le peuple.
03:49Ça résume l'état d'esprit ?
03:52Oui, ça résume le décrochage.
03:54Donc j'essaie dans ces deux chroniques publiées dans Média Basque,
03:57de prendre des extraits, j'ai pris 5 contributions que j'ai trouvées,
04:02à pot, puisqu'il y a toute une partie qui n'est pas accessible pour des raisons de droits d'auteur,
04:06enfin de droits de personnes.
04:08Je les ai écrites à la main, je les ai ramenées à la maison,
04:11et j'ai voulu que ces mots soient entendus.
04:14C'est pour ça que j'ai voulu les mettre dans ces chroniques.
04:16Effectivement, ce que vous dites Yves, à l'instant, ça s'est fait sans nous.
04:20Il y a ce sentiment que ce système social, je dirais le pacte social français, classique,
04:24où on avait un système de redistribution, de retrouver des solidarités entre les personnes,
04:29mais il a été détricoté au fur et à mesure, il a été privatisé en partie,
04:33et du coup ce système qui faisait encore le lien, il ne fait plus le lien aujourd'hui.
04:38Et ces gens qui se sentent peu écoutés, pas forcément pris en compte,
04:42ils peuvent avoir l'impression d'une double brimade, entre guillemets,
04:47parce que ces cahiers de doléances, pour l'instant, ils n'ont servi à rien,
04:51ils n'ont inspiré personne, ils n'ont amené quasiment aucune réponse.
04:55En fait, ça montre aussi l'incapacité de la société française
04:59à trouver des espaces démocratiques d'écoute réelle,
05:03et de savoir faire aussi, de savoir après, utiliser cette écoute-là
05:09en proposition et en travail collectif, ce qu'on ne sait pas faire.
05:12En fait, on a une sorte d'immaturité collective dans le système démocratique.
05:17Parce qu'on n'a pas la réponse ? Parce qu'on n'est pas capable d'apporter une réponse
05:21à ces préoccupations du quotidien ?
05:23Juste parce qu'on ne sait pas écouter ?
05:25Oui, parce que quand on n'est pas écouté, on se sent rejeté,
05:28et on finit par rejeter l'autre.
05:30Et est-ce que les gens dans ces cahiers de doléances proposent des solutions, des fois ?
05:33Pour moi, il y a des solutions très pragmatiques.
05:35Contrairement à ce qu'on dit, il y a très peu de propos réactionnaires
05:39anti-services publics, anti-immigrants, etc.
05:42Ils sont super minoritaires.
05:44C'est des gens qui estiment qu'une partie de l'argent public est très mal géré.
05:47Il y a des surpostes par endroits, beaucoup d'avantages auprès des élus, des décideurs.
05:52Et en même temps, qui font la part des choses, par exemple,
05:55entre l'économie, la grosse économie, les grosses entreprises, les grosses fortunes,
05:58qu'il faudrait beaucoup plus taxer,
06:00mais qui ont conscience que l'économie locale, ce sont des petits artisans,
06:03des petites entreprises, et qu'il ne faut pas taxer forcément.
06:05Donc ils ont conscience qu'il y a deux systèmes,
06:07et que leur système local, en fait,
06:09il fonctionne par ce tissu économique et social local qui est important.
06:13Globalement, il y a une demande de justice.
06:15Sociale, fiscale, économique.
06:17Exactement.
06:18Et je dirais, et d'écoute, pour moi c'est ce qu'il y a en fond derrière,
06:21et je dirais de traduire ce système,
06:24de rendre ce système beaucoup plus accessible,
06:27pour le comprendre et faire avec, et trouver sa place.
06:30Merci Philippe Aretz de nous avoir rejoint ce matin dans les studios d'ici Pays Basque.
06:35Bonne journée.
06:36Je précise que vous tenez un blog, et Yves Lévoquet,
06:38on peut aussi trouver vos chroniques sur ces cahiers de doléances
06:42qui sont disponibles sur les supports de nos confrères de Médias Basque.
06:45Bonne journée.

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