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00:00Merci de nous réveiller avec nous, matinée spéciale narcotrafic et addiction au Pays Basque
00:04sur votre radio ICI Pays Basque et votre invité, Yves Tussaud, ce matin, c'est Evelyne Bidart,
00:08l'infirmière, thérapeute familiale aussi à BCIA, un centre de soins en addictologie au Pays Basque.
00:13Evelyne Bidart, bonjour.
00:14Bonjour.
00:14Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:16Vous faites partie d'une équipe pluridisciplinaire qui est spécialisée dans la prévention
00:21et dans la réduction des dommages liés à l'usage de la drogue.
00:24Ce qui ressort de cette journée « drogue » sur ICI Pays Basque,
00:28c'est la place que semble prendre la cocaïne dans le paysage de la Côte Basque
00:34et même en Pays Basque intérieur.
00:36Est-ce que c'est quelque chose que vous notez également dans le cadre de vos activités à BCIA ?
00:41Oui, la demande de soins pour une addiction à la cocaïne a augmenté effectivement ces dernières années.
00:49Parallèlement, on sait que les expérimentations et les usages ont doublé, je crois,
00:53depuis 2017 en France au niveau national.
00:57La cocaïne, elle touche tous les milieux ?
01:00Oui.
01:01Parce qu'on entend beaucoup parler des sportifs et du monde de la nuit ?
01:04Non, pas que. C'est toute catégorie sociale, toute profession.
01:11Et on sait pourquoi la cocaïne ?
01:14Pourquoi la cocaïne ?
01:15Pourquoi c'est la cocaïne qui est en train de prendre le dessus en ce moment ?
01:17Alors, parce que pour des questions de prix, en tout cas,
01:24la production a explosé et donc ça a fait aussi baisser les prix.
01:27Et après aussi, au niveau des représentations des gens,
01:30c'est moins diabolisé que ça l'a été à une époque.
01:34C'est une drogue que l'on qualifie de drogue festive,
01:37qui se consomme dans le cadre de soirées ?
01:40L'usage au début est effectivement festif, c'est un usage récréatif
01:45et qui après va parfois, dans certains cas, pouvoir donner lieu à une perte de contrôle.
01:50Mais oui, initialement, c'est un usage récréatif, une recherche du plaisir.
01:54Les personnes qui frappent à votre porte,
01:56elles ont conscience d'être devenues dépendantes à la drogue, à la cocaïne ?
02:00Oui, quand elles arrivent chez nous, c'est qu'en général,
02:02déjà, elles font une démarche de soin.
02:04En tout cas, vous disiez qu'on faisait de la prévention,
02:05mais on fait et de la prévention et du soin.
02:07Donc, on a des gens qui viennent, qui ne souhaitent pas modifier leur consommation,
02:10qui viennent chercher du matériel et des informations
02:13pour pouvoir consommer à moindre risque.
02:14Et on a une autre partie des personnes qui viennent vraiment avec une demande de soin
02:18et qui donc ont bien identifié qu'elles n'arrivaient pas à reprendre le contrôle elles-mêmes
02:21et qui vont demander un accompagnement pour être aidées dans ça.
02:24Justement, comment est-ce qu'on peut savoir comprendre
02:27qu'on est addict ou qu'on est proche d'être addict à la drogue ?
02:29Alors, ça va se caractériser par deux choses.
02:33C'est le craving et la perte de contrôle.
02:36Le craving, c'est l'envie irrépressible de consommer.
02:39Nous, ça va être notre cible thérapeutique après qu'on va accompagner les patients.
02:42Et donc, c'est cette envie-là qui est envahissante,
02:44cette envie de quelque chose dont on ne voudrait pas avoir envie, en fait.
02:47Et ce, malgré l'apparition d'hommages.
02:49C'est-à-dire que j'ai un usage, ça a des conséquences négatives.
02:53Pour moi, j'identifie le lien entre ces conséquences négatives et mon usage.
02:57Et malgré tout, je n'arrive pas à moduler mon usage, en fait.
02:59Je n'arrive pas à réduire ou à arrêter cet usage.
03:02Justement, je vous propose d'écouter Yulen.
03:04Il nous raconte sa descente aux enfers.
03:06Petit à petit, ça commence à prendre le dessus sur un petit peu tout.
03:09Les fréquences ont augmenté, les quantités ont augmenté.
03:12Je consommais tous les jours, au début, un grain de cocaïne en forme de base.
03:16Et puis, ça a été le début de l'enfer.
03:17L'addiction est telle qu'en fait, on ne pense plus qu'à ça.
03:19Je passais, après, en un an, de 1 gramme à 3 grammes.
03:22Et en deux ans, jusqu'à 5 grammes par jour.
03:23J'ai longuement la famille, arrêté du travail.
03:25Jusqu'à perdre la totalité de vos ressources, de vos revenus, de votre épargne.
03:29J'ai même presque fini à la rue.
03:30Je faisais les poubelles pour manger.
03:32J'étais quand même patron, j'avais une affaire.
03:34J'avais aussi une famille.
03:35J'en suis arrivé, donc, à tout perdre.
03:37A dépenser 27 ans de travail en deux ans.
03:40Il y a un constat impitoyable sur sa propre personne.
03:42Malgré la consommation, on a honte de nous.
03:44On voit la famille autour qui s'éloigne et qui est désespérée.
03:47La douleur qu'on inflige aux gens proches.
03:50Le témoignage de Julen, que Bichente Vregnon a croisé hier,
03:54sa voix a été modifiée.
03:56Je crois qu'il résume parfaitement la situation de quelqu'un
03:59qui tombe dans la drogue et dans l'enfer de la cocaïne.
04:01Oui, et la complexité et la manière dont ça va atteindre tous les champs
04:06de la vie de la personne, au niveau social, familial, professionnel.
04:10Et comment les dommages vont se cumuler sur tous ces aspects.
04:13C'est aussi pour ça que, en que ça part,
04:15on va proposer une prise en charge pluridisciplinaire
04:18pour justement pouvoir répondre à ces différentes problématiques.
04:20À la problématique sociale, à la problématique psychiatrique,
04:23psychologique, à l'accueil de l'entourage, et voilà.
04:28Ici Pays Basque, il est 8h20.
04:29Notre invité ce matin, Evelyne Bidart, infirmière, thérapeute familiale,
04:32à BCIA, un centre de soins en addictologie du Pays Basque.
04:35Alors, les conséquences sont multiples, vous l'avez dit,
04:37équipe pluridisciplinaire.
04:39Mais comment est-ce qu'on arrive à tenir le patient
04:42et à l'amener vers la fin de la consommation de drogue ?
04:45Parce que ça doit être un long parcours, quand même.
04:47Alors oui, c'est un long parcours.
04:49Alors, on va travailler avec lui sur ce qui va...
04:55En fait, quels sont les dommages les plus importants pour lui ?
04:58C'est là-dessus que sa motivation va pouvoir s'ancrer.
05:00Et qu'on va pouvoir donc l'accompagner à identifier
05:06dans quelle situation il y a des envies de consommer.
05:08Et face à ces envies, à pouvoir mettre des stratégies en place
05:11pour ne pas consommer, pour gérer justement ce craving.
05:16Voilà.
05:18C'est un moment qui doit être terrible.
05:20Quand l'envie monte et qu'elle devient pressante
05:23et qu'elle devient très envahissante,
05:25c'est un moment qui est particulièrement critique.
05:27Et qui est très angoissant pour la personne.
05:28Elle a l'impression qu'elle va être totalement submergée.
05:31Mais c'est là aussi qu'il y a un travail de psychoadductant.
05:32On s'est lui expliqué que le craving, c'est normal.
05:36On peut s'attendre raisonnablement à ce qu'il arrive.
05:38Il va venir, mais qu'est-ce qu'on va pouvoir en faire, en fait ?
05:41Comment il va pouvoir se saisir de ça ?
05:44Et on parle de surfer la vague un peu, en fait.
05:46Ça va monter, il va y avoir un pic,
05:48et après ça va pouvoir le laisser tranquille.
05:50Et le fait de traverser ces vagues petit à petit
05:52va lui faire prendre confiance dans sa capacité à gérer
05:55et va mettre en place un cercle là plutôt vertueux de
05:58je peux reprendre la maîtrise,
06:00je retrouve un sentiment d'efficacité personnelle,
06:02une estime de moi-même et une capacité à agir.
06:05Voilà.
06:06Mais parallèlement, il y a tout un univers qui peut s'écrouler.
06:09C'est ce que nous disait Yulène,
06:10il y a l'univers personnel, la famille,
06:12il y a l'univers professionnel.
06:14Ça, ça doit être géré également dans le même temps.
06:16Et oui, c'est pour ça qu'il y a les travailleurs sociaux.
06:20Là, c'est un accompagnement.
06:22Alors Yulène, il est arrivé aussi tard dans son parcours.
06:25Parfois, il y a des patients qui viennent aussi
06:28sans que tous ces dommages-là se soient accumulés.
06:31Mais effectivement, il y a cette complexité
06:36et cet ensemble de choses à prendre en charge.
06:38Et parfois, on ne s'en sort pas de la drogue ?
06:41Alors, nous, tant qu'on continue à voir les gens...
06:47Il faut avoir en tête que c'est une maladie chronique,
06:48et qu'il va y avoir des périodes de rémission
06:50et qu'il peut y avoir des rechutes.
06:52Et toute la stratégie, ça va être de faire la prévention de la rechute aussi.
06:54Parce qu'arrêter, tout le monde peut arrêter,
06:56une heure, une nuit, dix jours,
06:58mais c'est comment je mène ma vie,
06:59comment je peux vivre de manière satisfaisante
07:02sans rechuter, sans que ça vienne tout envahir.
07:06Mais la rechute n'est pas, entre guillemets, catastrophique ?
07:08Elle ne remet pas en cause le processus ?
07:10Tout l'objet de la prise en charge, ça va être de faire que,
07:12si il y a une rechute, elle soit la moins intense
07:14et la plus courte possible, et la moins dommageable.
07:17Merci Evelyne Bidart d'avoir accepté notre invitation
07:20et de nous avoir rejoint ce matin dans les studios de ICI Pays Basque.
07:23Bonne journée à vous.
07:23Merci à vous.

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