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🇩🇿 Rediff - "J'étais né pour écrire, pas pour être soldat."
L'attentat de Sidi Ali, son départ de l'armée algérienne… Yasmina Khadra raconte les 4 moments qui ont marqué sa vie.
Transcription
00:00Ma chance, mon vrai chef-d'œuvre, ma vraie réussite dans la vie,
00:05ce n'est pas d'avoir écrit l'attentat ou les hirondelles de Kabou,
00:08non, c'est le fait de ne jamais avoir fait de tort à quelqu'un.
00:12Moi j'essaie de rétablir la vérité dans ce qu'elle est le plus insupportable,
00:16mais en même temps le plus instructif.
00:31Ce qui m'a marqué dans cet attentat est très clair,
00:33c'est ce qui a marqué tous les Algériens,
00:35l'atrocité, l'absurdité, une guerre qui n'avait aucune raison d'être.
00:40Et d'autant plus qu'on est en terre musulmane et certains voulaient l'islamiser,
00:45c'est un peu, on est dans une sorte de projet ubuesque.
00:50Et c'est ce qui m'a marqué dans cet attentat,
00:52c'est ce qui a marqué tous les Algériens,
00:54l'atrocité, l'absurdité, une guerre qui n'avait aucune raison d'être.
00:58C'est un peu, on est dans une sorte de projet ubuesque.
01:00Et aussi épouvantable.
01:02Cet attentat m'a tellement choqué qu'il m'était impossible de renouer avec le sommeil.
01:07J'ai écrit. J'ai écrit pour continuer d'exister.
01:11Et c'est comme ça qu'au bout de 30 jours, en sortant de cette catalepsie,
01:16je me suis retrouvé avec un livre.
01:18Je crois que c'est ce jour-là, dans cet attentat, qu'est né Yassmin Ahadra.
01:23J'étais déjà engagé dans la guerre antiterroriste.
01:26J'étais le chef régional de la reconnaissance et à un certain moment,
01:29la hiérarchie militaire ne supportait plus de me voir dans la presse algérienne.
01:34C'était quelque chose qui était contraire à la réglementation.
01:39Et donc on m'a soumis à une censure.
01:43Et c'est ma femme qui m'a dit, qui m'a prêté ses prénoms.
01:48Je ne pouvais pas mettre mon nom, c'était la mort, direct.
01:51Donc elle m'a prêté ses prénoms.
01:53Ça n'a pas été réfléchi, c'était venu comme ça, spontanément.
01:56Mais à l'époque, je n'avais pas une projection séculaire.
02:03Je ne pensais pas sortir vivant de cette guerre.
02:05On s'y habitue et on s'attend à mourir du jour au lendemain.
02:08J'ai perdu beaucoup d'amis, beaucoup d'hommes, beaucoup d'êtres merveilleux.
02:13Et je me disais, pourquoi pas moi ?
02:15C'est ça qui m'a donné la force d'écrire Les Années du Seigneur et encore Les Loups.
02:21C'était pour moi, revivre ces scènes-là dans ma chair et dans mon esprit.
02:27Le seul de tous les oublis, c'est tout simplement un regard sur un choix.
02:32Un choix au sortir du jour colonial.
02:35On a fait un mauvais choix parce qu'on a été traumatisés.
02:39Parce qu'on n'a pas compris pour nous la nécessité de continuer de rêver et d'espérer et de réaliser nos projets.
02:46Et mon personnage Adam, c'est quelqu'un qui s'est éveillé brutalement à une réalité qui le dépassait de très loin.
03:02Moi, j'étais né pour écrire, je n'étais pas né pour être soldat.
03:05J'étais soldat à l'âge de 9 ans parce que mon père le voulait.
03:08Ma première nouvelle, je l'ai écrite à l'âge de 11 ans.
03:11Mon premier écrit de nouvelles publiables à l'âge de 17 ans.
03:14Et j'ai vécu dans une sorte de monde parallèle.
03:19D'un côté, j'étais le soldat, mais de l'autre côté, j'étais viscéralement l'écrivain.
03:24Et c'est l'écrivain qui l'a emporté, même quand j'étais soldat.
03:27Je n'avais pas le sentiment de transgresser, j'avais tout simplement le sentiment d'être soldat.
03:32Et c'est vrai que j'ai enfreint pas mal de règles, d'autant plus que j'ai écrit pendant 11 années dans la clandestinité.
03:38Mais dans ma tête, ce n'était pas de l'insubordination, c'était tout simplement le refus d'abandonner cette vocation qui était dans mes gènes.
03:47J'ai quitté l'armée algérienne après avoir terminé mon contrat.
03:52Je ne pouvais pas quitter avant parce qu'on était en guerre.
03:55Ça aurait été perçu comme une sorte de désastre.
03:58Je ne l'attends pas, ce n'était même pas programmé.
04:01Ma main est partie toute seule et j'ai commencé à écrire alors que je faisais mes adieux à mes éditeurs
04:07et à toutes les personnes qui m'ont accompagné pendant ces quelques années.
04:11Et c'était parti deux mois après que j'avais terminé le livre.
04:14Mais je ne m'attendais pas à ce qu'on m'envoie un livre.
04:17Je n'avais pas l'intention d'envoyer un livre.
04:19Je n'avais pas l'intention d'envoyer un livre.
04:21J'étais best-seller aux États-Unis, en Allemagne, en Italie.
04:26Dans tous les pays où j'allais, j'étais très bien accueilli, que ce soit en Australie ou en Asie.
04:31Ça me rassure et ça me permet de croire que je suis vraiment un citoyen du monde.
04:36Un écrivain n'appartient pas à son pays, n'appartient pas à sa rue, il n'appartient pas à sa famille.
04:42Il n'appartient pas à son pays, il n'appartient pas à sa famille.
04:46Il n'appartient pas à son pays, il n'appartient pas à sa rue, il n'appartient pas à sa famille.
04:51Il appartient au lecteur.
04:53Moi, j'écris en fonction de tout ce qui pourrait m'aider à comprendre les choses.
04:58J'ai écrit « L'attentat » pour comprendre le conflit palestinien.
05:02J'ai écrit « La dernière nuit de Rais » pour vivre un peu la fin de la guerre.
05:06J'ai écrit « Ce que le jour doit à la nuit » pour me restituer cette Algérie méconnue.
05:11Voilà, ce sont des voyages.
05:14Et mes lecteurs ont l'embarras du choix.
05:16Ils peuvent lire du roman policier, ils peuvent aller voyager, découvrir d'autres mentalités, d'autres cultures, d'autres combats, d'autres rêves.
05:22Et c'est ça la littérature pour moi.

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