Combien d'autres "Bétharram" en France ? "On va en débusquer d'autres", assure Arnaud Gallais, président de l'association Mouv'Enfants, qui lutte contre les violences faites aux mineurs.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 20 février 2025.
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00:007h, 10h, RTL Matin.
00:04Il est 8h17, l'interview d'Amandine Bégaud alors que le pays effaré semble découvrir chaque jour un peu plus l'ampleur du scandale Bétharame.
00:11Amandine, vous avez choisi de recevoir ce matin Arnaud Gallet, président d'une association qui lutte contre les violences faites aux enfants
00:17et ancien membre de la civise, la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.
00:22Bonjour et bienvenue à vous.
00:23Bonjour Arnaud Gallet.
00:25Bonjour.
00:26Et merci d'être en ligne avec nous ce matin. Vous avez lancé vendredi dernier une pétition pour réclamer la fermeture de Bétharame. Pourquoi ?
00:34Tout simplement parce qu'on se dit déjà un, par dignité au niveau des victimes, c'est-à-dire que d'où on peut avoir encore aujourd'hui un endroit en France
00:41où vous avez aujourd'hui 130 plaintes, donc 130 personnes qui ont osé déposer plainte.
00:47Finalement, combien n'ont pas osé ? Donc on se dit déjà pour elles, ça serait bien de fermer, ne serait-ce que par respect en fait pour ces personnes-là.
00:53Et puis au-delà de ça, ça veut dire que potentiellement on a encore des enfants qui sont en danger.
00:59Donc nous, ce qu'on demande, c'est l'application d'un principe de précaution.
01:01On ne va pas attendre une inspection qui aura lieu le 17 mars.
01:06En plus, on donne la date dans ce pays à des organisations comme ça.
01:09On leur dit, tenez, le 17 mars, on va investiguer.
01:12Mais c'est incroyable.
01:13Mais vous pensez qu'il peut encore peut-être se passer des choses dans cet établissement à Notre-Dame de Bétharame ?
01:20Attendez, je vais vous donner un seul exemple.
01:22Nous, on s'est déplacés là-bas, c'était mercredi dernier,
01:24tout simplement parce qu'il y a le père qui s'appelle Henri Lamas,
01:28qui est donc un prêtre pédocriminel, je le dis de manière très claire,
01:30parce qu'il a été condamné, non pas par la justice française,
01:33mais par le tribunal canonique comme prêtre pédocriminel.
01:36Et donc il y a notamment Jean-Marie Dalbos qui a été reconnu comme victime.
01:42Ce prêtre-là, vous savez où il habite ?
01:44Il habite juste en face d'un collège, d'accord ?
01:46Il a fait des victimes dans les dortoirs, etc.
01:49Il habite en face d'un collège, il ne devrait plus être à Bétharame.
01:52D'un collège où, pardon ?
01:53Du collège parent à Bétharame.
01:54Il habite, donc ce prêtre, c'est extrêmement grave ce que vous nous dites,
01:58ce prêtre qui a été reconnu pédophile par les institutions religieuses, c'est ça ?
02:03Mais bien sûr, tout à fait.
02:04Il a été condamné théoriquement, il ne doit même plus officier, etc.
02:07On sait qu'aujourd'hui, il fait la messe tous les jours sur Bétharame.
02:10Vous voyez ce que je veux dire ?
02:11C'est un établissement où règne l'impunité.
02:14Et des établissements comme ça en France, malheureusement,
02:16il y en a plus d'un, en fait, Bétharame, c'est le symptôme même.
02:19Mais moi, je peux vous dire qu'il y en a plusieurs.
02:20On peut parler du village d'Enfant de Riomont, etc.
02:23Il y a bien d'autres sur lesquels, nous, on se déplace.
02:25Ou dans ce pays, on se rend compte, voilà.
02:26Mais vous savez ce qui est important, peut-être ?
02:28Attendez, attendez, je vous arrête,
02:29parce que les gens qui nous écoutent doivent être assez stupéfaits.
02:31On est tous assez stupéfaits par cette affaire,
02:34avec des révélations et des témoignages qui apparaissent chaque jour, ou presque.
02:39Vous dites très clairement, il y a d'autres Bétharame en France.
02:43Bien sûr, il y a d'autres Bétharame. Je vais vous dire pourquoi.
02:46En fait, vous avez eu le rapport quand même Sauvé,
02:48le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'église, en 2022.
02:52Ce rapport Sauvé, qu'est-ce qu'il a dit ?
02:53Il a dit qu'il y avait eu, en France,
02:55330 000 victimes de pédocriminalité dans l'église,
02:58dont moi, parce que j'ai été victime entre l'âge de 8 ans et 11 ans, par un prêtre.
03:02Donc, en 70 ans, en France.
03:05Donc, ça fait 13 enfants par jour.
03:07Et qu'est-ce qu'il nous apprend ?
03:08Il nous dit que 23 % de ces crimes ont été perpétrés
03:12dans des établissements privés sous contrat.
03:14Théoriquement, si vous voulez, quand l'État, c'est ça,
03:17quand l'éducation nationale, c'est ça,
03:19qu'est-ce qu'on doit faire ?
03:20À mon sens, on doit faire une inspection généralisée de tous les établissements.
03:24Or, il ne s'est rien passé, Bétharame.
03:26Ça fait 30 ans qu'il n'y avait pas eu d'inspection, quand même.
03:28Il faut bien se rendre compte, quand même, de cette aberration même.
03:30C'est-à-dire que les établissements privés sous contrat sont sous contrat avec qui ?
03:34Avec le bon Dieu ou avec l'éducation nationale ?
03:36On donne deux tiers, quand même, qui proviennent des impôts, en fait, d'argent public.
03:41Et donc, derrière, on ne contrôle pas.
03:43Mais c'est un scandale sans nom.
03:44Et on se dit, effectivement, qu'il y a des enfants en danger.
03:46Et on ne peut pas dire qu'on ne savait pas.
03:47Ce n'est pas vrai.
03:48L'enseignement catholique prend la parole ce matin.
03:51Toute la société, dit-il, doit protéger les enfants.
03:54Ce n'est pas seulement le rôle de l'école catholique.
03:57Qu'est-ce que vous lui répondez, Arnaud Gallet, ce matin ?
03:59Oui, je réponds à l'enseignement catholique à juste titre.
04:03Ils ont entièrement raison.
04:04Après, je réponds surtout à l'enseignement catholique,
04:05mais moi, surtout à l'éducation nationale,
04:07que ce qui m'inquiète dans les propos de Philippe Delorme,
04:09secrétaire général de l'enseignement catholique,
04:10où j'ai bien vu, effectivement, ce qu'il avait dit ce matin,
04:12c'est qu'il nous apprend deux choses.
04:13Un, il nous dit lui-même, en tant qu'enseignement catholique,
04:15il y a peut-être d'autres bêtes à râme.
04:17Donc, vous voyez ce que je veux dire.
04:18Il faut quand même un peu avoir peur quand on a ces gens
04:20qui sont un peu aux manettes, avec des rôles clés.
04:22Deux, il nous dit un truc très important.
04:24Il nous dit, vous comprenez, chez nous, il n'y a pas de hiérarchie.
04:26C'est ça, le problème de l'Église, en fait.
04:28C'est-à-dire que lui n'a aucune légitimité
04:30par rapport à n'importe quel établissement.
04:32Donc, ce qui est un scandale, sans non.
04:34Et puis, vous avez une autre personne qu'il ne faut pas évacuer,
04:36qu'on voit beaucoup sur les plateaux.
04:37Vous avez une personne qui s'appelle Véronique Magron.
04:39Véronique Magron, c'est la présidente de la Corée,
04:41donc des religieuses et religieux de France,
04:45donc des congrégations, etc.
04:47Qu'est-ce qu'elle nous dit, Véronique Magron ?
04:49Elle nous dit, ah oui, les victimes, c'est terrible, c'est dur.
04:52Mais Véronique Magron, en fait, elle est aux responsabilités.
04:54C'est-à-dire que théoriquement, elle devrait nous dire,
04:56il y a une obligation de résultat, on va changer les choses.
04:58Mais nous disent tout sauf ça, en réalité.
05:00Très concrètement, Arnaud Gallet, qu'est-ce que vous demandez aujourd'hui ?
05:02Une inspection générale dans tous les établissements scolaires catholiques
05:06ou tous les établissements tout court ?
05:08Tous les établissements, si vous voulez.
05:10C'est-à-dire que nous, ce qu'on demande, bien entendu,
05:12c'est qu'il y ait une obligation de résultat en matière de protection de l'enfance.
05:14Tout lieu qui accueille les enfants, en fait,
05:16devra avoir une obligation de résultat,
05:19tout simplement parce qu'on sait qu'il peut y avoir des violences.
05:23Donc, qu'est-ce que l'établissement met en place, etc. ?
05:25Comment est-ce qu'il vérifie, par exemple, les casiers ?
05:27Est-ce qu'il forme les professionnels, etc. ?
05:29En France, on ne fait rien, en fait.
05:31On est sur le visage de l'enfant, on a l'impression que tout va bien, toujours.
05:33Et on découvre à chaque fois, on ne comprend pas.
05:35Un enfant est victime, toutes les trois minutes, je le rappelle,
05:37d'inceste, de viol ou d'agression sexuelle en France.
05:40Un, toutes les trois minutes.
05:42Ça veut dire que depuis qu'on se parle, Arnaud Gallet,
05:44il y en a eu au moins deux.
05:46Ces chiffres qui sont glaçants, on les connaît.
05:49Il y a eu une campagne, d'ailleurs, du gouvernement l'an dernier.
05:52Malgré tout, on a l'impression que ça n'avance pas.
05:55On voit ce scandale Betaram.
05:57On voit ce que vous nous dites, vous,
05:59qui, sincèrement, est terrifiant,
06:01et je dis ça en tant que journaliste, mais en tant que maman aussi,
06:04parce qu'on se pose vraiment la question,
06:07pourquoi est-ce qu'on n'y arrive pas ?
06:08C'est un manque de volonté ?
06:11Oui, alors, il y a une question de volonté,
06:13et puis après, il y a une dimension culturelle.
06:14Je vais vous parler de la campagne du gouvernement.
06:16Cette campagne, elle n'était pas forcément bien faite.
06:18Cette campagne, on voyait une petite fille,
06:20on imaginait qu'il y avait son bourreau qui rentrait,
06:22et la campagne disait
06:24« Aidez-nous, la petite fille, à sortir du silence. »
06:26Ben non, en fait, je vous explique.
06:28À La Civise, on a recueilli 33 000 témoignages
06:30en l'espace de deux ans, d'accord ?
06:32Ces 33 000 témoignages,
06:33seuls 8 % d'entre eux ont dit
06:35avoir bénéficié d'un soutien social positif.
06:37C'est-à-dire qu'on a dit à un enfant,
06:38« Tenez-vous bien, je te crois, je te protège. »
06:41Dans 92 % des cas, on a dit à vos enfants
06:43« Je te crois, je ne te protège pas »,
06:45voire « T'es un menteur, t'es une menteuse. »
06:46Ça veut dire quoi ?
06:47Ça veut dire que les enfants parlent,
06:49que nous ne sommes pas capables de les protéger.
06:50C'est ça que ça signifie.
06:51Donc arrêtons un peu le truc en se disant
06:52« On est tous responsables. »
06:54Ben oui, et puis même au-delà de ça,
06:56c'est-à-dire que si les enfants parlent,
06:57c'est-à-dire qu'il n'y a pas de secret,
06:58c'est-à-dire qu'à un moment donné,
06:59on est tous responsables,
07:00ça, devant la loi, théoriquement, c'est sûr.
07:02Et puis au-delà de ça, on voit bien
07:03que le problème, ce n'est pas en fait
07:04la libération de la parole,
07:05c'est la libération de la protection des enfants.
07:07C'est-à-dire qu'il faut qu'on arrête un peu
07:08de nous vendre à chaque fois du truc,
07:10en disant en plus qu'on fait reposer
07:11sur les enfants une responsabilité
07:13qui est insupportable.
07:14C'est à nous de les protéger.
07:15Les enfants sont des êtres vulnérables,
07:17sérieux, etc.
07:18À nous de les protéger.
07:19Il n'y a pas à tergiverser.
07:22La ministre de la Santé et des Familles,
07:23Catherine Vautrin, a annoncé hier
07:24que le haut commissaire à l'enfance
07:27qui avait été promis par Emmanuel Macron
07:28au mois de janvier,
07:29serait nommé dans les prochaines semaines.
07:31Arnaud Gallet, sincèrement, ça peut,
07:33ça va changer quelque chose, d'après vous ?
07:36Écoutez, on va dire que c'est mieux que rien.
07:38Après, nous, ce qu'on aurait préféré,
07:39c'est un ministère.
07:40Vous voyez ce que je veux dire ?
07:41C'est-à-dire qu'on pleure depuis le début
07:44des quinquennats Macron
07:45pour avoir un ministère.
07:46On a peiné à avoir un secrétaire d'État
07:48grâce notamment à des personnes
07:49comme Liès-Lufoque, etc.,
07:51qu'on poussait parce que pour les enfants placés,
07:53il n'y avait quand même absolument rien, etc.
07:55Et bien sûr, c'est mieux que rien.
07:57Mais pour nous, en fait, la question, c'est quoi ?
07:59C'est, une fois de plus, une personne,
08:01donc un haut commissaire,
08:02qui ne siégera pas au Conseil des ministres,
08:04etc.
08:05Et donc, dont, finalement,
08:06l'impact sera limité.
08:07Et avec quels moyens ?
08:08Bon, on a quelques doutes par rapport à ça
08:11et on voit bien qu'il tarde quand même énormément
08:13à se mettre en place,
08:14ce haut commissariat à l'enfance.
08:15On se demande réellement ce qu'il y a dedans.
08:16Et j'attire juste votre attention, vous voyez,
08:18pour rappeler les chiffres.
08:19Moi, j'ai regardé, effectivement,
08:20le communiqué de presse
08:21par rapport au haut commissariat à l'enfance.
08:23J'attire votre attention sur le fait
08:25que les organismes qui ont été ciblés
08:27comme prioritaires, en fait,
08:29dans le travail avec ce haut commissariat à l'enfance
08:31ne figurent même pas la commission indépendante
08:34sur l'inceste
08:35et les violences sexuelles faites aux enfants,
08:37créée de toute pièce par Emmanuel Macron lui-même
08:39en 2021, à laquelle j'ai participé,
08:41à laquelle j'ai démissionné, d'ailleurs, par la suite.
08:43Vous voyez ce que je veux dire ?
08:44Donc, on a tout faux ?
08:45Ça dit, quelque part,
08:47qu'on ne peut pas avancer sur le sujet, point barre.
08:49C'est de manière très claire.
08:50C'est, je veux dire, c'est éloquent.
08:53Il n'y a pas besoin de faire plus.
08:54Je pense qu'il y a suffisamment de gens
08:55qui travaillent dans les ministères et autres
08:57pour que quand on nous pond quelque chose comme ça,
08:59on se dise, tiens, finalement, c'est voulu.
09:01Merci beaucoup, Arnaud Gallet,
09:03d'avoir pris la parole ce matin sur Ertel.
09:05Président de l'association Mouve Enfant,
09:07qui lutte contre les violences faites aux mineurs.
09:10Et je le rappelle, cette pétition que vous avez mise en ligne
09:12pour exiger, pour demander la fermeture de l'école.