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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11L'enlèvement du petit Éric Peugeot il y a 15 ans eut évidemment un retentissement énorme dans le monde entier
00:18puisque le nom des Peugeots est connu dans les deux hémisphères du cercle polaire à l'équateur.
00:23Et nous avons souvent des lettres qui nous demandent la vérité sur l'affaire Peugeot.
00:30C'est pour ces gens-là que Jacques-Antoine a décidé de vous présenter aujourd'hui ce dossier extraordinaire,
00:35d'une vérité qui va bien les surprendre.
00:39Le 12 avril 1960, vers 16h30, monsieur Jean-Pierre Peugeot, 64 ans,
01:05qui a laissé la direction de l'entreprise à son fils Roland, arrive au Golfe de Saint-Cloud dans une 403 noire
01:11qui s'arrête à l'ombre des peupliers.
01:14Le temps est beau, les arbres commencent à se couvrir de petites feuilles
01:19et comme chaque mardi, monsieur Jean-Pierre Peugeot et sa femme viennent jouer au golf.
01:25Ils amènent avec eux Jean-Philippe et Éric, leur petit-fils sur qui veille depuis 6 ans la même nurse.
01:33Tandis que le grand-père et la grand-mère Peugeot s'éloignent sur une pelouse du golf,
01:37les deux petits garçons vont à quelques mètres de là retrouver d'autres enfants du même âge
01:42pour batifoler dans un terrain de jeu où l'inévitable toboggan surplombe l'inévitable tas de sable.
01:49La nurse s'installe dans la voiture, un livre sur les genoux, avec le chauffeur.
01:56Éric et Philippe sont des enfants éveillés et suffisamment sages
02:01pour qu'on les laisse jouer sans exercer sur eux une surveillance de tous les instants.
02:06Combien de temps la nurse et le chauffeur restent-ils dans la voiture ?
02:11Un peu plus d'une heure peut-être.
02:13Lorsqu'une enfant qui vient de courir jusqu'à la voiture appelle
02:16« Madame ! Madame ! »
02:18La nurse ne la voit même pas car l'enfant ne dépasse pas la portière
02:21mais elle entend cette phrase terrible « Madame ! Madame ! »
02:25Un monsieur a pris Éric.
02:27D'un bond, la nurse est hors de la voiture et le cœur battant, les jambes tremblantes,
02:31elle se précipite vers le terrain de jeu cherchant à découvrir la petite silhouette d'Éric
02:35aux cheveux blonds et aux blousons verts.
02:38Elle ne le voit pas.
02:39Il n'est pas non plus sous les peupliers, sur les cours de tennis.
02:43Alors, alors elle va dans tous les sens affoler à plan « Éric ! Éric ! »
02:48De son côté, le chauffeur s'est précipité derrière elle en entendant ses appels.
02:52Il a l'idée d'aller jeter un coup d'œil sur la propriété voisine
02:55qui n'est séparée du terrain de jeu que par un grillage et une haie
02:58dans laquelle il aperçoit une brèche.
03:00Mais il s'arrête en haut.
03:02En effet, sur le tas de sable du terrain de jeu, presque au pied du toboggan,
03:08une enveloppe est posée.
03:11Le chauffeur s'approche, se baisse,
03:14la ramasse et lit taper à la machine avec des caractères en majuscules rouges
03:19« Monsieur Roland Peugeot, exceptionnellement urgent ».
03:24Le chauffeur se précipite dans les bâtiments du club.
03:27Entendant la voix de la nurse qui appelle toujours « Éric ! Éric ! »,
03:31il a compris.
03:32Il appelle au téléphone Roland Peugeot qui se trouve à son bureau rue de Berry.
03:36Roland Peugeot ne comprend pas tout de suite.
03:38Il faut dire qu'il y a quinze ans, les kidnappings étaient en France excessivement rares.
03:42Ce n'est qu'en entendant plusieurs fois répéter les mots « Éric ! »,
03:45on ne le trouve pas, une lettre !
03:47Qu'il s'affole à son tour.
03:49« Ouvrez-la immédiatement ! »
03:51Le chauffeur ouvre la lettre.
03:53« Lisez ! Mais lisez donc ! »
03:55Et voici ce que le chauffeur lit.
03:58« Cher Monsieur Peugeot,
04:00voilà ce qu'on pourra lire dans les journaux si jamais vous nous faites marron.
04:04Le jeune Peugeot, âgé de six ans, est mort,
04:07après avoir subi d'horribles tortures,
04:10parce que ses bons parents ont refusé d'allonger 50 millions,
04:13500 000 nouveaux francs,
04:15ou alors parce qu'ils ont été trop bavards avec la police.
04:19Je ne tiens pas à confier votre petit
04:22au bon soin de mon ami Dédé.
04:25Dédé est un type très bien, mais il est un peu dingue.
04:28Donc, si vous avez envie de revoir votre fils,
04:31conformez-vous exactement à nos ordres.
04:34Quand vous l'aurez récupéré,
04:36parlez-en à la police si vous le désirez,
04:39mais pas avant.
04:42Procurez-vous ces 50 millions en coupure de 10 000
04:45et de 5 000 exclusivement.
04:48Que tous ces billets aient déjà servi.
04:51Nous n'acceptons pas de billets neufs.
04:54Si vous tentez de noter les numéros ou de marquer les billets,
04:57vous perdrez votre fils.
04:59En effet, ce dernier ne vous sera restitué
05:02qu'après échange de cet argent.
05:05Cette opération sera faite par nous très rapidement.
05:08Nous vous donnons 48 heures pour vous procurer cette somme.
05:11Placez cet argent dans une serviette
05:14que vous fermerez à clé.
05:17Conservez la clé sur vous et attendez de nouvelles instructions.
05:20Nous téléphonons à votre domicile dans 48 heures
05:23et n'oubliez pas que la vie de votre enfant
05:26ne dépend que de votre comportement.
05:29Soyez raisonnable, M. Peugeot.
05:32Nous le sommes pour la caution.
05:35Nos instructions à la lettre.
05:40Au bout du fil, la voix de Roland Peugeot,
05:43méconnaissable, dit « J'arrive ».
05:46En effet, quelques minutes après, Roland Peugeot et sa femme
05:49retrouvent Jean-Pierre Peugeot, le grand-père, qui s'évanouit,
05:52paraît-il. Les policiers les ont rejoints.
05:55Qu'on soit riche ou qu'on soit pauvre,
05:58les questions qu'on se pose dans un cas semblable sont les mêmes.
06:01Où est Éric ? Que devient-il ?
06:04Comment s'occupe de lui ? Et surtout, cette effroyable pensée,
06:07est-il encore vivant ?
06:10La nuit va être dramatique, mais doublement dramatique.
06:13D'abord parce que la famille Peugeot, réunie devant le téléphone
06:16à l'appartement de Roland Peugeot, avenue Victor Hugo,
06:19n'a qu'une idée en tête, retrouver Éric vivant.
06:22Et pour cela, Roland Peugeot est décidé à respecter les conditions
06:25que pose le ravisseur, point par point.
06:28Ensuite, parce que le point de vue de la police
06:31est évidemment totalement différent.
06:34Comme je vous le disais, à cette époque en France,
06:37les kidnappings sont rares, et la police est très inquiète.
06:40Si ce kidnapping réussit avec l'énorme publicité qu'elle peut prévoir,
06:43étant donnée la célébrité des victimes,
06:46il va selon toute probabilité déclencher une véritable épidémie.
06:49Bien sûr, il est le cas du petit Éric et de ses malheureux parents,
06:52mais au-delà, il y a la valeur de l'exemple.
06:55Les enquêtes sur les kidnappings nécessitent pour réussir
06:58une promptitude, un esprit de décision
07:01qui suppose la collaboration complète des parents.
07:04Sans cette collaboration, l'enquête est impossible.
07:07Mais cette collaboration, évidemment, suppose un risque grave pour l'enfant.
07:10Déjà, la police a diffusé sur l'ensemble du territoire
07:13et par-delà les frontières un avis de recherche
07:16avec le signalement du petit Éric.
07:19Déjà, la presse, la radio, la télévision y font un large et puissant écho.
07:22Mais c'est tout ce que la police peut faire,
07:25car malgré ces exhortations,
07:28Roland Peugeot refuse de porter plainte.
07:31Finalement, le ministre de l'Intérieur délègue
07:34le directeur des services de la police judiciaire auprès du père
07:37pour lui faire savoir que partageant son souci de sauvegarder l'enfant,
07:40il lui laisse toute latitude pour traiter avec les ravisseurs
07:43dans les conditions qu'il jugera les plus opportunes.
07:46De son côté, Roland Peugeot accepte la présence constante
07:49dans son appartement d'un observateur de la première brigade
07:52et l'informe sans réticence et sans délai
07:55de tous les appels téléphoniques et de celui-ci notamment.
07:58Allô ? Monsieur Peugeot ?
08:01Avez-vous reçu notre lettre ?
08:04Nous tiendrons parole.
08:07Tiendrez-vous la vôtre ?
08:10Oui. Bien.
08:13Vous allez recevoir une lettre.
08:16Seule une lettre écrite sur ce papier avec les mêmes caractères
08:19sera valable.
08:22Dans l'insomnie et l'angoisse, une lueur d'espoir.
08:25L'aube arrive
08:28et avec elle, en effet, une lettre.
08:31En voici les termes.
08:34Monsieur Peugeot, rendez-vous à 16h très précise
08:37aujourd'hui jeudi devant le numéro 57
08:40de l'avenue des Ternes avec l'argent.
08:43Tenez votre serviette devant vous des deux mains
08:46afin que le commissionnaire vous reconnaisse.
08:49Il vous dira garder la clé.
08:52Alors seulement vous lui remettrez la serviette mais conservez vraiment la clé.
08:55Surtout, ne la lui remettez pas
08:58car cette personne ne sait pas de quoi il s'agit.
09:01C'est-à-dire que si la police l'arrête, vous ne serez pas plus avancé.
09:04Je souhaite pour vous qu'il ne lui arrive rien.
09:07Et si la police vous surveille, il n'est pas encore trop tard.
09:10Si vous pensez vraiment être suivi, ne venez pas à ce rendez-vous.
09:13Pensez avant tout à Eric.
09:16Ne faites aucune erreur pouvant se retourner contre lui.
09:19Au contraire, si tout se passe bien,
09:22vous n'entendrez plus jamais parler de nous.
09:25C'est fini.
09:28Eric est beau, intelligent, très sympathique
09:31mais il commence à s'ennuyer et nous aussi.
09:34Alors suivez nos instructions et vous recevrez un coup de fil cette mi-même
09:37en indiquant où vous pourrez le retrouver.
09:41Nous tiendrons les nôtres, etc.
09:44Inutile de lire toute la lettre.
09:47Il y a un poscriptum cependant.
09:50Pour venir au rendez-vous, prenez un chapeau
09:53et mettez des lunettes solaires.
09:56Ceci est très important.
09:59Ainsi, tout le détail de la remise de la rançon
10:02est expliqué dans la lettre qu'adressait à Roland Peugeot
10:05les ravisseurs de son fils Eric au lendemain du rapte.
10:10Roland Peugeot, se conformant scrupuleusement au terme de la lettre,
10:13se rend, à l'heure dite, au lieu du rendez-vous
10:16avec le chapeau noir et les lunettes, les 50 millions dans sa serviette,
10:19la clé dans sa poche.
10:22Il n'attend pas longtemps. Comme prévu, un homme l'aborde par derrière,
10:25lui donne le mot de passe, garder la clé, prend la serviette et s'en va.
10:28C'est tout juste si Roland Peugeot a entrevu le commissionnaire
10:31car la scène n'a duré que quelques secondes
10:34et celui-ci a disparu dans un passage, le passage d'Oisy
10:37à quelques mètres.
10:40Ayant respecté le désir express de Roland Peugeot,
10:43la police est restée totalement à l'écart.
10:46Alors Roland Peugeot, volant de sa 403,
10:49regagne son appartement de l'avenue Victor Hugo
10:52et l'attente devant le téléphone va continuer.
10:55Or, il est bien connu qu'aux Etats-Unis,
10:58les kidnappeurs tuent l'enfant
11:01sitôt après l'avoir enlevé.
11:04Les premières lettres sont directement inspirées d'un roman
11:07publié dans la série noire en 1955.
11:10On peut donc imaginer facilement l'angoisse des parents
11:13dans cette situation aussi absurde que dramatique.
11:16Là, chers amis, pour répondre à ceux qui nous demandent
11:19la vérité sur l'affaire Peugeot,
11:22nous devons d'ouvrir une parenthèse.
11:25Cette parenthèse sera diversement appréciée,
11:28mais ne pas l'ouvrir, ce serait vider ce dossier extraordinaire
11:31de sa véritable substance.
11:34Que se passe-t-il lorsqu'une affaire éclate brusquement
11:37comme l'affaire Éric Peugeot ?
11:40Des dizaines de millions de regards se tournent brusquement vers une famille.
11:43Des dizaines de millions de personnes qui vont brusquement
11:46essayer d'imaginer ce qu'est cette famille
11:49et ce qu'est les pros.
11:52Or, ce jour-là, dans ces millions et ces millions de regards,
11:55il y a aussi le regard des imbéciles qui,
11:58incapable de comprendre les sentiments les plus simplement humains,
12:01ne voient qu'une chose.
12:04Les Peugeots sont riches, donc ce sont des salauds.
12:07Et les salauds, on ne les fait jamais assez souffrir.
12:10C'est ainsi que pendant des heures et des heures,
12:13des centaines de coups de téléphone vont harceler Roland Peugeot.
12:16On est toujours mal à l'aise lorsqu'on semble défendre
12:19quelqu'un qui n'a pas besoin d'être défendu
12:22et les moyens ne manquent pas à cette famille pour se faire respecter.
12:25Mais on ne peut pas ouvrir ce dossier sans mentionner
12:28ces demandes de rançon bidons, ces appels de soi-disant témoins
12:31qui ont vu le cadavre du petit Eric, des menaces inimaginables.
12:34J'espère que vous ne le retrouverez pas vivant.
12:37C'est bien fait pour vous, à votre tour de connaître le malheur.
12:40Espérons qu'on le fera souffrir, votre gamin, etc.
12:43Et au milieu de tout ça, des témoignages faux,
12:46mais tellement précis que la police sera obligée
12:49d'en tenir compte et perdra des semaines et des semaines
12:52en enquête inutile. Dans ces conditions,
12:55le coup de téléphone du véritable ravisseur
12:58est peut-être passé inaperçu. Aussi,
13:01Roland Peugeot décide-t-il de lancer le soir même
13:04un appel aux kidnappeurs par la radio et la télévision.
13:07C'est un père
13:10à qui l'on vient de prendre son enfant
13:13qui s'adresse à vous, dit-il.
13:16Tous ceux qui ont des enfants et qui les aiment me comprendront.
13:19Mon seul souci est de le retrouver sain et sauf
13:22le plus tôt possible. Je n'ai pas déposé
13:25de plainte. Je prends l'engagement formel
13:28de demander que le ravisseur ne soit pas poursuivi.
13:31Puis Roland Peugeot, au volant de sa 403,
13:34regagne son appartement de l'avenue Victor Hugo.
13:37La tante, devant le téléphone, reprend.
13:40Alors les coups de fil déments continuent d'arriver. Par exemple,
13:43« Allô, monsieur Peugeot ? Oui. Votre fille,
13:46je l'avais. Vous ne vous êtes pas conformé à mes instructions.
13:49Vous ne le reverrez plus. Je viens de le tuer. »
13:52Mais il y a le dernier coup de téléphone.
13:55« Allô, monsieur Peugeot ?
13:58Vous avez tenu parole.
14:01Dans quelques minutes, vous reverrez votre enfant. »
14:04Il est minuit.
14:07Vers une heure du matin, monsieur Lucien Bonnet
14:10rentre de son travail. Sur le trottoir
14:13de la rue Lauriston, face au Brazza,
14:16il voit une ombre qui marche à petits pas et il entend des pleurs.
14:19Il s'approche. C'est un enfant.
14:22« Qu'est-ce que tu fais là ? Comment t'appelles-tu ?
14:25Éric Peugeot. »
14:28Monsieur Bonnet ne réalise pas tout de suite. Il s'imagine que le petit bonhomme
14:31lui fait une grosse farce. Il le redemande. « Comment tu t'appelles ?
14:34Éric Peugeot. Mais où habites-tu ? Je ne sais pas. »
14:37Il le prend par la main, l'emmène au Brazza
14:40où il demande un journal pour comparer l'enfant et sa photo.
14:43Au Brazza, la gérante, Mme Tiroi, l'a tout de suite reconnue l'enfant.
14:46Elle le prend dans ses bras, l'a scié sur le comptoir.
14:49Elle s'imagine que monsieur Bonnet est un des ravisseurs.
14:52Elle fait à l'enfant un rempart de son corps. Éric semble
14:55avoir froid. Elle le recouvre de son manteau. Elle lui offre du lait,
14:58un gâteau, du chocolat. Éric refuse. Mais il ne pleure plus.
15:02Il est très propre, fraîchement débarbouillé,
15:05même bien coiffé. L'enfant ne semble pas avoir peur.
15:08Pendant ce temps, un client téléphone à la police
15:11qui prévient M. Peugeot. C'est la fin, heureuse,
15:14de la première partie de l'affaire Éric Peugeot.
15:17Mais comme vous allez le voir, ce n'est pas la dernière partie.
15:31Inutile de vous dire, chers amis, que la Sûreté nationale française
15:34considère ce rapt réussi avec une telle facilité
15:37comme un défi, bien sûr, mais surtout comme une menace
15:40terrible pour l'avenir. Et les policiers se font le serment
15:43de mener l'enquête malgré tout, sans arrêt,
15:46et aussi longtemps qu'il le faudra, jusqu'à l'arrestation des malfaiteurs.
15:49Le commissaire principal, Guy Denis, chargé de l'affaire,
15:52à qui nous devons certains détails de ce dossier,
15:55ne dispose d'aucun indice important, sinon que le ravisseur
15:58avait un pullover vert. On s'apercevra un an plus tard
16:01qu'en réalité, il avait un pullover gris.
16:04Les rares témoignages dignes de foi s'avèreront d'ailleurs
16:07tout aussi faux, une fois de plus.
16:10Jean-Bien Peugeot, le grand-père d'Éric, père de Roland,
16:13qui ne s'estime pas lié par le serment de son fils, porte plainte
16:16et donne à la police les numéros des billets de la rançon
16:19qu'il avait secrètement relevés. Ça ne sert à rien,
16:22les billets, on le saura plus tard, sont changés en Suède, en Allemagne,
16:25en Hollande, en Suisse, en Espagne, etc.
16:28Le papier des deux lettres est un papier vendu dans les monoprix,
16:31etc. En partant des caractères de la machine à écrire,
16:34on remue ciel et terre pour tenter de retrouver celle-ci.
16:37On finit par retrouver la voiture qui aurait servi
16:40à l'enlèvement. On la retrouve dans Lyon, où elle a été
16:43incendiée. Au moment que les semaines et les mois
16:46passent et que l'enquête se poursuit, évidemment un flot
16:49de calomnie commence à ruisseler, se gonfle,
16:52roule et bientôt déferle. « Allons donc », disent les gens.
16:55Si la police ne retrouve pas les ravisseurs,
16:58c'est qu'elle ne veut pas les retrouver.
17:01Et si elle ne veut pas les retrouver, c'est parce qu'on lui a défendu.
17:04Et pourquoi lui aurait-on défendu ?
17:07Parce que la famille ne le veut pas.
17:10Et pourquoi la famille Peugeot ne veut pas ?
17:13« Mais voyons, ça tombe sous le sens.
17:16Il faut vraiment être un pauvre idiot pour ne pas le comprendre. »
17:19Pour couvrir la mère, bien sûr, qui a dû connaître
17:22le ravisseur. Alors il faut à tout prix étouffer le scandale.
17:26« Savez-vous que le fisc a autorisé Roland Peugeot
17:29à déduire 50 millions de sa déclaration d'impôt ?
17:32Comme ça, il descend d'une tranche. C'est une bonne opération, n'est-ce pas ?
17:35C'est ça, l'affaire Éric Peugeot. »
17:38Évidemment, il y a bien d'autres versions
17:41que certains journaux n'hésitent pas à refléter, quitte à être attaqués
17:44en diffamation par la famille Peugeot, qui chaque fois gagne son procès
17:47avec le franc symbolique de dommage et intérêt. Mais
17:50nous ne sommes pas au bout de nos peines.
17:53Au mois de mars 1961, donc un peu moins d'un an
17:56après le rapt, les policiers investissent le chalet
17:59des six enfants à Meuget. En effet,
18:02l'énorme et patient travail accompli par la police a conduit
18:05le commissaire Denis, d'élimination en élimination,
18:08de soupçon en certitude, à penser que les auteurs du rapt
18:11sont un certain Raymond Roland et un certain Larcher.
18:14Ceux-ci, qui depuis le versement de la rançon dépensent
18:17un argent fou, sont actuellement en vacances dans ce chalet.
18:20Raymond Roland est arrêté avec sa maîtresse, une reine
18:23de beauté danoise. Larcher est parti avec sa maîtresse
18:26Rolande Nimesic, un complice Rotman
18:29et une amie de rencontre, la stripteaseuse japonaise
18:32Mitsuko. Ils sont arrêtés quelques heures plus tard.
18:35Les trois hommes avouent le kidnapping en affirmant
18:38bien entendu qu'ils n'ont jamais eu l'intention de tuer l'enfant
18:41et qu'ils ne l'auraient pas fait pour tout l'or du monde.
18:44Comme vous allez le voir, la vérité est toute bête et toute simple.
18:47Mais trop bête et trop simple pour que
18:50les gens mal intentionnés s'en contentent.
18:53Lorsqu'il était gosse, Larcher a entendu parler de l'affaire Lindbergh
18:56et depuis, l'idée ne l'avait
18:59jamais abandonnée. Mais c'est la lecture
19:02d'un roman de la série noire qui l'a
19:05décidé. Ils ont choisi leur victime
19:08tout simplement dans le bottin mondain qui donne
19:11des renseignements sur le domicile, les fonctions des personnalités, leurs
19:14enfants, leurs habitudes, etc.
19:17Quoi ? Comment ? Dans le bottin mondain ?
19:20On ne va pas nous faire croire tout de même une chose pareille.
19:23On nous prend pour des imbéciles. Ils ont certainement eu des renseignements
19:26par des proches de la famille Peugeot, peut-être même par des membres de la famille
19:29elle-même. Voilà ce que pensent bien des gens.
19:32Et puis il y a autre chose. Vous savez où sont les Peugeot au moment
19:35de l'arrestation de Roland et Larcher ? A Meugère.
19:38Vous voyez bien qu'on nous a raconté des histoires et que tout ça
19:41s'est combiné et compagnie. L'opinion publique
19:44est telle et les commentaires d'une partie de la presse sont telles
19:47que Roland et Larcher eux-mêmes
19:50pour essayer de minimiser leurs forfaits essaient d'y mêler
19:53en effet la famille en la personne de l'ex-femme
19:56d'un cousin Peugeot vivant à Bordeaux et dont ils ont
19:59entendu parler dans les journaux. Car la police
20:02a bien entendu enquêter auprès d'eux comme elle a enquêté auprès des milliers
20:05de personnes touchant de près ou de loin l'affaire. Seulement cette
20:08femme, ils ne l'ont jamais vue, elles non plus,
20:11et leur échafaudage va s'effondrer comme un château de cartes.
20:14Finalement, il ne reste de cette affaire
20:17que deux petits gangsters à la mie de pain
20:20dont le kidnapping a réussi plus par chance
20:23que grâce à leur intelligence et qui ne méritaient pas
20:26la publicité qui leur sera faite. Ils reçurent
20:29le maximum de la peine possible à l'époque, 20 ans
20:32de prison. Seule cette conclusion mérite
20:35la publicité afin de décourager les amateurs
20:38en leur montrant qu'une fois de plus, le kidnapping
20:41n'a pas payé.
21:00Vous venez d'écouter les récits
21:03extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast
21:06issu des archives d'Europe 1.
21:09Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
21:12Production, Estelle Laffont.
21:15Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova,
21:18Antoine Reclus. Remerciements
21:21à Roseline Bellemare. Les récits
21:24extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli
21:27Europe 1. Écoutez aussi le prochain épisode
21:30en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme
21:33d'écoute préférée.

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